République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 5 juin 2020 à 15h30
2e législature - 3e année - 2e session - 9e séance
PL 12705-A
Premier débat
Le président. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes, pour traiter le point suivant de l'ordre du jour: le PL 12705-A. La lecture du C 3946 ayant été acceptée hier, je prie M. le deuxième vice-président d'y procéder. (Applaudissements à l'issue de la lecture.)
Le président. Merci, Monsieur Forni. La parole est à M. le rapporteur de majorité, Jacques Béné.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas vous faire un rapport in extenso de ce qui s'est passé en commission; vous avez à peu près tout lu dans les journaux. Non, Mesdames et Messieurs: je vais vous parler de l'avenir du Salon international de l'automobile - du plus grand salon de l'automobile au monde, que nombre de villes nous envient. Je vais vous parler d'emplois et de retombées bien réelles pour notre canton.
Nous avons assisté à un véritable vaudeville ces dernières semaines - vaudeville fondé, comme il se doit, sur une intrigue et sur des quiproquos. Les protagonistes de cette intrigue, qui ont tous été auditionnés à la commission des finances, sont les suivants: nous avons tout d'abord le Conseil d'Etat, qui tente tant bien que mal de sauver la plus grande manifestation de Suisse, dont les retombées pour Genève s'élèvent à plus de 200 millions. Il y a ensuite la fondation du salon, une structure à but non lucratif, contrairement à ce que certains pensent, qui aurait voulu fêter cette année sa 90e édition mais a été assommée contre son gré par son annulation. Il y a également Palexpo, une société anonyme: elle doit assurer sa survie et veut garantir la pérennité du salon, qui représente 30% de son activité. Palexpo veut bien évidemment maintenir une édition 2021 pour éviter de devoir se séparer de 30 à 35 employés permanents spécifiquement chargés de l'organisation du Salon de l'automobile - c'est un enjeu majeur. Et puis il y a nous, Mesdames et Messieurs, les parlementaires de ce canton qui avons prêté serment pour servir le bien de la république. Pour le bien de la république, nous devons faire fi des intrigues et des quiproquos, qui ont exacerbé les tensions bien compréhensibles en cette période de crise.
Dans ce parlement, il y a les Verts qui sont anti-voitures - normal - les socialistes qui sont depuis longtemps anti-entreprises et préfèrent privilégier l'aide sociale plutôt que le travail, Ensemble à Gauche qui est anti-tout, et puis il y a les autres groupes. Ceux-là souhaitent donner une chance au salon eu égard à ce qu'il représente pour Genève, afin de lui permettre de poursuivre son développement en faveur de la transition énergétique, mais aussi en vue de préserver plus de 30 emplois fixes et 800 temporaires au sein de Palexpo pour l'organisation de la manifestation. Cela permettrait également aux hôteliers, aux restaurateurs, aux chauffeurs de taxi - bref, à tous les sous-traitants des exposants - de maintenir des emplois, et tout cela pour le bien de Genève.
Mesdames et Messieurs, ce parlement et la commission des finances ont approuvé à ce jour plus de 223 millions d'aide et 95 millions de cautionnement en lien avec le covid-19. Avec ce projet de loi, il s'agit uniquement de prêter - uniquement de prêter - 16,8 millions à la fondation du salon, fondation à but non lucratif, je le répète, pour ses obligations liées au salon 2020 et ses besoins relatifs à l'organisation de l'édition de 2021. La majorité de la commission a très clairement exprimé la volonté d'inviter le Conseil d'Etat à tout mettre en oeuvre pour que la manifestation puisse se tenir en 2021, mais à des conditions qui soient acceptables pour toutes les parties concernées - peut-être sous une forme différente, orientée vers l'avenir durable et les nouveaux types de mobilité que nous souhaitons tous. La commission prie aussi instamment l'exécutif de sortir de la spirale négative de ces dernières semaines et de ne pas tenter de modifier la gouvernance actuelle du salon comme le prévoyait le projet de loi initial, avec une convention jugée inacceptable pour les exposants, les marques et la fondation.
Nous faisons confiance à Palexpo et à son nouveau président, François Longchamp, pour faire converger les intérêts de tous dans un rassemblement bénéfique des compétences de chacun, pour la pérennité du salon. La majorité de la commission vous invite par conséquent à accepter ce texte pour le bien de Genève, pour le maintien de son attractivité et surtout pour le maintien de 2000 à 3000 emplois directs et indirects en ces temps difficiles. Oui, c'est un pari sur l'avenir mais il vaut la peine d'être soutenu. Je vous remercie donc, pour Genève et pour tous ces travailleurs qui méritent de conserver ces emplois, de permettre que vive le salon. (Applaudissements.)
M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, la question qui se posait avec le projet de loi initialement déposé par le Conseil d'Etat était: faut-il sauver le Salon de l'auto, notamment en injectant près de 17 millions principalement destinés à indemniser le secteur automobile ? C'est un soutien concret de l'Etat de Genève au secteur automobile alors même que ce salon est en déclin et que la crise du covid n'a finalement peut-être fait qu'accélérer la mort, qui serait survenue prochainement, de ce gigantesque show pro-voiture d'un autre âge. Sachant que le salon représente exactement ce qu'il ne faut plus faire aujourd'hui pour l'avenir de nos sociétés, à savoir miser entièrement sur le pro-bagnole en s'appuyant évidemment sur une image tout à fait dégradante et misogyne des femmes, qui servent là uniquement de faire-valoir pour les voitures flambant neuves.
Mais l'enjeu est désormais ailleurs avec le projet de loi retouché à la commission des finances par une majorité de droite et MCG: il faut comprendre que le Conseil d'Etat a modestement souhaité, avant d'accorder ce prêt, des garanties quant au fait que le salon aurait lieu en 2021 et les années suivantes. Or le salon a refusé de les donner et exigé l'argent sans condition ! En commission, la droite et le MCG ont soutenu cet accord sans condition, prouvant par là que le souci qu'ils affichent au moment de dépenser l'argent de l'Etat n'est plus vraiment valable dès qu'il s'agit de soutenir le secteur de l'auto.
En réalité, il y a de grandes chances que ce salon ne survive pas très longtemps - ça fait d'ailleurs partie des points qui m'ont fait hésiter à m'opposer à cet objet: en approuvant un projet de loi sans condition, ce Grand Conseil permettra peut-être d'enfin entériner la mort du Salon de l'auto. Malheureusement, cela passerait par la perte de 16,8 millions de l'Etat, c'est-à-dire par un financement des contribuables aux constructeurs de voitures ! La seule condition au prêt posée par ce texte est un remboursement d'ici 2037; puisqu'il est difficile de penser que la manifestation survivra jusque-là, ce prêt pourrait rapidement devenir un cadeau sans condition.
J'aimerais souligner que le vote qui se profile pour soutenir le Salon de l'auto contraste fortement avec celui d'hier sur le projet de loi en soutien aux personnes en situation précaire, aux travailleuses et aux travailleurs victimes de la crise et qui ont perdu brutalement leur revenu et se retrouvent dans une détresse terrible. Hier, ce Grand Conseil a botté en touche alors qu'il s'agissait de venir en aide à celles et ceux qui sont complètement démunis et il s'apprête aujourd'hui à se précipiter pour venir en aide au Salon de l'auto ! Il faut rappeler que le comité est composé pour moitié de personnes issues des milieux des affaires genevois qui appartiennent souvent aux grandes familles bourgeoises de notre canton; il est aujourd'hui flagrant qu'une majorité de ce parlement ne représente que la minorité aisée de la population de ce canton, comme l'a d'ailleurs également montré le débat relatif au soutien aux cadres des entreprises que le Grand Conseil a voté au pas de course.
Il y a un réel mépris, à l'inverse, envers les travailleuses et les travailleurs - une indifférence parfaite envers celles et ceux qui souffrent terriblement de la crise et de l'inégalité de la répartition des richesses. Et, il faut bien le dire, il y a une indifférence crasse face aux défis environnementaux. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, Ensemble à Gauche vous invite à refuser ce projet de loi. (Applaudissements.)
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de troisième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas m'attarder sur la question de cette manifestation qui, cela a été dit, fait l'apologie de la voiture, une mobilité du passé, polluante - en dépit de la grande entreprise de greenwashing à laquelle s'adonne aussi le Salon de l'auto, qui tente de nous présenter la mobilité individuelle motorisée électrique comme une mobilité d'avenir. Ce n'est pas le cas ! Une manifestation de surcroît enveloppée dans un épais emballage teinté de sexisme et empreinte d'une image extrêmement dégradante des femmes. A titre individuel, ces différentes raisons justifieraient déjà le refus de ce projet de loi, mais vous verrez que d'autres éléments amènent le parti socialiste à s'y opposer.
Je ne vais pas non plus m'attarder sur l'incohérence du Conseil d'Etat: il vient de déclarer l'urgence climatique et a mis en place un plan climat qui vise la neutralité carbone, mais il est aujourd'hui prêt à débourser près de 17 millions pour soutenir cette manifestation. Je ne m'attarderai pas sur cette situation somme toute assez ironique qui nous amène à voir des représentants des partis bourgeois, alors que depuis des dizaines d'années ils nous chantent sur tous les tons, à l'unisson, les louanges d'une économie libérale - ils paraphrasent régulièrement Ronald Reagan en disant que l'Etat n'est pas la solution mais le problème - accourir aujourd'hui pour ponctionner des montants extrêmement importants dans les caisses de l'Etat afin de soutenir l'économie, les start-ups, les compagnies aériennes, les chefs d'entreprise, le Salon de l'auto. Ils s'empressent ensuite de vite vite refermer les robinets lorsqu'il s'agit de venir en aide aux travailleuses et aux travailleurs qui ont perdu leur revenu, quand bien même ce sont elles et eux qui, par leur travail, font la richesse économique mais également culturelle de notre canton.
J'en viens maintenant au point central, qui est à mon sens la question épineuse - épineuse notamment pour le parti socialiste - de savoir si la préservation des emplois justifie de soutenir un événement auquel notre programme et nos valeurs s'opposent en tous points. Il faut préciser, Mesdames et Messieurs les députés, que la fondation du Salon de l'auto n'a aujourd'hui qu'un seul poste de travail: celui de son directeur. L'ensemble des autres emplois liés à cette manifestation sont à Palexpo ou sont des emplois indirects de différentes entreprises, que ce soit dans l'hôtellerie-restauration, des monteurs de stands, etc.
Or qu'a fait la majorité de la commission des finances et que s'apprête à faire la majorité de ce Grand Conseil ? A supprimer le principe d'une convention qui obligerait la tenue d'un salon en 2021 ! Et s'il n'y a pas de salon en 2021, eh bien l'ensemble de ces emplois, tant ceux au sein de Palexpo que les emplois indirects, seront purement et simplement supprimés puisqu'ils ne pourront pas perdurer au-delà d'une année. Cette décision de la commission des finances et d'une majorité de ce Grand Conseil démontre ainsi qu'elles ne se soucient absolument pas du maintien des emplois liés à la tenue du Salon de l'auto et que leur seul intérêt est de sauver la manifestation sans aucune remise en question de sa part, sans aucune condition. A ce titre, le parti socialiste vous recommande de rejeter ce projet de loi. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Olivier Cerutti (PDC). Jusqu'à présent, Mesdames et Messieurs, je trouvais que nous avions des relations un tant soit peu apaisées dans le cadre du covid-19. Je me rends compte aujourd'hui, à la vue des débats qui vont se poursuivre, qu'on est en train de rouvrir la guerre de l'automobile, la guerre des transports. Mesdames et Messieurs, je pense que la situation actuelle de notre canton, notamment sa situation économique, demande de prendre de la hauteur. Le moment est venu de se poser de vraies questions, celles qui présentent un enjeu - cet enjeu est d'abord et avant tout des places de travail pour notre canton. La révolution n'est pas pour demain; la révolution nous coûtera cher. La révolution de la mobilité ne peut se faire que dans un certain tempo.
J'aimerais quand même revenir sur quelques chiffres. Ceux qui nous ont été présentés lors des auditions à la commission des finances, où nous avons traité cet objet dans les plus brefs délais, nous laissent songeurs: les fabricants ont laissé 100 millions dans l'annulation du Salon de l'auto. 100 millions, Mesdames et Messieurs ! Renault parle aujourd'hui de licencier 14 000 personnes dans le monde ! Cela doit nous interpeller. Nous ne ferons pas la révolution de la mobilité de cette façon-là: une transition est nécessaire. C'est la même transition que pour l'Etat de Genève ! Hier soir, nous avons voté la réserve conjoncturelle: elle est nécessaire même si elle ne repose pas sur des vérités. Elle est nécessaire parce que l'Etat doit aussi faire une transition, et cette transition ne peut se faire qu'en douceur.
Les chiffres que nous avons entendus à la commission des finances sont importants: les retombées économiques pour notre canton - j'y reviens et je le souligne - sont de près de 200 millions par année. La manifestation représente environ 30% du chiffre d'affaires de Palexpo SA et des licenciements sont certainement à craindre. J'aimerais quand même rappeler ici que Palexpo a suspendu son activité jusqu'au mois de septembre. Son directeur s'est exprimé avec une crainte: la crainte pour son outil de travail. La députation doit faire son travail; il y a la gauche, il y a la droite. Il y a ceux qui pensent qu'à un moment donné, il faut savoir ce qu'on donne. Que va-t-on donner, Mesdames et Messieurs ? On ne va rien donner ! On va simplement rendre de l'argent capitalisé par la fondation au travers de Palexpo ! Et cela sous la forme d'un prêt - un prêt remboursable ! Ce prêt sera remboursé et des intérêts seront même versés ! Non, Mesdames et Messieurs, la fondation du Salon de l'auto n'est pas venue demander l'aumône mais chercher une solution «win-win» pour sauver son activité, qui est depuis des années le fleuron de notre canton. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Il a aussi été question de la gouvernance, une problématique essentielle qui ne va pas se régler du jour au lendemain. Nous sommes persuadés qu'un certain dialogue va reprendre avec l'arrivée de M. Longchamp à la présidence de Palexpo et que la gouvernance pourra être remise d'aplomb.
Le président. Merci.
M. Olivier Cerutti. Le parti démocrate-chrétien a toujours estimé que la société, pour vivre, doit avoir des rentrées financières afin d'aider les plus démunis d'entre nous.
Le président. Il vous faut terminer.
M. Olivier Cerutti. Mesdames et Messieurs, si nous voulons aider les plus démunis, essayons de conserver cette activité. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va maintenant à M. le rapporteur de deuxième minorité, Christian Bavarel, pour son rapport oral.
M. Christian Bavarel (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Les Verts reconnaissent l'importance économique qu'a eue le Salon de l'auto, mais en reconnaissant cette importance économique, nous reconnaissons aussi la fragilité de notre modèle économique. Nous avons auditionné différents acteurs; même si on donne cet argent, si on le prête, on se rend compte qu'il n'y aura normalement pas de salon en 2021 et que le problème ne sera pas résolu. Les Verts admettent par ailleurs que les livreurs, les artisans, les personnes à mobilité réduite auront par la suite certainement encore besoin de véhicules automobiles - dotés sans doute d'une technologie différente de celle employée aujourd'hui - mais ils représentent un tout petit pourcentage des déplacements. Nous pensons que notre système est fragile et qu'il faut le faire évoluer vers un système résilient, vers un système qui nous permette de préserver notre planète et de soigner, de choyer notre environnement.
Nous avons vu dans un canton voisin que j'ai l'habitude d'appeler «les pays de l'Est» - le canton de Vaud - que le Comptoir suisse a disparu à Beaulieu et s'est réinventé autrement en Valais. Nous pensons que le modèle du Salon de l'auto arrive aujourd'hui doucement à sa fin - on voit sa fragilité: injecter de l'argent dans ce salon n'a pour nous pas de sens, d'autant plus que nous pensons que ce modèle de développement des transports n'est plus le bon. Si on prend ces 16,8 millions et qu'on les divise par les 500 000 personnes à Genève, ça fait environ 32 francs par personne. On aurait pu distribuer des bons de 32 francs par personne pour acheter des bouteilles chez les viticulteurs genevois - c'eût été une manière de soutenir l'économie - ou donner 32 lémans aux Genevois de manière à nous assurer que cet argent reste dans l'économie locale. Voilà, d'autres pistes étaient possibles.
Nous reconnaissons que la fin de ce salon va être extrêmement difficile, mais nous avons simplement l'impression que donner ou prêter cet argent ne changera rien: il n'est pour l'instant pas prévu, ni du côté des importateurs ni des constructeurs, de venir à Genève en 2021. Nous avons bien compris que c'est Palexpo qui va connaître de très très grandes difficultés, mais regardons ce qui s'est passé chez nos voisins vaudois: ils n'ont pas pu empêcher la faillite du Comptoir suisse ni les catastrophes que celle-ci a provoquées autour de Beaulieu.
M. Alberto Velasco (S). Même si on était idéologiquement convaincus par ce salon, on ne pourrait pas voter ce projet de loi tel qu'il nous est présenté aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés. Imaginez-vous: à l'origine, il était prévu que l'Etat mette 17 millions avec la garantie que la manifestation ait lieu en 2021. C'était ça ! Et pour cela, il y avait une clause à l'article 2, alinéa 2, clause que nos collègues ont abrogée à la commission des finances ! Par conséquent, cette garantie n'existe plus.
Qui avons-nous vu, ou plutôt entendu, lors de nos travaux ? Nous avons entendu la fameuse fondation qui organise le GIMS - c'est en réalité une coquille vide: elle n'a aucun actif. Elle ne possède que des actions et celles-ci ont uniquement de la valeur si la manifestation a lieu. Conclusion: non seulement elle a aujourd'hui une dette de 4 millions, je crois, mais à mon avis ses actions n'auront en plus pratiquement plus de valeur s'il n'y a pas de salon en 2021, et Palexpo pourrait les acheter à 1 franc. Nous avons donc auditionné des personnes qui sont venues à la commission en jouant au poker, disons: nous ne sommes pas d'accord d'accepter les 17 millions de l'Etat s'ils sont liés à la condition que celui-ci intègre le conseil de fondation. C'est pourtant logique: si vous donnez 17 millions pour une coquille vide, il est normal que vous vouliez être dans ce conseil pour voir comment les choses se passent ! Ce d'autant plus que c'est Palexpo, d'après ce qu'on a compris, qui assume pratiquement l'organisation de l'événement, tant les infrastructures que la mise en place du personnel, etc. Tous les risques inhérents au salon, disons, sont donc assumés par Palexpo.
Franchement, d'après ce que j'ai constaté, on n'a vraiment pas besoin de cette fondation du GIMS. En plus, quand on lui a demandé si les constructeurs viendraient au salon si jamais Palexpo l'organisait, la personne a été honnête - elle a été honnête. Après une petite moue, elle a dit: «Eh bien oui, je pense qu'ils viendraient. Enfin, ils préféreraient que ce soit avec nous mais ils viendraient.» Mais évidemment qu'ils viendraient: les intérêts sont tellement importants qu'ils viendraient si la manifestation est organisée !
Je ne comprends donc pas qu'on nous demande aujourd'hui de voter, sans aucune garantie - sans aucune garantie - 17 millions en faveur d'une institution, d'une fondation, qui est pratiquement... c'est une coquille vide. Même si vous votez ce projet de loi, Mesdames et Messieurs, il n'y a aucune garantie que la manifestation se déroule en 2021 ! Que nous a dit Palexpo ? Si l'édition 2021 n'avait pas lieu, eu égard à la situation, le salon risquerait de disparaître; pour Palexpo, c'est fondamental qu'elle ait lieu.
Sa tenue en 2021, c'est une garantie des emplois - c'est vrai, c'est la garantie des emplois. M. Béné disait que le parti socialiste est anti-entreprises; nous ne sommes pas anti-entreprises ! Nous voulons, s'il y a une édition en 2021, la garantie que ce sera un salon alternatif ouvert aux nouveaux moyens de déplacement et qu'il se tiendra à coup sûr en 2021 afin que les entreprises puissent justement sauvegarder leurs contrats ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Mais sinon, quelle garantie avons-nous pour voter 17 millions, comme ça ? Pour que des voitures viennent à Genève, avec les bouchons que ça implique et les dysfonctionnements ? Mesdames et Messieurs, s'il est vrai que la manifestation génère 300 millions, on peut aussi organiser d'autres salons proposant d'autres formes de mobilité et avoir ces retombées-là.
Le président. Je vous remercie.
M. Alberto Velasco. On ne peut donc pas voter ce projet de loi dans les conditions actuelles, sans cet alinéa 2. Ce serait vraiment une...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Alberto Velasco. ...une atteinte aux intérêts de la république.
Le président. La parole est maintenant à Mme la députée Françoise Sapin.
Mme Françoise Sapin (MCG). Merci, Monsieur le président. Notre canton et la Suisse vivent une des plus importantes crises de leur histoire. Nous espérons tous très fort que la pandémie sera très très bientôt derrière nous, mais il nous reste le plus dur à faire, Mesdames et Messieurs: relancer l'économie. S'il est un événement phare dans le canton, qui contribue à l'essor économique de Genève, voire de la Suisse romande et de la Suisse, c'est le Salon de l'auto - l'un des plus grands au monde, comme on l'a relevé à plusieurs reprises. Il est par conséquent impensable qu'il disparaisse.
Vous vous en souvenez: trois jours avant l'ouverture de l'édition 2020, le Conseil fédéral prenait la décision d'interdire tout rassemblement de plus de mille personnes, ce qui a immédiatement provoqué l'annulation du salon et entraîné d'importantes pertes pour les exposants, les importateurs et les constructeurs. Il ne s'agit pas ici de sauver les voitures, Mesdames et Messieurs, mais la prospérité économique du canton de Genève ! Le Conseil d'Etat nous propose aujourd'hui un projet de loi pour accorder une aide de 16,8 millions sous forme de prêt garanti qui permettra au GIMS - Geneva International Motor Show en français - de dédommager en partie les exposants de 2020 et d'organiser une manifestation en 2021. Si le GIMS ne donne pas la garantie que le salon aura lieu en 2021, il nous a assuré qu'il ferait tout pour organiser une manifestation dont la forme est encore à discuter.
Je me permets juste de rappeler que, selon le département de l'économie, les retombées économiques directes sont de 372 millions pour le canton et de plus de 600 millions si l'on considère les retombées économiques indirectes. Il est donc inutile de relever l'importance de cet événement pour Genève. Pour toutes ces raisons, le MCG acceptera ce projet de loi.
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. le député Guy Mettan pour deux minutes.
M. Guy Mettan (HP). Merci, Monsieur le président. Chères et chers collègues, le hasard veut que nous votions aujourd'hui sur trois textes importants concernant la mobilité dans notre canton: nous discutons maintenant du premier, de ce projet de loi qui vise à soutenir le Salon de l'auto, et nous débattrons tout à l'heure de deux autres objets, contre les pistes cyclables. Personnellement, je pense qu'il faut accepter de soutenir le Salon de l'auto et refuser les textes relatifs aux pistes cyclables: nous n'avons à mon sens aucune raison de nous opposer à l'un ou l'autre des moyens de transport.
Je rappelle quand même que le peuple genevois a décidé qu'il était important à ses yeux de soutenir l'intermodalité, la complémentarité des moyens de transport. C'était un vote populaire et même si nous sommes le parlement de ce canton, je pense que nous devons respecter la volonté populaire: elle doit nous servir de guide. Et si elle nous sert de guide, eh bien nous ne devons pas opposer ces deux moyens de transport mais trouver des solutions qui permettent de les faire jouer ensemble.
Deuxième remarque, je considère que Palexpo est une infrastructure publique indispensable pour notre canton. On l'a dit, le Salon de l'auto assure 30% de ses recettes annuelles et engendre environ 200 millions de retombées économiques; sa disparition créerait du chômage, etc. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Mais il ne faut pas oublier que si nous devions renoncer brutalement, d'un coup, au salon, il faudrait alors qu'on vole au secours de Palexpo qui est, je le rappelle, une infrastructure publique et non privée ! A ce moment-là, ce ne seraient peut-être pas 17 millions conditionnés qu'il faudrait accorder mais des dizaines de millions pour lui venir en aide. Il faut donc aussi penser un tout petit peu à long terme. Enfin, à mon sens, il n'y a pas...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Guy Mettan. ...on ne peut pas opposer les méchantes voitures et les bons vélos, les gentils vélos et les méchantes voitures.
Le président. C'est terminé.
M. Guy Mettan. Je pense qu'il faut effectivement tenir compte des deux et par conséquent accepter ce projet de loi et soutenir les pistes cyclables.
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le Salon de l'automobile de Genève est le plus grand du monde et un des plus anciens. Son annulation en raison du covid-19, suite à une décision du Conseil fédéral, a mis en danger la fondation du salon - qui est à but non lucratif, je le rappelle - et par là même Palexpo SA, dont un tiers du chiffre d'affaires annuel est généré par la manifestation. Des licenciements sont possibles au cas où l'édition 2021 n'aurait pas lieu; on parle de 30 à 35 licenciements. 800 emplois temporaires seraient par ailleurs en danger, sans compter les pertes pour nos hôteliers, nos restaurateurs, nos commerces, nos artisans et pour tous les événements liés au Salon de l'auto - n'oublions pas l'événementiel - mais également pour nos agriculteurs, qui peuvent écouler nos produits GRTA et nos excellents vins.
Le Salon de l'auto s'est tourné depuis longtemps vers les nouvelles technologies, soit vers des véhicules qui fonctionnent à l'électrique, au biogaz ou à l'hydrogène. C'est peut-être le salon le plus innovateur au monde. Il engendre au minimum 200 millions de retombées économiques pour Genève; j'ai d'ailleurs déposé une question écrite urgente à ce sujet pour avoir plus de renseignements, car pour l'instant on est quand même un peu dans l'opacité.
Pour le groupe UDC, les conditions contraignantes du Conseil d'Etat mettent en danger l'avenir de la manifestation pour 2021 - cela a été dit - et nous les condamnons. D'autre part, le groupe UDC demande de ne pas toucher à la gouvernance du Salon de l'automobile. Notre groupe soutiendra le projet de loi sorti de la commission des finances, car il faut donner un signal fort aux exposants, aux concessionnaires et à tout un secteur économique dont Genève a bien besoin pour sortir de cette crise. Merci par conséquent de voter ce texte modifié, tel que sorti de commission. Je vous remercie, Monsieur le président, j'ai dit.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est maintenant à M. le député François Baertschi pour une minute cinquante et une.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Le MCG donnera toujours la priorité à Genève - Genève a véritablement des atouts considérables et il ne faut pas les gâcher. C'est pourquoi le MCG soutiendra le Salon de l'auto dans toute la mesure du possible, mais sans être opposé à ce que cette structure évolue, comme le proposent tant le comité privé du salon que la société publique Palexpo. On peut imaginer que la manifestation s'élargisse et devienne un salon de la mobilité ouvert aux nouvelles formes de déplacement: nouvelles motorisations électrique ou hydrogène, vélo électrique et autres, puisqu'on sait qu'il y a beaucoup d'inventivité dans le domaine. Parce que le MCG croit en l'avenir de Genève, il se mobilise pour le Salon de l'auto.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est maintenant à M. le député Patrick Dimier pour cinquante secondes.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Je ne veux pas en rajouter mais seulement rappeler deux choses. Lorsqu'on fait un salon, c'est justement qu'on a l'intention de présenter les technologies les plus récentes. Si on veut faire un vrai salon - et celui de Genève est le seul au monde à être annuel - c'est précisément pour le faire évoluer vers toute une nouvelle technologie de mobilité. Pour ceux qui pensent que l'automobile électrique est la solution, il conviendrait qu'ils se rappellent le désastre des matières rares. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va à M. le rapporteur de première minorité, Jean Burgermeister, qui s'exprime sur le temps de son groupe.
M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Il est vrai que le projet de loi que nous votons aujourd'hui porte sur un prêt, mais il faut bien comprendre que c'est un prêt à des conditions ultra préférentielles. Les intérêts sont les plus bas possible et puis, surtout, le texte tel que sorti de commission n'encadre pas du tout les données de remboursement puisque nous avons précisément supprimé l'idée même qu'il y ait une convention entre l'Etat de Genève d'une part et le salon de l'autre. Cela veut dire que la seule obligation du Salon de l'auto est normalement de rembourser ce prêt avant 2037 ! Je le répète: il est très probable que la manifestation ne survive pas jusque-là ! C'est donc bien un cadeau que nous votons aujourd'hui !
Mme Sapin a dit que la priorité est de relancer l'économie; mais ce projet de loi n'y participe pas du tout ! L'argent servira essentiellement à indemniser de grosses entreprises de construction de voitures, pour la plupart à l'étranger, pour les dépenses qu'elles ont faites ! Il ne participera en rien à la relance de l'économie, que ce soit à Genève ou en Suisse ! C'est aujourd'hui une certitude - c'est une certitude - que le Salon de l'auto n'aura pas lieu en 2021. La seule chose à laquelle la droite se raccroche, c'est à l'espoir qu'il se tiendra à nouveau en 2022, bien que nous n'ayons aucune garantie en la matière: il est flagrant de voir à quel point la fondation du salon a joué l'ambiguïté à cet égard dans ses échanges avec le Conseil d'Etat. Au début, lorsque le gouvernement a parlé d'un prêt, elle était formelle sur le fait qu'il y aurait une édition 2021; c'est seulement lorsque l'exécutif a voulu imposer des conditions qu'elle a fini par avouer qu'elle ne souhaitait pas l'organiser.
Ce qui a fait bondir le Salon de l'auto et la droite, c'est l'idée que Palexpo prenne part à l'organisation de la manifestation. Il faut comprendre que c'est bien Palexpo qui supporte l'essentiel des coûts et des risques du salon ! C'est Palexpo qui s'est arrangé presque intégralement pour l'organiser; l'essentiel des salariés du Salon de l'auto sont en réalité des salariés de Palexpo. Et lorsque l'événement est annulé, c'est Palexpo qui en supporte l'essentiel des coûts ! Avec ce projet de loi, on a donc une nouvelle illustration de la volonté de la droite de socialiser les pertes et de privatiser les bénéfices - je vous le dis pour qu'on ne se trompe pas de débat.
Evidemment, la gauche et Ensemble à Gauche sont fondamentalement hostiles à ce salon pour les raisons dont j'ai déjà parlé, que ce soit pour des questions environnementales mais aussi de choix de mobilité ou d'opposition à l'image dégradante des femmes véhiculée au sein de ce salon. Mais le problème de ce texte provient bien de la volonté de la majorité d'apporter un soutien de 18 millions de francs, avec une déférence extraordinaire, sans oser demander de contreparties, Mesdames et Messieurs ! 18 millions de francs ! Il est absolument essentiel que l'Etat impose des contreparties ! C'est pourquoi il faut refuser le prêt au Salon de l'auto - y compris la droite, tellement attachée à cette manifestation - et ce projet de loi tel que sorti de commission. En réalité, elle ne fait qu'offrir un bouquet final aux constructeurs de voitures avant qu'ils ne tirent définitivement le rideau.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à M. le député Serge Hiltpold pour trois minutes trente.
M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Je vais tout de suite rebondir sur les propos de mon collègue Jean Burgermeister: rappelons-nous que le comité de la CPEG vient de dépenser, il n'y a pas plus d'un mois, un milliard suite à une décision parfaitement inacceptable prise par vingt personnes. Voilà pour le cadre. Ensuite, il n'y aura aucun don puisque je vous précise quand même une nouvelle fois - c'est bien noté dans le projet de loi, si vous l'avez lu jusqu'au bout - que c'est un prêt remboursable avec rémunération, avec intérêts; c'est stipulé dans le texte de loi. C'est donc extrêmement clair.
Le plus grand problème de cette discussion, c'est qu'il est question du Salon de l'auto: si c'était du salon de l'agriculture, nous n'aurions pas ce débat. Si on était à Zurich, avec une gauche réaliste, pragmatique - comme elle sait l'être ailleurs dans la Confédération - les Zurichois auraient sans aucun problème soutenu un prêt de 16,8 millions pour avoir 200 millions de retombées économiques. Le problème est bien là. Ce qui me dérange, c'est que vous êtes des antilibéraux au niveau de la liberté individuelle: vous portez un jugement sur les emplois qui sont bons ou pas bons, que vous voulez avoir et défendre. Alors oui, je défends véritablement les employés ici, et je le fais avec une grande fierté, parce que ma réflexion me porte à donner aussi du travail aux gens de Palexpo - qu'ils soient salariés de Palexpo, de la fondation, du secteur public ou du secteur privé, ce n'est pas mon problème ! Mon problème, c'est de maintenir l'emploi sans dogmatisme.
On a besoin d'électriciens, de menuisiers, de plombiers, de graphistes, de spécialistes en marketing, de sérigraphes. Vous faites tout tomber; il n'y a aucun problème ! Dans trois mois, vous nous développerez des plans de soutien à l'apprentissage, vous déposerez des motions pour maintenir l'emploi à Palexpo, pour arroser et mettre du pognon dans l'économie, pour dire aux employeurs de former des apprentis. Maintenant, on vous demande simplement de cautionner un prêt et vous êtes contre par pur dogmatisme - et ça, c'est particulièrement choquant !
S'agissant du secteur industriel, vous avez la même vision; vous voulez diversifier l'économie ? Soutenir l'activité industrielle ? Alors qu'est-ce que l'industrie, en fait ? C'est aussi l'automobile ! C'est la robotique. C'est aussi des avions; on aura le même débat avec les avions de combat. C'est exactement la même chose: vous dites vouloir aider le secteur industriel mais en réalité vous n'en voulez pas ! Parce qu'il vous dérange fondamentalement. Parce que ce sont des emplois pour des gens en bleu et non en col blanc; je crois que vous devez mener une véritable réflexion parce que vous n'êtes plus représentés dans les syndicats, parmi les gens des corporations. Ça, c'est le premier point.
Ensuite, s'agissant des risques, c'est fantastique - c'est fantastique ! La notion du risque; est-ce que quelqu'un ici est entrepreneur ? Je crois que nous ne sommes plus que huit ou dix - le chiffre se réduit comme peau de chagrin. Qui, dans le secteur privé, employé ou employeur, sait ce qu'il fera au mois de juin de l'année prochaine ? Moi, je ne sais pas: mon chiffre d'affaires n'est pas verrouillé. J'espère que les affaires vont repartir en septembre et puis je vais naviguer à vue, je vais me battre: je vais me battre pour mon chiffre d'affaires, pour avoir des clients, pour avoir des repères commerciaux. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je vais en faire plus que ce que je dois pour avoir du chiffre d'affaires. Il faut que vous vous mettiez ça dans le crâne: personne ne sait, dans le secteur privé, si son activité va subsister l'année prochaine ! C'est une réalité ! On n'a pas la chance d'avoir un emploi garanti, d'être fonctionnaires; le raisonnement est donc complètement différent ! Ecoutez un tout petit peu ce qu'on vous dit ! On n'est pas dans le dogmatisme: on défend justement tous ces gens.
Le président. Merci.
M. Serge Hiltpold. Ensuite, au niveau du chiffre d'affaires...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député, je suis désolé.
M. Serge Hiltpold. Merci. Il faut donc soutenir ce projet de loi et respecter notre attachement à notre canton. Merci. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. La parole est à M. le député Eric Leyvraz. (Un instant s'écoule.) Excusez-moi, Monsieur le député: votre micro s'était refermé. Vous pouvez recommencer. (Un instant s'écoule.) Monsieur le député, vous pouvez y aller.
M. Eric Leyvraz (UDC). C'est bon, très bien. Beaucoup de choses ont été dites, et je constate qu'il y a vraiment bien peu d'entrepreneurs dans cette assemblée, mais beaucoup de mépris pour ces derniers, beaucoup de mépris pour les PME et pour tous ceux, très nombreux, qui vivent de l'événementiel. Trop de gens ici parlent de ce qu'ils ne connaissent pas du tout puisque leur paie est assurée quand ils ne travaillent pas, parfois même à 100%, alors j'aimerais bien qu'ils cessent un petit peu de prendre la parole pour nous dire ce qu'il faut faire, en mettant potentiellement au chômage un très très grand nombre de personnes.
Et cessez de nous dire que la voiture est morte, que c'est fini ! Arrêtez de penser que le lion de Peugeot va ressembler à celui de Lucerne et que Tesla va mourir d'une électrocution ! On aura des voitures demain; on en a besoin. Beaucoup de gens ont besoin de la voiture ! Il y a beaucoup de personnes qui ne peuvent pas se déplacer dans les transports publics parce qu'ils ont une mobilité réduite, qui ne peuvent pas se déplacer comme ils veulent parce que leur santé est fragilisée. Vous dites tout le temps qu'on mesure la valeur d'une société à la manière dont on traite les gens les plus défavorisés, mais là, vous l'oubliez drôlement ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Jean Burgermeister, vous n'avez plus de temps de parole; Monsieur André Pfeffer, vous non plus. La parole est à M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, au nom du Conseil d'Etat, j'aimerais en premier lieu remercier la commission des finances, qui a fait diligence sur cet objet. Vous vous étiez engagés, il y a trois semaines, à le traiter rapidement; vous l'avez fait en quatre auditions - je remercie en particulier le rapporteur de majorité dont le récit de ces auditions est tout à fait conforme à la réalité.
Après avoir écouté attentivement ce débat, j'aimerais insister sur la portée de la décision de ce jour et plus généralement sur la portée du Salon de l'auto. Celle-ci, l'un d'entre vous l'a dit, est d'abord symbolique: l'annonce par le Conseil fédéral, le 28 février de cette année, de l'interdiction des manifestations rassemblant plus de mille personnes a sonné comme un marqueur tant pour Genève que pour l'ensemble de la Suisse, et nous devons donc tenir compte de cette portée symbolique. C'est l'un des éléments qui a poussé le Conseil d'Etat, dès le début, à militer pour que l'édition prochaine du Salon de l'auto puisse se tenir, comme une manière de boucler la boucle de ce temps très particulier dans lequel nous sommes aujourd'hui, qui est le temps du covid-19.
La portée est évidemment aussi économique, Mesdames et Messieurs, et ce n'est pas un aspect de moindre importance: il s'agit là également d'un argument extrêmement fort qui a très rapidement poussé le gouvernement à anticiper les demandes et à agir sur ce volet. La portée économique de Palexpo au sens large, plusieurs d'entre vous l'ont rappelé, est de plus de 600 millions par année. Celle du Salon de l'auto en particulier est bien de 200 à 250 millions, dépensés en partie dans le canton de Genève mais pas seulement: sa portée va bien au-delà de nos frontières. Elle s'étend à l'événementiel, qui vit des temps très difficiles, mais aussi, certains l'ont expressément dit tout à l'heure, aux secteurs de l'hôtellerie, du tourisme, de la restauration, de même qu'aux traiteurs, aux fleuristes, aux monteurs de stands, qui sont directement impliqués, et à toute une série d'autres domaines.
Le salon a également - je le dis au risque de vous surprendre - une portée environnementale. Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat est convaincu, et on peut le démontrer sur la base des éditions précédentes, que cette manifestation permet des avancées dans le domaine de l'environnement. C'est grâce à l'émulation, à la concurrence, à la recherche de la performance suscitées par ce salon, notamment dans le domaine de l'électromobilité - un sujet qui tient à coeur au gouvernement, et nous l'avons encore rappelé cette semaine à la faveur d'un projet présenté par notre collègue chargé de ce dossier - que peuvent se développer des innovations, de nouveaux projets, et s'ouvrir de nouvelles perspectives afin d'améliorer concrètement l'environnement.
Enfin, il y a la portée financière, qui n'est pas la moindre. Vous l'avez dit et bien dit - cela témoigne de la qualité des auditions de la commission des finances: elle s'étend à Palexpo, une infrastructure publique, et aux emplois directement liés à cette infrastructure. Plus généralement, il y a la question de la gouvernance du salon en lien avec Palexpo, qui a peut-être été laissée de côté ces dernières années et qu'il faudra à terme régler.
Le Conseil d'Etat se félicite de ce texte qui sort de commission parce qu'il donne un signal fort. Un signal d'abord pour la fondation du salon, dont je rappelle qu'elle est à l'origine de la demande du prêt - celle-ci a connu, certains l'ont rappelé, une évolution; on a même évoqué, il y a quelques jours, une cession du salon à titre onéreux, soit sa vente, pour le dire de façon plus triviale. Mais en votant cet objet ce soir, vous donnez une indication claire qui, je l'espère, sera comprise à la fois comme un fort soutien et un message d'optimisme.
Je retiens ici le propos extrêmement limpide, auquel j'adhère, du député Hiltpold: la question posée à travers ce projet de loi est celle du risque. Il y aura des dizaines d'occasions de se poser cette question dans les sessions futures, Mesdames et Messieurs les députés, parce que nous allons devoir prendre des risques. Personne ne sait effectivement de quoi l'avenir sera fait dans les mois à venir; il y aura des risques majeurs pour l'emploi, il y aura sans doute des pertes, il y aura parfois, de la même façon que pour les prêts aux entreprises auxquels se sont engagés la Confédération et le canton, fraude çà et là, ou à tout le moins des doutes sur l'aide apportée. Mais ces risques valent la peine d'être pris parce que ce sont autant de signaux forts donnés à notre économie - et l'économie, c'est l'emploi; préserver les emplois, c'est aussi une manière très claire et concrète de lutter contre la précarité, un des sujets qui vous a retenus hier soir.
Le texte, c'est vrai, est légèrement modifié: il a été amputé de l'alinéa 2 de l'article 2. J'aimerais vous dire ici, au nom du Conseil d'Etat, que si un prêt est accordé à la fondation - à une entité quelle qu'elle soit - une convention doit bien évidemment en fixer les modalités. Nous avons compris le message qui nous est adressé mais il est inenvisageable de se passer d'une convention qui fixe les modalités, ne serait-ce que pour des questions de remboursement. Sur l'article 7, plus fondamentalement, l'exécutif regrette que vous renonciez à la clause d'urgence, bien qu'il en comprenne la raison. Si ce soir vous votez ce projet de loi, le fait est qu'en y renonçant, avec la computation des délais référendaires, le texte - sous réserve d'un éventuel référendum - ne pourra entrer en vigueur que le 29 août; ce sont des éléments attestés par la chancellerie que je vous livre ici. Il faut être conscient de ce délai alors qu'il est ressorti de notre discussion initiale avec la fondation du salon qu'elle considérait comme important de donner une réponse définitive aux exposants le 30 juin au plus tard. Ma foi, si c'est le 29 août, c'est le 29 août: je veux juste être très clair sur la portée de la clause d'urgence dont le Conseil d'Etat demandait que le texte soit nanti.
Je conclus, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés. Nous appelons de nos voeux un vote le plus large possible de ce projet de loi parce que nous estimons que nous avons trois objectifs partagés. Le premier est de sauver le salon, pas seulement pour le salon lui-même mais pour toute sa portée et pour le signal qu'il donne à notre société genevoise. Le deuxième est de tout faire, dix mois avant l'échéance, pour que cette manifestation se tienne en 2021 - nous allons tout faire pour qu'elle ait lieu en 2021 parce qu'elle est un marqueur. Et, troisièmement, nous considérons qu'il est important que l'argent public investi puisse redéployer des effets dès l'année prochaine.
Je vous garantis que nous allons tout faire pour que cela se fasse en bonne intelligence, et, je le dis ici de façon très solennelle, le Conseil d'Etat va faire sa part et estime que chacune et chacun - chaque partie prenante, comme les a décrites tout à l'heure Jacques Béné, le rapporteur de majorité - doit faire un pas en direction de l'autre, un pas marqué par l'optimisme et par la conviction que nous avons, ensemble, la capacité de surmonter cet écueil. A travers ce signal de confiance que vous donnerez ce soir, nous dépasserons des postures qui n'ont pas lieu d'être dans la configuration actuelle. Je vous remercie donc de faire avec nous le pari du Salon de l'auto en 2021, en bonne intelligence, avec tous les acteurs de la place. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12705 est adopté en premier débat par 55 oui contre 38 non et 1 abstention.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 à 6.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement du rapporteur de majorité que je vous lis:
«Art. 7 Entrée en vigueur (nouveau)
La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d'avis officielle.»
Celles et ceux qui l'acceptent... (Remarque.) Le rapporteur de majorité, M. Jacques Béné, demandant la parole, j'annule la procédure de vote et lui cède le micro.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je veux juste expliquer que nous avons supprimé, en commission, la clause d'urgence à l'article 7; comme il faut quand même fixer l'entrée en vigueur du texte, j'ai par conséquent ajouté cet élément dans le rapport que vous avez reçu. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Nous passons au vote... (Remarque.) Non, Monsieur Velasco, vous n'avez plus de temps de parole. Nous passons donc au vote sur l'amendement dont je vous ai donné lecture. (Remarque.) Monsieur Velasco, je vous passe la parole.
M. Alberto Velasco (S). Monsieur le président, nos collègues ont abrogé l'alinéa 2 de l'article 2 mais vous ne l'avez pas annoncé. Est-ce que cet alinéa 2 est ou non abrogé ?
Le président. Mais bien sûr, Monsieur le député, puisque...
M. Alberto Velasco. Mais nous, nous n'avons pas le projet, vous comprenez !
Le président. Monsieur, vous êtes un député expérimenté: le projet de loi dont nous sommes saisis, c'est celui qui sort de commission ! C'est donc sur la proposition de la commission que nous votons ! Je reviens à ce nouvel article 7 proposé par le rapporteur de majorité et je vous le relis:
«Art. 7 Entrée en vigueur (nouveau)
La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d'avis officielle.»
Mis aux voix, cet amendement (nouvel art. 7) est adopté par 65 oui contre 27 non.
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12705 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 55 oui contre 38 non et 2 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)