République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2596-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mme et MM. Jean Burgermeister, Jocelyne Haller, Olivier Baud, Pierre Vanek, Jean Batou, Christian Zaugg : La mobilisation des jeunes en faveur du climat doit être encouragée, pas sanctionnée !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 25 et 26 juin 2020.

Débat

Le président. Nous passons à l'examen de la M 2596-A, et je cède le micro à Mme Katia Leonelli.

Mme Katia Leonelli (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, la réponse à donner à cet objet n'était pas compliquée puisque la motion avait été vidée de toute substance lors de son adoption. Alors voilà: on se retrouve avec un tas de tautologies structurées autour d'un argument qui nous annonce, somme toute, que les étudiants et les élèves ne seront pas sanctionnés, mais quand même un petit peu.

On avait initialement demandé que les élèves puissent rattraper des évaluations si les dates étaient les mêmes que celles des grèves du climat. Vous savez la difficulté de fixer des dates d'examen: les périodes sont généralement arrêtées plusieurs mois, voire une à deux années à l'avance et elles diffèrent d'un établissement à l'autre. Au-delà de ces périodes d'examen, les élèves et étudiants sont également évalués par de plus petits contrôles dont les dates sont contingentes. Dans ces conditions, s'il est impossible de rattraper les évaluations, vous vous rendez compte de la complexité à choisir des dates de grèves du climat qui puissent convenir à tout le monde.

La motion initiale demandait donc que de vraies mesures proactives soient prises pour soutenir les personnes en formation. Elle demandait notamment d'encourager les enseignants à déplacer les dates qui seraient contingentes si cela était en leur pouvoir et, dans le cas contraire, qu'il soit possible de rattraper ces examens. Vous vous doutez bien qu'il n'y a rien de drôle à rattraper un examen le samedi matin: par conséquent, nous ne sommes pas en train de faire des cadeaux à tout va aux élèves.

Pour finir, cet objet demandait également d'encourager les jeunes dans leurs premiers engagements citoyens en leur mettant à disposition des salles pour s'organiser. Ces activités extrascolaires, nous avons eu l'occasion d'en parler dans le cadre d'une motion en faveur de l'éducation citoyenne, permettent en outre de développer d'autres compétences que celles valorisées dans le cadre de l'école. Il arrivera un jour, si nous arrêtons d'être aussi frileux à Genève, où ces heures d'engagement seront comptabilisées dans les heures de cours et même récompensées par des prix ou des crédits comme c'est le cas en Finlande, du moins au niveau universitaire.

Pour aller plus loin, on pourrait décider non seulement de ne pas sanctionner, mais aussi - surtout - de féliciter ces jeunes qui tirent la sonnette d'alarme. Contrairement aux conservateurs attachés à leur confort et à leur voiture - nous avons pu le constater une nouvelle fois lors du dernier débat sur la voiture en ville - ils tentent tant bien que mal de nous éviter de foncer droit dans le mur.

S'agissant de cette réponse, notre groupe s'abstiendra: rien ne sert de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat puisque la motion avait été vidée de toute substance lors de notre vote en plénière. Nous aurions simplement aimé plus de proactivité de la part du gouvernement.

M. Jean Burgermeister (EAG). La députée des Verts a parfaitement raison lorsqu'elle dit que la motion avait été vidée de sa substance. C'est vrai que le DIP, alors qu'il avait initialement permis aux jeunes de s'organiser et de mener des débats et des activités à l'intérieur des bâtiments scolaires, avait ensuite largement durci le ton lorsque la mobilisation s'était ancrée dans la durée. Le département a démontré ainsi qu'il était prêt à tolérer une mobilisation des jeunes si tant est qu'elle ne dure pas plus d'un jour ! C'est vraiment regrettable parce que cette organisation collective des jeunes autour de sujets importants pour la société et pour leur avenir - pour leurs conditions de vie futures - fait aussi partie de l'apprentissage de la vie politique, qui est absolument essentiel.

Au-delà de ça, la réponse du Conseil d'Etat sur l'invite restante n'est pas satisfaisante du tout puisqu'il dit que les examens sont souvent fixés des mois ou des années à l'avance. C'est vrai pour les trimestrielles et les examens de matu, mais c'est faux pour la plupart des évaluations notées durant l'année scolaire. En l'occurrence, c'était de ça que parlait la motion. Or le DIP a fait circuler une lettre précisant qu'aucune absence à une évaluation scolaire ne serait tolérée en raison des grèves du climat, et que ces absences seraient sanctionnées par la note 1 ! Le DIP n'offrait donc pas la moindre possibilité de négocier avec les élèves qui voulaient participer à ces mobilisations.

C'est bien beau de dire, dans la réponse, que ces mobilisations sont importantes, mais si c'est pour les sanctionner, eh bien c'est parfaitement absurde et je le regrette fondamentalement - d'autant plus venant d'une magistrate issue du parti socialiste. Cela dit, il est vrai que renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat n'a plus beaucoup de sens en l'état; nous nous contenterons donc d'en prendre acte, mais nous regrettons vivement - vivement - l'attitude du gouvernement, qui a mis des bâtons dans les roues à ces jeunes qui se mobilisent dans la rue.

M. Stéphane Florey (UDC). Une fois n'est pas coutume, et vous le noterez, Monsieur le président, le groupe UDC félicitera le département en question, à savoir celui de Mme Emery-Torracinta, pour sa réponse. La magistrate a su, sur ce coup-là, prendre ses responsabilités. Elle a parfaitement joué son rôle en disant qu'il y a une mobilisation, certes, mais que celle-ci entraîne des sanctions et qu'elles sont normales.

Je suis complètement halluciné quand j'entends que c'est un problème de trouver des horaires pour manifester qui conviennent à tout le monde. C'est complètement hallucinant ! Ça voudrait dire que Mme Torracinta devrait dès lors organiser les horaires de cours, les horaires d'examen et tout ce qui s'ensuit en fonction des desiderata de chacun, quel que soit le sujet. Bientôt, on en viendra à dire: «Ah, aujourd'hui c'est votre anniversaire: vous êtes exempté de venir à l'école et de faire des examens - et en plus, on vous mettra quand même un 6 pour vous féliciter !» C'est le message que vous donnez ! Mais c'est complètement hallucinant !

A l'heure actuelle, les choses sont claires et il est évident que les élèves sont soumis à un certain nombre de devoirs. Il y a aussi un certain nombre de responsabilités qui leur incombent: être présents à l'école, respecter les règlements scolaires et subir les conséquences de leurs actes quand ils ne vont pas en classe et qu'ils ne participent pas aux examens prévus en temps et en heure. C'est pourquoi nous prendrons acte de ce rapport et vous invitons à faire de même. Je vous remercie.

Une voix. Bravo.

Une autre voix. Très bien.

Le président. Merci, Monsieur le député. J'ai bien noté vos félicitations au département et à sa conseillère d'Etat - je ne doute pas qu'elle en ait également pris note et elle vous répondra certainement à ce sujet. Je passe maintenant la parole à Mme la députée Natacha Buffet-Desfayes.

Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR). Merci, Monsieur le président. Le groupe PLR tient aussi à remercier Mme Torracinta et va dans le sens de sa réponse à cette question: nous regrettons la méconnaissance plutôt marquée du fonctionnement d'une école, avec les nombreuses contingences liées à la réorganisation des examens, des épreuves de n'importe quelle sorte.

Contrairement à ce qu'on a entendu tout à l'heure, les épreuves - même les récitations - sont très souvent annoncées bien à l'avance pour permettre aux élèves une préparation correcte et satisfaisante à ces examens. Evidemment, le système risque par ailleurs de se retourner contre les élèves: à force d'accumuler des tests potentiellement à rattraper, eh bien ils ne s'en sortent plus. Les rattrapages se font en général le mercredi après-midi; si de nombreuses personnes ratent souvent l'école pour aller manifester, on peut imaginer que les séances de rattrapage ne suffiront pas.

De plus, pour certains, toute cause semble bonne à défendre dans la rue. Il faut se rappeler qu'il y a un système en place et les élèves doivent pouvoir continuer normalement leur cursus scolaire. Et la défense du climat ou d'autres combats qui se mènent aussi dans la rue sont également abordés dans les écoles par la mise en oeuvre de nombreuses activités, par des cours, par des discussions.

Il faut donc tenir compte de tous ces éléments et c'est la raison pour laquelle nous appuyons la réponse du Conseil d'Etat, qui va dans le sens de sanctionner les absences. Je rappelle que les absences doivent être excusées, et c'est valable pour n'importe qui et pour n'importe quelle raison. Je prends l'exemple d'un élève qui n'aurait pas donné son excuse dans les temps: il est aussi sanctionné, quelle que soit la raison de son absence. Nous approuvons donc la réponse du Conseil d'Etat. Je vous remercie.

M. Jean-Marie Voumard (MCG). Notre groupe prendra acte de ce rapport, tout en remerciant le DIP pour l'excellent travail qu'il a fourni; une réaction tout à fait normale venant d'une maman, et je suis papa aussi. Il faut être responsable - soyez et soyons responsables. Vous avez tous des dates ou des horaires à respecter: si le patron vous autorise à aller aux manifestations, vous pouvez y aller - mais si vous n'êtes pas patron, si vous avez un examen à passer, l'examen est prioritaire. C'est logique, et je pense que tous les jeunes seront d'accord avec moi ! Je vous remercie. (Commentaires.)

M. Emmanuel Deonna (S). Mesdames et Messieurs les députés, pendant la grève du climat, les absences ont été plus ou moins tolérées selon les cantons. Sur Vaud, aucune sanction n'a été prise si l'absence était justifiée. A Genève non plus il n'y a pas vraiment eu de sanctions, sauf pour les classes où un examen était prévu. Le Jura et Neuchâtel ont aussi été, comme Genève et Vaud, assez ouverts face aux demandes des élèves.

Seuls Fribourg et le Valais ont été moins tolérants. Il faut se rappeler qu'ils ont été moins tolérants parce qu'ils ont estimé que cette grève ne constitue pas un motif d'absence valable et ont donc carrément pris des sanctions. Comme l'ont fait remarquer les motionnaires, on peut légitimement se demander si les jeunes disposent vraiment de suffisamment de temps en dehors de l'école pour s'adonner à des activités citoyennes. Le département devrait par conséquent plancher sur ce sujet de manière plus approfondie.

Mme Patricia Bidaux (PDC). Pour le PDC, il ne s'agit pas là de tolérance mais de cohérence. Et pour toutes les raisons qui engendrent de la cohérence, par rapport à ce qui est appliqué de manière sereine et tout à fait adéquate au sein du DIP et dans les écoles, eh bien le PDC prend acte de ce rapport et remercie le département pour le travail qu'il a fait.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il faut rappeler certaines choses: il n'y a pas eu de sanctions ! Le département a donc parfaitement suivi les demandes du Grand Conseil. La seule particularité - et je vous l'avais dit lorsque vous avez voté cette motion - c'est qu'on a respecté le calendrier des épreuves et des travaux annoncés à l'avance.

Vous savez que dans certaines écoles - ce n'est pas le cas dans tout le canton mais bien dans certains établissements - ces calendriers sont donnés dans les quinze premiers jours de la rentrée et couvrent toute l'année scolaire. Lorsque vous enseignez une discipline à raison par exemple de deux heures par semaine, vous ne voyez vos élèves qu'une fois; c'est donc assez problématique si tout à coup votre épreuve ne peut pas être maintenue. La seule chose qu'on avait demandée, c'est que les élèves s'excusent en amont ou disent: «Je suis allé manifester, c'est pour ça que je ne suis pas venu au cours.» Ils devaient par contre être présents si un travail avait été annoncé. Mais rassurez-vous: dans l'immense majorité des cas, pour éviter des problèmes, les enseignants en mesure de déplacer un travail l'ont fait, de manière consensuelle avec les élèves !

Ma deuxième remarque s'adresse à M. le député Burgermeister: vous avez dit que le département, dans un premier temps, avait autorisé que les élèves, dans les classes ou ailleurs, expriment leur avis, organisent un certain nombre d'ateliers, etc., et vous avez regretté que ce ne soit ensuite plus le cas. En réalité, ce que nous avons demandé, c'est que les élèves se mettent d'accord à l'avance avec les directions d'établissement pour organiser qui des ateliers, qui des journées, mais que ce ne soit pas dans la spontanéité du moment, qu'on ne sorte pas de classe sans autre pour aller discuter, style café du commerce.

J'ai moi-même participé le lundi 9 mars, peu avant la fermeture des écoles, à une journée organisée par des élèves pour les élèves à André-Chavanne, un établissement cher à la députée Leonelli, je crois. Des élèves de quatrième avaient organisé une journée autour du climat pour toutes les deuxièmes, sauf erreur, avec des débats, des présentations, etc. J'estime que c'est là parfaitement dans la mission du DIP puisqu'il s'agissait d'un projet construit, élaboré avec la participation des élèves, en outre complètement dans l'esprit de la motion.

Puisqu'il ne s'agit pas simplement de discuter mais aussi de passer aux actes, sachez que l'année dernière nous avons décidé qu'il n'y aurait plus de voyage d'études ou de fin d'études en avion. Pour l'année scolaire à venir, toutes les sorties, quelles qu'elles soient - y compris les activités de type solidaire - auront lieu uniquement en Suisse. Voilà de quoi non seulement ravir probablement notre industrie touristique mais surtout respecter un certain nombre d'éléments en lien avec la préservation du climat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à prendre acte de cette réponse et puis à accompagner les jeunes dans leur combat, qui est juste, pour une planète préservée. Merci de votre attention.

Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat.

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2596.