République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 13 mars 2020 à 16h
2e législature - 2e année - 11e session - 60e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 16h, sous la présidence de M. Jean-Marie Voumard, président.
Assiste à la séance: M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta, Mauro Poggia et Nathalie Fontanet, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Anne Marie von Arx-Vernon, Alexis Barbey, Antoine Barde, Jean Batou, Jacques Béné, Pablo Cruchon, Edouard Cuendet, Amanda Gavilanes, Adrien Genecand, Danièle Magnin, Guy Mettan, Alessandra Oriolo, Jean-Charles Rielle, Jean Rossiaud, Patrick Saudan, Vincent Subilia, Alberto Velasco et Salika Wenger, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Pierre Bayenet, Dilara Bayrak, Natacha Buffet-Desfayes, Boris Calame, Sébastien Desfayes, Joëlle Fiss, Badia Luthi, Patrick Malek-Asghar et Francisco Valentin.
Communications de la présidence
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, lors de la séance de ce jour, le Bureau a pris en considération la situation sanitaire à Genève, les décisions du Conseil fédéral ainsi que les recommandations de l'OFSP, du Conseil d'Etat et du médecin cantonal. Il a été décidé de suspendre toutes les commissions du Grand Conseil à partir de lundi, et ce jusqu'à nouvel avis.
Le Bureau examinera régulièrement la situation jusqu'à ce que les conditions et les infrastructures disponibles permettent une reprise des travaux. La session plénière des 23 et 24 avril est annulée, selon les consignes communiquées par le Conseil fédéral. Pour le bien de nos travaux, je prie les journalistes ainsi que le public présent de quitter la salle afin que nous soyons au maximum cent personnes dans cette enceinte. Je vous remercie. (Un instant s'écoule.)
Pour le reste, je vous avise que nous attendons une communication de l'exécutif à 18h dans cette salle et que le Bureau prendra alors une décision quant à la suite de nos travaux. Vous serez tenus au courant après 18h et l'intervention du Conseil d'Etat. Je vous remercie.
Une voix. Motion d'ordre !
M. Murat Julian Alder. Motion d'ordre, Monsieur le président !
Une voix. Oui !
Le président. Je vous écoute, Monsieur Aellen, vous avez la parole.
Une voix. Alder !
M. Murat Julian Alder (PLR). Je vous remercie, Monsieur le président. Je crois que l'heure est grave; nous sommes effectivement cent députées et députés dans cette salle, mais il y a aussi les collaborateurs du Grand Conseil, la presse, qui a malheureusement été congédiée...
Une voix. Il y a les assistants parlementaires.
M. Murat Julian Alder. ...il y a les assistants parlementaires et le public. Il s'agit ici de montrer à la population que nous appliquons les règles décidées au plus haut niveau de ce pays. Si le Conseil fédéral dit que son ordonnance entre en vigueur avec effet immédiat, ça veut dire qu'elle est actuellement en vigueur et que nous ne pouvons pas siéger dans ces conditions.
Une voix. Bravo !
M. Murat Julian Alder. Nous n'avons aucun objet réellement urgent à traiter: ce que nous appelons des urgences n'est rien d'autre que des envies des groupes parlementaires. L'urgence, c'est de ne pas siéger et de respecter les décisions gouvernementales de ce pays. Ceci est une motion d'ordre pour lever la séance. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Il en est pris note. Je passe la parole... je ne sais pas à qui: le numéro 119 n'a pas inséré sa carte dans la console.
M. Yvan Zweifel (PLR). C'est moi, mais c'était pour dire ça ! (Rires.)
Le président. Monsieur Zweifel ?
M. Yvan Zweifel. Je renonce, Monsieur le président: je voulais demander la même chose que mon collègue.
Le président. D'accord. Pour l'instant, je vous informe que nous sommes 68 députés - 68 cartes sont insérées dans la console - et nous ne sommes donc pas 100, Monsieur Murat. (Rires.) Je vous invite par conséquent à attendre 18h et l'intervention du Conseil d'Etat, et à continuer nos travaux. (Un instant s'écoule.) Nous passons néanmoins au vote sur cette motion d'ordre, consistant à lever maintenant la séance.
Mise aux voix, cette motion d'ordre est rejetée par 39 oui contre 33 non et 6 abstentions (majorité des deux tiers non atteinte).
Le président. Je passe la parole à... Qui ne met pas sa carte ? (Un instant s'écoule.) Qui n'a pas mis sa carte ? (Commentaires.) Bien, la parole est alors à M. Eric Leyvraz.
M. Eric Leyvraz (UDC). Merci, Monsieur le président. Ce qui me surprend, puisque nous ne sommes que 68, c'est que vous ayez renvoyé les deux journalistes. Pourquoi ? Merci.
Le président. C'est une mesure de précaution, Monsieur Leyvraz.
Annonces et dépôts
Néant.
Questions écrites urgentes
Le président. Les questions écrites urgentes suivantes vous ont été transmises:
Question écrite urgente de M. André Pfeffer : Papyrus : bilan intermédiaire en double teinte (QUE-1263)
Question écrite urgente de M. François Baertschi : Les liaisons ferroviaires calamiteuses entre Versoix et le canton de Vaud (QUE-1264)
Question écrite urgente de M. André Pfeffer : Libre circulation des personnes : conséquences en matière d'emploi et d'aide sociale (QUE-1265)
Question écrite urgente de Mme Joëlle Fiss : Quel avenir pour les cliniques juridiques à l'Université de Genève ? (QUE-1266)
Question écrite urgente de M. Jean Batou à propos des mesures cantonales prises par le Conseil d'Etat en vue de lutter contre la diffusion du coronavirus (QUE-1267)
Question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : Une société d'intérim en sursis concordataire ayant licencié ses salarié-e-s sur le canton de Vaud peut-elle toujours bénéficier d'une autorisation d'exercer la location de services à Genève ? (QUE-1268)
Question écrite urgente de M. Thomas Wenger : Une inspection du Service de renseignement de la Confédération (SRC) sur les tâches effectuées par la police genevoise en lien avec les missions de renseignement et de sûreté a-t-elle révélé des irrégularités ou des actions illégales ? (QUE-1269)
Question écrite urgente de M. Pierre Bayenet : Quels contrôles sur l'origine des fonds utilisés pour l'acquisition des voitures confisquées par le Ministère public dans l'affaire Obiang, vice-président de la Guinée équatoriale ? (QUE-1270)
Question écrite urgente de Mme Frédérique Perler : Point de situation sur le centre fédéral de renvoi (QUE-1271)
Question écrite urgente de Mme Katia Leonelli : Aide au secteur événementiel (QUE-1272)
QUE 1263 QUE 1264 QUE 1265 QUE 1266 QUE 1267 QUE 1268 QUE 1269 QUE 1270 QUE 1271 QUE 1272
Le président. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Questions écrites
Le président. La question écrite suivante vous a également été transmise:
Question écrite de Mme Diane Barbier-Mueller : Quels sont les objectifs généraux de l'Etat concernant le frein à la réglementation ? (Q-3838)
Le président. Cette question écrite est renvoyée au Conseil d'Etat.
Annonce: Séance du vendredi 28 février 2020 à 16h15
Le président. Le Conseil d'Etat nous informe que cette question écrite urgente est identique à la QUE 1225 et ne fera donc pas l'objet d'une réponse.
Cette question écrite urgente est close sans réponse.
Annonce: Séance du vendredi 28 février 2020 à 16h15
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 28 février 2020 à 16h15
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 28 février 2020 à 16h15
Cette question écrite urgente est close.
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Cette question écrite urgente est close.
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Cette question écrite urgente est close.
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Cette question écrite urgente est close.
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Cette question écrite urgente est close.
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Cette question écrite urgente est close.
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Cette question écrite urgente est close.
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Cette question écrite urgente est close.
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Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 28 février 2020 à 16h15
Cette question écrite urgente est close.
Débat
Le président. Nous abordons maintenant les urgences restantes. La première d'entre elles est classée en catégorie II, trente minutes; il s'agit de la M 2505-A et de la R 910. (Un instant s'écoule.) M. Florey a demandé hier la lecture du courrier 3937, je prie Mme Salima Moyard de s'en charger.
Le président. Je vous remercie. La parole va à la rapporteuse de majorité, Mme Delphine Bachmann.
Mme Delphine Bachmann (PDC), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. La question du sucre est probablement un peu moins urgente que celle du coronavirus; elle mérite néanmoins toute notre attention. La commission de la santé, Mesdames et Messieurs les députés, s'est penchée sur le sujet de la surconsommation de sucre et a voté ce texte à l'unanimité moins une abstention.
Pour commencer, je vais vous rappeler quelques éléments de l'historique. Lors des travaux sur l'initiative 160 relative aux soins dentaires, les experts avaient d'ores et déjà suggéré l'instauration d'une taxe sur le sucre, notamment celui contenu dans les boissons. L'exécutif n'y était pas opposé, à l'époque, mais il soulignait la difficulté de sa mise en oeuvre. Quelques mois plus tard, à l'automne 2018, les experts présents à l'atelier de prévention des états généraux de la santé et travaillant sur la thématique de la prévention et de la nutrition ont fait plusieurs propositions qui vont dans le sens exact du texte de ce soir, notamment quant à la taxe sur les sucres ajoutés. Médecins, nutritionnistes, fédération des consommateurs, milieux sociaux, tout le monde a soutenu la pertinence de cette proposition PDC qui demande la concrétisation de ces mesures à Genève.
Je ne vous cache pas que le sucre est aujourd'hui un fléau pour la santé de la population, et il a le don de se cacher là où on ne l'attend pas. En plus des boissons ultrasucrées, on en retrouve dans les lasagnes, les sauces tomate - bref, partout. L'industrie a bien compris le mécanisme d'addiction au sucre de nos cellules, à peu près aussi puissant que celui à la cocaïne, et a tendance à en mettre trop et partout. Cela a pour conséquence une augmentation des maladies non transmissibles telles que le diabète ou l'obésité. Or, on le sait bien, ces maladies et leur prise en charge représentent près de 80% des coûts de la santé. La prévention ne peut donc plus attendre et la taxe permet d'avoir un financement concret à disposition. Relevons que trente pays dans le monde ont déjà pris des mesures restrictives; parmi eux, la France et l'Angleterre, mais aussi l'Afrique du Sud ou le Chili. Qu'attendons-nous pour agir ?
Cette motion ne propose pas qu'une taxe, mais également des mesures de prévention concrètes pour notre canton. Quant à la taxe elle-même, il faudra agir avec bon sens. L'objectif n'est pas de pénaliser le boulanger local et son pain au chocolat, mais bel et bien la grande industrie et les produits dans lesquels on n'est pas censé retrouver du sucre. Je rappelle aussi que ce texte laisse une marge de manoeuvre au Conseil d'Etat. Cette même industrie, avec ses lobbys, a réussi à lutter contre toutes les mesures proposées au niveau fédéral, notamment le nutri-score obligatoire, qui permet d'afficher sur les produits une note relative à leurs performances nutritionnelles. Il semble pourtant évident que le choix du consommateur doit être éclairé et que cette indication le rendrait plus rapide et facile.
En 2015, les grands distributeurs s'étaient par ailleurs engagés, via la déclaration de Milan, à réduire sur une base volontaire le sucre dans les produits, notamment dans ceux destinés aux enfants. Le résultat est criant de déception et parle de lui-même: 3% de sucre en moins dans les yogourts. Nous avons vraiment sauvé nos enfants ! Alors oui, il est temps de passer du volontarisme à certaines formes de contrainte, raison pour laquelle la majorité vous propose d'introduire dans le canton de Genève une taxe sur les sucres ajoutés; de réserver l'intégralité des revenus de cette taxe à la prévention des caries et de l'obésité; d'élargir les politiques d'information et de prévention; et enfin d'interdire les distributeurs d'aliments ultratransformés et de boissons industrielles dans les établissements publics, comme les universités ou les écoles. Vous allez me dire que celles-ci sont maintenant fermées, mais la mesure pourra être appliquée le jour où elles rouvriront.
La résolution de commission qui accompagne cette motion vise à agir en parallèle, en réduisant les sucres autorisés dans les produits transformés notamment. Pour toutes les raisons précitées, pour donner un signal fort quant à l'engagement de notre canton en faveur de la lutte contre l'obésité, la majorité vous invite, Mesdames et Messieurs, à accepter cette motion et la résolution qui l'accompagne.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous discutons aujourd'hui d'un grave problème de santé publique. De nombreuses pathologies sont liées à l'ajout excessif de sucre: je parle des troubles cardio-vasculaires, du diabète, du surpoids, de l'obésité, de certains cancers mais aussi des affections bucco-dentaires. Tous ces problèmes de santé génèrent une augmentation des coûts de la santé. Les coûts ont même triplé ! Il y a par ailleurs un effet masqué puisque beaucoup de sucres se trouvent également dans des aliments salés.
On connaît désormais le caractère addictif du sucre. Selon les chiffres officiels, environ 10% de la population est obèse en Suisse, contre 19,5% en Europe. Le taux de croissance dans notre pays est cependant l'un des plus élevés, comme une bombe à retardement. La commission de la santé a voté à l'unanimité deux objets parlementaires consensuels, deux outils différents mais complémentaires, qui permettraient d'agir enfin de manière efficace: la M 2505 et la R 910.
La motion telle qu'amendée en commission introduirait notamment une taxe sur les sucres ajoutés tant dans les boissons sucrées industrielles que dans les produits ultratransformés. L'intégralité des revenus de la taxe serait attribuée à la prévention et à la promotion de la santé. Nous, les Vertes et les Verts, nous déplorons cependant l'effritement du consensus trouvé autour de cette taxe. La machine des lobbys agroalimentaires et des milieux économiques s'est en effet activée en quelques jours, et elle fonctionne puisque nous avons déjà reçu l'amendement du PLR, qui vide la motion de sa substance principale: l'introduction d'une taxe incitative.
La taxe peut paraître une mesure injuste de prime abord, mais pour nous, les Verts et les Vertes, il s'agit d'un mal pour un bien ! Le mot «taxe» peut sembler effrayant, mais il est question de produits nocifs pour la santé et qui peuvent très bien être compensés par des produits naturels ou même de première nécessité. Par ailleurs, il existe déjà des taxes sur des produits nocifs sans que cela pose de problèmes financiers ou éthiques à la population: je parle des taxes sur l'alcool ou les cigarettes, considérés comme des addictions - tout comme l'est le sucre. Nous sommes ici dans la prévention et la promotion. C'est un instrument pour inciter à diminuer la teneur en sucre.
La commission de la santé a en outre voté une résolution adressée à l'Assemblée fédérale afin d'atténuer l'effet de la taxe. Il est encore temps de freiner les dégâts liés au sucre et aux effets pervers de la malbouffe. Et je pense qu'une incitation des producteurs ainsi que des consommateurs pourrait contribuer à diminuer d'un côté la teneur en sucre des aliments et, d'un autre côté, la consommation excessive d'aliments industriels et ultratransformés. La population n'est pas suffisamment informée à ce sujet, ce qui est aussi problématique, et la motion y remédie également.
Taxer le sucre, c'est protéger la population de graves maladies. Au nom des Vertes et des Verts, je vous invite à accepter cette motion et cette résolution et à refuser l'amendement du PLR. Merci.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, il ne s'agit pas ici de diaboliser le sucre: présent dans beaucoup d'aliments naturels, il est par ailleurs acquis qu'il est indispensable au fonctionnement des muscles et du cerveau. La véritable catastrophe sanitaire est toutefois due à l'excès de sucre - c'est un véritable fléau. Les experts n'ont pas de mots assez forts pour décrire le désastre qu'il provoque et surtout ses effets sur la santé des individus et les coûts de la santé.
Or nous nous trouvons là face à une situation particulièrement hypocrite. Les méfaits du sucre sont connus; les études orientées, financées par le lobby du sucre excessif, n'abusent plus personne. Le sucre est clairement identifié comme un rehausseur de goût, un cache-misère, un liant, un produit addictif, un ajout superflu dans la majeure partie des cas. Tout le monde se plaint de l'augmentation des coûts de la santé et de leur répercussion sur le prix des assurances-maladie.
Nous savons que l'excès de sucre présent dans la plupart des boissons sucrées et des préparations industrielles nuit gravement à la santé. Pourtant, rien ne se fait - ou presque. Il y a urgence, Mesdames et Messieurs les députés ! En 2016, l'OMS constatait que la prévalence mondiale du diabète a presque doublé depuis 1980, passant de 4,7% à 8,5% de la population adulte. La maladie touchait alors 442 millions de personnes, chiffre qui devrait atteindre les 622 millions de personnes d'ici vingt ans; elle occasionne 5 millions de décès par an, soit davantage que le sida, la tuberculose et le paludisme réunis. Or 80% de ces cas pourraient être évités moyennant une alimentation équilibrée. Pour l'OMS, la ligne rouge est franchie, mais rien n'est fait - ou presque - depuis qu'elle a tiré la sonnette d'alarme.
Le groupe Ensemble à Gauche a soutenu la M 2505 en commission, dans un premier temps du bout des lèvres, il est vrai. Il craignait que cette taxe ne se reporte sur le prix des produits concernés et que la malbouffe, qui touche essentiellement les couches défavorisées, n'en devienne que plus chère. Notre groupe estime cependant qu'il ne faut bouder aucune piste - aucune - qui permettrait d'agir sur ce grave problème de santé publique. Ce d'autant que la taxe sur le sucre, dont l'instauration est recommandée par l'OMS, a conduit les fabricants à baisser la teneur en sucre de leurs produits en France et au Mexique. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) C'est pourquoi, parallèlement à la M 2505, le groupe Ensemble à Gauche a proposé une résolution de commission adressée à l'Assemblée fédérale pour lui demander de légiférer afin d'abaisser les valeurs maximales de sucre contenu dans les produits alimentaires.
Le président. Je vous remercie.
Mme Jocelyne Haller. Je vous en prie, Monsieur.
Le président. Je passe la parole à M. le député...
Mme Jocelyne Haller. Vous comprendrez que je recommande de voter ces deux textes...
Le président. C'est très bien.
Mme Jocelyne Haller. ...et de refuser l'amendement. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Je passe la parole à M. le député Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Après la lecture du courrier, après la lecture du rapport - pour ceux qui l'auront lu - vous vous serez aperçus que la commission n'a pas fait ses travaux correctement. Elle a voté cette motion à la va-vite; la commission n'était ni unanime ni au complet. L'UDC n'était pas présente... (Protestations. Remarque.) ...mon collègue ayant dû s'absenter pour des raisons professionnelles. Bref, la commission n'a pas fait son travail correctement.
Depuis lors, elle a reçu cinq courriers de personnes, d'organisations, d'associations qui auraient souhaité être auditionnées; comme vous pouvez le voir dans le rapport, la commission n'a procédé à aucune audition ! Le plus grave, c'est qu'elle aurait dû le faire suite à la déclaration du conseiller d'Etat notamment: il détaille un certain nombre de problèmes potentiels vis-à-vis de cette motion. Cela aurait dû alerter la commission et l'inciter justement à procéder à des auditions pour se renseigner, chose qu'elle s'est refusée à faire, ce qui est purement et simplement inadmissible d'un point de vue parlementaire.
S'agissant de la résolution, il faut quand même dire que c'est une simple reprise d'une idée UDC: au départ, c'est mon collègue Bläsi qui a orienté la discussion plutôt vers une résolution adressée aux Chambres fédérales puisque c'est là-bas que les vraies décisions doivent être prises. La résolution a simplement été plus ou moins adaptée par la personne qui l'a déposée.
En conclusion, nous demandons le renvoi de la M 2505 en commission pour que celle-ci reprenne ses travaux correctement - la motion pose un véritable problème. Nous demandons par ailleurs de dissocier la R 910, que nous soutenons, que nous avons signée et que nous soutiendrons; nous en demandons le renvoi immédiat aux Chambres fédérales afin qu'elles puissent la traiter. Mais nous demandons par contre bel et bien le renvoi immédiat en commission de la M 2505. Je vous remercie.
Le président. Il en est pris note. Je passe à ce sujet la parole à Mme Delphine Bachmann.
Mme Delphine Bachmann (PDC), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Je m'exprimerai brièvement sur le renvoi: les travaux ont déjà été faits par les experts. La commission de la santé a pris position sur la santé des citoyens: non, elle n'a pas auditionné l'entièreté de l'industrie, qui a eu à maintes reprises l'occasion de faire preuve d'un peu plus de volontarisme dans le domaine ! Quand il n'y a pas de volontarisme, on passe effectivement de l'incitatif à la contrainte ! Et puis je rappelle que l'UDC avait proposé une résolution pour supprimer les produits sucrés de la catégorie des biens de première nécessité afin qu'ils ne bénéficient plus d'une TVA réduite. Je vous invite donc à refuser le renvoi en commission: les travaux ont été faits !
Le président. Merci. Nous passons au vote sur cette demande de renvoi de la M 2505 à la commission de la santé.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2505 à la commission de la santé est rejeté par 47 non contre 36 oui.
Le président. Nous poursuivons le débat et je passe la parole à M. le député Pierre Nicollier.
M. Pierre Nicollier (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, l'adjonction de sucre dans notre alimentation est un fléau - un fléau dont nous subirons les méfaits pendant de nombreuses années encore. Mes préopinants l'ont relevé et personne ne le conteste.
Je souhaite cependant vous dire quelques mots relatifs à l'exemple du Chili, qui détenait le record peu glorieux de la consommation de sucre par habitant la plus élevée du monde. Je cite: «Frappée par une épidémie d'obésité et de diabète, la population chilienne était jusqu'à il y a peu la plus grande consommatrice au monde de boissons sucrées. En deux ans, des mesures volontaristes de santé publique ont fait chuter les ventes de près d'un quart.» Moins 25% ! Comment cela a-t-il été possible ? «Au lieu d'une taxe sur le sucre, le gouvernement a banni ces produits des écoles et, surtout, imposé un étiquetage clair et sans compromis. Placé sur le devant de l'emballage, noir et blanc, impossible pour l'acheteur de passer à côté des alertes: teneur élevée en sucre, en sel ou en matières grasses.» A noter que les valeurs minimales obligeant le fabricant à apposer ces éléments sont abaissées année après année.
D'autres exemples internationaux montrent qu'une politique volontariste d'information permet de réduire considérablement la quantité de sucre ajouté dans les aliments et, partant, de réduire les méfaits liés à une surconsommation. La taxe n'a pas fait partie de l'arsenal chilien et elle est surtout peu réaliste à une échelle cantonale, raison du dépôt de notre proposition d'amendement. Comment Genève pourra-t-il traiter les entreprises hors canton respectant la loi sur le marché intérieur ? Comment faire face aux grossistes et aux centrales nationales de distribution ? Il nous semble inutile de demander au Conseil d'Etat, qui d'ailleurs a actuellement besoin de toutes ses ressources, de répondre à des invites dont la réponse est connue: pas possible !
Nous devons agir au niveau de la Confédération; cela tombe bien, il existe une résolution largement soutenue. Nous vous invitons à approuver l'amendement, la motion amendée et la résolution. Je vous remercie.
M. Philippe Morel (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je serai bref puisqu'il me reste peu de temps. Il est évident que l'obésité est un problème majeur et que le sucre est une cause partielle de ce problème; puisqu'on parle du coronavirus, je vais vous en illustrer l'importance en comparant les deux. Le coronavirus touche aujourd'hui un peu plus de 130 000 personnes dans 116 pays et en a tué un peu plus de 5000. C'est grave, c'est sérieux, c'est important. L'obésité touche 650 millions de personnes dans le monde et en tue chaque année 2,8 millions ! L'obésité n'est certes pas transmissible, mais on peut la prévenir.
En Suisse, 15% de notre population est obèse, ce qui correspond à 1 million de personnes - le chiffre a doublé en vingt ans - et engendre des coûts annuels pour la santé de 8 milliards de francs. Diabète, hypertension et cholestérol en sont les conséquences; c'est la première cause de décès prématuré aux USA et nous suivons malheureusement derrière. En Suisse, 19% des enfants sont obèses ! Prévenir vaut mieux que guérir; il est important d'informer et je soutiens bien sûr la proposition de mon préopinant: cette motion amendée doit être acceptée. Merci, Monsieur le président.
M. Bertrand Buchs (PDC). Tout le monde dit la même chose: tout le monde dit que le sucre est une calamité. Mais la réponse aux demandes adressées à Berne depuis de nombreux mois, voire de nombreuses années, est toujours négative parce que les lobbys interdisent toute action sur le sucre. Le sucre a une valeur addictive plus forte que la cocaïne et on a eu l'idée de l'ajouter partout, y compris dans des aliments plutôt salés; les gens ne se rendent pas compte qu'en mettant du sucre, on va leur faire racheter ces aliments. C'est une véritable honte: on se moque des gens et on les trompe ! Là-dessus, tout le monde est d'accord.
L'OMS considère que le problème du sucre est mondial; tout le monde l'a constaté au vu du nombre de cas et on ne fait strictement rien ! Alors si nous demandons une taxe, c'est pour amorcer une réaction, pour qu'on prenne les devants et qu'on réagisse. Il y a plusieurs choses à considérer, M. Nicollier l'a dit, mais prenez la Norvège, qui est le dernier pays à avoir décidé d'une taxe sur le sucre de 50%. Elle a doublé le prix des aliments, ce qui est énorme, et en deux ans - en deux ans ! - la Norvège a clairement baissé de 25% son taux de diabétiques et de certains cancers liés au sucre. Ça marche !
On parle actuellement du coronavirus, mais si on doit prendre des mesures contre le sucre, qui est une calamité, il faut les prendre. N'ayez pas peur de ce qu'on vous raconte en disant que...
Le président. Je vous remercie, Monsieur Buchs.
M. Bertrand Buchs. ...que c'est risqué pour l'économie.
Le président. Vous avez... Ah, pardon !
M. Bertrand Buchs. Ce n'est pas du tout risqué pour l'économie. Votez ces deux objets. (Applaudissements.)
M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste salue le pas fait dans la bonne direction avec cette proposition de motion, qui vise à promouvoir la santé et à inviter le Conseil d'Etat à réduire l'impact des facteurs préjudiciables à la santé en taxant le sucre. La constante croissance, depuis plusieurs décennies, du nombre de personnes souffrant de surpoids ou d'obésité en Suisse, les graves dangers - on l'a dit - de la surconsommation de sucre pour notre population ainsi que son coût global pour notre système de santé sont des éléments avérés contre lesquels le parti socialiste s'est toujours élevé.
Nous nous étions réjouis du ralliement, dans un premier temps, de la droite, bien qu'elle ait refusé de voter une taxe sur le sucre dans le cadre de l'initiative populaire sur les soins dentaires gratuits. Le PDC notamment, qui revient avec cette motion, s'était opposé à cette taxe dans le cadre d'un projet de loi. Et patatras: même maintenant, alors qu'il s'agit d'une motion et d'une résolution, le PLR décide là encore d'amender le texte et de supprimer la proposition non contraignante pour le Conseil d'Etat d'une taxe sur le sucre. Nous regrettons ce énième revirement; Mme Marjorie de Chastonay l'a dit, il est en partie lié à une pression des lobbys du sucre.
Une voix. Mais non !
M. Sylvain Thévoz. Taxer l'industrie du sucre, produit reconnu comme nocif pour la santé, permettra d'améliorer la santé des Genevoises et des Genevois. L'augmentation du prix du paquet de cigarettes a bien fait diminuer le nombre de fumeurs dans les pays européens: c'est un exemple qui peut nous inspirer. Une telle taxe sur le sucre existe déjà dans les pays nordiques et en France depuis 2011, avec des résultats probants. Une taxe a également l'avantage d'introduire un élément d'éducation, qui permettra de sensibiliser les personnes buvant des boissons sucrées à leur nocivité pour la santé.
La consommation de boissons sucrées peut être freinée soit par les augmentations du prix des produits, soit en améliorant leur étiquetage, soit par des campagnes de sensibilisation à la population, soit en combinant ces différentes mesures. C'est exactement le but visé par cette motion. Le parti socialiste vous engage donc à voter ces deux textes - la motion et la résolution - et à refuser la suppression des deux invites voulue par le PLR.
Le parti socialiste vous rappellera aussi que nous ne sommes à nouveau pas égaux devant ce fléau qu'est le sucre. Certaines entreprises de restauration rapide ciblent les quartiers les plus défavorisés pour s'y installer et vendre dans ces lieux des boissons très sucrées. Les personnes les moins éduquées, les personnes des classes sociales les moins favorisées sont les cibles de ceux qui cherchent à vendre ces produits nocifs pour la santé. Le parti socialiste suivra attentivement, puisqu'une majorité semble se dégager pour ces deux textes, la mise en oeuvre de cette motion par le Conseil d'Etat et lui enjoindra d'agir au plus vite pour le bien de notre population. Merci beaucoup.
Le président. Merci. Je passe la parole pour quinze secondes à M. Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Si vous voulez sauver ce qui peut encore l'être dans cette motion, il faut l'étudier correctement en commission. C'est pourquoi je demande à nouveau son renvoi à la commission de la santé: vous pourrez jubiler ce soir si vous obtenez un vote favorable...
Le président. Je vous remercie, c'est terminé.
M. Stéphane Florey. ...mais vous déchanterez quand vous aurez la réponse du Conseil d'Etat.
Le président. Il est pris note de votre demande. Madame Bachmann, concernant le renvoi en commission ?
Mme Delphine Bachmann (PDC), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Je vous invite à refuser le renvoi pour les raisons que j'ai déjà expliquées précédemment.
Le président. Parfait. Nous passons donc au vote sur la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2505 à la commission de la santé est rejeté par 42 non contre 37 oui.
Le président. Nous continuons le débat et je passe la parole à M. le député François Baertschi.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Comme mes préopinants l'ont dit, le sucre ajouté dans les produits alimentaires est un véritable problème de santé publique. C'est un procédé qui occasionne du diabète et de l'hypertension - de nombreuses pathologies, qui sont quand même graves pour une bonne partie de la population; c'est une dégradation de ses conditions de vie.
Il suffit de regarder la composition des produits alimentaires: vous serez surpris de voir les éléments sucrés ou même salés, par ailleurs, qui entrent dans leur composition. Ils n'ont plus rien à voir avec le produit original. Ces ajouts, effectués par les fabricants pour des questions commerciales, causent un tort considérable à la population. C'est pourquoi le MCG vous conseille de soutenir ces deux textes parlementaires.
Le président. Je vous remercie. Je passe la parole pour un très court instant à Mme Delphine Bachmann.
Mme Delphine Bachmann (PDC), rapporteuse. Vous transmettrez au PLR, Monsieur le président, que son groupe et le mien, à mon plus grand désespoir, ont jusque-là refusé l'étiquetage nutri-score au niveau national. En attendant que des mesures soient prises à l'échelon fédéral, il convient de donner aujourd'hui un message extrêmement clair au niveau cantonal sur la direction qu'on veut emprunter. Je vous remercie.
Le président. Merci. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote et je vous demande en premier lieu de vous prononcer sur l'amendement déposé par M. Pierre Nicollier. La nouvelle formulation que revêtirait la M 2505 est affichée au tableau:
«invite le Conseil d'Etat
- à élargir la politique d'information et de prévention auprès des plus jeunes, à travers des campagnes actives et régulières sur le terrain scolaire comme sur les médias sociaux;
- à interdire les distributeurs d'aliments ultra-transformés et de boissons industrielles dans les établissements publics, notamment les universités et les écoles.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 48 non contre 37 oui et 1 abstention.
Mise aux voix, la motion 2505 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 56 oui contre 16 non et 7 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Mise aux voix, la résolution 910 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 80 oui et 3 abstentions.
Premier débat
Le président. Nous passons au PL 12069-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. (Un instant s'écoule.) Je prie ceux qui veulent prendre la parole d'insérer leur carte dans la console et d'appuyer sur le bouton. (Un instant s'écoule.) La parole est à M. Marc Falquet, rapporteur de majorité.
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, ce texte concerne la taxation fiscale d'office en relation avec le droit aux prestations sociales cantonales supplémentaires. C'est un sujet un petit peu compliqué mais je vais le simplifier. Il faut savoir que toute personne qui fait l'objet d'une taxation d'office parce qu'elle n'a pas rempli sa déclaration d'impôts se voit actuellement exclue des diverses prestations financières sociales, quelle que soit sa situation financière.
Ce projet de loi, déposé par Mme Haller, que je remercie au passage, concerne les personnes qui pourraient bénéficier de prestations sociales mais qui n'y ont plus droit parce qu'elles ont fait l'objet d'une taxation fiscale d'office. Elles n'ont pas rempli leur déclaration d'impôts et se voient ainsi privées des prestations cantonales complémentaires comme les prestations pour les familles et les subsides à l'assurance-maladie.
En 2014 - ça date un petit peu - 15 812 personnes ont fait l'objet d'une taxation d'office, soit à peu près 5,5% des contribuables, mais on ne connaît pas le nombre d'entre elles qui auraient pu avoir droit à des prestations sociales cantonales. Les signataires de ce projet de loi estiment qu'il est injuste qu'une partie des gens taxés d'office ne puissent pas bénéficier de prestations cantonales auxquelles ils auraient droit s'ils remplissaient leur déclaration d'impôts, alors qu'ils ont des revenus très bas. Ce texte demande que l'accès aux prestations soit conditionné à la justification de démarches en vue de régulariser la situation fiscale.
Cet objet a été traité à la commission des affaires sociales, lors de la dernière législature, pendant une dizaine de séances. Nous avons procédé à diverses auditions, dont des associations d'action sociale de terrain, qui sont favorables au projet de loi, par exemple le Collectif d'associations pour l'action sociale - le CAPAS - et l'Association des familles monoparentales. Les associations ont fait remarquer que ceux qui sont taxés d'office alors qu'ils ont de faibles revenus ne sont pas forcément des tricheurs ou n'essaient pas de rouler le fisc. Ce sont plutôt des gens qui ont perdu pied ou sont complètement démoralisés, ils n'ont pas le moral, la force - ce n'est pas une question de capacités: ils n'ont plus la force de remplir leur déclaration. Les associations expliquent que ce projet de loi permettrait de donner un coup de pouce à certaines personnes qui se trouvent dans une phase difficile.
Cependant, Mesdames et Messieurs, la majorité de la commission a suivi l'avis du département des affaires sociales et de l'AFC. Pourquoi ? Parce que les gens en situation de précarité taxés d'office, en général, ne souffrent pas seulement de ne pas avoir rempli leur déclaration fiscale: ils ne paient plus aucune facture, pas même leur loyer ni évidemment leurs impôts. Ils ne paient donc plus rien; en règle générale, ils n'ouvrent même plus leur courrier. Par conséquent, c'est plutôt aux services spécialisés de les aider en amont, sans attendre qu'ils subissent une taxation d'office - ceci pour autant qu'ils veuillent demander de l'aide, bien entendu, car souvent ils n'ont même pas le courage de le faire.
Pour la majorité, le simple fait que les gens entreprennent des démarches auprès du fisc n'est pas suffisant pour leur donner droit à des prestations sociales. Pourquoi ? Parce que pour obtenir des prestations sociales, il faut que leur situation fiscale soit totalement en ordre et réglée afin que l'AFC sache à quoi s'en tenir. On ne peut pas offrir des prestations à des personnes dont on ne connaît pas la situation financière réelle.
Il a été considéré que les contribuables ont largement assez de temps pour s'organiser et remplir leur déclaration: la plupart ont huit mois pour remplir leur déclaration avant d'être taxés d'office, mais certains ne la rempliraient pas même s'ils avaient deux ans à disposition tellement ils sont dans des situations moralement difficiles. Il a également été considéré que 94% des contribuables font l'effort de remplir leur déclaration dans les délais et il s'agit là de ne pas encourager la négligence.
Le risque de verser des prestations indues est par ailleurs réel si l'on commence à accorder des prestations complémentaires à des gens dont on ne connaît pas le revenu, car il existe des contribuables qui ne déclarent pas leur fortune. Les procédures de recouvrement représenteraient en plus une charge de travail supplémentaire pour l'Etat avec, en cas de recouvrements difficiles, des pertes sur les sommes qu'il aurait indûment versées à titre de prestations.
En résumé, même s'il part d'une bonne intention, la majorité vous suggère de refuser ce projet de loi, car il faut travailler en amont avec les personnes qui ont perdu pied. Ces personnes doivent demander de l'aide - il est effectivement très difficile de les aider si elles ne le font pas. Merci.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je crains qu'il n'y ait un certain nombre de confusions dans l'exposé que nous a fait M. Falquet. Il ne s'agit pas de personnes qui ne paient rien, qui sont complètement désaffiliées, mais de personnes qui ont, à un moment donné, perdu la maîtrise de leur situation administrative et financière - des gens qui ne relèvent pas forcément des services sociaux et pour lesquels un certain nombre d'efforts doivent être faits. Aussi, pour éviter toute ambiguïté et le détournement des objectifs de ce projet de loi, il faut bien insister sur le fait que celui-ci se veut en faveur de personnes qui n'ont pas été en mesure de remplir leur déclaration AFC pour des questions de méconnaissance, d'exclusion sociale, de santé, ou pour tout autre motif. Il ne vise en aucun cas ceux qui ne rempliraient pas leur déclaration pour des raisons opportunistes.
Il s'agit de réparer une forme d'injustice ! Une injustice qui sanctionne des personnes en difficulté et les prive de prestations auxquelles elles auraient légitimement droit en vertu de leur situation administrative et financière - les subsides à l'assurance-maladie et les prestations complémentaires familiales - car elles ont été taxées d'office. Il s'agit donc très clairement de faire en sorte que ces personnes en situation précaire, qui auraient besoin de ces prestations, puissent en bénéficier et qu'elles ne soient pas affligées finalement d'une double peine.
Quelques chiffres: il n'y avait effectivement que 6,18% des contribuables qui étaient taxés d'office au moment où nous avons examiné ce texte. Sur ces 6,18%, 35% des taxations font l'objet de réclamations, nous dit-on, lesquelles aboutissent dans 80% des cas à des corrections de la part de l'AFC. Tant mieux ! C'est une bonne chose, mais quid cependant des 65% qui ne font pas plus réclamation qu'ils n'ont rempli leur déclaration ?
Quant à dire qu'on ne pourrait pas fournir des prestations à des gens dont on ne connaîtrait pas la situation, permettez-moi de rectifier cette affirmation ! Ce n'est en aucun cas ce que prétend ce projet de loi ! Ce qu'il demande, c'est de permettre à ces personnes de bénéficier des subsides auxquels elles ont droit, moyennant des démarches pour se mettre en ordre avec l'administration fiscale cantonale. Cela suppose tout au moins de déclarer ses revenus !
Mais il faut qui plus est savoir que la loi sur le RDU donne la possibilité, pour les autres dispositifs permettant d'obtenir des prestations sociales au sens large, de réactualiser les informations sans que se pose cet obstacle de la taxation d'office afin d'accéder aux prestations, puisqu'il permet à la personne de remplir un formulaire pour indiquer ses revenus actuels. Et l'indication des revenus actuels est finalement bien plus probante, bien plus précise que le résultat de la taxation puisque celui-ci se réfère à une situation antérieure.
Ce projet de loi ne vise donc qu'à réparer une inégalité de traitement, qu'à éviter une double peine à des personnes qui sont d'ores et déjà affligées de difficultés diverses tout comme d'une situation financière particulièrement restreinte. Nous vous invitons par conséquent à voter ce texte. Je vous remercie de votre attention.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Le parti démocrate-chrétien va voter ce projet de loi. Mesdames et Messieurs les députés, de qui parlons-nous ? Il ne s'agit en tout cas pas de tricheurs tels qu'on pourrait l'entendre - de gens qui, par jeu ou par appât du gain, préféreraient être taxés d'office plutôt que de déclarer leurs revenus. Non, Mesdames et Messieurs: nous avons affaire à une tranche de la population qui est sur le bord du chemin, qui a perdu pied, comme on l'a entendu, et n'est plus capable de faire certaines démarches. Tous les professionnels de la santé ou du social qui côtoient cette population comprennent cette attitude, comprennent sa difficulté à entreprendre certaines démarches. Et il est clair que si on ne va pas la chercher là où elle est, c'est toujours très difficile pour elle d'effectuer certaines démarches.
Je voudrais également dire que les plans de désendettement n'aident pas forcément ces personnes, qui bien fréquemment font face aussi à un endettement courant: les dettes fiscales, vous le savez, ne sont pas des dettes prioritaires. Quand vous êtes de toute façon taxé d'office parce que vous avez des dettes, eh bien vous ne remplissez plus votre déclaration fiscale. Mais encore une fois, le projet de loi ne s'adresse pas à tout le monde, encore moins à ceux qu'on appelle les tricheurs: il cible ceux qui font quand même... qui affichent la volonté de mettre leurs affaires en ordre, de régulariser leur situation. Je pense qu'il faut soutenir ces personnes et qu'il n'est effectivement pas juste, comme on l'a entendu, de leur supprimer les allocations familiales ou le subside à l'assurance-maladie. Nous pensons qu'il faut aller vers elles, dans un but de réinsertion, afin d'essayer de les réintégrer dans la marche normale de la société.
Ces personnes ont besoin d'aide, et je salue le nouveau service que l'administration fiscale a ouvert avec l'Hospice général afin d'accompagner les gens qui ont des difficultés à établir leur déclaration fiscale. Vous savez que l'AFC et l'Hospice général offrent, pendant ce mois de mars, la possibilité de se faire aider aux personnes qui ont justement du mal à remplir leur déclaration fiscale ou qui sont un peu dépassées, je dirais, par les contraintes administratives que cela représente. Je pense qu'il faut saluer ce geste: il permettra à ces personnes borderline de se réinsérer dans la marche normale de la société et de ses obligations. Je l'ai dit, le parti démocrate-chrétien soutiendra donc ce projet de loi et je vous invite à en faire de même.
Mme Frédérique Perler (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, beaucoup de choses ont été dites jusqu'ici. Ce projet de loi est en réalité fort simple, contrairement à ce que j'ai pu entendre: il vise à permettre aux uns ce que la loi permet déjà à d'autres. Le but, on l'a rappelé à plusieurs reprises, est de permettre à des contribuables qui se sont trouvés dans l'incapacité de remplir leur déclaration fiscale - pour différentes raisons, principalement parce qu'ils ont perdu la maîtrise de leur situation administrative - d'accéder tout de même aux prestations sociales.
Au vu de ce que nous a relaté M. Falquet dans son intervention, celui-ci n'a visiblement pas saisi la nature de ce texte. Si vous le permettez, Monsieur le président, je voudrais lui donner un exemple très simple et très concret - et plus récent - qui lui permettra de comprendre ce qu'on recherche exactement à travers ce projet de loi. Je vais utiliser des termes assez simples pour être sûre d'être comprise par toutes et tous ici. Il s'agit d'une femme, lâchement abandonnée avec ses enfants par son mari pour une autre femme plus jeune, et qui durant son mariage n'avait pas accès aux affaires administratives et financières: tout était géré, et plutôt mal géré, par le mari. Au moment de son départ, elle a eu d'autres priorités: s'occuper de ses enfants et trouver un travail. Elle n'avait aucune idée du fait qu'il fallait remplir une déclaration fiscale et c'est ainsi qu'elle s'est vue taxée d'office.
J'en viens à ce que rappelait très justement M. le député Forni: quand une personne s'adresse à un service social pour régler ses dettes et qu'elle est taxée d'office, ledit service va commencer par vérifier que son budget tourne et qu'elle peut vivre avec ce qu'elle a. Naturellement, si elle n'a pas accès aux prestations sociales auxquelles une famille ou une personne a droit, eh bien ça va compliquer sensiblement les choses. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, il s'agit ici de réparer une injustice et de permettre à un certain nombre de personnes de retrouver leur autonomie. Il s'agit de ne pas les laisser en rade, si je puis dire, de ne pas leur mettre la tête sous l'eau; il faut les laisser s'en sortir plutôt que de les laisser se débattre dans cet univers kafkaïen qu'est parfois notre administration. Je vous remercie.
Mme Véronique Kämpfen (PLR). Les citoyennes et les citoyens ont des droits mais aussi des devoirs; c'est le noeud de ce projet de loi. Avant de les taxer d'office, de nombreux rappels sont adressés aux personnes qui ne remplissent pas leur déclaration d'impôts. Le rapport indique, comme l'a rappelé Mme Haller, que 6,18% des contribuables genevois sont taxés d'office: 35% de ces taxations sont contestées et, à la suite de ces contestations, 80% des dossiers sont corrigés. Sur environ 15 500 taxations d'office, il y en a donc 11 000 qui entrent en force.
Admettons maintenant que la moitié de ces personnes pourrait toucher des prestations complémentaires si elle n'était pas taxée d'office. Cela signifierait que l'AFC devrait corriger les données de toutes celles qui le demanderaient. Il n'est pas imaginable d'engager des collaborateurs supplémentaires pour faire un travail engendré par le fait que les contribuables n'ont pas respecté les délais malgré les nombreux rappels reçus ! Imposer à l'administration de vérifier si tous ceux qui sont taxés d'office ont fait des démarches pour régulariser leur situation est disproportionné.
Le rapport indique que, aux yeux du Conseil d'Etat, celui qui demande à recevoir des aides de la collectivité «a un devoir citoyen de faire en sorte de présenter sa situation financière à l'administration fiscale». C'est également l'avis du groupe PLR, raison pour laquelle nous vous proposons de refuser ce projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, plus de 6% des contribuables ne remplissent pas leur déclaration d'impôts et se retrouvent taxées d'office, soit près de 16 000 personnes. Ces chiffres sont constants depuis des années, ce qui doit nous pousser à nous interroger sur la capacité de l'Etat à être lisible, à s'adresser aux contribuables et à leur donner les moyens de remplir leur déclaration d'impôts. Une administration se satisfaisant du fait que 15 000 contribuables ne puissent pas remplir leur déclaration d'impôts fait preuve, on peut le dire, d'une inefficience crasse.
Quel est l'accompagnement ? Quelles sont les permanences mises à disposition ? Comment les documents sont-ils traduits dans d'autres langues ? Comment sont-ils expliqués ? La réponse: zéro ! L'Etat se satisfait d'une situation déplorable depuis des dizaines d'années. Il envoie simplement ses déclarations d'impôts à remplir, avec un taux d'échec, en retour, de plus de 6% - on peut le dire comme ça. Et quelle est la réponse de l'Etat face à cet échec, finalement de sa propre incurie ? Il dit: eh bien on va les taxer d'office ! On va les punir et les faire payer plus cher que ce qu'elles pourraient devoir payer: dans leur majorité, ces personnes n'ont pas de revenus ou ont des revenus qui se montent jusqu'à 50 000 francs.
Non seulement on va les punir alors qu'on a mal fait le travail, alors qu'on n'a pas fait en sorte qu'elles puissent être accompagnées dans le remplissage de leur feuille d'impôts, mais on va en plus leur interdire l'accès à des aides sociales auxquelles elles ont droit constitutionnellement et légalement, à savoir les prestations complémentaires et l'aide à l'assurance-maladie. Mesdames et Messieurs, cela n'est pas acceptable.
Il n'est pas acceptable de punir les pauvres d'être pauvres ni de punir les personnes mises en échec par des déclarations d'impôts techniques, difficiles et nécessitant plusieurs pièces, sans que l'Etat mette en place des permanences, des appuis pour les remplir. Il n'est pas non plus acceptable que l'Etat fasse des économies de cette manière-là, en s'abstenant de verser les prestations qu'il doit à ceux qui y ont droit: il ferait une économie sur le dos des plus précaires. Par cela, il se met dans l'illégalité, si on veut bien, au regard de sa constitution.
Mesdames et Messieurs, le parti socialiste vous invite à voter ce projet de loi, qui dit une chose très simple: si les gens ne remplissent pas leur déclaration d'impôts, ils doivent quand même recevoir les prestations auxquelles ils ont droit. Il faut les leur assurer le plus rapidement possible pour éviter qu'ils ne tombent plus bas ou coulent dans leur trajectoire - et finissent donc par coûter plus cher. Nous ne pouvons que vous inviter à réfléchir collectivement à la manière dont ces déclarations d'impôts sont envoyées et ensuite remplies, parce qu'il est inacceptable aujourd'hui d'avoir un taux de remplissage aussi faible. Merci beaucoup.
Mme Ana Roch (MCG). C'est une réalité: ces personnes sont dans le besoin, et si elles ne remplissent pas, pour certaines, leur déclaration d'impôts, c'est bien parce qu'elles n'y arrivent pas; on l'a souligné lors des différentes prises de parole. Mais je rejoins le PLR: on ne peut pas mettre plus de moyens pour contrôler chacune d'entre elles.
Peut-être que le texte ne va pas assez loin ou qu'il n'a pas su convaincre en demandant simplement que les gens aient entrepris des démarches en vue de régulariser leur situation; ils devraient peut-être régulariser d'abord leur situation pour que l'AFC puisse revoir leur taxation. C'est un point à reconsidérer éventuellement: j'enjoins à Mme la députée Haller de revoir ce projet de loi et d'aller un petit peu plus loin. Malheureusement, nous ne pourrons pas le soutenir en l'état. Merci.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, la députée Kämpfen faisait référence au devoir, à l'obligation de chacun de remplir sa déclaration d'impôts. Nous ne le contestons bien évidemment pas et nous pensons d'ailleurs qu'un certain nombre de personnes, d'habitude... enfin, elles ont tendance à oublier de le faire et à celles-là, on accorde généralement des amnisties.
En ce qui concerne les personnes en difficulté, celles-là auraient besoin d'un regard différent sur leur situation ! Ce n'est pas par opportunisme ou par intérêt qu'elles ne remplissent pas leur déclaration, mais bien parce qu'elles en sont empêchées par toute une série de difficultés de santé, sociales, etc. - on l'a déjà dit aujourd'hui. Les gens qui ont perdu pied n'ont pas plus rempli leur déclaration qu'elles ne pourraient faire face à des rappels. Les mêmes problèmes les empêchent de faire face autant à l'une qu'aux autres ! Alors prétendre qu'elles ont suffisamment de temps pour répondre aux rappels de l'administration fiscale cantonale est simplement une manière de ne pas vouloir comprendre leur réalité.
Quant à dire que l'AFC ne pourrait pas assumer la charge que représenterait une nouvelle taxation de ces personnes, c'est un petit peu inquiétant: l'administration fiscale procède donc à une taxation d'office qu'elle ne serait pas en mesure de corriger par la suite afin que la taxation corresponde à la situation réelle de ces contribuables. On espère bien que l'AFC dispose des moyens de le faire ! Et si elle n'en dispose pas, alors demandez-vous pourquoi: qu'est-ce qui fait qu'un certain nombre de nos services n'a pas les moyens aujourd'hui de faire face à la charge de travail qui lui incombe ?
Encore une fois, il s'agit ici de réparer une injustice. Ces gens ont droit aux prestations dont il est question - des prestations qui ont précisément été définies pour répondre à la situation à laquelle ils sont confrontés. Malheureusement, en vertu d'une disposition légale qui date de je ne sais quand, et pour je ne sais quelle raison, on a voulu empêcher les personnes en difficulté de bénéficier de ces prestations, ce qui est un non-sens ! C'est pourquoi nous vous proposons de modifier les deux lois en question: simplement pour enlever cette clause rédhibitoire, qui accable les personnes en difficulté et est profondément injuste. Je vous remercie de votre attention, et je vous remercie surtout de voter ce projet de loi.
Le président. Je vous remercie. Je passe la parole à M. Marc Falquet pour seize secondes.
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je voudrais juste dire que la majorité n'a jamais parlé de tricheurs: nous savons qu'il s'agit de personnes qui ont perdu pied. Simplement, ces personnes, comme tout le monde, doivent accomplir leur devoir. Si elles ont perdu pied, ce n'est pas au moment de la déclaration fiscale mais bien avant. Les services sociaux doivent donc travailler en amont avec ces gens. Merci.
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de vous confirmer, en introduction, que le Conseil d'Etat prendra la parole devant vous à 18h pour vous annoncer les différentes mesures qu'il a adoptées suite à la conférence de presse et à l'ordonnance du Conseil fédéral s'agissant de la covid-19. Il tient à vous faire part de ces différentes mesures qui concernent plusieurs domaines, notamment les écoles et les établissements préscolaires. Mais nous y reviendrons à 18h lors de la déclaration du gouvernement.
S'agissant maintenant du projet de loi tel qu'il a été déposé et discuté à de nombreuses reprises par la commission des affaires sociales puis par votre parlement, l'exécutif vous invite à le refuser pour plusieurs raisons. D'abord, il s'agit de ne pas faire le procès de la taxation d'office comme cela a parfois été le cas dans cette enceinte. S'il y a une volonté de repenser le processus de la taxation d'office, ce n'est pas à la commission des affaires sociales de le faire: son rôle est d'en étudier l'impact. C'est pourtant ce qui est visé avec le projet de loi que nous discutons.
Le souci principal du Conseil d'Etat réside dans le fait qu'il souhaite garantir l'égalité de traitement entre les citoyennes et les citoyens qui remplissent leur déclaration et celles et ceux qui ne peuvent le faire en temps et en heure ou qui n'y parviennent pas pour des questions de documents à remplir, par exemple. Le texte vise un élément essentiel par rapport à l'assurance-maladie: les subsides d'assurance-maladie sont calculés de manière automatique. Ils sont distribués en fonction du revenu déterminant unifié et l'alimentation de la banque de données du RDU provient en effet de l'AFC. Contrairement à ce qui a été supputé ici, l'administration fiscale cantonale a la capacité de revoir une déclaration d'impôts lorsque celle-ci est rendue. C'est pourquoi nous avons aujourd'hui la possibilité, comme c'est le cas pour les nouveaux subsides entrés en vigueur au 1er janvier 2020, de reprendre une déclaration et de revoir la taxation, ce d'autant plus que la possibilité d'une rétroactivité a été prévue.
Le Conseil d'Etat relève également que le fait de conditionner, comme y invite le projet de loi, l'accès aux prestations à la justification de démarches en vue de régulariser la situation fiscale des intéressés n'est au fond pas près de contrer le risque que ces derniers ne répondent pas in fine aux demandes de l'AFC. On pourrait même constater ou imaginer une péjoration de leur situation, notamment avec des risques de remboursement.
Pour terminer, je me réjouis que l'Hospice général et l'AFC se soient mis d'accord sur une présence au sein de l'administration fiscale pour aider à remplir les déclarations d'impôts. Ces déclarations permettent effectivement d'obtenir les subsides que Mme la députée Haller a rappelés. Ils sont à considérer comme des droits et nous avons la volonté de travailler, durant cette législature 2018-2023, sur la notion de non-recours à laquelle nous sommes particulièrement sensibles.
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, je vous invite à vous prononcer sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12069 est adopté en premier débat par 49 oui contre 29 non et 6 abstentions.
Le projet de loi 12069 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12069 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 51 oui contre 29 non et 5 abstentions.
Premier débat
Présidence de M. François Lefort, premier vice-président
Le président. Mesdames et Messieurs, l'ordre du jour appelle le PL 12165-A, classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport de majorité est de M. Christian Frey, remplacé par... (Un instant s'écoule.) ...Mme Léna Strasser, à qui je passe la parole.
Mme Léna Strasser (S), rapporteuse de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi, qui vise à supprimer l'article 11, alinéa 3, de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle, a été traité pendant quatre séances par la commission des affaires sociales. L'article 11, alinéa 3, permet aux titulaires d'un permis F, admis à titre provisoire, ayant travaillé à Genève, ayant épuisé leur droit au chômage et étant depuis plus de sept ans en Suisse, de bénéficier du barème d'aide ordinaire de l'aide sociale.
Je me permets, pour mémoire, un bref récapitulatif des types de permis. Un permis N est délivré à une personne qui fait une demande d'asile en Suisse. Il donne droit à une aide spécifique à l'asile, plus basse que l'aide ordinaire. Si l'asile est accordé, la personne obtient un permis B réfugié statutaire et passe à l'aide ordinaire. Si l'asile n'est pas accordé en Suisse, il y a deux cas de figure: soit la personne fait l'objet d'une non-entrée en matière à cause du système Dublin et est renvoyée dans le premier pays européen par lequel elle a transité, soit elle fait l'objet d'une décision négative et est déboutée de l'asile. Dans les deux cas, elle bénéficie d'une aide dite d'urgence, c'est-à-dire de 10 francs par jour, et de prestations d'aide en nature jusqu'à son départ.
Parfois, l'asile n'est pas accordé mais la personne ne peut pas être renvoyée dans son pays d'origine, celui-ci étant en guerre. Elle recevra donc un permis F et aura accès aux mêmes aides et prestations qu'un permis N. Pour mémoire, il est possible de travailler avec chacun de ces permis - pour le permis N avec délai d'attente de trois mois. Les entreprises sont de moins en moins frileuses à engager des personnes avec des permis N ou F, grâce notamment à la simplification des procédures d'embauche et à l'information diffusée entre autres par le bureau de l'intégration des étrangers.
Dès lors, l'article que ce projet de loi vise à éliminer fait pleinement sens: il protège les personnes qui quittent l'aide sociale parce qu'elles trouvent un emploi. Si elles perdent leur emploi, elles ont droit au chômage. Si elles n'arrivent pas retrouver du travail durant leur période de chômage et qu'elles sont en Suisse depuis plus de sept ans, elles passent alors à l'aide sociale, au barème ordinaire, ce qui les aide à rebondir plus facilement et à se réinsérer sur le marché du travail.
Mesdames et Messieurs, la dénomination «provisoire» attachée à leur permis est trompeuse. La majorité de ces personnes ne seront pas renvoyées, encore moins quand elles travaillent, et resteront certainement à Genève durablement. Pour qu'elles puissent sortir à nouveau de l'aide sociale, il est donc extrêmement important de ne pas péjorer leur situation en les privant d'une aide ordinaire. Une très large majorité de la commission vous remercie par conséquent de refuser ce projet de loi.
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs, les questions liées à l'asile soulèvent souvent de vives réactions, que ce soit de la part des gens qui soutiennent inconditionnellement le domaine de l'asile ou de la part de ceux qui le critiquent systématiquement. Je salue toutefois le travail des associations et des personnes sincères qui s'impliquent pour venir en aide à cette population et je les en remercie.
Si l'UDC a toujours combattu la politique de l'asile, c'est qu'elle considère qu'il s'agit d'une porte d'entrée pour une immigration non contrôlée, avec des gens qui s'intègrent difficilement et ne parviennent pas, dans leur grande majorité, à trouver un emploi. Ils se retrouvent, après des années en Suisse - même après avoir obtenu un permis de séjour - majoritairement à l'aide sociale: 90% des personnes issues de l'asile qui ont obtenu un permis de séjour à Genève se retrouvent à l'aide sociale.
Il faut par ailleurs reconnaître que la Suisse n'a pas un stock d'emplois à offrir à cette population généralement peu formée. Ces gens acceptent alors des emplois précaires, se font exploiter par des employeurs peu scrupuleux ou encore tombent dans la criminalité. Si la politique de l'asile est un problème épineux en matière d'emploi et d'intégration pour les intéressés, elle l'est également s'agissant de son acceptation par la population locale laborieuse, qui souvent ne reçoit pas d'aide du tout et dont la vie est toujours plus difficile.
Mesdames et Messieurs, je vais faire plaisir à notre collègue Diego Esteban, qui dit être tendu lorsque je prends la parole sur la question de l'asile. (L'orateur rit.) Je voudrais présenter mes excuses pour les propos excessifs et certainement stigmatisants que j'ai pu tenir à l'encontre des communautés concernées par le domaine de l'asile. Je présente mes excuses également pour avoir heurté certains collègues par mes propos excessifs. Pour le reste, je laisserai mon collègue Stéphane Florey vous donner les détails de cette motion. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député, pour cette confession publique. Je passe maintenant la parole à Mme la députée Jocelyne Haller.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Ce projet de loi ne propose rien de moins que de baisser les prestations de personnes au bénéfice d'une admission provisoire. Aujourd'hui, elles sont au barème ordinaire en raison d'un parcours d'intégration abouti mais provisoirement remis en question de par les aléas de la vie. Il s'agit de personnes qui ont travaillé dans notre canton puisqu'elles ont bénéficié du chômage, et sont à Genève depuis plus de sept ans. L'objectif n'est donc pas d'agir sur le nombre de dossiers, contrairement à ce que laisseraient supposer les auteurs du texte, mais simplement de réduire les prestations de certains ayants droit à l'aide sociale.
Il y avait, à l'époque où nous avons travaillé sur ce dossier, 1800 permis F parmi lesquels 86 étaient au bénéfice de l'aide ordinaire. Nous parlons par conséquent de 86 dossiers, rien de plus ! La réalité politique fait que certaines personnes ne pourraient pas rentrer dans leur pays quand bien même elles ne sont admises qu'à titre provisoire dans le nôtre: 95% d'entre elles sont appelées à rester ici. Le parcours de ces personnes démontre leur intégration; elles ont réussi à sortir de l'aide sociale, ce qui leur a valu d'être mises au barème ordinaire - un barème qui correspond juste au minimum vital !
Il ne faudrait quand même pas croire que l'on a dépensé des sommes complètement faramineuses et que ces gens ont une espèce de dragée qui leur tombe dans la bouche sans rien faire ! Ces gens recherchent un travail, ils cherchent à s'autonomiser; on leur donne simplement les moyens de subvenir à leurs besoins vitaux en attendant qu'ils réussissent à atteindre cet objectif. Or ce que veulent l'UDC et les signataires de ce projet de loi, c'est les renvoyer à la case départ: à l'aide d'urgence ! Une aide dont le barème permet de recevoir 451 francs par mois - pour tenir tout le mois !
Alors sachons de quoi on parle, Mesdames et Messieurs les députés ! Ces gens sont passés par la case départ, extrêmement difficile. Nous connaissons les conditions précaires dans lesquelles vivent les requérants d'asile, notamment lorsqu'il y a un afflux de demandes, et ces personnes ont réussi à en sortir. Elles ont pu bénéficier d'un emploi, ce qui leur permet d'être intégrées socialement. Elles ont momentanément perdu ce travail et doivent rechercher une alternative, alors permettez-leur de vivre correctement, au moins à hauteur de leurs besoins vitaux. C'est ni plus ni moins ce que veulent enlever à ces gens les auteurs de ce projet de loi. Nous ne pouvons que vous encourager à refuser ce texte et finalement à accepter...
Le président. Merci, Madame la députée.
Mme Jocelyne Haller. Merci. Pardon ! (L'oratrice rit.)
Le président. La parole est à M. le député François Baertschi.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président de séance. Il est question de personnes qui sont provisoirement à Genève, parfois depuis dix-sept ou vingt-cinq ans, ce qui est un temps tout à fait considérable. Ces migrants sont dans une situation qui en soi n'est pas acceptable, c'est certain, mais la proposition de ce projet de loi n'est pas non plus souhaitable: elle remplace l'aide financière ordinaire par quelque chose de très rigoureux quand même - peut-être trop rigoureux pour ce type de personnes. C'est pourquoi nous ne pouvons pas choisir entre la situation actuelle, qui n'est pas acceptable, et la proposition de ce texte.
Pour nous, il faut mettre en oeuvre des moyens de réinsertion efficaces pour les personnes véritablement intégrées, et bien intégrées depuis longtemps, mais qui se retrouvent dans une situation bancale, et avoir une réflexion générale sur notre politique de migration et d'asile. Nous nous abstiendrons donc sur ce projet de loi.
Mme Véronique Kämpfen (PLR). Ce projet de loi propose de supprimer les aides supplémentaires accordées aux personnes admises provisoirement au bénéfice d'un permis F, qui ont épuisé leurs indemnités chômage et ont résidé pendant plus de sept ans à Genève. Au moment de l'étude de ce texte, 86 personnes correspondaient à ces critères; elles n'ont pas le statut de réfugiées mais on ne peut pas les renvoyer dans leur pays. Les aides perçues sont modestes et l'économie réalisée si on les supprimait serait faible: moins de 500 000 francs par année, une bien faible économie pour des effets délétères.
Les personnes concernées ont travaillé; elles ont cotisé à l'assurance-chômage et l'ont touchée après avoir perdu leur emploi. Elles ont donc droit à l'aide sociale, selon l'article 11, alinéa 3, de la LIASI que ce texte entend supprimer. Ces personnes sont intégrées depuis longtemps à Genève et vont y rester. Leur couper une partie substantielle des vivres revient à donner un mauvais signal et à enfoncer dans la pauvreté une population déjà précarisée, rendant son insertion dans la société genevoise d'autant plus difficile. Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe PLR vous invite à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
Mme Frédérique Perler (Ve). Chers collègues, Mesdames et Messieurs les députés, on vient de le dire: plus de 95% des personnes admises provisoirement vont rester en Suisse. Ce qui a aussi été dit et répété à de nombreuses reprises dans cette enceinte, c'est que l'étiquette de «provisoire» ne colle plus à la réalité. Certaines personnes admises provisoirement sont même là depuis plus de quinze ans, et la Confédération a reconnu que ce terme ne correspond plus à la réalité.
Deuxièmement, l'argument principal de ce projet de loi est de faire des économies - ses initiants se sont livrés à quelques calculs. Le meilleur moyen de faire des économies, comme on l'a dit à l'instant, c'est pourtant de permettre à ces personnes de s'intégrer et de rester intégrées. Ainsi, cet objet propose une régression quant à leurs possibilités et à leur statut.
Il faut bien se rendre compte que le signal donné en cas d'acceptation de ce texte - ce qui serait extrêmement malheureux - anéantirait tous les efforts d'intégration faits par cette population, pour qui il a été particulièrement difficile de parvenir à une situation stable. Ces personnes ne sont absolument pas coupables d'avoir perdu leur emploi et d'être arrivées en fin de droit au chômage. Ce serait injuste de faire porter à tous ceux que vise ce projet de loi une quelconque responsabilité, car ils sont dans une situation qui ne relève précisément pas de la leur. Aussi, Mesdames et Messieurs, je vous invite à refuser vigoureusement ce texte. Je vous remercie.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Le groupe démocrate-chrétien va bien entendu refuser ce projet de loi. On l'a entendu, 90% des 86 personnes concernées vont très probablement rester à Genève. Ces personnes ont travaillé et ont été intégrées; de par les aléas de la vie, elles ont perdu leur job et se sont retrouvées bien malgré elles à l'aide sociale. On connaît les difficultés pour les citoyens normaux à se réinsérer dans le marché de l'emploi; on sait quelles sont les difficultés de la LIASI - ils sont soumis à la LIASI et au RIASI, qui est le règlement d'application de la LIASI. On sait comme c'est difficile, d'autant plus pour eux: ils ont un statut d'admis à titre provisoire, quoique ce soit, on l'a entendu, une bien mauvaise appellation pour des gens qui vont finalement rester chez nous. Ce n'est pas très engageant, pour un employeur, d'embaucher quelqu'un avec un statut provisoire; c'est clair que ça n'aide pas à retrouver un emploi facilement.
Ne nous trompons pas, Mesdames et Messieurs les députés: pourquoi nous a-t-on soumis ce projet de loi ? Eh bien pour copier un mauvais exemple qui vient de Zurich, où il a été décidé de remettre les gens à l'aide sociale. C'est un mauvais signal que l'on va donner: c'est favoriser un passage à la clandestinité ou des emplois à faible rémunération, voire la délinquance. On entend souvent que les requérants d'asile sont des délinquants en puissance; ne leur donnons pas de quoi justifier cette appellation.
Finalement, c'est comme si on disait qu'une personne ayant vécu sept ans en Suisse et étant traitée comme n'importe quel citoyen suisse ne pourrait pas bénéficier de l'assistance médicale à laquelle chaque citoyen du canton a droit parce qu'elle a un statut provisoire. Ne rentrons pas dans ce jeu, Mesdames et Messieurs les députés, et acceptons que ces gens admis à titre provisoire, qui deviendront des citoyens à court terme... (Remarque.) ...soient traités comme n'importe quel autre citoyen du canton. Je vous remercie.
M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, il faut peut-être rappeler également que sur ces 86 personnes, un tiers sont des enfants, dans des familles. La proposition de l'UDC vise non seulement, comme à son habitude, à frapper sur les étrangers, sur les plus précaires, mais finalement sur les plus précaires parmi les plus précaires, dont des enfants. C'est particulièrement ignoble de s'en prendre à cette minorité, qui cherche sa place à Genève et fait des efforts pour l'obtenir en travaillant et en s'intégrant. M. Falquet a dit qu'elle ne veut finalement pas s'intégrer; c'est évidemment faux puisqu'on est là face à des personnes, des pères et des mères de famille, qui ont fait cette démarche et eu un emploi mais l'ont malheureusement perdu.
Ce sur quoi nous devons nous interroger, c'est sur le fait que Genève est aussi la lanterne rouge dans le taux d'employabilité des permis F: il est d'environ 30% au niveau suisse mais de 17% à Genève. Ça s'explique en partie par une économie très orientée vers les services plutôt que vers le secteur primaire, mais pas seulement. On peut aussi se demander quelles sont les mesures d'accompagnement mises en place pour que ces personnes puissent s'intégrer. Des efforts ont été faits par l'Hospice général, mais peut-être en faut-il davantage afin qu'elles sortent le plus rapidement possible de l'aide sociale.
Mais il ne faut en tout cas pas les punir, les enfoncer, comme l'a dit notamment la rapporteuse de majorité, Mme Léna Strasser: il s'agit de ne pas les fragiliser, les précariser encore plus et de ne pas hypothéquer leur avenir, notamment celui de ces enfants. Sinon, si on veut vraiment parler d'économies, ça coûtera encore plus cher à la société.
Le parti socialiste vous invite donc à rejeter vivement ce mauvais projet de loi à tendance raciste, extrêmement violent pour une minorité qui travaille pour s'intégrer, et à préserver la santé des plus précaires d'entre nous - les enfants et les personnes fragiles - comme le rappelle la Constitution suisse. Merci beaucoup.
M. Stéphane Florey (UDC). Tout d'abord, quelques rectifications: Monsieur le président, vous transmettrez à M. Thévoz qu'il n'y a pas d'enfants parmi les 86 personnes; c'est faux, c'est un pur mensonge de sa part. Les 86 personnes sont bel et bien des adultes: ce sont les chiffres qui avaient cours lors du dépôt du rapport le 22 décembre 2017. On ne parle donc pas d'enfants mais bel et bien d'adultes.
Ce qui est étonnant dans ce débat, c'est qu'on s'aperçoit une fois de plus que ce qui fonctionne très bien à Zurich, accepté par plus de 67% de la population zurichoise avec ce jour-là un taux de participation de 47,92%, soit un taux nettement supérieur qu'à Genève... A Zurich, ça fonctionne et ils en sont enchantés ! Ça leur a permis de faire des économies. Alors c'est vrai qu'il y a là-bas beaucoup plus de personnes dans ce cas, mais le but de ce projet de loi, il faut quand même le rappeler, était de permettre à notre canton de faire une réelle économie.
Il faut aussi revenir à la réalité de ces gens, que Mme Perler - et c'est scandaleux - qualifie de marchandise en leur collant des étiquettes... (Remarque.) Oui, vous l'avez dit, Madame Perler ! Vous transmettrez, Monsieur le président: elle a dit qu'on leur colle des étiquettes, comme de la vulgaire marchandise ! C'est un pur scandale ! Vous l'avez dit; ce sera certainement retranscrit dans le Mémorial et on pourra le prouver le moment venu ! Non, ce n'est pas de la marchandise: ce sont des personnes.
Maintenant il faut dire aussi que la grande majorité de ces personnes - plus de 90% - n'a jamais travaillé depuis qu'elle est à Genève ! C'est ça, la réalité: ce sont des gens qui, depuis qu'ils sont ici, depuis plus de trente ans pour la plupart, n'ont jamais travaillé ! C'est la réalité d'aujourd'hui, c'est la réalité des chiffres et c'est la réalité qui figure dans le rapport. Et vous allez refuser cet objet !
Eh bien voilà, vous faites ce que vous voulez puisque vous avez une majorité. Sachez qu'à Zurich, ça a fonctionné, mais à Genève, on n'arrive malheureusement pas à faire évoluer les choses. Il y a des choses qui ne fonctionnent pas, comme dans le reste de la Suisse. Nous vous invitons malgré tout à soutenir ce projet de loi et à revenir un peu plus dans la réalité du moment. Et puis les profiteurs, nous, l'UDC, on n'en veut plus ! Merci. (Exclamations. Huées.)
Une voix. C'est pas des profiteurs !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est maintenant à M. le député Patrick Dimier...
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez à M. Florey...
Le président. ...pour une minute cinquante.
M. Patrick Dimier. Vous transmettrez à M. Florey qu'on voudrait bien soutenir, mais on ne peut soutenir que des choses qui sont soutenables. (Un instant s'écoule.) Vous avez ici les effets, certes pervers, du non-recours à l'emploi local ! Si ces personnes sont au chômage, c'est parce qu'on n'a pas voulu les employer. Si on diminuait l'impact de l'emploi des étrangers sur notre territoire et qu'on employait ces gens - qui sont certainement tout à fait employables ! - on n'aurait pas ces situations.
Cela ne veut en aucun cas dire que l'on peut soutenir la position du MCG... pardon, de l'UDC ! (Rires.) Voilà, comme ça, c'est fait ! Chacun son petit virus ! Compte tenu d'arrangements que vous connaissez tous, nous nous contenterons de nous abstenir - ce qui ne veut certainement pas dire que nous avons une position favorable vis-à-vis d'un tel texte.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le député Marc Falquet, la parole est à vous pour quarante-huit secondes.
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je n'ai jamais dit que les gens ne voulaient pas s'intégrer; il ne faut pas systématiquement déformer mes propos. Je voudrais savoir ce que veut dire l'intégration pour la gauche. Est-ce qu'être à l'aide sociale signifie être intégré ? Si la majorité de ces gens se retrouve à l'aide sociale, c'est qu'il y a un problème. Alors il faut regarder d'où vient le problème: ce sont effectivement les employeurs qui refusent d'engager ces personnes ! Je suis tout à fait d'accord. Mais il faut y réfléchir: pourquoi ces gens ne trouvent-ils pas d'emploi ? Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va à Mme la députée Frédérique Perler pour quarante-huit secondes.
Mme Frédérique Perler (Ve). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez à M. Florey, s'agissant de ses paroles relatives à l'étiquette, que ce que j'ai dit en réalité figure à la page 8 du rapport: il y est précisé que l'étiquette de «permis provisoire» n'est actuellement même plus reconnue par la Confédération suisse. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée, ce sera donc transmis. La parole est maintenant à Mme la rapporteure... Non, excusez-moi, la parole est à Mme la députée Jocelyne Haller.
Mme Jocelyne Haller. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Pardon: vous n'avez plus de temps de parole.
Mme Jocelyne Haller. Ah !
Le président. Vous avez effectivement tout mangé tout à l'heure. La parole est vraiment à Mme la rapporteure de majorité.
Mme Léna Strasser (S), rapporteuse de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je reviens sur la question des 86 personnes. Si on lit le rapport: «Parmi ces 86 personnes, il y en a 54 qui vivent en famille et 32 personnes seules; 40% ont entre 30 et 45 ans, 35% ont entre 0 et 15 ans.» Mon préopinant UDC a lu le rapport en diagonale: il n'y a pas fait attention, mais il est bien question de familles et pas uniquement d'adultes. De plus - vous transmettrez, Monsieur le président - les traiter de profiteurs, c'est vraiment mal les connaître et mal connaître leur réalité. Merci. (Applaudissements.)
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, beaucoup de choses fausses, beaucoup de choses justes aussi ont été dites, preuve en est la dernière intervention de Mme la députée Strasser. Oui, des enfants sont effectivement concernés par ce barème. Il est essentiel de se rappeler que les enfants sont souvent les invisibles de l'aide sociale et peuvent être pleinement - pleinement - impactés lorsqu'on envisage une baisse de prestations, et je vous remercie de l'avoir mentionné. (Remarque.)
Le dispositif tel qu'il a été pensé à Genève est bon puisqu'il renforce l'intégration sociale et professionnelle. Je peux imaginer que l'UDC ait de la peine à vivre avec cela, mais ce serait au fond assez paradoxal qu'on ne puisse pas bénéficier du barème ordinaire de l'aide sociale - ce qui est absolument nécessaire, au vu notamment des montants - lorsqu'on est intégré, lorsqu'on est en capacité de travail, lorsqu'on a des possibilités de formation accrues.
Cela a été aussi rappelé, l'autre barème, celui de l'asile, est moitié plus bas - moitié plus bas ! - à 451 francs. Il y a donc là un risque majeur de voir des personnes intégrées socialement et professionnellement prendre des chemins qui ne sont pas acceptables. Je le dis d'autant plus que nous avons une politique de l'intégration active, proactive, dans les différents domaines. C'est en particulier le cas dans celui de l'aide à l'insertion professionnelle avec la nouvelle loi fédérale sur les étrangers et l'intégration: elle prévoit également un dispositif qui permet d'obtenir des résultats.
Il serait absolument paradoxal et contreproductif que d'imaginer les aider à la moitié de ce à quoi ils ont droit. Faire des économies sur le dos des plus précarisés, c'est prendre le pari qu'ils coûtent largement plus cher plus tard - c'est là aussi un changement de paradigme que le Conseil d'Etat veut opérer. Raison pour laquelle, notamment, il vous invite à refuser ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12165 est rejeté en premier débat par 64 non contre 7 oui et 9 abstentions.
Présidence de M. Jean-Marie Voumard, président
Le président. Nous reprendrons nos travaux à 18h. Je demande au Bureau de se présenter dans la salle à l'étage. Merci.
La séance est levée à 17h40.