République et canton de Genève

Grand Conseil

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RD 1345
Rapport de la commission législative concernant l'application de l'article 113 de la constitution de la République et canton de Genève à l'épidémie du virus Covid-19 et l'examen des arrêtés du Conseil d'Etat liés à l'état de nécessité (arrêtés adoptés après le 29 avril 2020)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 4 et 5 juin 2020.
Rapport de majorité de Mme Danièle Magnin (MCG)
Rapport de première minorité de M. André Pfeffer (UDC)
Rapport de deuxième minorité de M. Pierre Vanek (EAG)
R 923
Proposition de résolution de Mmes et MM. Danièle Magnin, Jean-Marc Guinchard, Diego Esteban, Badia Luthi, Pierre Vanek, Céline Zuber-Roy, Edouard Cuendet, Dilara Bayrak constatant l'état de nécessité en raison de l'épidémie du virus Covid-19 et approuvant les arrêtés du Conseil d'Etat adoptés dans le cadre des circonstances liées au Covid-19 (arrêtés adoptés après le 29 avril 2020)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 4 et 5 juin 2020.

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs, nous attaquons le traitement des urgences acceptées lors de la séance précédente avec les objets liés RD 1345 et R 923 qui sont classés en catégorie II, soixante minutes. Je me permets de faire remarquer, s'agissant des titres de ces deux textes qui font référence au «virus Covid-19», que covid-19 est le nom de la maladie, pas celui du virus. La parole est demandée par M. Pierre Vanek... (Remarque.) La rapporteure de majorité voudrait-elle bien se manifester ? Voilà, Madame Magnin, c'est à vous.

Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. En premier lieu, Mesdames et Messieurs, vous constaterez que le rapport est un petit peu long; c'est parce que le précédent avait été jugé trop bref. J'ai donc fait en sorte que tout un chacun soit satisfait et puisse y trouver ce dont il a besoin pour bien comprendre la situation.

La commission législative a examiné les arrêtés rendus par le Conseil d'Etat postérieurement à notre dernière session - c'était les 11 et 12 mai, si ma mémoire est bonne: il y en a un certain nombre qui découlent de l'article 113 de la constitution genevoise et un autre qui ne relève pas de notre charte fondamentale, mais dont le cadre légal rendait son dépôt possible à ce moment-là.

Nous avons d'abord longuement discuté du rapport précédent et de ce que souhaitaient ou pas les différents groupes, puis nous sommes passés à l'étude du premier arrêté, qui concerne... (L'oratrice parcourt le rapport sur son ordinateur.) Excusez-moi, je dois le retrouver, et pour ça il faut que je tombe sur la bonne page - avec mes excuses pour la petite attente ! Evidemment, j'ai oublié de mettre le passage en évidence ! Ça commençait par «Le président»... (Un instant s'écoule.) Voilà ! Je reprends: nous avons étudié l'arrêté portant sur la vente des masques de protection par les différents organismes de l'Etat et nous sommes arrivés à la conclusion que l'Etat avait le droit de procéder de la sorte.

Ensuite, nous nous sommes penchés sur le... le... (L'oratrice parcourt le rapport sur son ordinateur.) Excusez-moi ! L'arrêté suivant a trait... (Un instant s'écoule.) Je suis navrée de vous faire attendre. Bref, tant pis... Ah voilà, c'est bon: il s'agit des deux arrêtés du 18 mai relatifs à la Chambre des relations collectives de travail et à la prestation de serment des exécutifs des communes genevoises. Nous les avons donc analysés. S'agissant des relations collectives de travail, il est apparu à certains d'entre nous que les différentes institutions auraient pu s'organiser seules, et en ce qui concerne les rapports entre les Conseils municipaux et le Grand Conseil, quelques critiques ont également été émises.

Au final, nous avons approuvé l'arrêté sur les masques de protection remis par le canton de Genève - il s'agit de l'arrêté n° 43 du tableau où sont listés l'ensemble des arrêtés du Conseil d'Etat - par 7 oui contre 2 non. Quant à celui sur la Chambre des relations collectives de travail - c'est l'arrêté n° 44 du même tableau - l'UDC s'est interrogée sur sa nécessité. La majorité de la commission, pour sa part, l'a adopté par 8 oui - l'UDC s'est finalement abstenue.

Concernant l'installation des Conseils municipaux, soit l'arrêté n° 45 du fameux tableau, nous avons considéré son fondement normal et correct. Non seulement le droit des personnes devant prêter serment à vivre cette cérémonie dans la santé, si je puis dire, était respecté, mais ceux qui en auraient voulu un peu plus n'ont pas été trop lésés. Restait juste le regret de ne pas avoir pu fêter cet événement comme on le fait habituellement.

Nous avons poursuivi notre examen avec l'arrêté n° 46, qui suspend le délai pour le dépôt des signatures des initiatives cantonales et communales. Là encore, nous avons beaucoup débattu, mais nous l'avons finalement approuvé, toujours avec l'abstention UDC. Enfin, nous avons traité l'arrêté n° 47 prolongeant l'arrêté du 17 avril relatif aux commissions officielles et aux conseils d'administration des institutions de droit public, toujours dans le cadre de l'épidémie de coronavirus, et nous sommes parvenus au même résultat, comme vous pourrez le lire, à savoir 8 oui et 1 non de l'UDC - cette fois-ci, ce n'était pas une abstention.

Un seul arrêté ne dépend pas de la constitution, je crois que c'est le n° 45... Non, pardon: nous avons d'abord dû déterminer si nous nous trouvions toujours en situation de nécessité induite par l'épidémie. La majorité de la commission a considéré que oui et qu'il fallait prolonger les mesures tandis qu'une voix s'y est opposée, celle de l'UDC, si ma mémoire est bonne... Non, en fait, il y a eu 7 oui, 1 non de l'UDC et 1 abstention d'Ensemble à Gauche.

Le président. Madame, vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Danièle Magnin. Pardon ?

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Danièle Magnin. Non, ce n'est pas la peine, je suis arrivée au bout, le dernier arrêté ne dépendant pas de l'article 113 de la constitution. Je vous remercie.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, conformément à l'article 113 de notre constitution, la commission législative a été mandatée pour la deuxième fois afin de constater la situation extraordinaire permettant au Conseil d'Etat de gouverner par des arrêtés. Cette disposition constitutionnelle n'autorise pas notre Grand Conseil à évaluer la gestion ou même à juger de la pertinence des différents arrêtés. Quel que soit l'avis des députés, chaque arrêté reste en vigueur pour une durée maximale de douze mois. Ainsi, notre action se limite à déterminer si l'état d'urgence est encore nécessaire. Est-il justifié de maintenir cet état de nécessité alors que le Conseil d'Etat applique en parallèle une gouvernance usuelle ? Même si le risque d'une seconde phase de crise sanitaire n'est pas exclu, est-il réellement judicieux de le prolonger ?

Pour le rapporteur de première minorité, il serait sain et logique d'y mettre fin. Les arrêtés dont il est question dans ce rapport divers et cette proposition de résolution ne revêtent plus vraiment un caractère d'urgence; les principes de fonctionnement de la Chambre des relations collectives de travail ou de la prestation de serment, par exemple, auraient pu être fixés dans un règlement. Le représentant du Conseil d'Etat lui-même reconnaît que ces textes ne relèvent plus de l'urgence. Est-ce que l'arrêté sur la vente de masques par l'Etat à 50 centimes l'unité et l'interdiction de revendre des masques distribués gratuitement revêt vraiment un caractère urgent ? On peut en douter; d'ailleurs, de nombreux commissaires auraient préféré que ces protections soient vendues dans les pharmacies ou par l'intermédiaire de professionnels de la santé.

Bref, il n'y a plus d'état de nécessité et notre Conseil d'Etat doit retrouver un fonctionnement normal. C'est comme pour les pompiers: en cas de sinistre, il est primordial que les hommes du feu arrivent le plus rapidement possible sur les lieux. Par contre, après que l'incendie a été maîtrisé, il n'y a plus d'urgence et les gyrophares doivent être éteints. Actuellement - sauf évolution de la situation sanitaire, évidemment - l'état d'urgence n'est plus nécessaire. L'adhésion de la population, qui a constitué la base du succès de notre semi-confinement, a été possible uniquement parce que les mesures s'appliquaient dans un contexte exceptionnel. Nous devons maintenant revenir à la normale en décrétant la fin de l'état d'urgence, il est indispensable de restaurer les droits fondamentaux des citoyens et de rétablir l'Etat de droit. Je le répète: la situation actuelle ne requiert plus l'état d'urgence, il faut y mettre fin.

Ceci est d'autant plus important que notre constitution ne prévoit rien pour son abrogation. Le canton de Vaud a promulgué la fin de l'état d'urgence pour le 16 juin 2020. Quelle a été sa démarche ? Personne ne le sait; le représentant du Conseil d'Etat genevois prévoit de téléphoner à son homologue vaudois pour se renseigner.

Encore une fois, la fin de l'état d'urgence n'est pas une question symbolique, c'est un sujet important. Il en va de l'Etat de droit, du bon fonctionnement de nos institutions et surtout du rétablissement des droits fondamentaux des Genevoises et des Genevois. Les questions auxquelles nous devons répondre sont les suivantes: l'état de nécessité est-il encore justifié ? Est-il acceptable de le prolonger alors que l'immense majorité des décisions et des actions découlent déjà d'un fonctionnement ordinaire ? Nous répondons clairement par la négative. Pour ces raisons, le rapporteur de première minorité vous recommande de voter non et d'abroger l'état d'urgence. Merci de votre attention.

M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, mon rapport de deuxième minorité cible très spécifiquement l'un des arrêtés du Conseil d'Etat, les autres ne nous ayant pas semblé poser particulièrement problème. La proposition du député UDC de mettre fin à l'état d'urgence peut certes être débattue, mais là, on est en train de traiter des différents arrêtés qu'a émis - j'allais dire «commis» ! - le Conseil d'Etat.

Celui sur lequel je me concentre est l'arrêté n° 43 relatif aux masques de protection remis ou vendus par le canton de Genève dans le cadre de l'application de l'article 113 de la constitution. Le Conseil d'Etat n'a pas été très prolixe sur le sujet des masques, et lors de la séance plénière où nous avons traité de l'état d'urgence et des mesures du gouvernement - c'était le 11 ou le 12 du mois dernier, je ne sais plus exactement - j'avais stigmatisé l'absence d'intervention publique à ce propos, le fait que le Conseil d'Etat n'en parle pas et les complications que cela créait, ceci alors que cette question est particulièrement sensible et surtout représentative d'un système politique problématique.

En effet, le manque de masques dans notre pays a été révélateur de défaillances dans la politique sanitaire, dans la prévision, dans l'organisation de l'approvisionnement. Il y a certes tout un système de stocks et de circuits, mais les prescriptions du plan pandémie de la Confédération n'ont pas été respectées pour des raisons économiques, pour des raisons néolibérales. La question de l'autoproduction locale n'a pas été abordée, et on s'est retrouvés dans une situation de désarroi complet, on a été baladés par Daniel Koch de l'OFSP et Alain Berset qui ont promis-juré pendant des mois - deux mois ou un peu plus - que les masques ne servaient à rien pour la population, ils ont distillé ce discours pour dissimuler l'impréparation dictée par des considérations économiques, des considérations - je le dis sans polémique - néolibérales ! Oui, ce sont des politiques d'austérité néolibérales qui ont désarmé un certain nombre de pays comme les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, lesquels figurent maintenant dans le top ten des Etats payant en sang, en morts et en larmes leur manque de préparation face à la situation, des pays qui constituent le berceau du néolibéralisme.

Quant à nous, notre opinion est claire. Le PLR a contesté cela en commission, mais on estime qu'il aurait fallu fournir dès que possible des masques de qualité contrôlée, il aurait fallu les mettre gratuitement à disposition de la population ou de ceux qui voulaient s'en servir avec un fort encouragement dans ce sens découlant du principe évident de précaution. On sait en effet que le nombre de porteurs asymptomatiques a été sous-estimé et que les pays qui connaissent le plus de succès dans le combat contre le covid-19 ont déployé une stratégie de mise à disposition et d'encouragement, voire d'obligation du port de masques.

A Genève, que s'est-il passé ? Mi-avril, le conseiller d'Etat Mauro Poggia a annoncé à la RTS que l'Etat de Genève était sur le point d'acheter une machine avec le privé pour un montant de 700 000 francs, une machine à autoproduire des masques localement afin d'éviter d'avoir à constituer des stocks et de pouvoir répondre à la demande en direct. Par la suite, y compris au sein de la commission censée traiter d'un arrêté là-dessus, on n'a plus du tout entendu parler de cette initiative ! A la mi-avril également, la «Tribune de Genève», comme d'autres médias, indiquait que l'armée menait une opération secrète pour importer des masques par millions, mais on n'a eu aucun rapport à ce sujet: que s'est-il passé, est-ce qu'on en a reçu, est-ce qu'ils étaient de bonne qualité - j'entends des bruits selon lesquels ils étaient pour part de mauvaise qualité - combien ont-ils coûté ? Bref, aucune transparence sur la politique menée en la matière.

Un mois plus tard - je vous parlais là de la mi-avril - soit le 14 mai, après notre dernière session parlementaire où j'avais poussé une gueulée sur ce point, le Conseil d'Etat est intervenu en disant que le canton allait vendre ou remettre gratuitement des masques à un prix modique, fixé, régulé. Fort bien, mais enfin, il y avait très peu d'informations, on ne connaissait pas la proportion de masques gratuits et celle de masques vendus, on ne savait pas d'où ils venaient, combien ils coûtaient... Bref, là encore, c'était l'opacité complète.

Lors de ses travaux, la commission législative a systématiquement posé des questions sur la publicité faite à propos de ces masques, sur les possibilités d'en obtenir, sur leur origine, sur les volumes, le coût et la durée de l'opération, sur la façon de s'assurer de la qualité, mais les réponses étaient peu étoffées. On nous a dit que les protections possédaient un certificat de conformité et qu'il fallait voir avec les TPG parce que c'étaient eux qui s'occupaient de ça - ce qui est quand même bizarre, puisque le Conseil d'Etat avait indiqué que le canton en fournirait. Mais surtout, on n'a obtenu aucune réponse aux questions posées quant au - je le répète - volume de l'opération, à son coût, à sa durée, à l'origine des produits... Des interrogations pourtant légitimes ! Un commissaire a même demandé ce qu'il en était des masques en matière renouvelable, mais ça a été balayé d'un revers de main alors que le lendemain ou deux jours plus tard paraissait une étude d'un universitaire genevois selon laquelle on avait probablement - à tort ! - renoncé aux masques recyclables en coton et passé au tout-jetable pour des raisons économiques, des motivations de gestion, et pas des motivations...

Le président. Monsieur, vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Pierre Vanek. Oui, oui, merci ! ...pas des motivations sanitaires. C'est un problème ! Plus tard, la commission a reposé des questions et systématiquement, il a été fait machine arrière: le Conseil d'Etat a indiqué qu'il n'avait jamais été question de mener une opération de distribution de masques à grande échelle, que son but n'était pas d'en réglementer la vente ou de casser le marché spéculatif en la matière, mais simplement d'en fournir un certain nombre - combien, en revanche, on ne sait pas.

En fait, tout cela s'est dégonflé comme un ballon de baudruche. Le rapporteur UDC a raison: dans l'arrêté, il ne reste pratiquement rien, tout juste apprend-on que les masques sont vendus à prix coûtant - et encore, on ne dispose pas des indications qui permettraient de le prouver - à 50 centimes la pièce et qu'un certain nombre sont distribués gratuitement, mais on ne sait pas combien, ni à qui, ni par quel circuit. Voilà qui est choquant du point de vue de la transparence sur la manière dont on a réagi et la manière dont il faudrait réagir ! De ce point de vue là, je ne peux que soutenir l'idée de l'UDC d'une commission d'enquête parlementaire qui procède à un bilan, qui apporte des éclaircissements sur nos défaillances. Il n'est pas grave de commettre des erreurs, mais il est grave de les répéter ou de les multiplier.

Dans ces conditions, Mesdames et Messieurs, je vous invite à rejeter l'arrêté du Conseil d'Etat spécifique à la question des masques, voilà ma conclusion générale. Le refus de cet arrêté passe par un amendement à la proposition de résolution qui figure dans mon rapport de deuxième minorité et qui précise qu'on n'approuve pas cet arrêté.

Enfin, j'ai un petit post-scriptum, une question incidente: vous savez - vous l'avez probablement lu sur toutes sortes de médias sociaux - que diverses manifestations sont organisées ce week-end en lien avec ce qui se passe aux Amériques...

Une voix. Aux Amériques ?!

M. Pierre Vanek. ...avec les violences policières et les problèmes de racisme, notamment une qui aura lieu samedi à 14h à la place des Nations, à laquelle je me rendrai. Or la loi sur les manifestations sur le domaine public, en son article 6 - c'est une loi assez restrictive - stipule ceci: «Il est interdit à quiconque participe à une manifestation de revêtir, sauf dérogation par le Conseil d'Etat, [...] un équipement de protection ou un masque à gaz.» Je souhaiterais que M. Poggia nous confirme que les diverses manifestations sur le domaine public qui se tiendront ces prochains jours seront au bénéfice d'une dérogation du Conseil d'Etat autorisant les participants, comme je le serai, dans le cas où on serait un peu serré comme on l'est dans les bus, à revêtir un équipement de protection ou un masque, c'est la moindre des choses ! Voilà, c'était mon petit post-scriptum; pour le reste, il faut refuser l'arrêté.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, je rappelle que la commission législative a pour but de contrôler si, sur le plan législatif, les arrêtés rendus par le Conseil d'Etat sont conformes à l'article 113 de la constitution, mais n'a pas vocation à vérifier la pertinence de ses décisions, pas plus d'ailleurs, pour répondre au rapporteur de première minorité, qu'à demander la fin de l'état d'urgence - il s'agit là d'une proposition qui doit être validée ou acceptée par notre Grand Conseil. Le travail de la commission législative ne consiste ni en une évaluation ni en un contrôle de la gestion sanitaire de la crise, actions qui viendront certainement par la suite, au moment où la situation sera plus calme et où nous pourrons procéder à un examen pratique et pragmatique.

Ainsi que vous l'avez entendu de la part de Mme la rapporteure de majorité, l'appréciation rendue par la commission législative s'agissant des arrêtés du Conseil d'Etat est majoritairement favorable. Nous nous trouvons toujours en contexte de crise et devons dès lors faire appel à des remèdes de crise. Encore une fois, je revendique pour le Conseil d'Etat, dans la gestion de cette situation, le droit à l'erreur, le droit à l'incertitude, le droit à certains rétropédalages et le droit à des changements de paradigmes. Les experts sont divisés, on l'entend chaque jour, que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans les médias: d'aucuns prédisent une deuxième vague, d'autres pas; certains tablent sur une deuxième vague molle, d'autres encore sur une deuxième vague virulente, avec beaucoup plus de cas et de décès. Comment exiger du Conseil d'Etat une conduite basée sur des certitudes absolues alors que même les opinions des experts diffèrent ? J'appelle ce Grand Conseil à une certaine humilité et à de la modestie dans le jugement qu'il porte sur les décisions gouvernementales.

Deux remarques encore pour répondre aux rapporteurs de minorité. D'une part, il aura certainement échappé au rapporteur de première minorité que nous avons obtenu des réponses du directeur des affaires juridiques à la question relative au canton de Vaud. D'autre part, je souligne à l'attention du rapporteur de deuxième minorité que la problématique des masques a existé dès le début de la crise parce qu'il n'y en avait pas suffisamment et que les stocks n'avaient pas été constitués, situation qui a été régularisée depuis. Sur cette base, le groupe démocrate-chrétien vous recommande de prendre acte du rapport divers et de voter la proposition de résolution avec la même majorité que celle qui s'est dégagée en commission. Je vous remercie.

Mme Dilara Bayrak (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, les principaux éléments concernant ces arrêtés ayant déjà été énoncés, je serai brève. Si nous sortons petit à petit de la crise du coronavirus, il nous faut néanmoins rester conscients que tout danger n'est pas écarté; les mesures de sécurité s'assouplissent, mais nous ne revenons pas pour autant à la normale. Pour rappel, à ce jour, nous nous trouvons toujours en état de nécessité à l'échelle cantonale, et cette situation est justifiée tant que plane le spectre d'une seconde vague.

S'agissant de la proposition de résolution, le groupe des Verts soutient les mesures prises par le Conseil d'Etat, comme indiqué lors de la dernière session du Grand Conseil. Cependant, à l'instar du groupe Ensemble à Gauche, nous regrettons que le gouvernement ne soit pas allé plus loin au sujet des masques; nous aurions en effet souhaité que ceux-ci soient mis à disposition de toute la population à titre gratuit, cela nous semble légitime étant donné qu'il s'agit de santé publique et non d'aide aux plus démunis. Nous déplorons également le fait que ces protections ne soient pas produites de façon plus durable, en considérant par exemple l'option des masques en tissu. Malgré ces quelques réserves et les arguments énoncés dans les deux rapports de minorité, nous estimons que refuser ce texte ne serait pas productif, il s'agirait tout simplement d'un non-sens.

L'objectif de la commission législative était de vérifier la légalité et, dans une moindre mesure seulement, l'opportunité de ces arrêtés. Il en ressort que le Conseil d'Etat n'avait pas la volonté de créer un marché parallèle à celui qui existe, mais uniquement de combler un manque au sein des milieux professionnels. Cette ligne peut être critiquée, mais comme l'a mentionné mon collègue, M. Guinchard, cela n'entre en aucun cas dans le cadre de la mission que la commission législative devait mener. Pour toutes ces raisons, le groupe des Verts votera cette proposition de résolution, mais sans grand enthousiasme quant à l'opportunité des décisions relatives aux masques. Merci. (Applaudissements.)

Mme Céline Zuber-Roy (PLR). Je serai brève également, car beaucoup de choses ont déjà été dites. Pour répondre au rapporteur de première minorité, il nous semble qu'il vaut mieux des arrêtés tels que ceux présentés par le Conseil d'Etat plutôt que des lois d'urgence que notre Grand Conseil devrait valider sur le siège, comme ça a été le cas lors de la précédente session - la commission législative a d'ailleurs critiqué ce procédé à juste titre.

Concernant les mesures prises dans le cadre de l'état de nécessité, je souhaiterais relever le sens de la proportionnalité dont a témoigné le gouvernement et notamment saluer ce qu'il n'a pas fait: il n'a pas cherché à prolonger les mesures de la Confédération lorsqu'elles ont été levées - il en aurait eu la possibilité et cela aurait été regrettable - il n'a pas manifesté une volonté d'interventionnisme supplémentaire.

Quant aux propos du rapporteur de deuxième minorité sur la question des masques, il s'agit là d'une vision politique, M. Vanek l'a dit lui-même. Pour notre part, nous sommes très satisfaits des décisions prises par le Conseil d'Etat, il est juste qu'il soit intervenu en vendant des protections à prix raisonnable, notamment pour les commerces qui en avaient besoin. Il était aussi particulièrement judicieux d'en remettre gratuitement aux personnes démunies, mais il n'y avait aucune raison d'en faire une distribution massive gratuite; les personnes qui devaient en acquérir l'ont fait, et c'est une bonne chose.

Par ailleurs, je rejoins ma préopinante - en précisant qu'à la base, c'est le PLR qui avait souligné cela en commission: nous regrettons qu'on refuse l'option des masques en tissu, c'est vraiment du gaspillage eu égard à la quantité de protections utilisées. Pour nous, les masques en tissu pourraient parfaitement être portés dans les transports publics en plus des gestes barrière, et nous estimons qu'il faudrait étudier la question au lieu d'en rester simplement à des articles jetables.

Finalement, ce serait bien que l'état de nécessité se termine bientôt, ce serait idéal si on pouvait en constater la fin lors de la dernière plénière de juin. Evidemment, cela implique qu'il n'y ait pas de deuxième vague; nous l'espérons, et dans cette optique, il faut que chacun continue à suivre les recommandations. Le PLR prendra acte des arrêtés pris par le Conseil d'Etat et les validera en soutenant la résolution.

M. Cyril Mizrahi (S). Du côté du groupe socialiste, Mesdames et Messieurs, nous souscrivons à un certain nombre de remarques qui ont été émises. Nous ne sommes pas particulièrement enthousiastes à l'idée d'approuver ces arrêtés, mais nous allons quand même les voter. Pour résumer notre position, ces décisions ne mangent pas de pain, c'est plutôt l'absence de certaines mesures qui nous a chagrinés.

En ce qui concerne les masques, l'offre de l'Etat a eu le mérite d'exister, mais il est vrai que nous nous attendions à une distribution plus large. Cette action a été très discrète, et beaucoup de personnes se sont senties obligées d'acheter des masques à un tarif prohibitif, prétendument vendus à prix coûtant pour 1 franc, alors que le Conseil d'Etat proposait un tarif de 50 centimes l'unité. A notre sens, il aurait fallu faire circuler l'information de façon beaucoup plus étendue, l'intervention du Conseil d'Etat était insuffisante à cet égard.

Intervention insuffisante également sur d'autres points, par exemple la simple abrogation de l'arrêté concernant les visites dans les établissements pour personnes handicapées: cela a laissé le champ libre aux institutions elles-mêmes, qui ont parfois restreint de manière très dure et discriminatoire la liberté des résidents de ces institutions. Idem pour la question des travailleurs proches de personnes vulnérables qui sont très peu protégés par le droit fédéral; là encore, l'Etat aurait pu dégager une marge de manoeuvre.

Alors, me direz-vous, pourquoi approuver ces arrêtés ? Ce qu'il faudrait, en réalité, ce n'est pas refuser les mesures, mais en proposer des supplémentaires. Or en situation d'urgence, c'est difficile, on ne peut pas procéder par le biais de résolutions. Au final, cela rejoint certains aspects qui ont été mentionnés: pour le moment, c'est un peu tôt, parce que le droit d'urgence est toujours en vigueur au niveau fédéral, mais on en voit le bout, on sait que le Conseil fédéral souhaite sortir du droit d'urgence entre mi-juin et fin juin, et il doit en aller de même à Genève. Cela signifie aussi que le parlement doit adapter son fonctionnement et être capable d'agir plus rapidement, parce qu'à la différence de ce que soutient Céline Zuber-Roy, je pense qu'il y a un juste milieu, il n'est pas judicieux de continuer à légiférer par voie d'arrêtés. Ainsi, si on veut sortir de ce mode de procéder, il faut que notre Grand Conseil se montre plus réactif, on ne peut pas se contenter d'adopter des textes sur le siège dans la précipitation, comme cela a été fait.

Contrairement à ce qui a été dit par certains, l'objectif de la commission ne se limite pas à confirmer la seule légalité de ces arrêtés, il y a un travail d'évaluation de la pertinence de l'activité législative de substitution du Conseil d'Etat, mais il est vrai que nous sommes obligés d'avancer avec une certaine retenue et que si nous souhaitons amender ce qui a été décrété par le gouvernement, nous devons le faire par le biais de projets de lois, et non de résolutions.

Enfin, et je conclurai là-dessus, nous souhaitons sortir du droit d'urgence rapidement, et je rejoins à ce propos le rapporteur de minorité Vanek sur la question des droits démocratiques: le parlement a recommencé à siéger, les Conseils municipaux ont recommencé à siéger, il est temps de permettre - dans le respect des mesures sanitaires, bien entendu - aux personnes, à la société civile, aux citoyens et citoyennes d'exercer leurs droits et libertés démocratiques. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Thomas Bläsi (UDC). Pour le groupe UDC, Mesdames et Messieurs, la mission de contrôle du Grand Conseil ne saurait se limiter à voter en bloc des arrêtés du Conseil d'Etat. Car c'est bien à notre parlement, je tiens à le souligner, qu'incombe la fonction de haute surveillance du gouvernement, de son action et de l'administration.

En ce qui concerne l'arrêté sur les masques, j'aimerais apporter un certain nombre de précisions sur la succession de directives émises par le Conseil d'Etat, soit pour lui le département de la santé. Le 4 février, le gouvernement demandait aux professionnels de la santé, dont les pharmaciens, pour garantir le bon fonctionnement du réseau de soins, de réserver la vente de masques aux métiers de la santé exclusivement - c'était donc le 4 février. Le 18 du même mois, le département expliquait aux pharmaciens que la situation s'était détendue, qu'il n'y avait plus de pénurie à craindre et que les protections faciales pouvaient être commercialisées pour toute la population. Le 27 février, Genève connaissait son premier cas de coronavirus et de nouvelles consignes tombaient: les masques devaient à nouveau être attribués aux seuls professionnels de la santé, et les pharmaciens, qui en faisaient partie, pouvaient donc prétendre à leur usage.

Ensuite, le 3 mars, volte-face: si les masques continuaient à être réservés aux professionnels de la santé, les pharmaciens ne faisaient plus partie des métiers à risque et, dès lors, n'avaient plus le droit d'en porter ou d'en recevoir, leur comptoir devant leur assurer une protection imperméable contre toute infection potentielle. Information intéressante pour les assistantes en pharmacie qui se sont retrouvées assez nombreuses dans les services de l'Hôpital cantonal ! Le 19 mars, nouvelle directive, puis rebelote le 20 mars et le 30 mars.

Pour finir, le 6 avril, on a pu lire dans la presse les explications du directeur général de la santé, M. Bron, ainsi que du médecin cantonal, M. Romand. Je cite l'article: «Dans un premier temps, il a été dit aux Genevois qu'il n'était pas utile de se couvrir le visage, que la distance sociale et l'hygiène des mains suffisaient.» Les deux spécialistes ont répondu de manière assez franche: «Les autorités sanitaires admettent qu'il a fallu faire des choix, tout simplement par manque de matériel.»

Pour nous, il est évident que l'activité de contrôle du Grand Conseil implique de s'assurer qu'il y a suffisamment de matériel sanitaire et surtout d'éviter ce type d'enchaînements contradictoires mettant en danger les professionnels de la santé. Il se trouve que les masques ont généré un marché noir extrêmement lucratif, des gens se sont fait, pour dire les choses très clairement, des couilles en or sur l'épidémie que connaissait le canton. Le 15 avril, la Confédération décidait de vendre les masques de l'armée à 1 franc - pour qu'on ne me reproche pas un éventuel intérêt personnel, je précise tout de suite que ce sont les seuls masques que je n'ai jamais vendus durant toute cette période ! - des masques à 1 franc sans aucune marge pour approvisionner la population. Face à un marché plus que débordant et alors qu'il n'y avait plus de pénurie, le Conseil d'Etat genevois, quant à lui, décidait le 15 mai de proposer des protections faciales à 50 centimes. Mais, au final, pourquoi les vendre à 50 centimes plutôt que de les offrir ? Cela aurait été plus simple, une telle mesure aurait bénéficié de mon entier soutien.

Aujourd'hui, d'autres questions se posent. Est-il raisonnable de vendre à l'unité des masques présentés par lots de cinquante ? Quid de l'aspect sanitaire quand vous servez un patient et que c'est la cinquantième fois que vous plongez votre main dans la boîte ? Ce n'est pas du tout prévu pour cet usage. Résultat des courses, le parti UDC soutiendra l'amendement du groupe Ensemble à Gauche. Nous estimons que ces questions devraient être discutées et tranchées au sein d'une commission d'enquête parlementaire. Les arguments évoqués au cours du débat - humilité à adopter, situation d'incertitude, droit à l'erreur, etc. - proviennent de personnes dont la profession leur permettait de rester confinées à la maison et, partant, protégées. C'est bien sympathique, mais quid des caissières de la Migros auxquelles on a interdit de porter des protections en pleine pandémie ? Quid des officiers de police à qui on a dit qu'il n'était pas nécessaire qu'ils en mettent ? Quid des pompiers, des services de nettoyage ? Quid de tous ces métiers qui ont permis au système de tourner ? Je trouve cela scandaleux, j'estime que notre mission de surveillance n'est absolument pas remplie.

J'ai proposé la création d'une commission d'enquête parlementaire, cela ne vous satisfait pas. Est-ce que c'est parce que c'est l'UDC qui le demande ? L'UDC accepterait le projet venant d'un autre groupe parlementaire. Il est nécessaire que notre fonction de contrôle puisse s'exercer, et ce n'est certainement pas en approuvant de manière globale tous les arrêtés du Conseil d'Etat que nous y parviendrons. Je trouve cela très dégradant pour les personnes qui se sont investies et exposées durant la crise... Ah oui, j'ai oublié de mentionner les conducteurs des TPG - toutes mes excuses à eux ! Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. A présent, je passe la parole à M. Jean Batou pour trois minutes.

M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, nous sommes évidemment tous soulagés que la circulation du virus soit en baisse actuellement, mais il y a quand même deux ou trois choses à ne pas oublier. Tout d'abord, le 25 mars, la Suisse talonnait l'Italie et l'Espagne s'agissant du nombre de décès par millions d'habitants. Genève figurait en tête avec 24 morts à l'époque, alors que la Corée du Sud, qui compte cent fois plus d'habitants que notre canton, en recensait 131; entre le 25 mars et le 3 juin, Genève est passé de 24 à 281 morts et, dans le même temps, la Corée du Sud de 131 à 273 morts. Vous l'aurez compris, il y a eu moins de décès liés au coronavirus en Corée du Sud, un pays qui compte pourtant cent fois plus d'habitants que le canton de Genève, donc soyons modestes quand nous nous félicitons de l'action du Conseil d'Etat.

Je ne veux accuser personne, nous avons tous été surpris, qui sait si nous aurions fait mieux ? Cela étant, ce serait peut-être le moment maintenant de réfléchir collectivement aux erreurs que nous avons commises et à une meilleure façon de procéder si d'aventure le coronavirus ou une autre infection de même type venait frapper le canton de Genève une nouvelle fois. Dans ce sens, il me paraît incompréhensible que ce Grand Conseil ne soutienne pas unanimement la volonté de créer une commission d'enquête parlementaire. Qui dit commission d'enquête parlementaire ne dit pas forcément tribunal, mais réflexion commune, réflexion sur nos erreurs, réflexion sur la manière d'agir mieux la prochaine fois.

Je soulignerai encore, puisqu'on a beaucoup parlé des masques, que les tests ont quant à eux été insuffisamment pratiqués en début d'épidémie. De même, le traçage à partir des cas mis en évidence, qui est pourtant essentiel, reste un problème car le personnel affecté à cette tâche n'est pas suffisant. La question de la pénurie des masques a déjà été évoquée, donc au final, la seule mesure vraiment efficace a été la suspension de la plupart des activités économiques... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...avec le coût que vous savez. Ainsi, une action en amont et réfléchie mériterait d'être discutée aujourd'hui, d'être apprise non seulement par le Conseil d'Etat, mais également par notre Grand Conseil, et c'est la raison pour laquelle nous sommes très sceptiques quant au satisfecit général - enfin, pas général, mais de nombreux députés - exprimé dans ce rapport vis-à-vis de l'action gouvernementale.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Jean Batou. J'avais terminé.

Le président. Voilà qui tombe bien ! La parole va à M. Emmanuel Deonna pour une minute quarante-huit.

M. Emmanuel Deonna (S). Merci, Monsieur le président. Les rapporteurs de minorité ont émis des réserves quant à la prolongation de l'état d'urgence et à certains aspects du travail de la commission législative. A l'heure actuelle, les arrêtés du Conseil d'Etat rendus en raison de la covid-19 sont abordés par la seule commission législative, les autres commissions - à part peut-être celle de contrôle de gestion - ne pouvant pas se saisir d'objets concernant de près ou de loin l'épidémie. Ainsi, comme l'a relevé mon collègue Bläsi, on peut se demander si le contrôle parlementaire est réellement suffisant.

Comme l'ont souligné également mes collègues Vanek et Batou, le Conseil d'Etat n'a jusqu'à présent pas été très prolixe sur la question des masques, il ne l'a pas été non plus sur la disponibilité des tests, voire des lits et des respirateurs pendant la période de semi-confinement. Naturellement, nous devons ménager une certaine souplesse à l'exécutif: le contexte était tout à fait inédit et soulevait de nombreux défis. Le droit à l'erreur doit être reconnu, la situation a été et reste à plusieurs égards exceptionnelle.

Cependant, les défaillances éventuelles dans la planification, dans les chaînes d'approvisionnement, dans l'exercice de la liberté démocratique à l'intérieur ou à l'extérieur du parlement, tout cela doit être examiné de façon transparente. Mieux prévenir les besoins à l'avenir implique de savoir regarder le passé en face, même le passé très récent, et de l'analyser en toute transparence.

M. François Baertschi (MCG). Les rapporteurs de minorité ont fait feu de tout bois contre le Conseil d'Etat lors des débats parlementaires sur les arrêtés. S'il est évident que ces textes doivent être soumis à un examen critique, on a aussi le droit de critiquer les critiques, parce que certaines d'entre elles sont excessives, voire injustifiées. On a par exemple entendu parler de copinage dans cette enceinte; c'est une accusation vide, pour ne pas dire délirante, relevant d'un discours politicien inacceptable ! Quand des soignants se battent pour la santé des Genevois, quand le Conseil d'Etat affronte une crise encore jamais connue à Genève, on ne peut pas se permettre des attaques gratuites et insultantes. A-t-on le droit de semer le doute sans avancer le moindre élément factuel ? Non ! Critiquer, il le faut, mais nous avons atteint ici un niveau de dénigrement stérile. On ne lâche pas le capitaine du navire lorsque frappe la tempête, ni d'ailleurs lorsqu'elle est sur le point de s'apaiser. Le MCG n'abandonnera pas le capitaine du navire et soutiendra avec conviction la proposition de résolution qui nous est soumise, laquelle constate l'état de nécessité et approuve les arrêtés du Conseil d'Etat rendus pendant la crise sanitaire du covid-19.

M. Patrick Dimier (MCG). La question ici est de savoir s'il manque des masques ou si le Conseil fédéral nous masque des manques. (Exclamations.) Et pour clore, le MCG invite tout le monde, vu les enjeux, à ne pas spéculer sur les peurs; il serait particulièrement malsain de surfer sur une deuxième vague.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je pense que notre Grand Conseil se trompe de débat. Il n'est peut-être pas inutile de se rappeler l'article 113 de notre constitution. Je vous le lis:

«Art. 113 Etat de nécessité

1 En cas de catastrophe ou d'autre situation extraordinaire, le Conseil d'Etat prend les mesures nécessaires pour protéger la population. Il en informe le Grand Conseil.

2 S'il peut se réunir, le Grand Conseil constate la situation extraordinaire.

3 Les mesures prises en état de nécessité restent valables lorsque le Grand Conseil les approuve. A défaut, elles cessent de porter effet après une année au plus tard.»

Je répète la dernière phrase, car elle est importante: «A défaut» - c'est-à-dire si le Grand Conseil ne les approuve pas - «elles cessent de porter effet après une année au plus tard.» A cette lecture, chaque député peut constater que notre mission se limite exclusivement à constater... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...l'état d'urgence. Si le parlement devait refuser l'un de ces arrêtés, comme le demandent les collègues d'Ensemble à Gauche, il n'y aurait aucune conséquence, le texte resterait tout de même en vigueur pour une durée de douze mois. La seule et unique question qui nous est posée aujourd'hui est la suivante: la situation actuelle requiert-elle encore l'état d'urgence ? Si la réponse est non, alors il faut en décréter la fin.

Le président. Merci, Monsieur.

M. André Pfeffer. Comme je l'ai déjà dit...

Le président. C'est terminé.

M. André Pfeffer. Je vous recommande de voter non.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, lorsque l'on a été sur le pont comme l'a été le Conseil d'Etat durant trois mois, certains propos tenus dans cette enceinte sont difficiles à entendre. Cependant, le débat politique n'exigeant pas l'objectivité, nous en prendrons acte. Permettez-moi néanmoins de rappeler quelques principes de base.

L'état d'urgence n'a pas à être décrété, et d'ailleurs il ne l'a pas été par le Conseil d'Etat. L'article 113 de la constitution qui invoque l'état de nécessité permet au Conseil d'Etat, en tout temps - mais avec un contrôle rétrospectif de votre Grand Conseil, bien sûr - de prendre des décisions par définition urgentes. Il n'y a aucune raison d'opposer état de nécessité et Etat de droit, puisque le premier fait partie du second. Imaginez qu'une seconde vague importante survienne durant l'été, quand il n'y a pas de session du Grand Conseil: même si nous considérons aujourd'hui que l'état d'urgence n'est plus celui qui prévalait il y a encore deux mois et demi ou trois mois, nous devrions procéder à des arbitrages que vous auriez à valider rétrospectivement. Il n'est pas non plus question d'abroger l'état de nécessité, puisque comme je viens de le mentionner, celui-ci n'a pas été décrété, et ce qui n'est pas décrété n'a pas à être abrogé. Votre démarche est particulière, comparable à celle du contrôleur qui doit examiner, par le rétroviseur, la justesse d'une manoeuvre amorcée avec un angle de vision parfois étroit. J'ai entendu parler de droit à l'erreur; bien sûr que nous avons le droit à l'erreur, Mesdames et Messieurs, chacun de nous a le droit à l'erreur. Encore faudrait-il qu'on nous indique en quoi consiste l'erreur pour que nous puissions, le cas échéant, nous en expliquer et vous fournir les explications qui s'imposent.

Je relèverai encore certains points particuliers - il serait trop long de s'attarder sur l'ensemble des interventions. En ce qui concerne la Chambre des relations collectives de travail, on nous a demandé pourquoi nous avions, par arrêté, décidé que cet organe pouvait se réunir dans une composition différente. Il se trouve que nous étions dans l'obligation de statuer, car la loi prévoit impérativement une composition paritaire. C'est d'ailleurs sur la demande de la présidence de cette chambre, avec l'aval de tous les partenaires sociaux, que le Conseil d'Etat a rendu cet arrêté: il était nécessaire, pour que l'on ne vienne pas contester ultérieurement la validité des décisions prises par cette entité, que sa nouvelle composition définie en fonction de la crise sanitaire soit entérinée dans un acte officiel. Voilà pour répondre à l'objection que j'ai entendue à ce sujet.

Ensuite, on a beaucoup évoqué la question des masques, on a parlé d'opacité. Personnellement, je n'ai jamais été invité par votre commission pour vous fournir des explications - j'aurais été heureux de venir, mais il n'est peut-être pas trop tard. Quelques informations tout de même: d'abord, il n'y a jamais eu de pénurie de masques pour les professions qui devaient impérativement en porter. Que les choses soient claires: les HUG disposaient de stocks suffisants pour eux-mêmes, pour l'IMAD et pour les métiers où la relation avec le patient est suffisamment étroite pour que cette protection soit imposée - je parle des professions de soins. Par contre, il n'y en avait manifestement pas suffisamment pour une distribution à toutes celles et ceux qui auraient souhaité en porter, soit par confort, soit par angoisse légitime face à la situation.

La règle était claire pour toute la Suisse, elle a été diffusée par l'Office fédéral de la santé publique, non pas parce que nous faisions face à une pénurie, mais parce qu'il s'agissait des directives des professionnels de la médecine dans ce domaine: le masque n'avait pas à être porté par tout un chacun, il fallait absolument garder la distance interpersonnelle, une protection faciale pouvant en effet conférer un faux sentiment de sécurité aux gens qui n'étaient pas à l'abri d'être contaminés si la distance n'était pas respectée. Il convenait de privilégier les gestes barrière et à cet égard, la Suisse et Genève en particulier ont été exemplaires - les examens qui seront sans doute effectués par des scientifiques ultérieurement le montreront.

On a cité en exemple la Corée du Sud; je n'entrerai pas plus avant dans ce sujet, parce que ce pays emploie des moyens coercitifs dont nous ne disposons pas, et je ne dis pas cela en le regrettant. Là-bas, il y a un traçage des personnes immédiat, les gens en quarantaine sont appelés à n'importe quelle heure du jour et de la nuit et doivent se photographier avec leur entourage pour montrer qu'ils sont bien chez eux. J'aurais apprécié que vous ayez à vous prononcer sur de telles mesures si elles avaient été prises par le Conseil d'Etat du canton de Genève !

Il n'y a donc pas eu de pénurie, et nous avons toujours mis un point d'honneur à ce que les seuls masques commandés au moyen des fonds publics soient des produits certifiés pour que, le cas échéant, les professionnels de la santé puissent y avoir recours également. Nous en avions 10 millions en stock, la Confédération nous en a livré d'autres qui, malheureusement, n'ont pas pu être utilisés compte tenu d'un stockage défaillant. Nous en avons recommandé: actuellement, 45 millions de masques sont en commande, dont 25 millions pour le compte de cantons romands qui ne bénéficient pas des mêmes filières que nous. Grâce à une collaboration avec le secteur privé, nous avons obtenu des prix extrêmement favorables et nous mettrons tout en oeuvre pour que les stocks soient suffisants et surtout roulants. C'est la raison pour laquelle nous avons insisté pour obtenir des masques chirurgicaux compatibles avec les professions de soins; il faut qu'ils puissent être utilisés par les HUG et l'ensemble des soignants du canton, et renouvelés au fur et à mesure. Nous ne voulons pas nous retrouver une deuxième fois dans la même situation, car s'il n'y a pas eu de pénurie, il y a eu des angoisses réelles quant au fait que les commandes que nous passions n'étaient pas livrées dans les délais, voire étaient détournées par d'autres Etats ou marchands à leur propre profit.

Maintenant, pourquoi avons-nous édicté un arrêté sur les masques ? Je rappelle d'une part qu'aujourd'hui encore, les protections du visage ne sont imposées dans aucune circonstance, elles sont uniquement recommandées par la Confédération. D'autre part, nous les avons fortement préconisées dans les transports publics. Afin de faire entrer la pratique dans les habitudes des usagers, nous avons commencé par en distribuer gratuitement, étant précisé qu'ils n'étaient pas remis à la va-vite, sans aucune règle d'hygiène; ces distributions ont été effectuées avec les précautions d'usage, notamment l'emploi de solution hydroalcoolique, et accompagnées de toutes les informations nécessaires.

Par la suite, nous avons décidé de vendre ces masques aux utilisateurs des TPG, et c'est encore le cas aujourd'hui. Nous avons mis en place un prix moyen d'achat pour les masques acquis jusqu'à ce jour, à savoir 50 centimes l'unité, qui est la moitié du prix le plus bas que l'on trouve sur le marché, donc nous pouvons nous féliciter de les commercialiser à ce tarif. Sans compter que nous allons certainement pouvoir acquérir les stocks suivants à des prix inférieurs. Voilà donc ce qui a été fait.

On nous demande également pourquoi nous ne nous concentrons pas sur les masques en tissu; eh bien pour la simple et bonne raison que si ces protections ne sont pas utilisées, elles sont vouées à la destruction, puisqu'elles ne pourront pas être employées par notre personnel soignant. Naturellement, cela n'empêche pas la population de recourir à ces masques barrage, comme on les appelle en France voisine, car ils font l'affaire; d'ailleurs, certains de nos concitoyens en fabriquent et les vendent de manière parfois originale. C'est certainement mieux que rien, étant rappelé que le masque ne nous protège pas nous-mêmes, mais protège les autres contre les projections qui pourraient provenir de notre personne.

J'ai entendu un député dire que les assistantes en pharmacie auraient été privées de masques et qu'elles auraient encombré en nombre les services des Hôpitaux universitaires de Genève; je suis très triste de l'apprendre, je demande qu'on me fournisse immédiatement des indications à ce sujet pour que je puisse mener une enquête. Les informations en ma possession ne vont absolument pas dans ce sens, et il aurait été à mon sens irresponsable de la part des employeurs de ces assistantes en pharmacie de les exposer à un risque de contamination alors qu'il était tout à fait possible d'installer des panneaux en plexiglas ou de leur fournir des masques en plexiglas, déjà sur le marché à ce moment-là, voire des masques chirurgicaux. Alors que l'on ne vienne pas dire que l'Etat serait responsable de cette situation.

Un dernier point concernant les manifestations - elles ne font pas l'objet d'un arrêté, mais puisque cela semble intéresser certaines personnes, je dirai deux mots à ce sujet: comme vous le savez, les règles seront assouplies à partir de samedi prochain, c'est-à-dire dans quarante-huit heures, et les manifestations qui sont aujourd'hui encore totalement interdites seront autorisées - sur requête, avec des informations fournies par les organisateurs ainsi qu'un plan de protection - jusqu'à 300 personnes. Je ne vous cache pas que les modalités d'application sont quelque peu problématiques: qu'en est-il si l'on nous annonce 250 personnes et qu'il y en a mille ? Quid des normes de protection interpersonnelle au sein d'une manifestation sur l'espace public ? Que faire s'il est exigé de porter un masque alors que notre loi cantonale interdit que l'on se couvre le visage dans un rassemblement ? A tout cela, la Confédération n'a pas pensé, mais nous tâcherons d'y penser pour elle. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat.

Le Grand Conseil prend acte du rapport divers 1345.

Le président. En ce qui concerne la R 923, nous sommes saisis d'un amendement général du rapporteur de deuxième minorité, M. Pierre Vanek. Le voici:

«approuve:

les arrêtés du Conseil d'Etat, adoptés entre le 7 et le 28 mai 2020 sur la base de l'article 113, alinéa 1, de la constitution genevoise, à l'exception de l'arrêté n° 48 du tableau, soit l'arrêté 2956-2020, qui doit être examiné plus en détail par la commission, et de l'arrêté n° 43 du tableau, soit l'arrêté 2681-2020 (arrêté sur les masques).»

J'ouvre la procédure de vote.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 70 non contre 16 oui et 1 abstention.

Mise aux voix, la résolution 923 est adoptée par 70 oui contre 11 non et 11 abstentions.

Résolution 923