République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 13 mars 2020 à 16h
2e législature - 2e année - 11e session - 60e séance
PL 12069-A
Premier débat
Le président. Nous passons au PL 12069-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. (Un instant s'écoule.) Je prie ceux qui veulent prendre la parole d'insérer leur carte dans la console et d'appuyer sur le bouton. (Un instant s'écoule.) La parole est à M. Marc Falquet, rapporteur de majorité.
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, ce texte concerne la taxation fiscale d'office en relation avec le droit aux prestations sociales cantonales supplémentaires. C'est un sujet un petit peu compliqué mais je vais le simplifier. Il faut savoir que toute personne qui fait l'objet d'une taxation d'office parce qu'elle n'a pas rempli sa déclaration d'impôts se voit actuellement exclue des diverses prestations financières sociales, quelle que soit sa situation financière.
Ce projet de loi, déposé par Mme Haller, que je remercie au passage, concerne les personnes qui pourraient bénéficier de prestations sociales mais qui n'y ont plus droit parce qu'elles ont fait l'objet d'une taxation fiscale d'office. Elles n'ont pas rempli leur déclaration d'impôts et se voient ainsi privées des prestations cantonales complémentaires comme les prestations pour les familles et les subsides à l'assurance-maladie.
En 2014 - ça date un petit peu - 15 812 personnes ont fait l'objet d'une taxation d'office, soit à peu près 5,5% des contribuables, mais on ne connaît pas le nombre d'entre elles qui auraient pu avoir droit à des prestations sociales cantonales. Les signataires de ce projet de loi estiment qu'il est injuste qu'une partie des gens taxés d'office ne puissent pas bénéficier de prestations cantonales auxquelles ils auraient droit s'ils remplissaient leur déclaration d'impôts, alors qu'ils ont des revenus très bas. Ce texte demande que l'accès aux prestations soit conditionné à la justification de démarches en vue de régulariser la situation fiscale.
Cet objet a été traité à la commission des affaires sociales, lors de la dernière législature, pendant une dizaine de séances. Nous avons procédé à diverses auditions, dont des associations d'action sociale de terrain, qui sont favorables au projet de loi, par exemple le Collectif d'associations pour l'action sociale - le CAPAS - et l'Association des familles monoparentales. Les associations ont fait remarquer que ceux qui sont taxés d'office alors qu'ils ont de faibles revenus ne sont pas forcément des tricheurs ou n'essaient pas de rouler le fisc. Ce sont plutôt des gens qui ont perdu pied ou sont complètement démoralisés, ils n'ont pas le moral, la force - ce n'est pas une question de capacités: ils n'ont plus la force de remplir leur déclaration. Les associations expliquent que ce projet de loi permettrait de donner un coup de pouce à certaines personnes qui se trouvent dans une phase difficile.
Cependant, Mesdames et Messieurs, la majorité de la commission a suivi l'avis du département des affaires sociales et de l'AFC. Pourquoi ? Parce que les gens en situation de précarité taxés d'office, en général, ne souffrent pas seulement de ne pas avoir rempli leur déclaration fiscale: ils ne paient plus aucune facture, pas même leur loyer ni évidemment leurs impôts. Ils ne paient donc plus rien; en règle générale, ils n'ouvrent même plus leur courrier. Par conséquent, c'est plutôt aux services spécialisés de les aider en amont, sans attendre qu'ils subissent une taxation d'office - ceci pour autant qu'ils veuillent demander de l'aide, bien entendu, car souvent ils n'ont même pas le courage de le faire.
Pour la majorité, le simple fait que les gens entreprennent des démarches auprès du fisc n'est pas suffisant pour leur donner droit à des prestations sociales. Pourquoi ? Parce que pour obtenir des prestations sociales, il faut que leur situation fiscale soit totalement en ordre et réglée afin que l'AFC sache à quoi s'en tenir. On ne peut pas offrir des prestations à des personnes dont on ne connaît pas la situation financière réelle.
Il a été considéré que les contribuables ont largement assez de temps pour s'organiser et remplir leur déclaration: la plupart ont huit mois pour remplir leur déclaration avant d'être taxés d'office, mais certains ne la rempliraient pas même s'ils avaient deux ans à disposition tellement ils sont dans des situations moralement difficiles. Il a également été considéré que 94% des contribuables font l'effort de remplir leur déclaration dans les délais et il s'agit là de ne pas encourager la négligence.
Le risque de verser des prestations indues est par ailleurs réel si l'on commence à accorder des prestations complémentaires à des gens dont on ne connaît pas le revenu, car il existe des contribuables qui ne déclarent pas leur fortune. Les procédures de recouvrement représenteraient en plus une charge de travail supplémentaire pour l'Etat avec, en cas de recouvrements difficiles, des pertes sur les sommes qu'il aurait indûment versées à titre de prestations.
En résumé, même s'il part d'une bonne intention, la majorité vous suggère de refuser ce projet de loi, car il faut travailler en amont avec les personnes qui ont perdu pied. Ces personnes doivent demander de l'aide - il est effectivement très difficile de les aider si elles ne le font pas. Merci.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je crains qu'il n'y ait un certain nombre de confusions dans l'exposé que nous a fait M. Falquet. Il ne s'agit pas de personnes qui ne paient rien, qui sont complètement désaffiliées, mais de personnes qui ont, à un moment donné, perdu la maîtrise de leur situation administrative et financière - des gens qui ne relèvent pas forcément des services sociaux et pour lesquels un certain nombre d'efforts doivent être faits. Aussi, pour éviter toute ambiguïté et le détournement des objectifs de ce projet de loi, il faut bien insister sur le fait que celui-ci se veut en faveur de personnes qui n'ont pas été en mesure de remplir leur déclaration AFC pour des questions de méconnaissance, d'exclusion sociale, de santé, ou pour tout autre motif. Il ne vise en aucun cas ceux qui ne rempliraient pas leur déclaration pour des raisons opportunistes.
Il s'agit de réparer une forme d'injustice ! Une injustice qui sanctionne des personnes en difficulté et les prive de prestations auxquelles elles auraient légitimement droit en vertu de leur situation administrative et financière - les subsides à l'assurance-maladie et les prestations complémentaires familiales - car elles ont été taxées d'office. Il s'agit donc très clairement de faire en sorte que ces personnes en situation précaire, qui auraient besoin de ces prestations, puissent en bénéficier et qu'elles ne soient pas affligées finalement d'une double peine.
Quelques chiffres: il n'y avait effectivement que 6,18% des contribuables qui étaient taxés d'office au moment où nous avons examiné ce texte. Sur ces 6,18%, 35% des taxations font l'objet de réclamations, nous dit-on, lesquelles aboutissent dans 80% des cas à des corrections de la part de l'AFC. Tant mieux ! C'est une bonne chose, mais quid cependant des 65% qui ne font pas plus réclamation qu'ils n'ont rempli leur déclaration ?
Quant à dire qu'on ne pourrait pas fournir des prestations à des gens dont on ne connaîtrait pas la situation, permettez-moi de rectifier cette affirmation ! Ce n'est en aucun cas ce que prétend ce projet de loi ! Ce qu'il demande, c'est de permettre à ces personnes de bénéficier des subsides auxquels elles ont droit, moyennant des démarches pour se mettre en ordre avec l'administration fiscale cantonale. Cela suppose tout au moins de déclarer ses revenus !
Mais il faut qui plus est savoir que la loi sur le RDU donne la possibilité, pour les autres dispositifs permettant d'obtenir des prestations sociales au sens large, de réactualiser les informations sans que se pose cet obstacle de la taxation d'office afin d'accéder aux prestations, puisqu'il permet à la personne de remplir un formulaire pour indiquer ses revenus actuels. Et l'indication des revenus actuels est finalement bien plus probante, bien plus précise que le résultat de la taxation puisque celui-ci se réfère à une situation antérieure.
Ce projet de loi ne vise donc qu'à réparer une inégalité de traitement, qu'à éviter une double peine à des personnes qui sont d'ores et déjà affligées de difficultés diverses tout comme d'une situation financière particulièrement restreinte. Nous vous invitons par conséquent à voter ce texte. Je vous remercie de votre attention.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Le parti démocrate-chrétien va voter ce projet de loi. Mesdames et Messieurs les députés, de qui parlons-nous ? Il ne s'agit en tout cas pas de tricheurs tels qu'on pourrait l'entendre - de gens qui, par jeu ou par appât du gain, préféreraient être taxés d'office plutôt que de déclarer leurs revenus. Non, Mesdames et Messieurs: nous avons affaire à une tranche de la population qui est sur le bord du chemin, qui a perdu pied, comme on l'a entendu, et n'est plus capable de faire certaines démarches. Tous les professionnels de la santé ou du social qui côtoient cette population comprennent cette attitude, comprennent sa difficulté à entreprendre certaines démarches. Et il est clair que si on ne va pas la chercher là où elle est, c'est toujours très difficile pour elle d'effectuer certaines démarches.
Je voudrais également dire que les plans de désendettement n'aident pas forcément ces personnes, qui bien fréquemment font face aussi à un endettement courant: les dettes fiscales, vous le savez, ne sont pas des dettes prioritaires. Quand vous êtes de toute façon taxé d'office parce que vous avez des dettes, eh bien vous ne remplissez plus votre déclaration fiscale. Mais encore une fois, le projet de loi ne s'adresse pas à tout le monde, encore moins à ceux qu'on appelle les tricheurs: il cible ceux qui font quand même... qui affichent la volonté de mettre leurs affaires en ordre, de régulariser leur situation. Je pense qu'il faut soutenir ces personnes et qu'il n'est effectivement pas juste, comme on l'a entendu, de leur supprimer les allocations familiales ou le subside à l'assurance-maladie. Nous pensons qu'il faut aller vers elles, dans un but de réinsertion, afin d'essayer de les réintégrer dans la marche normale de la société.
Ces personnes ont besoin d'aide, et je salue le nouveau service que l'administration fiscale a ouvert avec l'Hospice général afin d'accompagner les gens qui ont des difficultés à établir leur déclaration fiscale. Vous savez que l'AFC et l'Hospice général offrent, pendant ce mois de mars, la possibilité de se faire aider aux personnes qui ont justement du mal à remplir leur déclaration fiscale ou qui sont un peu dépassées, je dirais, par les contraintes administratives que cela représente. Je pense qu'il faut saluer ce geste: il permettra à ces personnes borderline de se réinsérer dans la marche normale de la société et de ses obligations. Je l'ai dit, le parti démocrate-chrétien soutiendra donc ce projet de loi et je vous invite à en faire de même.
Mme Frédérique Perler (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, beaucoup de choses ont été dites jusqu'ici. Ce projet de loi est en réalité fort simple, contrairement à ce que j'ai pu entendre: il vise à permettre aux uns ce que la loi permet déjà à d'autres. Le but, on l'a rappelé à plusieurs reprises, est de permettre à des contribuables qui se sont trouvés dans l'incapacité de remplir leur déclaration fiscale - pour différentes raisons, principalement parce qu'ils ont perdu la maîtrise de leur situation administrative - d'accéder tout de même aux prestations sociales.
Au vu de ce que nous a relaté M. Falquet dans son intervention, celui-ci n'a visiblement pas saisi la nature de ce texte. Si vous le permettez, Monsieur le président, je voudrais lui donner un exemple très simple et très concret - et plus récent - qui lui permettra de comprendre ce qu'on recherche exactement à travers ce projet de loi. Je vais utiliser des termes assez simples pour être sûre d'être comprise par toutes et tous ici. Il s'agit d'une femme, lâchement abandonnée avec ses enfants par son mari pour une autre femme plus jeune, et qui durant son mariage n'avait pas accès aux affaires administratives et financières: tout était géré, et plutôt mal géré, par le mari. Au moment de son départ, elle a eu d'autres priorités: s'occuper de ses enfants et trouver un travail. Elle n'avait aucune idée du fait qu'il fallait remplir une déclaration fiscale et c'est ainsi qu'elle s'est vue taxée d'office.
J'en viens à ce que rappelait très justement M. le député Forni: quand une personne s'adresse à un service social pour régler ses dettes et qu'elle est taxée d'office, ledit service va commencer par vérifier que son budget tourne et qu'elle peut vivre avec ce qu'elle a. Naturellement, si elle n'a pas accès aux prestations sociales auxquelles une famille ou une personne a droit, eh bien ça va compliquer sensiblement les choses. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, il s'agit ici de réparer une injustice et de permettre à un certain nombre de personnes de retrouver leur autonomie. Il s'agit de ne pas les laisser en rade, si je puis dire, de ne pas leur mettre la tête sous l'eau; il faut les laisser s'en sortir plutôt que de les laisser se débattre dans cet univers kafkaïen qu'est parfois notre administration. Je vous remercie.
Mme Véronique Kämpfen (PLR). Les citoyennes et les citoyens ont des droits mais aussi des devoirs; c'est le noeud de ce projet de loi. Avant de les taxer d'office, de nombreux rappels sont adressés aux personnes qui ne remplissent pas leur déclaration d'impôts. Le rapport indique, comme l'a rappelé Mme Haller, que 6,18% des contribuables genevois sont taxés d'office: 35% de ces taxations sont contestées et, à la suite de ces contestations, 80% des dossiers sont corrigés. Sur environ 15 500 taxations d'office, il y en a donc 11 000 qui entrent en force.
Admettons maintenant que la moitié de ces personnes pourrait toucher des prestations complémentaires si elle n'était pas taxée d'office. Cela signifierait que l'AFC devrait corriger les données de toutes celles qui le demanderaient. Il n'est pas imaginable d'engager des collaborateurs supplémentaires pour faire un travail engendré par le fait que les contribuables n'ont pas respecté les délais malgré les nombreux rappels reçus ! Imposer à l'administration de vérifier si tous ceux qui sont taxés d'office ont fait des démarches pour régulariser leur situation est disproportionné.
Le rapport indique que, aux yeux du Conseil d'Etat, celui qui demande à recevoir des aides de la collectivité «a un devoir citoyen de faire en sorte de présenter sa situation financière à l'administration fiscale». C'est également l'avis du groupe PLR, raison pour laquelle nous vous proposons de refuser ce projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, plus de 6% des contribuables ne remplissent pas leur déclaration d'impôts et se retrouvent taxées d'office, soit près de 16 000 personnes. Ces chiffres sont constants depuis des années, ce qui doit nous pousser à nous interroger sur la capacité de l'Etat à être lisible, à s'adresser aux contribuables et à leur donner les moyens de remplir leur déclaration d'impôts. Une administration se satisfaisant du fait que 15 000 contribuables ne puissent pas remplir leur déclaration d'impôts fait preuve, on peut le dire, d'une inefficience crasse.
Quel est l'accompagnement ? Quelles sont les permanences mises à disposition ? Comment les documents sont-ils traduits dans d'autres langues ? Comment sont-ils expliqués ? La réponse: zéro ! L'Etat se satisfait d'une situation déplorable depuis des dizaines d'années. Il envoie simplement ses déclarations d'impôts à remplir, avec un taux d'échec, en retour, de plus de 6% - on peut le dire comme ça. Et quelle est la réponse de l'Etat face à cet échec, finalement de sa propre incurie ? Il dit: eh bien on va les taxer d'office ! On va les punir et les faire payer plus cher que ce qu'elles pourraient devoir payer: dans leur majorité, ces personnes n'ont pas de revenus ou ont des revenus qui se montent jusqu'à 50 000 francs.
Non seulement on va les punir alors qu'on a mal fait le travail, alors qu'on n'a pas fait en sorte qu'elles puissent être accompagnées dans le remplissage de leur feuille d'impôts, mais on va en plus leur interdire l'accès à des aides sociales auxquelles elles ont droit constitutionnellement et légalement, à savoir les prestations complémentaires et l'aide à l'assurance-maladie. Mesdames et Messieurs, cela n'est pas acceptable.
Il n'est pas acceptable de punir les pauvres d'être pauvres ni de punir les personnes mises en échec par des déclarations d'impôts techniques, difficiles et nécessitant plusieurs pièces, sans que l'Etat mette en place des permanences, des appuis pour les remplir. Il n'est pas non plus acceptable que l'Etat fasse des économies de cette manière-là, en s'abstenant de verser les prestations qu'il doit à ceux qui y ont droit: il ferait une économie sur le dos des plus précaires. Par cela, il se met dans l'illégalité, si on veut bien, au regard de sa constitution.
Mesdames et Messieurs, le parti socialiste vous invite à voter ce projet de loi, qui dit une chose très simple: si les gens ne remplissent pas leur déclaration d'impôts, ils doivent quand même recevoir les prestations auxquelles ils ont droit. Il faut les leur assurer le plus rapidement possible pour éviter qu'ils ne tombent plus bas ou coulent dans leur trajectoire - et finissent donc par coûter plus cher. Nous ne pouvons que vous inviter à réfléchir collectivement à la manière dont ces déclarations d'impôts sont envoyées et ensuite remplies, parce qu'il est inacceptable aujourd'hui d'avoir un taux de remplissage aussi faible. Merci beaucoup.
Mme Ana Roch (MCG). C'est une réalité: ces personnes sont dans le besoin, et si elles ne remplissent pas, pour certaines, leur déclaration d'impôts, c'est bien parce qu'elles n'y arrivent pas; on l'a souligné lors des différentes prises de parole. Mais je rejoins le PLR: on ne peut pas mettre plus de moyens pour contrôler chacune d'entre elles.
Peut-être que le texte ne va pas assez loin ou qu'il n'a pas su convaincre en demandant simplement que les gens aient entrepris des démarches en vue de régulariser leur situation; ils devraient peut-être régulariser d'abord leur situation pour que l'AFC puisse revoir leur taxation. C'est un point à reconsidérer éventuellement: j'enjoins à Mme la députée Haller de revoir ce projet de loi et d'aller un petit peu plus loin. Malheureusement, nous ne pourrons pas le soutenir en l'état. Merci.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, la députée Kämpfen faisait référence au devoir, à l'obligation de chacun de remplir sa déclaration d'impôts. Nous ne le contestons bien évidemment pas et nous pensons d'ailleurs qu'un certain nombre de personnes, d'habitude... enfin, elles ont tendance à oublier de le faire et à celles-là, on accorde généralement des amnisties.
En ce qui concerne les personnes en difficulté, celles-là auraient besoin d'un regard différent sur leur situation ! Ce n'est pas par opportunisme ou par intérêt qu'elles ne remplissent pas leur déclaration, mais bien parce qu'elles en sont empêchées par toute une série de difficultés de santé, sociales, etc. - on l'a déjà dit aujourd'hui. Les gens qui ont perdu pied n'ont pas plus rempli leur déclaration qu'elles ne pourraient faire face à des rappels. Les mêmes problèmes les empêchent de faire face autant à l'une qu'aux autres ! Alors prétendre qu'elles ont suffisamment de temps pour répondre aux rappels de l'administration fiscale cantonale est simplement une manière de ne pas vouloir comprendre leur réalité.
Quant à dire que l'AFC ne pourrait pas assumer la charge que représenterait une nouvelle taxation de ces personnes, c'est un petit peu inquiétant: l'administration fiscale procède donc à une taxation d'office qu'elle ne serait pas en mesure de corriger par la suite afin que la taxation corresponde à la situation réelle de ces contribuables. On espère bien que l'AFC dispose des moyens de le faire ! Et si elle n'en dispose pas, alors demandez-vous pourquoi: qu'est-ce qui fait qu'un certain nombre de nos services n'a pas les moyens aujourd'hui de faire face à la charge de travail qui lui incombe ?
Encore une fois, il s'agit ici de réparer une injustice. Ces gens ont droit aux prestations dont il est question - des prestations qui ont précisément été définies pour répondre à la situation à laquelle ils sont confrontés. Malheureusement, en vertu d'une disposition légale qui date de je ne sais quand, et pour je ne sais quelle raison, on a voulu empêcher les personnes en difficulté de bénéficier de ces prestations, ce qui est un non-sens ! C'est pourquoi nous vous proposons de modifier les deux lois en question: simplement pour enlever cette clause rédhibitoire, qui accable les personnes en difficulté et est profondément injuste. Je vous remercie de votre attention, et je vous remercie surtout de voter ce projet de loi.
Le président. Je vous remercie. Je passe la parole à M. Marc Falquet pour seize secondes.
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je voudrais juste dire que la majorité n'a jamais parlé de tricheurs: nous savons qu'il s'agit de personnes qui ont perdu pied. Simplement, ces personnes, comme tout le monde, doivent accomplir leur devoir. Si elles ont perdu pied, ce n'est pas au moment de la déclaration fiscale mais bien avant. Les services sociaux doivent donc travailler en amont avec ces gens. Merci.
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de vous confirmer, en introduction, que le Conseil d'Etat prendra la parole devant vous à 18h pour vous annoncer les différentes mesures qu'il a adoptées suite à la conférence de presse et à l'ordonnance du Conseil fédéral s'agissant de la covid-19. Il tient à vous faire part de ces différentes mesures qui concernent plusieurs domaines, notamment les écoles et les établissements préscolaires. Mais nous y reviendrons à 18h lors de la déclaration du gouvernement.
S'agissant maintenant du projet de loi tel qu'il a été déposé et discuté à de nombreuses reprises par la commission des affaires sociales puis par votre parlement, l'exécutif vous invite à le refuser pour plusieurs raisons. D'abord, il s'agit de ne pas faire le procès de la taxation d'office comme cela a parfois été le cas dans cette enceinte. S'il y a une volonté de repenser le processus de la taxation d'office, ce n'est pas à la commission des affaires sociales de le faire: son rôle est d'en étudier l'impact. C'est pourtant ce qui est visé avec le projet de loi que nous discutons.
Le souci principal du Conseil d'Etat réside dans le fait qu'il souhaite garantir l'égalité de traitement entre les citoyennes et les citoyens qui remplissent leur déclaration et celles et ceux qui ne peuvent le faire en temps et en heure ou qui n'y parviennent pas pour des questions de documents à remplir, par exemple. Le texte vise un élément essentiel par rapport à l'assurance-maladie: les subsides d'assurance-maladie sont calculés de manière automatique. Ils sont distribués en fonction du revenu déterminant unifié et l'alimentation de la banque de données du RDU provient en effet de l'AFC. Contrairement à ce qui a été supputé ici, l'administration fiscale cantonale a la capacité de revoir une déclaration d'impôts lorsque celle-ci est rendue. C'est pourquoi nous avons aujourd'hui la possibilité, comme c'est le cas pour les nouveaux subsides entrés en vigueur au 1er janvier 2020, de reprendre une déclaration et de revoir la taxation, ce d'autant plus que la possibilité d'une rétroactivité a été prévue.
Le Conseil d'Etat relève également que le fait de conditionner, comme y invite le projet de loi, l'accès aux prestations à la justification de démarches en vue de régulariser la situation fiscale des intéressés n'est au fond pas près de contrer le risque que ces derniers ne répondent pas in fine aux demandes de l'AFC. On pourrait même constater ou imaginer une péjoration de leur situation, notamment avec des risques de remboursement.
Pour terminer, je me réjouis que l'Hospice général et l'AFC se soient mis d'accord sur une présence au sein de l'administration fiscale pour aider à remplir les déclarations d'impôts. Ces déclarations permettent effectivement d'obtenir les subsides que Mme la députée Haller a rappelés. Ils sont à considérer comme des droits et nous avons la volonté de travailler, durant cette législature 2018-2023, sur la notion de non-recours à laquelle nous sommes particulièrement sensibles.
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, je vous invite à vous prononcer sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12069 est adopté en premier débat par 49 oui contre 29 non et 6 abstentions.
Le projet de loi 12069 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12069 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 51 oui contre 29 non et 5 abstentions.