République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2366-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de Mme et MM. Daniel Sormanni, Henry Rappaz, Pascal Spuhler, Sandra Golay, Patrick Dimier, Jean-Marie Voumard, Francisco Valentin, François Baertschi, Florian Gander, Christian Decorvet, Thierry Cerutti, André Python, Jean-François Girardet : La chasse aux faux CV est ouverte : cessons de comparer des pommes avec des poires
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 21 et 22 mars 2019.
Rapport de majorité de M. Jean-Marc Guinchard (PDC)
Rapport de minorité de M. André Pfeffer (UDC)

Débat

Le président. Nous continuons l'ordre du jour. Nous en sommes à la M 2366-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Le rapporteur de majorité est remplacé par M. Jacques Blondin. Je lui passe la parole.

M. Jacques Blondin (PDC), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je remplace effectivement M. Jean-Marc Guinchard, et c'est très à propos, puisqu'on va parler d'agriculture - de pommes et de poires: en tant qu'agronome, je me sens tout à fait à ma place pour parler de ça !

Humour à part, cet objet a été traité au cours de deux séances de la commission de l'économie, les 14 et 21 janvier, sous la présidence de Mmes Isabelle Pasquier et Jocelyne Haller. Le procès-verbal a été tenu par Mme Maëlle Guitton. Que toutes trois soient remerciées.

Cette proposition de motion, je vous le rappelle, invite le Conseil d'Etat «à faire vérifier, par le bureau des ressources humaines de l'office cantonal du chômage, tous les CV des non-résidents genevois et à donner son aval avant la possibilité qu'un département, au sein du grand Etat ou des entités subventionnées à plus de 50%, puisse faire un transfert, ou une mutation ou un contrat d'engagement, et ce pour tous les types de contrats (CDD, CDI, etc.); à appliquer la précédente mesure jusqu'à ce que le canton de Genève obtienne un taux de chômage égal ou inférieur à la moyenne nationale».

Lors de l'audition du premier signataire, celui-ci a expliqué que la motion part du constat que les gens ont souvent tendance à oublier des épisodes dans leur CV. Un oubli, ce n'est pas si grave, mais enjoliver son CV de diplômes ou de passages dans certaines écoles professionnelles ou universitaires, c'est plus grave. Par conséquent, il est opportun de contrôler tout cela, et surtout les CV de personnes qui viennent de l'étranger. Il a précisé qu'on parle ici de la fonction publique, des entités subventionnées et de tout ce qui tourne autour de l'Etat. Il considère que l'Etat doit faire l'effort de vérifier les CV chaque fois. Il a précisé qu'il ne s'agirait pas de vérifier des milliers de CV par année, mais seulement ceux des personnes non résidentes qui sont engagées à l'Etat pour des fonctions ou des métiers qu'on ne trouve pas dans le canton. Il a rappelé à ce propos qu'en principe, avec la préférence cantonale, on doit engager d'abord des personnes qui habitent à Genève.

Mesdames et Messieurs les députés, le sort et le score réservés à cette proposition de motion par la commission tiennent à plusieurs éléments. Tout d'abord, l'aspect discriminatoire de ce texte, en particulier de l'une de ses invites, qui affirme ou laisse penser que seuls les frontaliers, étrangers ou non-résidents genevois, sont des fraudeurs potentiels susceptibles de trafiquer leurs titres, diplômes et CV dans l'espoir de trouver un emploi au sein de l'Etat ou de ses établissements autonomes. En revanche, les résidents genevois sont parés de toutes les qualités et ne pourraient en aucun cas être considérés comme des tricheurs. On peut donc y déceler très clairement une attaque obsessionnelle, une de plus, contre les frontaliers et les étrangers, issue de deux groupes coutumiers du fait. Cet aspect discriminatoire et injuste a été relevé à plusieurs reprises par les commissaires majoritaires.

D'autre part, les effets du contrôle des CV, titres et diplômes sur la diminution du chômage dans notre canton n'ont pas pu être démontrés par les signataires, pas plus que par l'audition du directeur de l'office du personnel de l'Etat. Qui plus est, la conjonction de ces deux aspects ne répond pas à la nécessité de l'unité de matière que l'on se devrait d'observer dans un tel texte.

En conclusion, je ne peux que recommander au Grand Conseil de faire siennes les conclusions de la commission de l'économie et de refuser à la même majorité la M 2366. Merci.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Cette motion propose exclusivement de contrôler le CV d'un résident à l'étranger qui postulerait pour un poste dans la fonction publique ou dans une de nos entités subventionnées. Avec la préférence cantonale, il ne devrait s'agir effectivement que de quelques dizaines de dossiers par mois.

Tout le monde sait que les exigences et les pratiques pour les demandes d'emploi divergent de pays en pays. En France, le contrôle de ces documents est un vrai problème. Selon des articles de presse, neuf candidats sur dix arrangeraient ou enjoliveraient leur CV - ce sont des données qui viennent de la presse et non des auteurs de cette proposition de motion. Pour cette raison, il existe en France des entreprises qui assistent les recruteurs afin de contrôler et de détecter les fraudes dans les dossiers d'embauche.

En plus de ce problème, l'appréciation d'une candidature qui provient d'un résident à l'étranger est plus difficile: les formations et les diplômes sont différents, les références et les expériences professionnelles sont quasi impossibles à évaluer, il n'existe pas de certificat de travail en France, il n'y existe pas d'extrait de l'office des poursuites, etc., etc. L'engagement d'un nouveau collaborateur est délicat et peut s'avérer un désastre pour l'employeur, mais également pour le salarié. Nier l'importance de cette tâche et la considérer comme discriminatoire est irresponsable. Cette pure et simple démarche administrative découle de l'évidence et du bon sens. Une appréciation correcte des documents d'embauche est une obligation.

Si la rédaction des deux invites heurte un groupe, je propose simplement qu'il la change; mais le principe que propose cette motion doit être soutenu, la démarche doit être encouragée: l'administration publique doit être soutenue, il est important qu'elle puisse effectuer toutes ces tâches avec efficacité et sérieux, comme le fait n'importe quelle entreprise privée. Finalement, ça concerne relativement peu de dossiers: je pense qu'on peut demander un petit effort à l'administration pour que ce travail soit fait correctement. Pour ces raisons, je recommande qu'on renvoie cette motion au Conseil d'Etat. Merci.

M. François Lefort (Ve). Vous transmettrez, Monsieur le président, que malgré toute l'affection que je dois à mes collègues, je suis obligé de remarquer que voilà encore une idée simple du MCG, qui n'en manque jamais, et qui, contrairement au titre de sa proposition de motion, mélange ici allégrement les pommes et les poires.

Je résume le présupposé: les faux CV sont produits uniquement par des non-résidents et lutter contre ces faux CV fera baisser le chômage. Sur ces prémisses, le MCG demande - et là, c'est très précis - que l'«office cantonal du chômage» - je suppose que c'est l'office cantonal de l'emploi, on corrigera ! - vérifie tous les CV des non-résidents genevois et que, de plus, l'OCE donne son aval à tout transfert, mutation ou contrat d'engagement pour tout type de contrat au sein de l'Etat et des entités subventionnées. Sa demande doit en outre, selon les motionnaires, être appliquée jusqu'à ce que le taux de chômage genevois soit inférieur à la moyenne nationale.

Vaste programme ! Admiration, en même temps ! Très vaste programme où le taux de chômage est élastiquement lié au taux de faux CV de non-résidents. C'est scientifiquement intéressant, je dirais ! Mais les motionnaires oublient, à part ça, que l'usurpation de titres est une faute grave, pénalement réprimée, et qu'il est extrêmement rare que de faux titres ne soient pas repérés. Ça arrive de temps en temps, pas seulement à Genève, mais également dans d'autres cantons. Il est donc extrêmement rare que de faux titres ne soient pas repérés lorsqu'ils sont présentés à l'engagement. Or, c'est évidemment à ce moment que les vérifications précises de la validité des titres se font. Il n'est donc nul besoin de créer d'abord une gigantesque usine de vérification de CV de non-résidents a priori, donc avant engagement; il n'est nul besoin de créer une deuxième usine à gaz qui traite toutes les mutations au sein de l'Etat et des entités subventionnées. Et enfin, le texte est aussi discriminatoire par son invite qui donne à penser que les faux CV sont la spécialité des non-résidents.

Pour ces trois raisons, les Verts considèrent ce texte comme inutile, le refuseront et vous invitent à en faire de même. Merci.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, ne pas confondre des pommes avec des poires: et pourquoi pas des torchons avec des serviettes, tant qu'on y est ? L'objectif annoncé de ce texte est de faire la chasse aux CV enjolivés ou trafiqués. Cela pourrait avoir du sens; mais quand le premier signataire indique qu'il ne s'agirait pas de vérifier des milliers de CV par année mais seulement de contrôler ceux des personnes non résidentes engagées à l'Etat, eh bien, le bât commence à blesser. On ne peut que s'inquiéter d'une mesure de discrimination - une nouvelle - à l'égard des non-résidents. Cela, quand bien même le premier signataire indiquait que c'est par souci d'économie que la mesure n'a pas été élargie aux résidents. Ouf, ce n'était donc que ça ! Seulement par souci d'économie, et non parce que les signataires de cette motion seraient portés à croire que les non-résidents seraient plus enclins à tricher sur leur CV. Encore qu'on pourrait douter que ce soit véritablement cela qui les a amenés à cette restriction. Car enfin, comme le relevait un commissaire durant les travaux de la commission, l'exposé des motifs indique que la motion vise à défendre les résidents genevois et à concourir à diminuer de moitié le nombre de demandeurs d'emploi actuels afin de satisfaire un droit légitime des Genevois de travailler dans le canton où ils résident.

Nous voilà donc, Mesdames et Messieurs les députés, au fait de l'essence de cette motion. Ce n'est qu'une nouvelle mouture de l'antienne bien connue du groupe MCG visant à bouter les frontaliers hors de notre canton. Mais les services des ressources humaines font leur métier, ce n'est pas à nous de le leur apprendre ni de nous en mêler. Nous vous proposons donc de rejeter ce nouvel avatar de la préférence cantonale. Je vous remercie de votre attention.

M. François Baertschi (MCG). En effet, le MCG a déposé cette proposition de motion parce que nous avons constaté qu'un nombre considérable de faux CV apparaissent dans les offres d'emploi de personnes non résidentes et qu'on n'arrive pas à contrôler l'exactitude de ces documents. C'est un élément grave, et c'est pour cela que nous avons déposé ce texte. Nous vous demandons de le suivre.

Mais le coeur du problème est ailleurs. Je sens très bien qu'il y a dans ce parlement un certain nombre de personnes qui pratiquent comme sport de dénigrer les résidents genevois. A les entendre, les habitants du canton de Genève ne seraient que des incompétents, des imbéciles, des idiots. Vous donnez raison à tous les malhonnêtes qui viennent à Genève, bardés de faux diplômes, prendre le travail des résidents genevois. (Commentaires.) Tout cela parce que vous êtes dans une logique mondialiste, une logique européiste qui fait que vous attaquez les habitants de ce canton, que vous démolissez notre société. C'est pour cela que je vous demande, si vous le voulez encore - mais je n'ai plus beaucoup d'espoir - de suivre cette motion. Quant au MCG, il continuera à se battre envers et contre tous.

M. Marc Fuhrmann (UDC). On a parlé de faux CV. Pour ma part, je n'en viendrais même pas aux faux CV. La naïveté de nos amis pro-européens semble sans limites ! Les différences entre les documents que demandent les employeurs suisses et ce que peuvent produire des Français, notamment, sont énormes. Mon collègue UDC André Pfeffer a parlé des certificats de poursuites qui n'existent pas en France, ou certainement pas sous la forme qui existe en Suisse. Pire encore, l'extrait de casier judiciaire: regardez sur le web à quoi ressemble un extrait casier judiciaire français, dedans, vous ne trouvez que des condamnations sans sursis à deux ans et plus. Ce casier ne concerne que très peu de gens; en Suisse en revanche, le pauvre gars - et là, j'en reviens à la gauche qui veut, et moi aussi, personnellement, aider ceux qui sortent de prison à régler les problèmes qu'ils auraient pu avoir dans le passé - le pauvre gars suisse est foutu ! Son casier judiciaire sera plein de tout ce que nous y mettons alors que l'équivalent français n'existe pas. Je ne vais donc même pas jusqu'à parler de faux CV, mais juste de vrais CV avec des vrais documents qui ne correspondent pas à nos exigences suisses.

Je ne comprends pas comment vous pouvez ne rien faire pour arrêter ces discriminations envers des Suisses qui sont dans la dèche, qui soit ont souffert à cause de moments difficiles avec des poursuites, soit ont traversé des moments de manque et d'existence criminelle ou semi-criminelle avec pour résultat des casiers judiciaires qui en France seraient vides pour les crimes qu'ils y auraient commis, mais sont pleins pour les mêmes crimes commis en Suisse. Je vous demande de ne pas parler que de faux CV, mais juste de concurrence complètement déloyale. Ce texte va donc dans la bonne direction et l'UDC l'approuvera. Merci.

M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, une fois de plus, pour sauver les gens qui se trouvent dans la précarité, pour leur trouver du travail, le seul remède de la gauche, ce sont les subventions; pour les Verts, ce sont les taxes: il faut taxer, c'est tellement plus facile de faire payer ceux qui travaillent un petit peu et qui essaient de s'en sortir. Les Verts veulent les taxer, en plus du fait qu'ils tuent nos arbres - mais c'est un autre débat.

Non, Mesdames et Messieurs, la protection de nos résidents est super importante. Il est vrai qu'il existe aujourd'hui une discrimination par rapport à ces CV. C'est une réalité, arrêtons de nous voiler la face ! Entre la France et la Suisse, il y a un réel problème de contrôle et de vérification: on ne peut pas les effectuer aujourd'hui avec les Français parce que les autorités n'en ont rien à faire. En plus, la France est heureuse d'avoir à Genève un Pôle Emploi qui lui permet de diminuer son taux de chômage. Si le nôtre augmente, elle n'en a rien à faire ! La solution de la gauche pour éviter que les gens soient dans la précarité, c'est de leur faire payer des taxes, payer des impôts, de faire souffrir ceux qui ont déjà des moyens limités, de les rendre encore plus pauvres. Oui, Mesdames et Messieurs, cette motion est un beau projet et je vous propose de la soutenir.

Des voix. Bravo !

M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, alors là, on retombe dans le populisme total et la démagogie. Je vais vous dire pourquoi. Je ne sais pas si certains, certaines d'entre vous ont lu ce rapport, mais ce qui s'est passé en commission est absolument incroyable. Déjà, on nous parle de l'utilité de cette motion. Le premier signataire du texte nous le dit en audition: «[...] l'utilité de cette motion c'est d'éviter de croire [que] tous les CV qui sont présentés au moment de l'engagement» sont vrais. Mais est-ce que vous pensez vraiment qu'à l'Etat, dans les départements, les services, parmi les personnes qui s'occupent des ressources humaines, on accepte n'importe quel diplôme, n'importe quel CV ? Qu'elles se disent: «Mais oui, bien sûr, tout ce que je lis est vrai !»... (Remarque.) ...et qu'il suffit d'un petit logo là, d'un document retravaillé avec Photoshop pour rendre un CV crédible ? Vous pensez vraiment que ça se passe comme ça quand on postule à l'Etat ?

Ensuite, on entend notre collègue François Baertschi nous dire: «Nous avons constaté qu'un nombre considérable de faux CV...» Ah bon ? Où est-ce que vous avez constaté ce nombre considérable de faux CV ? Dans quel service, dans quel département ? Est-ce que vous avez des exemples de personnes engagées à l'Etat sur la base de faux CV ? Bien sûr, des frontaliers, parce que c'est eux qu'on vise avec cette motion, j'y reviendrai.

On nous dit dans l'exposé des motifs qu'en France, «9 candidats sur 10 trouvent normal d'arranger leur CV» et que «plus de 2 millions de CV frauduleux seraient en circulation». De nouveau, on a posé la question en commission: est-ce que vous avez des sources ? D'où sortent ces chiffres ? On nous a vaguement répondu, comme le rapporteur de minorité l'a dit, qu'on avait pu le lire dans la presse, mais on ne sait pas du tout dans quel journal, dans quel article; aucune étude, aucune source, absolument rien ne permet de justifier de tels chiffres.

Quand on demande pourquoi la mesure préconisée s'appliquerait seulement aux non-résidents, on nous répond en commission que c'est pour limiter le nombre de contrôles de CV. Mais après, M. Sormanni nous dit qu'il «insiste sur le fait que, dans la réalité, il faudrait vérifier tout le monde, parce que ce n'est pas un problème de passeport ou d'adresse qui change la problématique de base des faux CV». Alors, Mesdames et Messieurs, si ce n'est pas un problème de passeport ou d'adresse, pourquoi cette motion ne vise-t-elle que les non-résidents ? Nous avons la réponse, c'est la vieille recette du MCG: taper sur le frontalier, faire croire, comme je l'ai entendu - et c'est totalement scandaleux - que bien entendu, à part le MCG, les autres partis n'en ont rien à faire des chômeurs genevois, qu'on s'en fiche, qu'on se fout de leur gueule, comme ils aiment bien le dire - parce que c'est ce genre de chose qu'il faut dire et c'est comme ça qu'il faut parler pour être démagogique. Bien entendu que non, sauf que nous, nous proposons de vraies solutions... (Vifs commentaires.) ...liées aux politiques publiques de l'emploi, de la lutte contre le chômage, contre la sous-enchère salariale, parce que ce n'est pas avec ces faux-semblants que nous allons régler ce problème. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Merci. Je passe la parole à Mme la députée Ana Roch pour trente secondes.

Mme Ana Roch (MCG). Merci, Monsieur le président, ça ira très vite. Je vous laisse transmettre à Mme Haller qu'elle tient un discours complètement contradictoire: elle refuse, pour ce genre de contrôle, que l'Etat s'immisce dans les entreprises privées; mais quand il s'agit de revoir le REG, ça ne lui pose aucun problème de demander des comptes aux entreprises. A un moment donné, il faut avoir un discours cohérent - vous transmettrez à Mme Haller. Merci.

Une voix. Bravo !

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. J'aimerais revenir sur quatre points. Quand on parle de 9 candidats sur 10 en France qui arrangeraient leur CV, on exprime un fait. (Remarque.) D'ailleurs, en France, il y a toute une série de sociétés spécialisées dans le contrôle des CV. Ça se fait parce que malheureusement, on constate aussi cette pratique en France.

Deuxième point: on parle de discrimination. Non, il n'est pas question de discrimination ! Il est question d'un contrôle adéquat par rapport à des dossiers d'embauche différents. On l'a dit, les dossiers sont différents, les documents sont différents, les références sont différentes, etc. Comme la situation est différente, il faut un contrôle différent.

Troisième point: la pratique des embauches diverge en France et en Suisse. Ici, souvent, ce sont les cadres et les responsables de service qui ont la haute main sur les embauches; en France, ce n'est pas le cas, c'est souvent l'administration centrale qui s'en occupe et on engage les gens via des concours.

J'arrive au quatrième et dernier point...

Le président. Il faut terminer, Monsieur Pfeffer.

M. André Pfeffer. On demande simplement à l'Etat de faire un tout petit effort, d'agir comme n'importe quelle entreprise privée. Merci.

Mme Jocelyne Haller (EAG). On ne va pas jouer longtemps à ce jeu, mais j'aimerais quand même dire que notre proposition de modification du REG visait simplement à donner à l'Etat les moyens de vérifier l'application de ses lois.

Quant à cette motion, elle désigne une catégorie de professionnels - les frontaliers - comme des tricheurs potentiels. Il y a là un aspect discriminatoire que nous ne pouvons pas accepter.

Une voix. Mais non ! (Commentaires.)

Mme Jocelyne Haller. Et si l'objectif est, à terme, de vérifier les CV de tout le monde, ne désignons pas uniquement les frontaliers, les non-résidents; décidons de faire un contrôle sur dix, comme ça on toucherait tout le monde et on ne désignerait personne comme des tricheurs. Je vous remercie de votre attention.

M. Serge Hiltpold (PLR). Je me permets de rappeler à ce parlement qu'en 2020, nous aurons l'obligation d'annoncer tous les postes vacants, parce que le taux de chômage déterminant va descendre à 5% au lieu de 8%. C'est une mesure concrète mise en place par les offices régionaux de placement, que ce soit dans le privé ou à l'Etat, où la directive, qu'on nous a expliquée à la commission de l'économie, est déjà mise en pratique.

Il faut rester pragmatique et lire les invites. C'est déjà mal considérer les ressources humaines dans leur conception même que de demander à celles des départements ou d'entités comme les SIG ou les HUG qu'elles fassent vérifier leur travail par l'office cantonal de l'emploi ! Des personnes compétentes travaillent dans les RH des différents services des départements et des entités publiques autonomes. Faites-leur confiance ! Qu'est-ce que c'est que cette défiance envers les collaborateurs de l'Etat, qui seraient incapables de vérifier eux-mêmes si les pièces qu'on leur fournit ne sont pas correctes, alors que c'est leur métier de base ? Je dois dire qu'on commence là à déraper sur le sujet. C'est indépendant de l'appartenance à la gauche ou à la droite et c'est complètement incompréhensible.

Cette motion n'a aucun sens: les mesures liées au taux de chômage de 5% seront appliquées en 2020; le contrôle se fait, les directives qui nous ont été expliquées en commission sont présentes, il y a une amélioration. Cette motion est démagogique, je vous demande bien évidemment de suivre le rapport de majorité et de la refuser. Merci.

M. Jacques Blondin (PDC), rapporteur de majorité ad interim. Je ne vais pas rallonger les débats. Pour reprendre ce qui a été dit, d'un côté, on parle d'un nombre considérable de cas, de l'autre, de quelques dizaines. Ça prouve que les références ne sont en effet pas très solides.

Cela étant, ce qui est beaucoup plus symptomatique, c'est ce qu'on dit ici de l'Etat: on met en doute le travail des gens qui ont pour fonction de gérer les ressources humaines. Soit ils font leur travail correctement, soit ils ne le font pas. S'ils le font correctement, ils contrôlent, bien évidemment, les personnes qu'ils reçoivent, pas seulement leurs documents: ceux parmi vous qui ont engagé du personnel le savent, il y a le contact, il y a l'expérience, et il y a aussi une mise en phase qui permet de corriger le tir le cas échéant. On dispose de tout ce qu'il faut pour corriger le tir, et quand bien même il est arrivé dans notre histoire récente un ou deux cas qu'on peut déplorer, il est bien évidemment faux de se concentrer sur les étrangers, ce qui est discriminatoire. Nul besoin donc de discuter des heures. Au nom de la majorité, je vous invite à refuser cette motion. Je vous remercie.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, on comprend bien ce qui a suscité cette proposition de motion: un fait divers est arrivé, une personne a été engagée et ce n'est que bien plus tard, alors qu'elle exécutait ses tâches sans éveiller l'attention de sa hiérarchie, qu'il est apparu qu'un de ses diplômes n'était pas véridique et qu'il n'avait jamais été délivré par l'entité française, en l'occurrence, qui était censée l'avoir émis. Mais cela reste une exception, je pense qu'il ne faut pas généraliser. Cette motion part d'un bon sentiment, je veux bien l'admettre, celui qui consiste à penser que si l'on veut qu'il y ait une concurrence véritablement loyale, il faut que les diplômes des uns et des autres soient réels et que l'on se donne les moyens de le contrôler. C'est évidemment plus simple de vérifier les diplômes délivrés par des entités suisses, parce qu'on les connaît; dans le cas d'entités étrangères, c'est un peu plus compliqué.

Je dirais que ce texte pose plusieurs problèmes. D'abord, qu'entend-on par non-résidents ? Inclut-on dans cette catégorie les Suisses domiciliés en France voisine ? A mon avis, ce n'est pas tant la personne elle-même qui devrait faire l'objet d'une attention particulière que, peut-être, l'origine du diplôme: s'il a été délivré par une école connue et qu'on peut facilement se renseigner auprès de cette école - d'ailleurs, cela ne doit pas être la règle, la bonne foi est quand même présumée dans notre droit - eh bien on peut faire la démarche. Le problème est que souvent, des employeurs - non pas ceux qui sont concernés ici, mais dans le privé - publient des annonces où ils demandent expressément des diplômes français, ce qui pose un autre problème: on a reproché à des employeurs suisses d'inscrire dans leur offre d'emploi qu'ils souhaitaient engager un résident, ce qui a suscité quelques réactions au niveau européen, mais à l'inverse, quand on exige un diplôme d'origine française pour engager quelqu'un à Genève, cela suscite des réactions telles que: «Mais alors vous avez déjà décidé qu'un résident n'aurait pas les compétences !» C'est un sujet extrêmement délicat.

C'est donc plutôt l'origine du diplôme qui devrait susciter, le cas échéant, quelque curiosité. Je rappelle qu'il est ici question de candidats non résidents engagés dans le cadre des directives. Cela veut dire que l'entité du petit Etat ou subventionnée - l'établissement autonome - a considéré qu'il n'existait personne parmi les gens présentés par l'office cantonal de l'emploi qui satisfaisait les conditions, et que parmi les autres personnes qui auraient postulé, on a dû donner la préférence à un candidat domicilié à l'étranger. On parle vraiment d'un nombre de cas extrêmement réduit, et évidemment pas d'une règle généralisée à l'ensemble de l'économie genevoise. D'ailleurs, nous n'aurions aucune compétence pour cela.

Ensuite, demander aux RH... Je ne sais pas s'il s'agit de l'office cantonal de l'emploi ou la caisse cantonale genevoise de chômage: il y a un mélange entre les deux, je dirais; mais les RH de l'un ou de l'autre sont plutôt là pour s'occuper du personnel de ces offices et non pas, bien sûr, des personnes engagées par d'autres entités.

Enfin, le texte ne repose sur aucune base légale: c'est là le problème fondamental pour le Conseil d'Etat. Aucune base légale n'existe qui donne à l'office cantonal de l'emploi ou à la caisse cantonale genevoise de chômage - je pense que l'idée des motionnaires était que ce soit le premier - la légitimité de prendre connaissance des données personnelles d'un candidat qui ne serait pas inscrit à l'office cantonal de l'emploi. On ne voit donc pas sur quelles bases, avec les règles de protection de la personnalité, on pourrait tout d'un coup sortir d'un chapeau une loi cantonale qui imposerait la transmission de ces données à une entité tierce qui serait l'OCE.

Ainsi, quoique cette proposition de motion ait été suscitée par un fait divers inquiétant qui doit bien sûr pousser à la vigilance - mais la vigilance des offices et entités recruteurs et non pas de l'office cantonal de l'emploi - le Conseil d'Etat considère qu'on ne pourra pas en tirer profit ni la mettre en pratique si vous la votez. Je vous remercie.

Le président. Merci. Nous passons au vote.

Mise aux voix, la proposition de motion 2366 est rejetée par 70 non contre 17 oui.