République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 26 novembre 2020 à 17h
2e législature - 3e année - 7e session - 35e séance
PL 12821 et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Nous passons au bloc suivant, intitulé «Aide sociale (alimentation, logement)». Nous traitons ces cinq objets en catégorie II, nonante minutes. Le premier est le PL 12821 du Conseil d'Etat. Je donne la parole à M. le conseiller d'Etat Thierry Apothéloz, qui va nous le présenter.
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le Conseil d'Etat se préoccupe de la situation d'un certain nombre de personnes, 155 pour être précis. A défaut de pouvoir ouvrir la caserne des Vernets durant la période hivernale, il suggère à votre Conseil que nous puissions leur apporter une solution très concrète qui a un effet «Kiss Cool». Cela répondrait d'une part au besoin de ces personnes; d'autre part, l'argent que vous pourriez accorder en votant ce projet de loi permettrait aux hôteliers de notre canton de bénéficier d'une aide directe, puisqu'il permettrait d'héberger 155 personnes durant cinq mois dans les hôtels de la place.
L'autre point fort de notre projet de loi que nous vous proposons de soutenir est que l'ensemble du dispositif d'accompagnement est structurel et pris en charge par une fondation privée genevoise qui assume l'entier des frais connexes. Ainsi, le projet de loi prévoit seulement de verser une aide unique au collectif d'associations qui s'occupe de l'hébergement d'urgence durant l'hiver 2020 et jusqu'en avril 2021. L'aide est unique - octroyée uniquement en 2020, je tiens à le répéter. Nous avons aussi prévu une clause d'urgence sur cet objet pour nous permettre de le mettre en oeuvre de manière extrêmement rapide - inutile de vous rappeler les températures nocturnes de ces jours.
Je remercie d'ores et déjà votre parlement pour le bon accueil de ce texte, mais aussi la commission des finances qui a été saisie d'une demande de crédit supplémentaire nous permettant de verser cette subvention de manière rapide et efficace.
Je terminerai par là, Monsieur le président, vous aurez compris que ce projet de loi nous permet d'agir. Il y a en effet des discussions entre le canton et les communes s'agissant de l'hébergement d'urgence. Eh bien, nous devons passer outre, pour faire en sorte que nous puissions arriver à défendre ce projet de loi avec vous et qu'ensuite nous continuions les discussions avec les communes genevoises sur une répartition des charges et des compétences structurelles, mais nous n'avons pas de temps à perdre: un certain nombre de personnes dorment aujourd'hui dans la rue et attendent votre décision pour dormir au chaud, y compris des enfants et des familles. Je vous remercie de réserver un bon accueil à ce texte.
M. Didier Bonny (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le droit au logement - comme celui à l'alimentation dont nous parlerons tout à l'heure - est un droit fondamental. Le PL 12821 va dans le bon sens en proposant de loger 150 personnes actuellement sans abri dans des chambres d'hôtel durant cinq mois. Ce projet de loi permet de trouver une solution à la question du sans-abrisme pour l'hiver 2020-2021 dans un contexte économique très défavorable. Il constitue aussi un soutien à la Ville de Genève qui porte très largement sur ses épaules cette problématique depuis de nombreuses années. La Ville de Genève l'a même carrément portée à bout de bras quand la crise sanitaire a éclaté en 2020, en reprenant intégralement à son compte le pilotage du dispositif d'hébergement d'urgence des personnes sans abri.
Ce soutien du canton est donc très bienvenu en attendant une meilleure répartition du financement des structures d'hébergement - dans un futur proche, espérons-le ! A ce titre, le million de francs obtenu par la Ville de Genève fin octobre 2020 par l'intermédiaire du fonds intercommunal d'investissements est encourageant. La crise sanitaire que nous vivons depuis le printemps a notamment eu pour conséquence une augmentation sans précédent du nombre de personnes sans abri à Genève. Il est donc urgent d'agir maintenant, au moment où les grands froids nocturnes ont fait leur apparition, en votant ce crédit de 1,4 million de francs qui a aussi comme vertu de venir en aide à une partie du secteur hôtelier genevois, lequel est très durement touché par la crise. Il est aussi important d'accompagner ces personnes vulnérables et confrontées à une grande précarité. A ce titre, les Verts expriment leur satisfaction sur le fait que le projet prévoit un accompagnement socio-éducatif quotidien financé par une fondation privée pour assurer le suivi individuel indispensable et ainsi garantir que l'accueil hôtelier se passe au mieux.
En conclusion, les Verts soutiendront bien évidemment ce projet de loi issu d'un partenariat entre le canton de Genève, le collectif d'associations pour l'urgence sociale dont l'action est reconnue de longue date, une fondation privée et les hôteliers, dans l'intérêt des personnes sans abri.
M. Bertrand Buchs (PDC). Monsieur le président, notre groupe va voter ce projet de loi. Il est extrêmement satisfait par les propositions faites par le Conseil d'Etat. Le parti démocrate-chrétien avait demandé plusieurs fois en commission sociale qu'on vienne avec un projet pour régler ce problème durant cet hiver. C'est vrai qu'on voit de plus en plus de gens qui dorment dehors quand l'hiver approche; c'est une chose insupportable et qu'on ne doit pas permettre. Donc il est bien que le projet de loi arrive. C'est un texte simple; c'est un texte qui permet de soutenir l'économie; c'est un texte qui intègre les fondations privées qui sont là aussi pour aider l'Etat avec des fonds. C'est donc un très bon projet de loi et nous le soutiendrons !
M. Sylvain Thévoz (S). Monsieur le président, le parti socialiste soutiendra évidemment ce bon projet de loi du Conseil d'Etat; il votera aussi la clause d'urgence. C'est un projet intelligent: il implique les hôteliers - il va soutenir l'hôtellerie - et les associations actives dans le domaine social. Il est pensé de façon complémentaire à l'action de la Ville de Genève et il bénéficie d'un apport d'argent privé. C'est aussi un projet innovant qui montre que le domaine social est finalement créateur d'emplois: 11,5 postes à temps plein seront créés. Ce texte démontre que ce domaine est aussi un investissement et que la collectivité peut en retirer une richesse dans un moment de crise, quand il est nécessaire d'investir dans le social.
Evidemment, nous craignons que ce montant soit insuffisant et que nous nous retrouvions en janvier ou en février avec encore des personnes à la rue, car la crise va être très forte. C'est pourquoi le parti socialiste a déposé une proposition de motion qui sera renvoyée à la commission sociale: nous espérons qu'elle permettra d'auditionner les principaux acteurs du champ social afin de pouvoir continuer à faire remonter les préoccupations de ce milieu.
Ce projet de loi est excellent, n'ayons pas peur des mots ! Nous le soutiendrons et nous ne pouvons qu'inviter la grande majorité à le soutenir: personne à Genève ne doit dormir dans la rue actuellement ! (Applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, assurer un abri, un accompagnement socio-éducatif et la subsistance nécessaire aux personnes sans abri est indispensable. Il est toutefois navrant qu'il ait fallu une crise comme celle du covid-19 pour nous rappeler cette évidence. Nous l'avons dit à plusieurs reprises, la présence d'une pauvreté et d'une précarité croissantes dans notre canton n'est pas une primeur - de loin pas ! - et ce n'est pas faute de constants signaux d'alarme ! Non, ce qui a surpris, c'est l'ampleur du phénomène à partir du moment où de nombreux travailleurs ont perdu le filet fragile de protection qu'ils avaient pu se constituer. Là, la précarité dans laquelle vit une partie de la population et la pauvreté qui constitue son quotidien sont apparues dans leur aveuglante brutalité. Là, il n'a plus été possible de détourner les yeux ! Plus moyen de se perdre en arguties paralysantes sur qui payait et sur la répartition des tâches entre communes et canton qui prend des allures d'Arlésienne. Dans ce contexte, le PL 12821 apparaît comme un petit pas pour la répartition communes-canton, mais un grand pas pour l'humanité et un grand pas pour les personnes sans abri qui pourront bénéficier de cette loi.
Est-ce à dire que le problème est réglé ? Certainement pas puisqu'il s'agit d'une mesure temporaire couvrant la période de l'hiver 2020-2021, mais c'est déjà un répit que nous ne saurions bouder. Cela étant, il faut encore relever une caractéristique majeure prévue par ce projet de loi. Il ne se contente pas de prévoir un toit pour l'hiver, il inscrit cette prestation fondamentale dans un dispositif qui en comprend deux autres qui sont tout aussi essentielles, à savoir la couverture des besoins alimentaires et la mise à disposition d'un accompagnement socio-éducatif, ce dernier élément offrant l'opportunité à ses futurs bénéficiaires de peut-être tenter de se construire un autre avenir.
Parce que le PL 12821 est porteur de sens, parce qu'il ouvre des portes qu'il faudra éviter de refermer au printemps prochain et parce que l'après-covid-19 ne devra pas reproduire les erreurs passées, le groupe Ensemble à Gauche vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter ce projet de loi et sa clause d'urgence.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG votera aussi ce projet de loi qui est plein de bon sens. J'allais dire qu'enfin l'Etat s'implique pour les sans-abri ! Parce que les communes, particulièrement la Ville de Genève, n'en peuvent plus ! La Ville de Genève a mis pratiquement 20 millions de francs pour l'aide aux sans-abri. Par conséquent, ce texte est bienvenu. Il produit un triple effet, dirais-je, puisqu'il implique en plus une fondation privée qui va assurer l'accompagnement par le biais du collectif d'associations pour l'urgence sociale. Enfin, ce texte apporte un soutien fort aux hôteliers qui souffrent beaucoup. Nous le voterons, bien sûr, ainsi que sa clause d'urgence.
Mme Véronique Kämpfen (PLR). Monsieur le président, le PLR est déçu ! Il est déçu de la manière dont ce sujet important, le sans-abrisme, nous a été amené. La moindre des choses aurait été d'avoir ne serait-ce qu'une seule séance de commission pour pouvoir en discuter. En discuter pour comprendre quelle est la situation des sans-abri, comprendre qui ils sont, d'où ils viennent, combien ils sont, pourquoi ils se retrouvent dans cette situation et comment se structure l'aide qui leur a jusqu'à présent été apportée. Surtout, pourquoi est-ce le canton qui propose aujourd'hui cette aide ? En effet, le canton n'est en principe pas chargé de ces questions et la commission des affaires sociales ne connaît pas les structures qui viennent en aide aux sans-abri; elle ignore leur financement et ignore tout de la stratégie des communes - au premier rang desquelles la Ville de Genève - pour faire face à ce problème sur le long terme.
Bref, nous ne sommes aujourd'hui pas correctement outillés pour nous prononcer en toute connaissance de cause sur un objet pourtant de toute première importance, qui a un impact immédiat sur plus de 150 personnes sans abri, et c'est extrêmement regrettable.
Le groupe PLR se demande notamment pourquoi ce texte n'a pas été présenté plus tôt, par exemple en septembre. En septembre, nous savions déjà que les conséquences économiques de la crise sanitaire n'allaient pas se résoudre d'ici à novembre, pour les personnes en situation précaire comme pour bien d'autres. Seulement, voilà, tous ces arguments, aussi rationnels soient-ils, ne peuvent effacer la difficulté dans laquelle se trouvent les sans-abri.
Le groupe PLR votera ce soir ce projet de loi pour parer à l'urgence. Il votera aussi bien entendu la clause d'urgence parce qu'il s'agit en effet d'une situation urgente à laquelle on ne peut pas être insensible. Cela dit, nous prions instamment le Conseil d'Etat de ne plus présenter des projets de lois d'une telle importance à la dernière minute, empêchant de fait les parlementaires que nous sommes de nous forger une opinion en toute connaissance de cause. Nous souhaitons aussi que cette aide reste exceptionnelle de la part du canton dont ce n'est en principe pas la prérogative tant que la répartition des tâches entre le canton et les communes ne sera pas clarifiée, puisque cela semble aujourd'hui être nécessaire s'agissant des actions sociales. (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC). Monsieur le président, ce texte propose une aide d'urgence pour 155 personnes durant cet hiver, ce qui n'est pas contesté par notre groupe. L'exposé des motifs du Conseil d'Etat nous indique que cette aide de 1,4 million de francs permettra de régler le problème du sans-abrisme pour l'hiver 2020-2021. Notre groupe prend aussi note du fait que ce projet de loi aidera nos hôteliers. Pour ces deux raisons, il le soutiendra.
M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, pour ajouter quelques notes aux propos de mon collègue Daniel Sormanni, nous sommes totalement en phase avec ce qu'a déclaré la collègue députée PLR: nous trouvons extrêmement dommageable que ce type de projet vienne comme ça, comme un cheveu dans la soupe, sans qu'on puisse savoir qui sera réellement touché par ce montant de 1,4 million de francs. Qui sont ces 150 personnes ? Quelles sont leurs origines, d'où viennent-elles ? Est-ce que ce sont des résidents genevois ou pas ?
Je veux juste rappeler au Conseil d'Etat qu'il a coutume d'agir de la sorte et nous le déplorons. Il le fait régulièrement avec la commission des affaires communales, régionales et internationales que je préside. On lui a déjà dit qu'on n'était pas d'accord avec cette manière de faire. On le dénonce et on aimerait que le conseiller d'Etat corrige cela: il n'est plus à la commune de Vernier avec une majorité à sa volonté ! Aujourd'hui, il est au Grand Conseil, avec des députés qui aimeraient savoir ce qu'il fait, comment il le fait et où il le fait !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 12821 est adopté en premier débat par 81 oui et 1 abstention.
Deuxième débat (PL 12821)
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 à 5.
Le président. Nous nous prononçons à présent sur l'article 6 «Clause d'urgence». Je rappelle que selon l'article 142 de la LRGC, pour être adoptée, la clause d'urgence doit être votée par le Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres.
Mis aux voix, l'art. 6 est adopté par 84 oui et 1 abstention (majorité des deux tiers atteinte).
Troisième débat (PL 12821)
Mise aux voix, la loi 12821 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 86 oui et 2 abstentions.