République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 27 février 2020 à 17h
2e législature - 2e année - 10e session - 52e séance
PL 11274-A
Premier débat
Le président. L'ordre du jour appelle maintenant le PL 11274-A et nous le traiterons en catégorie II, trente minutes. (Un instant s'écoule.) Personne ne veut s'exprimer ? (Remarque.) Je passe la parole à M. le député André Pfeffer.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Merci beaucoup. L'objectif de ce projet de loi est louable: il est important, et même nécessaire, d'augmenter le nombre de places d'apprentissage à Genève. Genève est à la traîne et doit faire mieux: dans notre canton, seuls 20% des jeunes sortant de la scolarité obligatoire entrent en apprentissage. La moyenne suisse est de 50% et ce taux monte jusqu'à 75% dans certains cantons. Seulement 10% de nos entreprises forment des apprentis alors que la moyenne suisse est de 17%.
Mais les moyens proposés par ce projet de loi, surtout le versement d'indemnités et d'aides financières, ne sont pas la réponse qu'attendent les employeurs. Des formateurs sondés, la majorité des personnes auditionnées et l'office pour l'orientation, la formation professionnelle et continue disent que les entreprises ne demandent pas un subventionnement, que le frein pour former un apprenti est la lourdeur des démarches administratives.
L'OFPC assiste et aide également les entreprises pour le recrutement d'apprentis, ce qui a donné un très bon résultat. Il favorise et encourage aussi la formation des formateurs et le coaching. En 2019, mille personnes ont suivi le cours de formateur et l'intérêt est en constante progression.
Dans notre canton, le nombre d'apprentis en formation duale a augmenté en quatre ans, passant de 4500 jeunes à 5200. Il y a par ailleurs 2680 entreprises formatrices à Genève. Les subventions directes aux entreprises pour la formation d'apprentis existent déjà et les résultats sont décevants, voire mauvais. Le canton de Vaud avait introduit les incitations financières directes mais il les a supprimées après avoir constaté que ces mesures nuisaient à la qualité de la formation. La ville d'Onex a commencé à subventionner les entreprises dès 2012: pour chaque apprenti, Onex verse à l'employeur 3000 francs par année. Si l'apprenti est onésien, l'entreprise reçoit même 4000 francs par an. La Ville de Genève octroie depuis 2017 une somme de 3000 francs par an pour un apprenti en CFC et de 5000 francs pour un apprenti en AFP. Malgré les fonds engagés, 25% des contrats d'apprentissage sont déjà résiliés. La responsable du projet de la Ville de Genève a reconnu que, entre 2009 et ce jour, le nombre d'apprentis n'a pas progressé: il y en avait 1961 en 2009 et, en dépit des subventions et des moyens engagés, ce nombre est resté identique.
Dans les régimes socialistes, la formation et même les postes de travail sont largement subventionnés. Le nombre de jeunes en formation engagés est défini en fonction du nombre de jeunes sur le marché. Ce système socialiste n'est pas une politique de formation mais une politique d'occupation. La formation duale, qui est un succès en Suisse et que beaucoup de pays essaient de copier, a comme objectifs d'immerger nos jeunes dans l'économie réelle, de leur apprendre un métier dans une entreprise et de leur donner une formation adaptée aux besoins de l'économie. Dans une telle approche, l'Etat, les partenaires sociaux et les entreprises ont chacun leur rôle. Celui de l'Etat est principalement lié à l'écolage des jeunes avant et durant l'apprentissage, et vise à faciliter et à favoriser l'orientation et l'engagement des jeunes et, surtout, à maintenir un cadre et un environnement favorables pour le bon développement de nos entreprises.
L'UDC soutient et défend la formation duale: c'est un modèle très performant et il reste très actuel malgré l'évolution du marché du travail. Mais le texte proposé mélange la promotion de l'apprentissage avec une politique d'occupation. Il est très difficile d'évaluer le montant des fonds publics qu'un tel projet engloutirait et l'efficience, l'efficacité de cet investissement serait en plus très discutable. Pour ces raisons, je vous recommande de refuser ce projet de loi. Merci de votre attention.
M. Boris Calame (Ve), député suppléant et rapporteur de minorité. Chères et chers collègues, je suis un peu stupéfait des propos tenus par mon préopinant alors que l'on parle ici d'un tout petit projet de loi, qui entend faciliter l'engagement d'apprentis en formation duale dans les très petites entreprises. Je vous rappelle le texte: «Le département peut aussi soutenir par des indemnités, des aides financières et d'autres mesures les très petites entreprises formatrices (1-5 postes équivalents plein-temps).» Ce sont ces petites entreprises qui sont confrontées à des situations difficiles, notamment administratives, et le projet de loi était un petit pas pour leur simplifier la tâche.
Il est particulièrement malheureux que la commission ait décidé de ne même pas entrer en matière; le cas échéant, un amendement aurait pu être déposé. Les incitations de l'Etat - et non seulement de quelques communes - en faveur des apprentis en formation duale auraient en tout cas été une solution beaucoup plus égalitaire que celle qui a cours dans la situation actuelle. Quelques exemples du travail accompli, notamment en Ville de Genève, ont été donnés lors des auditions, qui ont eu lieu il y a maintenant plus de deux ans; je vais vous en lire juste un. C'est Emil Frey, c'est-à-dire une entreprise beaucoup plus grande, qui dit: «Ce soutien de la Ville de Genève nous ravit et nous conforte dans notre démarche de formation professionnelle pour les jeunes.» D'autres entreprises nous ont également été présentées: certaines affectent cette aide à la formation, certaines à la logistique ou autre. Il aurait été pertinent que l'Etat s'implique, même légèrement, dans l'accompagnement de ces petites entreprises. Je vous remercie.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, il faut peut-être souligner en préambule qu'il s'est passé un certain nombre de choses depuis 2013. Le département a décidé de mieux encourager les entreprises et d'organiser des rencontres entre les écoles et les employeurs potentiels. Je citerai aussi l'organisation de la Cité des métiers, également soutenue par le département. Il reste toutefois du chemin à faire.
Pendant longtemps, Genève a privilégié la voie académique et n'a pas assez mis en exergue les avantages que présente l'apprentissage. Cela a régulièrement abouti au fait que les collégiens abandonnent la voie scolaire après une année ou deux et se retrouvent sans rien. Ils considèrent ensuite l'apprentissage, mais comme une solution de rechange plutôt qu'un objectif en soi.
Il faut aussi relever que les systèmes de passerelles mis en place permettent aux personnes suffisamment motivées de commencer par un apprentissage et de finir par une maturité professionnelle ou d'autres filières qui leur sont ouvertes. Je relèverai également, s'agissant du soutien administratif, les programmes interentreprises soutenus par le fonds en faveur de la formation et du perfectionnement professionnel: ils permettent aux petites entreprises d'être moins sollicitées sur le plan administratif. A cet égard, il reste toutefois encore du chemin à faire; c'est souvent ce qui rebute les petits entrepreneurs, qui n'ont pas forcément d'employés ou qui n'en ont qu'un ou deux.
Cela étant, pour reprendre l'exemple donné par le rapporteur de minorité, je trouve que citer Emil Frey n'est pas vraiment approprié dans la mesure où il s'agit d'une grande entreprise, pratiquement présente dans tous les cantons - en particulier en Suisse alémanique - et qui a toujours eu une tradition de formation. Je ne pense pas que lui verser 5000 francs améliorerait sensiblement son attrait pour l'engagement d'apprentis. Sur la base de ces considérations, le groupe démocrate-chrétien vous recommande, Mesdames les députées, Messieurs les députés, de refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Le groupe Ensemble à Gauche ne votera pas non plus l'entrée en matière sur ce projet de loi. Non pas que nous ne soyons pas sensibles à la problématique de la formation en apprentissage ou de la formation élémentaire, mais simplement parce que si cette problématique est réelle, la réponse apportée par ce projet de loi ne nous convainc pas.
Elle ne nous convainc pas à divers titres - cela a déjà été expliqué par les personnes qui se sont exprimées avant moi: le vrai problème relève moins d'une aide financière que d'un soutien en matière de démarches administratives, de reconnaissance de l'entreprise en tant qu'entreprise formatrice, ou même de la façon d'orienter les jeunes vers ces métiers. Il nous semble aussi important de travailler sur une forme de hiérarchisation des différentes manières de se former, des différentes voies de formation, et sur les représentations liées aux métiers pour lesquels on passe par une AFP ou par un CFC. C'est donc plutôt à cet effet qu'une aide nous paraît nécessaire.
Ce projet de loi crée à nos yeux un précédent puisque, au final, on paierait les entreprises pour qu'elles engagent des apprentis. Or, cela a été rappelé à diverses reprises dans le cadre des travaux de la commission de l'économie, un apprentissage est une transmission de savoir, une transmission de compétences, et cela ne doit pas être biaisé par l'intérêt que peut représenter une aide financière ni, à plus forte raison, ouvrir un effet d'aubaine. Pour nous, cela serait particulièrement dommageable, à quoi s'ajoute encore le fait que ce type d'aide créerait un précédent: cela reviendrait à payer les employeurs pour qu'ils engagent des apprentis - ce parlement a connu quelques tentatives de cet ordre-là, comme la proposition qui nous a été faite il y a quelque temps de payer les entreprises, ou de les aider financièrement, pour qu'elles engagent des personnes en premier emploi. Au final, pourquoi ne pas payer les entreprises pour qu'elles engagent des salariés ? Cela n'a pas de sens ! Je vous rappelle que les salariés, les travailleurs, amènent une plus-value à l'entreprise: ils fournissent des prestations qui sont rentables pour l'entreprise.
Enfin, je ne pourrais pas conclure sans rappeler l'étude réalisée par l'Observatoire suisse de la formation professionnelle, qui s'est attelé à la question du poids des apprentis sur les charges des entreprises: il a finalement conclu que les apprentis constituent un gain pour les entreprises et non une perte sèche. Sur ce, le groupe Ensemble à Gauche vous invite à refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.
M. François Lefort (Ve). Le rapporteur de majorité a très bien expliqué pourquoi il est nécessaire de renforcer l'apprentissage à Genève; tout ce qu'il a dit est juste. Tout ce qu'il a dit en faveur de ce projet de loi est juste et nous partageons son constat, qui nous a d'ailleurs inspiré ce projet de loi. Pour le reste, il demeure évidemment opposé au texte, comme la majorité, et là nous ne sommes évidemment pas d'accord.
Ce projet de loi demande à soutenir, par des indemnités, des aides financières et d'autres mesures, les très petites entreprises formatrices. L'ensemble des entreprises qui font de la formation ne sont bien sûr pas concernées. La cible est bien identifiée: il est ici question des très petites entreprises, celles de moins de cinq employés - une sous-population des micro-entreprises qui sont, au sens fédéral, les entreprises de moins de neuf personnes. Ce sont évidemment ces très petites entreprises qu'il faut aider à engager des apprentis: c'est là qu'il y a un vivier de places d'apprentissage.
Les indemnités proposées visent justement à leur permettre de faire face à la lourdeur administrative, parce que pour ces très petites entreprises, qui dit lourdeur administrative dit charges - dégager quarante heures de formation pour les formateurs constitue par exemple une charge. Cette proposition est extrêmement modeste; ce n'est qu'une modeste proposition pour renforcer l'engagement d'apprentis dans de très nombreux petits métiers, y compris les métiers de bouche, promis d'ailleurs, dans notre monde actuel, à la disparition dans un futur proche. Cet objet recherche un morceau de solution dans un contexte très particulier - un contexte particulier où tout le monde adore l'apprentissage !
Tout le monde met en exergue l'excellence de notre système d'apprentissage mais personne n'en fait ! Ce qu'a dit tout à l'heure le rapporteur de majorité est très vrai: Genève est un cas particulier en Suisse puisque nous avons moins de 10% d'entreprises formatrices, qui ont un certificat de formation. Moins de 10%, soit 4500 entreprises environ ! En conséquence, nous connaissons un déficit permanent de places d'apprentissage.
J'ai bien compris la position du groupe Ensemble à Gauche: s'il estime qu'il faudrait effectivement trouver une solution pour augmenter le nombre d'apprentissages, il ne votera pas cette modeste proposition parce que ce serait apporter une aide financière à des entreprises. Mais on parle ici d'aides extrêmement modestes à de petites entreprises, et les Verts vous recommandent bien sûr de voter ce projet de loi.
Ce que je peux dire à la majorité, c'est que ce texte ne coûterait pas grand-chose, même si, comme vous l'avez affirmé, il s'avérait vraiment inutile. Vous pourriez donc prendre le risque de le voter et d'avoir raison - vous ne prendrez évidemment pas ce risque-là. Pour finir, les Verts n'ont pas changé d'avis et recommandent le vote de ce projet de loi. Merci.
Mme Ana Roch (MCG). Je pense que nous sommes tous d'accord: il faut promouvoir les places d'apprentissage et les apprentissages - c'est une valeur ajoutée pour notre canton. Maintenant, posons-nous les bonnes questions: pourquoi est-ce qu'on a si peu d'entreprises formatrices ? Notre tissu économique est multiple: il se compose de grosses multinationales, qui connaissent peu ou pas l'apprentissage, et de beaucoup de PME.
La lourdeur administrative n'est pas tout ! Il y a aussi les conditions pour devenir formateur, qui sont très strictes - c'est très difficile; les conditions sont édictées à l'échelon fédéral. Dans certaines branches, il faut par exemple des employés à 100% pour avoir des apprentis. Rémunérer les entreprises ne va par conséquent pas réduire ou enlever ces contraintes.
Ce n'est donc pas un bon projet de loi, en tout cas pas pour promouvoir l'apprentissage. Je pense qu'on doit aller plus loin et se tourner vers Berne pour peut-être amoindrir ces lourdeurs administratives et assouplir le cadre des formations afin de privilégier les petites entreprises et de leur permettre d'engager des apprentis. Pour ces raisons, le MCG ne soutiendra pas cet objet. Merci.
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, il a été dit, et je pense que c'est un constat unanimement partagé, que l'apprentissage propre au modèle suisse est un excellent moyen d'insertion professionnelle pour les jeunes. On le sait, Genève est à la traîne en matière d'apprentissage. Environ 40% des jeunes du secondaire II sont en apprentissage, en formation duale, alors que la moyenne est au-delà des 70% pour le reste de la Suisse. Nous sommes également à la traîne en matière d'entreprises formatrices puisque nous en avons environ 10%, ou un peu moins, à Genève, contre une moyenne de 17% en Suisse. Nous connaissons ces éléments-là.
C'est vrai que Genève bénéficie malheureusement de facteurs qui ne favorisent pas l'apprentissage. Notre tissu économique est très axé sur le tertiaire, plus que celui du reste de la Suisse, qui a un secteur secondaire plus important - et on sait que celui-ci permet davantage des formations en entreprise. La France voisine et les entreprises anglo-saxonnes, qui ne connaissent pas l'apprentissage, ou très mal, exercent également une influence culturelle sur notre tissu économique. Ces différents facteurs ne favorisent pas ce moyen d'insertion professionnelle; ils ne favorisent pas ce genre de formation, qui est le meilleur moyen d'insertion professionnelle.
Ce projet de loi ne mange pas de pain: il donne à l'Etat la possibilité d'agir, par des incitations financières, pour aider à la création de places d'apprentissage en entreprise. Des communes le font aujourd'hui - Onex, Genève - et le résultat, à ce qu'on sait, n'est pas catastrophique: ces communes ne sont pas revenues en arrière. Il n'y a pas de cas graves, ce sont même plutôt des cas positifs qui ressortent; les témoignages sont positifs et il n'y a donc pas d'obstacles à ce que nous allions dans cette direction !
Ce projet de loi permettrait d'avoir, au niveau cantonal, les compétences pour le faire et pour développer ces outils d'incitation financière destinés aux entreprises afin de créer des places d'apprentissage. Les communes ne seraient ainsi pas les seules à agir en matière de formation professionnelle, d'autant plus que c'est au canton de le faire. Et là, on entend qu'il ne faut surtout rien faire ! Il ne faut rien faire alors qu'on sait que Genève est l'un des cantons qui ont le taux de chômage le plus élevé de Suisse et que les jeunes sont la population qui connaît la plus grande part de personnes en recherche d'emploi ! Les chiffres sont bien plus conséquents que ceux simplement des personnes inscrites au chômage: en réalité, la proportion de jeunes en recherche d'emploi après leurs études est extrêmement importante.
Au lieu de ne rien faire et de critiquer les propositions des autres, même si elles ne mangent pas de pain, voter ce texte serait déjà un premier pas pour agir dans le bon sens ! Il n'est pas révolutionnaire: les pays scandinaves ont des politiques publiques proactives en matière d'insertion et de réinsertion professionnelles qui, par des incitations financières, en effet, permettent une insertion professionnelle réussie. C'est pourquoi le groupe socialiste vous invite à voter ce projet de loi.
M. Serge Hiltpold (PLR). Je voudrais tout d'abord dire que les entreprises ne souhaitent pas - et ne sont pas demandeuses - d'indemnités financières. Je rappelle aux nombreux théoriciens du monde académique que les entreprises ont depuis déjà fort longtemps des fonds patronaux pour les soutenir si elles le désirent, et que les plus petites entreprises sont en fait celles qui forment le plus. On est donc complètement à côté de la plaque.
Pour assurer un rôle de formateur - et j'en parle très volontiers - il faut être convaincu ! Il ne suffit pas de nous donner 2000 francs ou 3000 francs pour que nous prenions un apprenti ! Il faut que le formateur s'investisse pleinement dans son métier, qu'il soit convaincu de la nécessité de la transmission et que le rapport soit bilatéral. Au moment d'engager un apprenti, vous prenez quelqu'un qui a envie de travailler, quelqu'un avec qui vous avez envie d'échanger des pratiques professionnelles. La relation est bilatérale parce que l'apprenti vous apporte quelque chose et vous lui transmettez un savoir. Dès le moment où vous introduisez une indemnité financière, vous inversez le rapport parce que ça devient un dû ! On vous donne de l'argent pour former à quelque chose, pour former quelqu'un. C'est complètement faux ! On est à l'opposé de l'esprit de l'entrepreneur.
Ce qu'on peut noter de positif, en tout cas au niveau de l'Etat, c'est la prise en charge par l'OFPC de la question du lien avec l'économie: il y a là de très bons contacts avec les employeurs. Il existe des bourses et des journées sont organisées pour présenter les entreprises, pour former les apprentis; du coaching est aussi fait avec des clubs services comme le Rotary. Et c'est ça, la solution ! Ce n'est pas d'étatiser et de donner de l'argent aux entreprises. Merci.
Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR), députée suppléante. Bon nombre d'éléments ont déjà été apportés, mais je voudrais compléter ce qui vient d'être dit par mon collègue. Beaucoup de choses, souvent méconnues, ont été mises en place ces dernières années considérant les nouveaux systèmes de passerelles, de formations supplémentaires après la formation professionnelle.
On a parlé du manque d'information, du manque de connaissances par rapport à l'apprentissage, toujours considéré comme une option figée et une sorte de parcage des élèves. Beaucoup de choses, je l'ai dit, ont été mises en place, mais elles prennent du temps: les mentalités doivent changer. On a évoqué un certain nombre de projets qui nécessitent quelques années pour se mettre en place: ils concernent le cycle d'orientation, où depuis plusieurs années l'accent est mis sur l'apprentissage, mais aussi le réseau d'apprentissage qui a été imaginé.
Au moins, tout le monde est d'accord sur le fait qu'il faut mettre en avant l'apprentissage. Chacun de nos groupes a des représentants au niveau national, qui peuvent empoigner la question des charges administratives trop lourdes; il faut donc absolument aller dans ce sens-là. Je vous remercie.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je serai très brève parce que je crois que vous avez à peu près tout dit. Le département soutient les objectifs de ce projet de loi, mais pas le moyen qui est proposé: c'est une fausse bonne idée - c'est un moyen qui n'a pas porté ses fruits puisque des communes, on vous l'a dit, ont déjà tenté l'expérience. Si dans une commune aussi grande que Genève, sur les 169 demandes acceptées en 2017 - ce sont les chiffres que j'ai - les contrats d'apprentissage ont été résiliés dans 25% des cas, c'est que le système ne suffit pas. Les incitations financières ne suffisent pas pour atteindre cet objectif.
Le deuxième élément, et là je me rapprocherai de ce qu'a dit la députée Jocelyne Haller, relève d'une question de fond. Est-ce que c'est à l'Etat, fondamentalement, de soutenir financièrement des entreprises quand on sait ce que l'apprentissage leur rapporte réellement ? Les derniers chiffres du SEFRI, sortis en novembre, disent qu'un CFC ou une AFP, au bout de la formation, ont en moyenne rapporté 10 000 francs environ à l'entreprise. Non seulement donc l'apprentissage représente une force - il va souvent permettre, notamment aux petites entreprises, de poursuivre des métiers pour lesquels on a parfois du mal à trouver des jeunes qui reprennent le flambeau - mais en plus, il est au bénéfice financier de l'entreprise. Par conséquent, ce n'est clairement pas à l'Etat de payer, et si on devait par hasard chercher un soutien financier, il faudrait le faire auprès de la FFPC, la Fondation pour la formation professionnelle et continue, qui est tripartite. L'Etat y participe, tout comme les partenaires sociaux, et c'est elle qui met en place un certain nombre de mesures.
Cela dit, nous partageons les objectifs de ce projet de loi. Je vous rappelle que le Conseil d'Etat a lancé en 2015 un plan d'action qui se poursuit aujourd'hui et comporte toute une série de mesures. La députée Natacha Buffet-Desfayes en a signalé une, extrêmement importante pour les toutes petites PME: le réseau d'entreprises. Souvent, ces petites entreprises n'ont pas réellement la force de former un apprenti et ne sont pas en mesure de lui montrer l'ensemble de ce qu'il devrait voir. C'est pourquoi, très concrètement, nous travaillons actuellement avec les caisses Raiffeisen, qui vont fonctionner en réseau d'entreprises; alors qu'elles ne prenaient jusqu'à présent quasiment aucun apprenti, elles vont en engager un certain nombre l'année prochaine. Il est donc possible d'entreprendre certaines actions et je vous incite par conséquent à soutenir le département lorsqu'il vous propose des mesures, mais pas la mesure voulue par ce projet de loi. Merci.
Le président. Merci bien. Nous passons au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11274 est rejeté en premier débat par 62 non contre 29 oui.