République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du mardi 12 mai 2020 à 20h30
2e législature - 3e année - 1re session - 4e séance
PL 12705
Premier débat
Le président. Nous passons au PL 12705, classé en catégorie II, trente minutes. La parole est demandée par Mme la députée Paloma Tschudi et je la lui cède.
Mme Paloma Tschudi (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, personne ne sera surpris d'apprendre que le groupe Vert s'oppose farouchement à ce projet de loi. Permettez-moi tout d'abord de souligner qu'il ne s'agit pas ici d'idéologie mais de simple bon sens, pour reprendre les termes de Serge Dal Busco, conseiller d'Etat chargé du département des infrastructures.
Si la crise que nous traversons actuellement nous a bien démontré quelque chose, c'est l'importance de mettre en place une économie locale et responsable et de ne plus négliger les questions sanitaires, d'où l'importance de remettre la santé publique au coeur des politiques publiques ! Ces 16,8 millions pourraient être octroyés en prêt à notre économie locale, l'économie du futur ! Ces 16,8 millions pourraient par exemple être octroyés en prêt aux étudiantes qui servent d'appât à côté d'une voiture, chaque année au mois de mars, pour financer leurs études ! 16,8 millions en prêt à celles et ceux qui font vivre notre économie locale: nos agriculteurs et agricultrices, nos boulangers et boulangères, nos coiffeurs et coiffeuses, nos artisans et artisanes, nos restaurateurs et restauratrices, nos artistes, et j'en passe !
Non, au lieu de cela, le Conseil d'Etat pense qu'il est essentiel d'octroyer un prêt à un salon qui date d'un autre temps, qui soutient tout sauf une économie locale et durable. Ce salon se meurt depuis quelques années déjà, avec un nombre de visites continuellement en décroissance ! Un salon qui cherche à vendre un objet appartenant au passé: un objet qui tue, qui pollue, qui participe au réchauffement climatique et à la sédentarisation de notre société. Un objet qui, même lorsqu'il est électrique, encombre nos villes et péjore la qualité de vie des habitants et habitantes. Un objet dont il n'est donc nullement nécessaire de faire la promotion, surtout dans un canton qui a récemment décrété l'urgence climatique.
Le Salon de l'auto prétend à un renouveau écologique en présentant des voitures propres - greenwashing ! Un énorme marketing pour éviter la mort subite d'une industrie qui ne répond plus aux besoins de notre société. On nous suggère que cet argent relancera un salon qui sert à inventer la mobilité du futur ! (Huées.) Mais la mobilité du futur n'est plus à inventer ! (Huées. Le président agite la cloche.)
Le président. Mesdames et Messieurs, s'il vous plaît !
Mme Paloma Tschudi. La mobilité du futur va enfin être implémentée ! (Applaudissements. Huées.) Les Vertes souhaitent que la mobilité du futur ne se déploie pas à Palexpo mais dans les rues et les places de Genève ! Aujourd'hui, la mobilité du futur tient salon dans des villes européennes comme Copenhague, alors qu'à Genève nous nous accrochons encore et toujours à une mobilité du passé dont le Salon de l'auto fait la promotion, pour le grand profit d'une économie qui est tout sauf locale et durable. Nous avons aujourd'hui la possibilité de changer de paradigme...
Le président. Je vous remercie, Madame la députée, c'est terminé.
Mme Paloma Tschudi. ...de nous offrir et d'offrir à nos enfants la ville et la mobilité que nous voulons.
Le président. C'est terminé.
Mme Paloma Tschudi. Votons non ! (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. La parole est à M. le député Alexandre de Senarclens. (Un instant s'écoule. Remarque. Rires.) Monsieur Alexandre de Senarclens, vous avez la parole.
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Merci, Monsieur le président. Je ne sais pas s'il sert à quoi que ce soit de répondre à ces diatribes et envolées lyriques; je resterai concentré sur le sujet qui nous occupe. (Exclamation.) Il s'agit d'un soutien essentiel et vital pour le Salon international de l'automobile, qui a des retombées d'environ 200 millions sur l'économie locale justement, en particulier pour les hôteliers - 30 000 nuitées - et la restauration, pour les services. Tout ça, ce sont des emplois. Ce sont aussi 100 000 visiteurs et 10 000 représentants des médias internationaux, qui offrent une véritable vitrine pour Genève: c'est absolument essentiel pour notre canton.
Comme vous le savez, l'édition 2020 n'a pas pu se tenir; elle avait justement pour objectif de se tourner vers les nouvelles technologies, les nouvelles normes environnementales et d'emprunter les voies d'une nouvelle mobilité, essentielle pour notre avenir. Malheureusement, cette édition a été annulée et le salon doit assumer de nombreuses charges. Il doit aussi indemniser un certain nombre d'exposants.
Ce projet de loi est donc absolument nécessaire et indispensable, non seulement pour le salon mais également pour Palexpo, qui est, je vous le rappelle, la vitrine de Genève dans le domaine des salons et des foires - le Salon de l'auto constitue 30% de son chiffre d'affaires. Palexpo perpétue par ailleurs la tradition genevoise d'accueil de foires, tradition qui remonte au Moyen Age et qu'il faut absolument soutenir.
S'il faut évidemment agir vite, il ne faut cependant pas agir dans la précipitation. Un certain nombre de choses doivent être négociées, avec une convention entre l'Etat et le Salon de l'auto. Un certain nombre de discussions entre le salon et Palexpo ont été quelque peu difficiles, raison pour laquelle il faut octroyer un peu de temps afin de finaliser cette convention. Je souhaiterais aussi que le Grand Conseil et sa commission des finances puissent entendre les différents intervenants avant d'accepter le texte. C'est pourquoi le groupe PLR va demander le renvoi de ce projet de loi en commission, pour qu'il soit traité très rapidement et voté en urgence lors de la session des 3 et 4 juin prochains. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Olivier Cerutti (PDC). On vient de l'entendre, le débat est lancé. Je pense que prendre un peu de recul sur la proposition qui nous est faite par le Conseil d'Etat paraît en effet tout à fait légitime pour l'ensemble de ce parlement. En ma qualité de président de la commission des finances - vous m'avez confié la mission d'organiser ses travaux - je m'engage à mettre très rapidement cet objet à l'ordre du jour afin d'en débattre lors de nos prochaines séances, ce qui permettra peut-être de revenir dès début juin avec un projet qui aura été étudié et mieux cerné. Le parti démocrate-chrétien soutiendra donc le renvoi à la commission des finances. Je vous remercie.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il ne faut pas se le cacher: le but du Salon de l'auto est évidemment de vendre et de faire la promotion de la voiture comme mode de transport. Or nous le rappelons année après année dans ce Grand Conseil: le transport individuel motorisé cause de multiples nuisances et nuit à l'intérêt général, d'abord parce qu'il congestionne nos routes. Il accapare aussi nos espaces publics, tant les voitures qui circulent sur les routes que celles garées sur les places de parking: ce sont des espaces publics qu'on ne peut pas réattribuer à d'autres usages, plus collectifs. Et puis il engendre bien sûr pollution atmosphérique et sonore, et est la cause d'un nombre d'accidents absolument dramatique.
On a pu le constater ces dernières années - et c'est d'ailleurs repris dans ce projet de loi - le Salon de l'auto s'est lancé dans de grandes entreprises de greenwashing, mais nous ne sommes évidemment pas dupes. Il faut rappeler ici que ce qui est présenté comme une alternative, c'est-à-dire la voiture électrique, n'est qu'une illusion d'alternative soi-disant durable à la voiture à moteur thermique, d'abord parce qu'elle ne règle pas le problème de l'accidentologie ni celui de la congestion du trafic et de l'accaparement de l'espace public. Ce n'est donc pas véritablement une alternative durable, sans parler évidemment de la consommation énergétique et de la consommation de terres rares.
Le parti socialiste s'interroge quant aux priorités de l'exécutif, qui a récemment déclaré l'urgence climatique et mis en place un plan climat, avec des objectifs de réduction de 60% des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 et de neutralité carbone d'ici 2050. Il se précipite néanmoins aujourd'hui pour accorder un prêt à cette institution qu'est le Salon de l'auto - une institution, un événement totalement anachroniques, à rebours du bon sens et des ambitions environnementales. L'Etat fait aussi preuve d'une sorte de favoritisme en apportant un soutien au Salon de l'auto alors que bien d'autres événements dans le canton de Genève en auraient également besoin. Je pense notamment à tous les événements culturels: on attend encore les propositions d'aide du gouvernement pour les acteurs de ce secteur qui font véritablement vivre notre canton.
Et puis je vais répondre en deux mots à la question de la création d'emplois et du soutien à d'autres secteurs économiques, comme l'hôtellerie. Oui, c'est vrai: ce salon apporte un certain soutien et crée des emplois. Mais ce n'est pas l'apanage du Salon de l'automobile ! Ce soutien à d'autres secteurs économiques, la création d'emplois peuvent très bien se faire à travers la promotion d'autres événements, des événements qui ne sont justement pas anachroniques mais porteurs d'avenir...
Le président. Merci, Madame la députée.
Mme Caroline Marti. ...des événements culturels en faveur de la transition environnementale.
Le président. Il vous faut terminer.
Mme Caroline Marti. Nous vous recommandons le renvoi de ce projet de loi non pas à la commission des finances mais à la commission de l'environnement. Je vous remercie.
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, le Salon de l'automobile est en effet une institution à Genève. J'aimerais quand même vous rappeler, avant d'aborder le fond du dossier, un chiffre fort important: il y aura une augmentation de 18% du transfert sur les voitures d'ici 2040. C'est une réalité et je suis très surpris que personne n'en parle, car il faudra en tenir compte.
Le Salon de l'automobile n'a pas attendu la crise pour faire sa mutation. On parle aujourd'hui de voitures hybrides ou électriques; à titre personnel, je pense que l'avenir est à la voiture à hydrogène. Le Salon de l'automobile sera à l'avant-garde pour atteindre les objectifs de neutralité carbone d'ici 2050. Un crédit de 16,8 millions nous est demandé, car il y a cette année beaucoup de pertes et il convient d'indemniser un certain nombre d'entreprises, de concessionnaires, de traiteurs et beaucoup de gens dans le domaine de l'événementiel qui ont perdu beaucoup d'argent - il conviendra de les indemniser. Pour toutes ces raisons, le groupe UDC soutient ce projet de loi et soutiendra son renvoi à la commission des finances. Je vous remercie, Monsieur le président, j'ai dit.
M. Jean Burgermeister (EAG). J'ai bien sûr été sensible à l'argument de M. de Senarclens qui nous demande de soutenir les traditions moyenâgeuses. Ensemble à Gauche est cependant plutôt défavorable à ce crédit en faveur du Salon de l'auto: nous nous posons une fois de plus la question des priorités. Quand on voit avec quelle célérité le gouvernement accourt à la rescousse du Salon de l'auto - je ne vais pas vous refaire le discours de tout à l'heure - alors même qu'il y a de plus en plus de laissés-pour-compte, qui sont privés de revenus et se retrouvent dans une détresse terrible !
Nous savons pourtant que la destruction de l'environnement, à laquelle l'industrie automobile participe largement, augmente massivement les risques de pandémie. Le Conseil d'Etat s'emploie d'ailleurs à nous convaincre, dans une tentative un peu grotesque, que ce salon se préoccupe de l'environnement puisqu'il précise qu'il y a une piste d'essai pour les véhicules électriques. Vous admettrez, Mesdames et Messieurs, que c'est un peu léger ! Aujourd'hui, l'urgence est au contraire aux investissements dans les secteurs qui répondent aux besoins sociaux de la population dans le respect des impératifs environnementaux, soit tout l'inverse du Salon de l'auto. C'est pourquoi Ensemble à Gauche refusera ce projet de loi.
M. Patrick Dimier (MCG). Je me permettrai de ne pas répondre à l'agression commise par la députée Verte...
Des voix. Oh !
M. Patrick Dimier. ...ça n'en vaut pas la peine et nous n'avons pas le temps, ce soir. (Commentaires.) Cela pour dire que ce qui fait que le monde moderne est le monde moderne, c'est précisément l'amélioration des moyens de mobilité. Je rappelle quand même aux communistes que sans l'automobile, ils n'auraient pas réussi la révolution de 1917: c'est grâce à des troupes motorisées et mécanisées qu'ils ont réussi à rejoindre Moscou. (Commentaires. Rires.)
J'aimerais aussi rappeler que si on veut qu'une industrie progresse, il faut lui donner les moyens de se montrer. Le Salon de l'automobile est une vitrine exceptionnelle; évidemment, il ne rapporte pas autant à l'économie locale que le festival de La Bâtie - seulement 200 millions, ce qui n'est bien sûr pas du niveau de La Bâtie ! Mais quand on Bâtie, on ne compte pas ! (Rires.)
Je veux simplement dire ici qu'il faut bien entendu soutenir ce prêt; je rappelle qu'il a quand même un aspect collatéral important puisqu'il est garanti par un nantissement d'actions, de titres. Mais il est vrai que nous devons avoir une parfaite connaissance de ce contrat. J'ai entendu le président de la commission des finances nous assurer que ce projet de loi nous serait soumis à nouveau lors de la prochaine session, en juin. Je pense que ce parlement, s'il veut faire son travail sérieusement, doit laisser de l'air à la commission pour observer ce projet de contrat et le soutenir. Nous reviendrons au mois de juin - ce n'est pas si loin que ça - et à ce moment-là, il n'y a aucun doute, notre groupe soutiendra cette proposition de prêt. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député André Pfeffer pour une minute trente.
M. André Pfeffer (UDC). Merci. J'aimerais juste ajouter un élément à ce qui a été dit: l'industrie de l'automobile est le secteur le plus innovant. Elle investit des centaines, ou des milliers, de milliards pour rendre les futurs véhicules moins polluants et supprimera probablement d'ici quelques années les moteurs à essence. Le Geneva International Motor Show deviendra très rapidement, et dans très peu d'années, la fierté de nos écologistes. Ce sera une manifestation phare pour Genève, qui veut se profiler dans des secteurs liés à l'écologie et au développement durable, par exemple dans la «green finance» mais dans d'autres secteurs également. Pour ces raisons, l'UDC soutiendra ce projet de loi, et s'il devait être renvoyé en commission, on prie celle-ci de faire au plus vite: on a vu... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Merci.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Ce soir, et par hypothèse lors de la prochaine session, il ne s'agit pas de parler d'un soutien à la branche de l'industrie automobile. Il s'agit purement et simplement de savoir, Mesdames et Messieurs, si pour une fois dans notre canton nous arrêtons d'ériger une catégorie de travailleurs contre une autre. Concrètement, nous avons pu vérifier cette année à l'échelle 1:1 ce que signifierait de supprimer ce salon. Des dizaines - pour ne pas dire des centaines - de travailleuses et de travailleurs, des traiteurs, des fleuristes, des monteurs de stands, des restaurateurs, des hôteliers ont subi des pertes considérables en cascade, avant même le déclenchement par le Conseil fédéral, aux alentours du 13 mars, des mesures d'interdiction. Des familles sont restées sur le carreau - voilà ce dont on parle, Mesdames et Messieurs !
Ce débat sur le Salon de l'auto est en réalité un débat sur la structure économique de notre canton, sur notre capacité à passer le cap ensemble et à faire en sorte que ce salon se tienne, de façon solidaire, dans la perspective de 2021, et qu'en respectant la parole donnée aux exposants qui doivent être dédommagés, nous fassions précisément en sorte que notre canton tienne son rang avec ce salon. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Monsieur Romain de Sainte Marie, je vous passe très brièvement la parole pour votre demande de renvoi.
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Dans un souci de cohérence, je demande le renvoi à la commission de l'économie puisque c'est dans cette commission que nous traitons les sujets liés à Palexpo.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, je vous fais d'abord voter sur la demande de renvoi à la commission des finances. (Un instant s'écoule. Commentaires.) Il y a un problème, le système est bloqué: nous allons recommencer le vote. (Un instant s'écoule. Commentaires.) Soyez patients, nous reprenons.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12705 à la commission des finances est adopté par 56 oui contre 29 non et 2 abstentions.
Le président. Ce projet de loi est donc renvoyé à la commission de l'économie...
Des voix. Non !
Une voix. A la commission des finances !
Le président. A la commission des finances ! (Remarque.) C'est de votre faute, Monsieur de Sainte Marie ! Le renvoi est bien sûr à la commission des finances.
Nous passons au point suivant de l'ordre du jour... (Commentaires.) Si ! Je le sais, mais vos chefs de groupe devraient vous avoir mis au courant que nous avons conclu un accord: nous votons sur ce projet de loi relatif à la nationalité et nous renvoyons ensuite toutes les urgences par un simple vote de renvoi en commission. Voilà ! Veuillez donc vous adresser à vos chefs de groupe.