République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 5 juin 2020 à 15h30
2e législature - 3e année - 2e session - 9e séance
M 2641 et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Nous passons au point suivant de l'ordre du jour, la M 2641, la R 918 et la R 921. Je vous propose l'organisation suivante: nous sommes en catégorie II, soixante minutes, parce que ces trois objets ont été liés. Ce sont donc soixante minutes au total, six minutes par groupe, trois minutes par auteur. Je propose qu'en premier lieu Mme Françoise Sapin, M. Jacques Apothéloz et M. Pierre Bayenet, auteurs respectivement de la M 2641, de la R 918 et de la R 921, présentent leurs objets. Nous ferons ensuite une pause. Je passe la parole tout d'abord à Mme Françoise Sapin. Vous avez la parole pour trois minutes.
Mme Françoise Sapin (MCG). Merci, Monsieur le président. Le 12 mai, dans la nuit et en catimini, le département des infrastructures, au prétexte du covid, a peint en jaune des pistes cyclables dans la ville de Genève. Le MCG n'est pas contre des pistes cyclables, mais il déplore fortement la manière employée pour créer ces pistes - via la clause d'urgence - et le fait de supprimer une voie complète de circulation en faveur de ces cyclistes, notamment sur des voies pénétrantes, ce qui provoque des bouchons incroyables, alors que nous ne sommes pas encore revenus à une circulation normale.
De plus, le timing est extrêmement mal choisi, puisque c'était justement la reprise pour les entreprises, qui doivent maintenant mettre tous leurs efforts dans la relance de l'économie et passer à travers cette crise le mieux qu'elles pourront. Nous sommes persuadés qu'il existe d'autres solutions que de supprimer une voie complète de circulation pour ces pistes, notamment sur le «U» lacustre ou la Servette, pour ne citer que cela.
Par ailleurs, les livreurs du canton de Genève vous remercient beaucoup, parce que, dans ce domaine, ils ont maintenant beaucoup plus de difficulté à effectuer leur travail qu'avant, notamment ceux qui livrent des repas, ceux qui ont fortement soutenu la population pendant le covid et le semi-confinement et dont les salaires faramineux vont de 3000 à 3500 francs par mois, qui ont perdu pratiquement la moitié de leurs livraisons à cause des bouchons qu'ils doivent subir depuis le 12 mai.
Les voies pénétrantes sur le territoire sont aussi engorgées systématiquement tous les matins par des frontaliers...
Des voix. Aaah !
Mme Françoise Sapin. ...qui viennent souvent seuls dans leur voiture... (Commentaires.) ...avec l'approbation des autorités, et, à ce niveau-là, aucune mesure n'est prise. L'arrivée du CEVA, qui devait diminuer fortement le trafic, nous a prouvé qu'il n'en était rien. Hier matin, après avoir effectué des contrôles et des comptages dans la ville, le TCS a demandé le retrait de la majorité de ces pistes cyclables. (Commentaires.) Pour toutes ces raisons, le MCG demande la suppression immédiate de toutes ces pistes cyclables et de trouver une autre manière de réaliser ces aménagements pour les cyclistes dans le canton. Merci.
M. Jacques Apothéloz (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, disons-le d'emblée, la R 918 n'est pas contre les pistes cyclables. Cette proposition de résolution dénonce la méthode utilisée pour réaliser ces aménagements durant la nuit du 12 au 13 mai dernier; une méthode consistant à utiliser la crise sanitaire pour réaliser des aménagements en force, par décret d'un département et de son conseiller d'Etat, sans concertation ni même une information préalable à la commission des transports; une méthode consistant à rayer de la carte, d'un jour à l'autre, des voies de circulation pour le trafic automobile, sur des axes structurants de notre ville, sans tenir compte des nombreux usagers qui doivent prendre la voiture, notamment pour des raisons professionnelles; une méthode, enfin, coercitive et au coup par coup, sans aucune vision d'ensemble, qui bafoue les institutions et méprise la population de notre canton. Le PLR est favorable à la mobilité douce et est surtout attaché au respect de la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée votée en 2016 par les Genevoises et les Genevois. Pour cela, nous attendons une vision globale du Conseil d'Etat sur la mobilité à Genève qui soit conforme à cette loi.
J'aimerais rappeler que la LMCE prévoit une moyenne ceinture routière homogène et lisible, comprenant notamment le «U» lacustre, dans l'attente d'un bouclement autoroutier par une traversée du lac. Le PLR veut repenser le trafic automobile au centre-ville et aménager des pistes cyclables sécurisées. Nous nous engageons à participer sans tarder à la mise en place des solutions, dans la concertation avec les milieux concernés. Mais la voiture reste un moyen de transport nécessaire et important dans la cité pour de nombreux usagers qui ne peuvent pas se déplacer autrement et dont beaucoup utilisent leur véhicule pour des raisons professionnelles. Avec ces aménagements réalisés à la va-vite, avons-nous pensé aux commerçants qui étouffent au sortir de la crise sanitaire ? Avons-nous pensé aux livreurs, aux pendulaires, qui n'ont pas ou trop peu de possibilités de garer leur véhicule à l'entrée de Genève ? Le libre choix du moyen de transport est inscrit dans notre constitution, et c'est au peuple que doit revenir le choix de sa mobilité, pas à un département de l'administration. Il faut réduire le trafic automobile à moyen terme au centre-ville, mais avec les mesures d'accompagnement qui s'imposent. Il faudra notamment agir sur le trafic entrant et le trafic pendulaire. Le PLR s'engage résolument dans cette voie ainsi qu'en faveur d'aménagements cyclables sécurisés, mais pas n'importe comment !
Pour l'heure, Mesdames et Messieurs les députés, il est indispensable de revenir en arrière et de rendre les voies de circulation au trafic automobile, dont les artisans, les commerçants, les livreurs et toute une série d'usagers qui ne peuvent pas rouler à vélo ont cruellement besoin. Il conviendra ensuite de reprendre rapidement ce dossier dans la concertation pour trouver des solutions pérennes. Le groupe PLR vous enjoint de soutenir cette résolution sans réserve. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Mesdames les députées, Messieurs les députés, j'ai entendu, lors du précédent débat sur le Salon de l'auto, l'excellent député Hiltpold accuser Ensemble à Gauche d'être le parti qui était contre tout. Eh bien, aujourd'hui, vous avez la preuve que nous ne sommes pas contre tout, puisque nous sommes en tout cas en faveur d'une chose, à savoir le développement d'un réseau cyclable efficace à travers l'ensemble du canton de Genève. Et je tiens, une fois n'est pas coutume, à remercier M. Dal Busco d'avoir eu le courage de mettre en oeuvre ce qui a été réalisé, avec le soutien de toutes les communes - des communes qui en demandent davantage d'ailleurs - et d'avoir eu le courage de résister à la déferlante de critiques qui lui ont été adressées, lui qui a, enfin, tenté et commencé de mettre en oeuvre une initiative populaire, l'initiative 144 adoptée par la population il y a déjà trop longtemps.
J'ai bien entendu certaines des critiques émises par les députés Sapin et Apothéloz, déplorant le fait qu'on bouche la ville et que les livreurs ne puissent plus livrer. Mais nous avons bien conscience, Mesdames et Messieurs, que certaines personnes doivent encore actuellement utiliser des véhicules motorisés: les personnes souffrant de handicaps, les taxis dont c'est la profession, les livreurs qui parfois transportent des quantités de marchandises trop grandes pour être placées dans un vélo-cargo. Mais c'est justement pour que les gens qui ont besoin impérativement de se déplacer en voiture puissent continuer à le faire sans être pris dans des bouchons que tous les autres doivent passer au vélo ! Quand on entend parler de liberté de choix du moyen de transport inscrite dans la constitution, il faut quand même souligner que c'est une absurdité: nous avons, d'un côté, des moyens de transport lourds, polluants, dangereux et inefficaces sur le plan énergétique, et, d'un autre, des moyens de transport légers, efficaces, silencieux et bons pour la santé. Et on demande à avoir la liberté de polluer de manière dangereuse et d'engorger les villes ! Est-ce cela, la liberté ? Est-ce la liberté de nuire à ceux qui entendent polluer moins ? Non, évidemment, ce n'est pas cela que nous voulons pour Genève. Nous voulons une ville propre, et, d'une certaine manière - excusez-moi, c'est vraiment une vieille formule - la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres. Nous voulons avoir la liberté d'arrêter de polluer, de circuler sans mettre notre vie en danger. C'est cette liberté que nous défendons, pas la liberté du choix du moyen de transport ! La liberté d'être en sécurité à vélo sur les routes du canton.
Par ailleurs, les communes en demandent davantage: les Villes de Carouge, Lancy, Meyrin, Onex, Vernier, se sont alliées à travers un communiqué de presse et ont dressé une liste des aménagements qui doivent être étendus: l'avenue Louis-Casaï, la route de Saint-Julien, la douane de Mategnin qui doit être ouverte exclusivement pour les cyclistes, la route de Vernier, la route de Meyrin, la route de Pré-Bois. Toutes les pénétrantes qui ont été conçues pour la voiture doivent offrir des bandes cyclables pour qu'on puisse tous continuer, même depuis la France, pour que les frontaliers puissent venir à vélo jusqu'à leur lieu de travail à Genève. C'est ça, l'avenir ! (Remarque.) Il faut compléter ce qui a été fait de manière provisoire pour qu'on puisse disposer d'un réseau cohérent, équilibré et sûr à travers tout le canton. Cela fonctionne, puisque, selon les pointages effectués, on constate déjà une hausse de 14% du trafic cycliste...
Le président. Vous parlez sur le temps du groupe, Monsieur le député.
M. Pierre Bayenet. ...alors que le trafic automobile est encore à moins 20% par rapport à ce qu'il était l'année passée au même moment. Ces aménagements sont donc efficaces, il faut les étendre pour qu'ils le soient encore plus et c'est ainsi qu'on luttera contre les bouchons, et non pas en supprimant ces aménagements.
Je tiens juste à dire, pour terminer, que quand j'entends le PLR prétendre que sa R 918 ne serait pas dirigée contre les pistes cyclables, je ne peux que rigoler, et rigoler jaune bien sûr, puisque ce texte invite le Conseil d'Etat à faire usage de «tous les moyens [...] pour mettre un terme [...] aux essais d'aménagements cyclables» ! Et on prétend qu'on n'est pas contre les pistes cyclables ! Il faut appeler un chat un chat: cette résolution est une résolution anti-cyclistes, anti-vélos, il faut évidemment la rejeter.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, les présentations de ces trois objets étant terminées, je vous suggère de faire la pause maintenant et de reprendre le débat à 18h. Les personnes qui ont demandé la parole restent inscrites.