République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 1 octobre 2020 à 20h30
2e législature - 3e année - 5e session - 24e séance
PL 12566-A
Premier débat
Le président. Notre urgence suivante est le PL 12566-A, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. le député Cyril Aellen.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, jusqu'au début des années 2010, la zone villas ne pouvait être densifiée qu'à concurrence d'un taux de 0,2 ou 0,25 selon les conditions énergétiques des constructions. Le 15 novembre 2011, les partis libéral et radical genevois ont déposé un projet de loi en vue de permettre une densité plus importante, notamment au sein des parcelles de plus grande étendue. L'objectif était de densifier, mais pas partout et pas n'importe comment.
Pour éviter le «pas n'importe comment», il avait été imaginé un préavis de la commission d'architecture, et pour éviter le «pas partout», un préavis de la commune concernée. Dans les faits, le préavis de la commission d'architecture a été largement suivi alors que celui des communes ne l'a pas été - il faut admettre que les municipalités n'ont pas toujours justifié de façon très approfondie les préavis négatifs qu'elles étaient amenées à rendre. Il en a malgré tout résulté un développement anarchique de la zone villas.
Aussi, l'UDC d'abord et le PLR ensuite, quasiment dans le même temps, ont déposé chacun un projet de loi dont l'objectif était de rendre contraignant le préavis communal. Ces deux textes ont été accueillis très favorablement par l'Association des communes genevoises. Le département a également considéré que le développement de la zone villas était problématique et a donc prononcé un moratoire des constructions de grande densité en zone villas. Parallèlement, la commission a commencé son travail et une collaboration s'est progressivement développée entre le représentant du gouvernement, M. le président Antonio Hodgers, et une majorité du Grand Conseil. Il y a aussi eu des discussions avec l'Association des communes genevoises, que le Conseil d'Etat a sollicitée à juste titre, et je l'en remercie.
Le «pas n'importe comment» est laissé à la commission d'architecture, mais le département s'est engagé à produire et à édicter des directives dans un avenir proche; il conviendra de suivre cet engagement. Le «pas n'importe où» a été modifié par rapport à l'idée initiale: ce n'est plus au moment de l'autorisation de construire que la commune devra se prononcer, mais lors de l'élaboration de son plan directeur. Elle pourra ainsi indiquer dans quel périmètre de son territoire elle voit d'un bon oeil une densification de la zone villas. Il s'agira pour...
Le président. Vous parlez désormais sur le temps de votre groupe.
M. Cyril Aellen. ...la commune de jouer le jeu et d'établir des périmètres où une densification sera possible et des périmètres où elle ne le sera pas. L'Etat devra quant à lui faire en sorte de bien collaborer avec les communes.
Au surplus, il y a d'autres spécificités dans ce texte, qui fait l'objet d'un large consensus au sein de ce Grand Conseil. La notion de pleine terre y figure, tout comme l'extension de la perception et de la redistribution de la taxe d'équipement.
Vous l'aurez compris: cet objet a suscité de grandes discussions, mais elles se sont achevées par un accord large de l'exécutif, des communes et de l'essentiel des partis - enfin, d'une grande majorité des partis du parlement. Je vous invite donc à voter ce projet de loi tel que sorti de la commission d'aménagement. Je vous remercie.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de première minorité. Monsieur le président, c'est une défaite en rase campagne que nous avons subie lors de la tentative de déclassement de la zone villas qui se trouve le long de l'avenue Louis-Casaï en zone de développement. Deux ou trois semaines avant, le gouvernement - M. Hodgers - a décidé de geler la densification de la zone villas parce que, sur la base de toute une série de photographies, des projets se sont révélés complètement catastrophiques.
Et on vient maintenant nous dire qu'il faut reprendre la densification de la zone villas, mais à certaines conditions, notamment avoir un plan directeur communal. Celui-ci devra être élaboré dans les deux ans par les municipalités, avec le concours, bien évidemment, du Conseil d'Etat - Conseil d'Etat qui autorisera la densification sans toutefois en fixer les limites. Nous n'avons d'ailleurs jamais compris, sur le fond, comment on peut dire qu'on densifie la zone villas alors qu'on passe de 0,4 à 0,8. Je vous rappelle que si l'indice d'utilisation du sol est de 0,4, ça correspond à 400 mètres carrés qui peuvent être construits sur 1000 mètres carrés; ce n'est pas l'ensemble de la surface, mais la part à bâtir - puisque c'est de la zone à bâtir, enfin, de la SBP. S'il est de 0,8, ce sont donc 800 mètres carrés sur 1000.
Ça paraît dérisoire dans un canton aussi exigu, confronté aujourd'hui à la nécessité de garantir une zone agricole avec des terres agricoles de bonne qualité. Ça veut dire qu'on doit se donner tous les moyens - tous les moyens, je pèse mes mots - pour faire en sorte de ne pas construire la ville sur la ville, pratique qu'on a déjà eue par le passé. Alors là, on n'hésite pas: on densifie des quartiers à 3,5 ! On y va même largement: sur la parcelle des Vernets, on est par exemple à 3,8 et il n'y a pas de problème. Mais quand il s'agit de densifier un peu la zone villas tout en gardant de la pleine terre, on s'en garde bien et on fixe des conditions qui rendent cela quasiment irréalisable aujourd'hui. Je le dis très clairement et j'en prends acte: elles rendent irréalisable la densification de la zone villas.
Dans la situation actuelle, on est donc de toute manière pat en ce qui concerne la zone villas. J'attends par conséquent de voir - j'ai proposé un amendement; j'attends de voir les résultats. L'histoire et le temps me donneront peut-être raison ! Je vous remercie de votre attention.
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Il faut quand même avouer que le projet de loi initial et celui qu'a mentionné tout à l'heure le rapporteur de majorité n'ont vraiment plus rien à voir avec ce qui a finalement été voté en commission. Les textes initiaux voulaient donner un véritable pouvoir aux communes, notamment en demandant qu'elles préavisent la densification de la zone villas. Leurs décisions auraient ainsi pu mener à un possible référendum pour qu'il y ait une véritable décision populaire.
Le projet sorti de commission est tout autre: il a abordé la problématique différemment, par exemple en donnant plus de poids aux plans directeurs communaux. Nous aurions finalement pu vivre avec ça - nous nous serions abstenus sur le texte final - même si nous aurions regretté que les communes n'aient pas plus de pouvoir délibératif concernant les densifications. Si la minorité n'est plus d'accord, c'est que deux choses sont venues s'insérer dans le débat alors qu'elles n'ont à notre avis rien à y faire. Elles ont été acceptées juste dans l'espoir de faire passer le projet de loi et de lever le moratoire qui touche la zone villas.
Il faut quand même rappeler ici, contrairement à ce que dit le rapporteur de première minorité, que le moratoire n'a pas été décrété avant la claque cinglante qu'il a prise lors du vote sur les déclassements de Cointrin-Est et Cointrin-Ouest, mais bel et bien après ! Voyant l'ampleur de la claque et du désastre au niveau de ses désirs, le Conseil d'Etat, par pur esprit de vengeance, a décidé d'un moratoire pour bloquer toute construction en zone villas ! C'est face à cet esprit-là que le texte dont il est question et celui de mon collègue André Pfeffer - ils ont été discutés en parallèle - voulaient apporter une solution pour justement lever ce fameux moratoire et permettre une densification de la zone villas.
Le président. Vous parlez maintenant sur le temps de votre groupe.
M. Stéphane Florey. L'une des deux choses qui déplaisent à la minorité, c'est l'introduction d'une taxe d'équipement obligatoire: alors qu'elle ne peut actuellement être prélevée que dans certaines conditions, elle deviendrait là systématique. L'autre chose, c'est le fait qu'on introduit une notion de pleine terre: elle va poser problème parce qu'on va permettre aux propriétaires de la zone villas de densifier leur parcelle, mais à des conditions nettement moins intéressantes. Ils devront en effet prévoir des surfaces de pleine terre, ce qui veut dire qu'on coupe là une partie de leurs prérogatives. Le propriétaire perd ainsi partiellement la maîtrise de son terrain pour justement réserver une surface en pleine terre alors qu'on a été incapable d'évaluer l'ampleur de cette mesure en commission - on ne la connaît pas: personne ne nous a vraiment exposé les conséquences directes de cet amendement. C'est pourquoi mon rapport de minorité propose de biffer les deux alinéas relatifs à ces sujets et d'en rester à la teneur de la loi actuelle, ce qui permettrait à la minorité de s'abstenir sur ce projet de loi. Je vous remercie.
Mme Francine de Planta (PLR). Il est à rappeler que la politique d'aménagement du territoire est, à Genève, une prérogative cantonale. Dans le processus des autorisations de construire, les communes sont appelées à émettre des préavis consultatifs, par conséquent sans aucun caractère liant, ce qui les rend bien souvent inutiles. Nous devons saisir aujourd'hui l'opportunité de corriger deux choses en acceptant ce projet de loi. La première, c'est l'application par le département de l'article 59, alinéa 4, de la LCI dont le caractère dérogatoire est - hélas - devenu normatif. Le deuxième changement à apporter consiste à conférer aux communes des prérogatives en matière d'aménagement de leurs zones 5, soit les zones villas, en définissant dans leurs plans directeurs des secteurs à densification différenciés.
Il est important de rappeler que l'élaboration d'un plan directeur communal est un travail de longue haleine - il s'effectue sur plusieurs années, avec des bureaux d'urbanisme - et que cet outil de planification est établi par celles et ceux qui connaissent le mieux leur territoire puisqu'ils y vivent. Alors il est temps de responsabiliser les communes, Mesdames les députées, Messieurs les députés, et de travailler en confiance avec elles. Je vous invite à accepter ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Sébastien Desfayes (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le PDC soutiendra avec enthousiasme ce projet de loi issu à nouveau d'un consensus obtenu en commission, dans la joie et la bonne humeur, par les partis gouvernementaux - joie et bonne humeur qui font suite à une certaine morosité occasionnée par le moratoire brutal imposé par l'exécutif. Ce moratoire a surpris non seulement les communes mais aussi les députés du Grand Conseil.
S'il est vrai que la densification en zone villas, depuis 2013, n'a pas été parfaite, elle a quand même eu des résultats positifs. Elle a permis la création de logements, l'accession à la propriété pour la classe moyenne et la venue de nouveaux contribuables. Elle a par ailleurs permis à des successions de diviser des parcelles et de construire sur ces parcelles de nouveaux logements; elle a permis la préservation de zones agricoles. Le changement législatif a aussi permis la densification sans passer par les vicissitudes de l'article 4A LGZD. Sans parler d'anarchie, il est vrai qu'il y a eu certains écueils: le mitage du territoire par exemple, une certaine atteinte à l'harmonie des paysages et à la biodiversité, mais aussi la bunkérisation de certains quartiers en raison de projets architecturaux invraisemblables.
Il convient donc aujourd'hui de remédier à cette situation, et cela tombe bien: ce texte répond à toutes ces difficultés. Je crois que le point le plus fondamental de ce projet de loi, c'est cette nouvelle compétence donnée aux communes de choisir les périmètres qui feront l'objet d'une densification accrue dans leurs zones villas - c'est un élément fondamental. Dès lors que les municipalités peuvent choisir les périmètres de densification, il est clair à nos yeux que leur préavis peut uniquement porter sur la conformité du projet à leur plan directeur. Cette précision permet de résoudre la question de la divergence, cas échéant, entre les préavis de la commission d'architecture et ceux de la commune concernée.
Ce qu'il faut aussi reconnaître en matière de préservation de la biodiversité, c'est la garantie de surfaces en pleine terre. Nous comprenons par ailleurs qu'il n'y a pas, pour répondre à l'interrogation de l'UDC, de surfaces en pleine terre minimales ou maximales imposées.
Le président. Merci.
M. Sébastien Desfayes. Et puis un autre point important, c'est que le canton garde une certaine marge de manoeuvre...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Sébastien Desfayes. ...dans l'approbation des plans. Alors...
Le président. Merci, c'est vraiment terminé.
M. Sébastien Desfayes. Merci, Monsieur le président.
Mme Badia Luthi (S), députée suppléante. Mesdames et Messieurs les députés, la pénurie de logements a toujours été une grande source de préoccupation pour le parti socialiste, et la problématique qui en découle continue à nous préoccuper à ce jour. En matière d'aménagement du territoire, le canton fait des efforts pour trouver des solutions présentant des avantages socio-économiques et facilitant l'accès au logement. (Brouhaha.) La densification de la zone 5 est une solution intelligente: d'une part, elle répond à une réelle demande des Genevoises et des Genevois en matière de logement, et elle permet d'autre part de préserver un maximum d'espaces naturels et agricoles. (Brouhaha.)
Une voix. Chut !
Mme Badia Luthi. Toutefois, cette densification doit être bien organisée pour éviter toutes les conséquences fâcheuses qu'une urbanisation mal pensée et mal adaptée aux besoins de la population... (Brouhaha.)
Le président. Excusez-moi, Madame la députée. (Le président agite la cloche.) Un peu de silence, Mesdames et Messieurs les députés ! Vous pouvez continuer, Madame Luthi.
Mme Badia Luthi. Merci, Monsieur le président. Elle doit donc être menée en intégrant une réflexion qui prend en considération la qualité de vie des habitants, et c'est justement parce qu'il va dans ce sens que le parti socialiste trouve que cet objet a tout son intérêt. Cela concrétise la volonté du canton de travailler avec les communes en leur donnant la possibilité d'exprimer leurs souhaits quant aux périmètres qu'elles désirent densifier. (Brouhaha.) Le projet de loi ouvre en effet une plateforme de discussion via le plan directeur communal. (Brouhaha.) Cet outil de planification permet d'identifier les zones à densifier avec ou sans dérogation pour accueillir plus de constructions et permet au canton d'avoir une idée de l'aménagement désiré par la commune. (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs les députés... (Un instant s'écoule.) Est-ce qu'on peut continuer dans le calme ?
Le président. Madame la députée, j'étais justement en train de m'en occuper. Vous pouvez continuer.
Mme Badia Luthi. Merci, Monsieur le président. Nous soutenons ce projet de loi car il propose de travailler dans un esprit de collaboration et de complémentarité entre canton et communes. Ce qu'il ne faut pas perdre de vue, ce sont les enjeux très importants qui en découlent: dresser le plan directeur communal permet d'ouvrir la porte à une négociation entre canton et commune pour trouver un terrain d'entente qui respecte les attentes de l'un et de l'autre. Il permet au canton d'assurer une coordination optimale, avec une vision globale et une logique d'ensemble, pour réussir une harmonisation qui assure une bonne qualité de vie aux Genevoises et aux Genevois. Ce projet de loi tient donc compte des désirs et de la volonté des communes et le parti socialiste ne peut qu'encourager cette démarche en le soutenant. Merci. (Applaudissements.)
M. David Martin (Ve). Mesdames et Messieurs, si ce soir nous parlons de ce sujet, c'est suite à la modification de la loi sur les constructions, cela a été mentionné, issue d'un texte déposé en 2011 par le PLR - à l'époque les partis libéral et radical - qui s'appelait: «Préserver la zone de villas». Il a permis des densifications exceptionnelles allant alors de 20% jusqu'à 40% à 60% de la parcelle. Ce projet a apporté certains bénéfices, on l'a dit, notamment la production d'environ 5000 logements, ce qui est quand même très conséquent, et a contribué à lutter contre la crise du logement dans notre canton. Ceux-ci ont aussi été bâtis dans la zone villas pour qu'elle apporte également sa contribution en matière de construction de logements.
Cette modification légale a eu pour résultat des projets de différentes qualités, certains bons - et c'est bien de le rappeler ici: il y a de bons projets de densification en zone villas, car quand on veut faire de la qualité, on peut - mais elle a aussi donné lieu à une longue série de catastrophes, à la fois sur le plan architectural et environnemental. Les Verts se sont donc impliqués dans les négociations qui ont permis d'aboutir à ce projet de loi, fruit d'un accord, dont nous souhaitons relever les qualités suivantes.
Premièrement, une approche plus cohérente qui est ancrée dans le plan directeur communal et permet deux choses. Elle permet d'abord un processus démocratique puisque les plans directeurs communaux sont approuvés, et même plus que ça: ils sont souvent élaborés avec le Conseil municipal. La deuxième chose que ces plans permettent, c'est de déterminer les secteurs dans lesquels des densifications semblent appropriées, typiquement lorsque les transports publics permettent une desserte suffisante.
L'autre qualité du texte, à laquelle nous avons contribué à travers un amendement, est l'introduction dans la loi sur les constructions d'une définition de la notion de pleine terre. Celle-ci y est définie de la façon suivante... (Remarque. Le président agite la cloche.) «Une surface de pleine terre, à savoir dénuée de toute construction en surface ou en sous-sol et non revêtue» doit être maintenue. En effet, la pleine terre était une notion de langage courant mais n'était pas définie dans la loi. C'est maintenant chose faite et cette base légale permettra au département de formuler des exigences au cas par cas lors de l'évaluation des autorisations de construire - pas seulement en cas de dérogation et de densification...
Le président. Il vous faut terminer !
M. David Martin. ...mais pour toutes les constructions en zone villas. (Un instant s'écoule.)
Le président. Je vous remercie. La parole est maintenant au rapporteur de première minorité, M. le député Rémy Pagani, sur le temps de son groupe, pour trois minutes.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais revenir au fond du problème: 50% des zones à bâtir se trouvent en zone villas, où habite seulement 10% de la population. Croyez-vous qu'on va pouvoir continuer comme ça ? C'est impossible ! Nous allons droit dans le mur ! Nous devons préserver la zone agricole et elle ne sera donc plus déclassée, ou très peu: il nous en reste 20 hectares, nous dit-on, et encore, il faut avoir des calculs précis. Et on vient maintenant nous dire qu'il faut donner l'occasion aux municipalités, alors qu'il existe un droit de référendum, d'élaborer des plans directeurs communaux sur lesquels on va se mettre d'accord avec les conseillers municipaux ! Regardez la réalité: certaines communes ne voudront pas densifier ! Elles batailleront, y compris par référendum communal. Je répète donc une nouvelle fois que ce compromis n'en est pas un: c'est simplement figer le processus et le mettre quasiment dans l'impossibilité de se réaliser.
Cela étant, venons-en aux 40% de pleine terre que je propose dans mon amendement. Les PLQ de la Ville de Genève - je ne sais pas si vous les connaissez - prévoient 40% de pleine terre; je ne comprends pas comment c'est possible de soutenir qu'on veut de la pleine terre mais sans indiquer de pourcentage ! Un député de la commission a fait un calcul en prenant 2000 mètres carrés de terrain constructible en zone villas, dont 1040 mètres carrés non bâtis, et nous a dit - c'est quand même assez humoristique - qu'avec un parking, une terrasse, une piscine et un cabanon, on tomberait à 30% de pleine terre. Est-ce qu'on va, face à l'urgence climatique, donner l'occasion à tout un chacun d'avoir une piscine, un cabanon, un parking avec deux ou trois places ? Ce n'est plus possible !
Nous demandons donc, d'une part, la densification de la zone villas ou le déclassement de zones villas en zones de développement, parce que nous ne pourrons pas continuer comme ça. D'autre part, nous demandons de soutenir les 40% de surface en pleine terre. Je vous rappelle que nos amis français taxent par l'impôt celles et ceux qui ne font pas l'effort de prévoir quasiment 70% de pleine terre dans les zones villas et constructibles.
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, ce débat date: le rapporteur de majorité a fait un historique auquel je ne peux que souscrire. L'article 59, alinéa 4, de la LCI a permis cette densification dite douce. J'aimerais par là tout de suite corriger les propos tenus par M. Pagani: on ne parle pas ici des déclassements de la zone villas. Ils sont quant à eux prévus dans le plan directeur cantonal, qui établit que 11% de l'ensemble de la zone villas doit devenir de la ville. Cela implique effectivement une modification de zone, des votes populaires, des PLQ - il y a toute une série de dispositifs qui s'appliquent et permettent des densifications de type citadin. Ici, on parle toutefois de la zone villas appelée à rester de la zone villas !
C'est important de le dire, parce que je pense que selon certains, le canton, qui doit construire du logement, doit commencer à s'étaler partout pour permettre des densités moins fortes au centre-ville, typiquement aux Vernets dont l'IUS est de 2,9 et non de 3,5 - soit la densité de la Jonction ou de Plainpalais. Eh non, c'est faux ! C'est faux ! La loi sur l'aménagement du territoire dit clairement qu'on doit avoir des centres urbains avec des transports publics, avec vraiment des services de ville, et des zones plus périphériques - la zone villas - qui ont leurs qualités paysagères, leur qualité de vie. Mais cette zone n'est pas accessible pour le plus grand nombre, il faut le dire aussi, puisque le prix du foncier, étant en zone ordinaire, y est relativement élevé.
S'agissant de l'article 59, alinéa 4, nous en avons assez tôt constaté la dérive. En 2017, le département a produit un guide qui fixait les règles du jeu pour une densification de qualité de la zone villas, à l'instar de ce que nous avions pu faire en ville de Genève, d'ailleurs avec M. Pagani, sur les questions de surélévation. Or le constat, c'est que la situation ne s'est pas améliorée. C'est ce qui a provoqué ma décision - on gèle - qui à vrai dire n'émanait pas du Conseil d'Etat: la décision était départementale, politique. Et je dois vous avouer que cette décision a été prise tant en raison de la piètre qualité de ce qui se produisait que de la frustration de certaines communes face à cette densification non maîtrisée, ou encore de l'insatisfaction que j'éprouvais à l'égard des processus au sein de ma propre administration. Je trouve que le département n'arrivait pas à faire conjuguer qualité et densification en zone villas. Cela a provoqué ma décision politique - assumons-le, on en prend quand même parfois - qui nous a donné le temps de la réflexion, du temps pour en débattre.
Et débat il y a eu, comme l'a décrit Cyril Aellen, ce qui nous a permis d'aboutir à un consensus, et je m'en félicite. Je veux par là souligner la qualité des débats qui ont été menés avec le parlement et sa commission, avec notamment le premier signataire, M. Aellen, mais également avec l'Association des communes genevoises par la suite.
Sur quoi porte l'équilibre trouvé ? Il porte sur le fait que le département s'était engagé dans une logique qui consistait à faire de la dérogation la règle; Francine de Planta l'a dit et on ne peut pas le nier. Mais en matière de droit foncier, c'est délicat, et c'est aussi ce qui limite un peu l'autonomie des communes: si vous dites oui à un voisin, il est difficile de dire non à un autre qui se trouve dans la même situation. L'équité de traitement est tout de même la base du fonctionnement et des décisions de l'administration; on s'est retrouvé, bon an mal an, avec un certain nombre de préavis communaux sans toujours pouvoir tenir compte de ces décisions. Celles-ci étaient parfois peu justifiées, il faut le dire, et indiquaient simplement un refus. Toutefois, devant les juges, des préavis qui relèvent un peu du politique ou de l'appréciation ne tiennent pas face au droit du propriétaire à obtenir une valorisation équivalente à celle de ses voisins. C'est par conséquent cette tension-là que nous devons résoudre.
Comment la résout-on ? En introduisant, pour chaque commune concernée, une réflexion sur la zone villas dans le cadre des plans directeurs communaux. Chaque commune doit donc déterminer dans quels périmètres elle est d'accord de densifier et dans lesquels elle ne le veut pas - mais il faut pouvoir justifier les deux cas, et ce n'est pas une appréciation purement politique, à la tête du client, si je puis dire, qui doit prévaloir dans ces choix. Je le précise parce que j'ai récemment conféré avec l'Association des communes genevoises et je dois avouer que les déclarations de certains magistrats communaux m'ont un peu hérissé, lorsqu'ils m'ont annoncé: «On aura des discussions politiques pour déterminer les secteurs.» Non, je pense qu'il faut commencer par s'adresser à un bureau d'urbanisme et essayer d'objectiver pourquoi certains secteurs sont autorisés à la construction et d'autres pas.
Sur cette base, nous allons travailler pour mettre à jour d'ici la fin de l'année une grille des critères de qualité qui permettra de valoriser la question de la pleine terre - elle doit tendre vers les 40%, mais il y a toujours des cas qui requièrent des dérogations. C'est pourquoi il me semblerait faux d'introduire des règles urbanistiques au niveau législatif: elles relèvent de la commission d'architecture, mais aussi des professionnels et des discussions avec les communes. Ce guide qualité exposera donc une démarche que les propriétaires et promoteurs devront suivre et défendre face à la commission d'architecture, qui sera la gardienne du temple de cette notion de qualité.
Voilà, Mesdames et Messieurs, le processus que nous mettons en place collectivement ce soir. Le moratoire sera levé lorsque cette grille des critères de qualité sera aboutie, au plus tard à la fin de l'année. C'est le délai que j'ai donné à mon administration, parce qu'on ne peut pas éternellement maintenir un moratoire. Une des conditions pour sa levée était le vote de la loi - j'espère, et je pense, qu'il y aura une majorité ce soir - une autre, c'est vraiment l'adoption de ce guide. La dernière condition est bien évidemment que les communes aient un plan directeur en force, et donc validé par le Conseil d'Etat. Cette validation est déjà une manière pour le gouvernement de dire qu'il approuve la vision que telle commune a de la zone 5 à tel endroit.
La conjonction politique va donc se faire à travers ces plans: s'il suit son plan directeur, le préavis de la municipalité devrait a priori être aussi celui de l'exécutif puisque celui-ci s'appuiera sur le même document, qu'il aura par ailleurs validé. J'espère de cette manière obtenir un apaisement des communes, encore que le mot final reviendra tout de même à l'Etat de Genève. Vous avez peut-être suivi l'actualité en Valais, où les autorisations de construire et les planifications relèvent de compétences communales. On voit à quel point il est difficile de résister, dans des communes - dans de petites communes - à des requêtes particulières. Il faut pouvoir avoir un regard plus large qui permet en outre une égalité de traitement à l'échelle du territoire, et je crois que nous trouverons ainsi un bon compromis.
Pour ma part, il s'agit de respecter au plus près la volonté communale, mais cette volonté communale se doit aussi d'être cohérente avec les plans d'aménagement du territoire voulus par les lois cantonales. Merci - merci encore à tous les députés acteurs de ce compromis. Je crois que nous avons là fait acte de politique intelligente. Merci encore. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, je vous fais voter sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12566 est adopté en premier débat par 84 oui contre 9 non et 1 abstention.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis de deux amendements à l'article 59, alinéa 3bis nouveau. Je passe la parole à M. le député Stéphane Florey, qui a une minute vingt-sept à disposition.
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. J'en profiterai pour parler globalement des trois amendements proposés dans mon rapport. Comme je le disais précédemment, nous aurions pu vivre avec le projet tel que sorti de commission, mais sans les deux dispositions qui à nos yeux posent problème, à savoir l'introduction d'une taxe d'équipement obligatoire et la notion de pleine terre. Même l'auteur de l'amendement relatif à cette notion, je le redis ici, n'a pas été capable de nous expliquer ses incidences réelles. Cette notion va quoi qu'il arrive amener une contrainte supplémentaire pour les propriétaires et revient finalement à un contrôle étatique. En effet, un propriétaire verra son projet diminuer, puisqu'on lui dira: non, non, vous ne pouvez pas densifier autant, parce que vous devez garder un minimum de surface en pleine terre. C'est donc bien une restriction du droit du propriétaire à densifier sa parcelle comme aurait pu, et aurait dû, le lui permettre à la base ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes donc saisis à l'article 59, alinéa 3bis nouveau, de deux amendements. Le premier, de M. Florey, consiste à biffer cet alinéa 3bis nouveau.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 79 non contre 16 oui.
Le président. Nous passons à la proposition d'amendement de M. Pagani, que je vous lis:
«Art. 59, al. 3bis (nouvelle teneur)
3bis Une surface en pleine terre doit être préservée, à savoir dénuée de toute construction en surface ou en sous-sol et non revêtue, correspondant au minimum à 40% de la surface de la parcelle ou du groupe de parcelles considérées par la demande d'autorisation de construire de la parcelle.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 76 non contre 10 oui et 9 abstentions.
Le président. L'alinéa 3bis reste donc inchangé. Nous sommes ensuite saisis d'un amendement de M. Florey à l'alinéa 5 nouvelle teneur de ce même article 59, visant à biffer l'alinéa.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 78 non contre 15 oui. (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Mis aux voix, l'art. 59, al. 1 (nouvelle teneur), al. 3bis (nouveau), al. 4 (nouvelle teneur), al. 4bis (nouveau, l'al. 4bis ancien devenant l'al. 4ter) et al. 5 (nouvelle teneur), est adopté, de même que l'art. 156, al. 5 (nouveau).
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté.
Le président. A l'article 2 souligné, alinéa 2, nous sommes saisis d'un amendement de M. Stéphane Florey qui vise à biffer l'article 2, alinéa 1, lettre b nouvelle teneur de la LGZD. Il demande la parole mais n'a plus de temps à disposition ! Par conséquent, cet amendement...
Des voix. Il le retire !
Le président. Ah ! Alors c'est tout à fait différent ! (Rires.) Monsieur le député Stéphane Florey, une fois n'est pas coutume, je vous donne la parole !
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, je vous remercie. Je veux juste dire que cet amendement tombe puisqu'il était lié au premier, qui a été refusé; il n'est dès lors plus nécessaire de le soumettre au vote. J'en profite pour vous signaler que nous refuserons finalement ce projet de loi puisque nos amendements ont été refusés. Je vous remercie.
Le président. Merci. Cet amendement étant refusé...
Des voix. Retiré !
Le président. Cet amendement étant retiré, nous poursuivons.
Mis aux voix, l'art. 2 (souligné) est adopté, de même que l'art. 3 (souligné).
Le président. Le troisième débat est-il demandé ? (Le président se tourne vers le Conseil d'Etat.) Il l'est peut-être... (Rires. Commentaires.) Le troisième débat est demandé et nous passons au vote.
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12566 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 77 oui contre 15 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)