République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 7 novembre 2019 à 10h15
2e législature - 2e année - 6e session - 33e séance
M 2300-A
Débat
Le président. Nous traitons l'objet suivant de l'ordre du jour en catégorie II, trente minutes. Le rapport de majorité est de M. Christian Dandrès, qui n'est pas là, et le rapport de minorité de M. Bertrand Buchs. (Un instant s'écoule.) Vous prenez la parole, Monsieur Buchs ? (Remarque.) En attendant le rapporteur de majorité ad interim, je passe la parole au rapporteur de minorité, M. le député Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs. M. Thévoz arrive: je vais le laisser s'exprimer et je prendrai la parole après lui.
Le président. C'est gentil, merci. (Un instant s'écoule.) La parole est à M. Sylvain Thévoz, qui remplace M. Christian Dandrès.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de majorité ad interim. Merci beaucoup, Monsieur le président, et mes excuses pour ce retard à l'allumage. De quoi parle-t-on ? On parle d'une motion qui demande l'ouverture d'un hôtel des patients. En Suisse, la première structure de ce type a été ouverte en 2016 à Lausanne. C'est un établissement public-privé de 114 lits, qui est vendu sur son site internet comme un hôtel 3 étoiles supérieur, avec une magnifique vue sur le lac.
Les motionnaires souhaitent implanter un hôtel pour patients à Genève sur le même modèle que celui de Lausanne. Leurs arguments: l'économicité - ils pensent que ça pourrait faire économiser de l'argent - et une réduction des durées d'hospitalisation. Il faut savoir que ces hôtels pour patients sont médicalisés. A Lausanne, le personnel dépend du CHUV; c'est au final l'équivalent d'une hospitalisation mais dans un cadre hôtelier.
La commission a pu auditionner des responsables du CHUV, des HUG et la société privée Reliva, qui est à l'origine de l'hôtel pour patients de Lausanne. Il est assez vite apparu à la majorité que ce projet n'était pas le bon pour atteindre les buts que se proposent les motionnaires, soit limiter l'augmentation des coûts de la santé, mieux rentabiliser les équipements hospitaliers, et puis essayer de prévenir, je dirais, le vieillissement de la population. Il n'est pas bon parce que Genève n'est pas le canton de Vaud: un manque de lits y a présidé à la création de l'hôtel des patients. Vaud est en outre un grand canton et vous comprendrez que les habitants de Payerne ou de Montet ne retournent pas forcément chez eux en cas d'hospitalisations ambulatoires. Genève est un petit canton, les gens peuvent rentrer chez eux après une hospitalisation. L'économicité n'est absolument pas garantie: la majorité y a plutôt vu une forme de doublon, sachant que le peuple a par ailleurs très clairement exprimé la volonté de renforcer le maintien des personnes, notamment âgées, à domicile afin de limiter les coûts.
Il y a aussi la dimension de partenariat privé-public: le CHUV a l'obligation d'assurer à cet hôpital un taux d'occupation de 80%. Au final, la majorité y a plutôt vu le lobbyisme d'une société extrêmement agressive afin d'implanter à Genève un modèle plus économique que lié à la santé. C'est pourquoi nous vous invitons très fortement à rejeter cette motion, qui n'atteint pas ses buts et qui, économiquement, nuit à la bonne santé des HUG. Merci.
M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de minorité. La motion demande qu'on étudie l'implantation d'un hôtel des patients à Genève, sachant que cette structure existe déjà dans le canton de Vaud. Je rappelle ici que le CHUV n'a pas de conseil d'administration: il est dirigé par un directeur, sous le contrôle du conseiller d'Etat chargé de la santé. Le magistrat qui a décidé, à l'époque, d'ouvrir cet hôtel pour patients était M. Maillard, socialiste - une majorité de l'exécutif vaudois était de gauche. Il ne faut donc pas voir dans cette idée une idée capitaliste, une affreuse idée du privé qui veut fermer l'hôpital cantonal.
La façon de soigner les gens a changé: on s'aperçoit qu'il y a de moins en moins d'hospitalisations et qu'il n'est plus possible d'augmenter la structure hospitalière, le nombre de lits - ça coûte trop cher. C'est sur cette idée que repose le choix du CHUV: il est parti du principe que cet hôtel reviendrait beaucoup moins cher, dans le futur, qu'une augmentation du nombre de lits. La tendance, aux niveaux médical et hospitalier, serait plutôt à une diminution du nombre de lits mais aussi des hospitalisations parce que beaucoup de soins pourraient être assurés dans des hôtels à côté des hôpitaux. C'est ce qui se passe quotidiennement aux Etats-Unis, où à n'importe quel hôpital universitaire est annexé un hôtel pour patients qui permet d'accueillir ceux qui ont besoin de soins simples ou d'être en observation. La demande exprimée par cette motion s'appuie sur cette idée.
Je rappelle que Vaud l'a décidé et l'a fait et que le canton de Bâle-Ville l'a décidé et est en train de le faire - l'hôtel pour patients de Bâle-Ville sera d'ailleurs dans l'hôpital universitaire bâlois. Et je rappelle aussi que la personne chargée de la santé à Bâle-Ville est également socialiste ! Je pense donc que ça vaut la peine d'en discuter. L'hôpital cantonal y est opposé, mais nous avons maintenu notre motion: elle propose une solution qui peut être valable dans la discussion actuelle autour de la planification hospitalière et des coûts de la santé. Je vous remercie.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, les Vertes et les Verts refuseront cette motion, bien qu'elle présente une réflexion intéressante sur la question de l'organisation des soins, de la planification sanitaire et hospitalière ainsi que sur l'augmentation des coûts de la santé. Les Vertes et les Verts considèrent que la création d'un hôtel des patients n'est pas la solution adéquate et satisfaisante pour le moment. Pourquoi ?
Premièrement, pour des raisons contextuelles: le contexte géographique genevois ne se prête pas à la création d'un hôtel des patients. Ce concept d'hospitalisation a été développé par le CHUV, dans le canton de Vaud, mais notre territoire est différent et plus petit, les distances sont plus courtes et un rapprochement n'est pas nécessaire.
Deuxièmement, Genève ne connaît pas d'engorgement, de saturation ou de pénurie de lits. Le volume des patients n'est donc pas suffisant: en 2015, une évaluation économique a en effet été réalisée aux HUG afin d'évaluer la pertinence d'un hôtel pour patients. Les résultats sont mitigés et vont dans le sens du refus de cette motion.
Troisièmement, Genève a déjà amorcé son virage ambulatoire, ce qui a permis de diminuer le nombre d'hospitalisations ainsi que leur durée. De plus, le canton a un réseau de soins - incarné principalement par l'IMAD - très développé.
Quatrièmement, selon le projet de budget 2020, les structures intermédiaires - telles que les UATR, les IEPA et les foyers - seront renforcées afin d'éviter des hospitalisations inutiles et d'intensifier le maintien à domicile.
Cinquièmement, concernant le vieillissement de la population, mais aussi la question des proches aidants et des personnes en situation de handicap, la future entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'organisation du réseau des soins à domicile facilitera la coordination des acteurs et du système des soins: elle entraînera une amélioration du réseau de soins et limitera l'engorgement éventuel des HUG par ces patients, l'objectif principal étant de diminuer tant les hospitalisations que les institutionnalisations.
Sixièmement - j'arrive bientôt au bout - d'un point de vue économique, s'agissant des coûts de la santé, ce concept d'hôtel des patients n'a pas encore fait ses preuves. Il n'est pas démontré que ce type d'unité de soins séparé du reste de l'hôpital a un véritable effet mobilisateur sur la guérison ou un effet positif sur les coûts de la santé. Au contraire ! Ce concept est considéré comme relevant de l'ambulatoire, avec des taux d'occupation inférieurs à ce qu'exige le contrat avec l'entreprise privée. Les coûts seraient dès lors plus élevés puisque l'Etat paierait à vide des chambres et un service.
Ce système ne répond pas forcément aux besoins de Genève et aux défis que le canton doit relever du fait de la croissance démographique et du vieillissement de la population. Les Vertes et les Verts refuseront cette forme de privatisation à perte et donc cette motion. Je vous remercie.
M. Jean-Charles Rielle (S). Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, cette proposition de motion paraît séduisante et aller de soi bien qu'elle ait été rédigée en 2015. Se basant sur une expérience lausannoise, elle a pour but de faire baisser les coûts hospitaliers, surtout en fin de séjour. Pourtant, tenant compte des explications données à la commission de la santé, les socialistes refuseront cet objet.
On retiendra notamment l'étude demandée par les HUG, certes en 2015, qui conclut que, parmi tous les scenarii envisagés, le seul qui génère un impact financier justifiant l'ouverture d'un hôtel pour patients aux HUG est celui de l'engorgement - ce qui n'est pas envisagé dans ces prochaines années, bien au contraire, avec le développement de l'ambulatoire et des soins à domicile.
Cette motion paraît certes pertinente et le département concerné avait même envisagé d'ouvrir un hôtel des patients. Mais il y a clairement renoncé parce que les problématiques du canton de Vaud ne sont pas les mêmes que les nôtres. Le CHUV a délégué la partie hôtelière à un tiers: il n'a pas lui-même construit un bâtiment. A Genève, le bâtiment des lits 2 répond aux besoins et le système des soins à domicile est particulièrement efficace. Le département et les HUG estiment qu'il n'est pas nécessaire de mettre un terrain à disposition d'une caisse de pension pour la lier à une société d'exploitation privée et que le recul par rapport à l'expérience vaudoise n'est pas suffisant. Quant aux unités d'accueil temporaire médicalisées mentionnées dans une invite, il y en aura bientôt huit; ce sont des lieux intermédiaires entre le domicile et l'hospitalisation. En comparaison du canton de Vaud, les distances sont par ailleurs très courtes à Genève. S'agissant des coûts, il n'y a aucune preuve que ce système serait efficace ni qu'il y aurait une amélioration de la prise en charge du patient.
Il peut paraître normal que des gens investissent pour gagner de l'argent, mais ici, ce ne sont pas les mêmes qui investissent. Ils ont la garantie de l'Etat, l'Etat paie à vide des chambres et un service qu'il peut fournir lui-même; or il faut diminuer les coûts de la santé et ainsi faire baisser les primes des caisses maladie. Cet hôtel des patients serait en fait un cadeau à une entreprise privée, or on doit plutôt développer les soins à domicile. Dans ce modèle, l'investissement du privé est garanti par l'Etat aux frais du système de santé. Il faut plutôt proposer une augmentation des UATm qui pourraient servir d'intermédiaire entre l'hôpital et le retour à domicile. Pour ces quelques raisons et d'autres que je ne développerai pas ici, le groupe socialiste vous invite à refuser cette motion. Merci, Monsieur le président.
M. Philippe Morel (PLR). Cette motion s'inscrit dans le cadre de la qualité de la prise en charge des patients. Si j'ai entendu de mes préopinants toutes sortes de remarques émises par des spécialistes de la médecine, des directeurs hospitaliers, éventuellement des hôteliers, je n'ai pas entendu la voix des patients. Eh bien si vous écoutez la voix des patients, leur désir est de séjourner le moins longtemps possible dans un milieu hospitalier quel qu'il soit et quelle qu'en soit la qualité, même si elle est bonne comme à Genève. Avec cette motion, il s'agit donc de défendre la qualité de la prise en charge des patients.
Alors qu'on vient de décider de contrôler les équipements lourds, il paraît illogique de ne pas vouloir contrôler et diminuer ce que l'on peut appeler les lits lourds, c'est-à-dire ceux des structures hospitalo-universitaires ou des cliniques. La durée du temps d'hospitalisation n'a fait que diminuer au cours des dernières décennies, grâce bien sûr aux progrès de la médecine et de la chirurgie, mais aussi grâce aux progrès de la prise en charge des patients: la mobilisation rapide, la physiothérapie et toutes sortes d'autres éléments qui ont finalement abouti au développement de l'ambulatoire. Des pathologies qui devaient être traitées en milieu hospitalier il y a vingt ou trente ans, en particulier celles requérant de la chirurgie, sont maintenant traitées en ambulatoire. Il est donc logique de réduire la durée d'hospitalisation en faveur de la qualité de la prise en charge des patients.
Il est nécessaire d'avoir une structure intermédiaire, à mi-chemin entre l'hospitalier prolongé et l'ambulatoire, dans laquelle le centre hospitalier, qu'il s'agisse d'une clinique ou d'un centre hospitalo-universitaire, n'assure qu'une prestation de courte durée liée à ses composants techniques et à ses compétences. Tout ce qui relève de la surveillance ou de la préparation doit pouvoir se faire en dehors d'une structure hospitalière, publique ou privée.
L'hôtel des patients devrait en réalité être appelé «lieu de résidence intermédiaire des patients»: le terme «hôtel» évoque évidemment toutes sortes de clivages politiques et de supposés intérêts économiques. Comme l'a rappelé le rapporteur de minorité, ce sont pourtant des Conseils d'Etat socialistes qui, à Bâle et à Lausanne, ont recommandé de créer ces structures. On nous a parlé de la taille du canton; j'aimerais savoir si un patient qui vient de Satigny peut facilement rentrer chez lui et facilement retourner à la structure hospitalière, plus facilement qu'un patient qui habiterait Renens ou Morges. Notre canton n'est pas petit pour celui qui est malade ! Pour lui, notre canton est grand !
Cette motion répond clairement au besoin des patients, améliore leur sécurité par la qualité de la prise en charge, et elle répond à l'évidence - à mon avis - à l'économicité de la santé. Elle préfigure une étape intermédiaire qui se développera, qu'on le veuille ou non, dans les années à venir. Le PLR recommande donc de la soutenir. Je vous remercie.
Des voix. Bravo !
Une voix. Très bien !
M. Jean Batou (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion vise à réduire la demande d'hospitalisation aux HUG mais aussi les coûts de la prise en charge d'une partie des patients en offrant au secteur privé un marché moins exigeant en matière de soins et très lucratif. Ce n'est pas très étonnant que cette motion vienne du parti démocrate-chrétien, dont on connaît la proximité avec les cliniques privées, notamment celle de M. Philippe Glatz avec les Grangettes. Il suffit d'ailleurs - je l'avais rappelé précédemment - de lire l'opinion de Bertrand Buchs dans «Le Temps» du 12 mars dernier, qui commente la décision récente du Tribunal administratif fédéral relative à un recours de l'Hôpital de La Tour en disant que la taille des HUG devrait être revue nettement à la baisse. Le 27 mars 2018, toujours dans «Le Temps», le même député précise que les Hôpitaux universitaires de Genève ne devraient pas compter mille lits mais cent ! On voit la dynamique de démantèlement de la santé publique qui pointe son nez derrière cet hôtel des patients, qui sera entre les mains d'investisseurs privés.
Le PLR n'est d'ailleurs pas en reste, puisque vous savez tous que Gilles Rufenacht, qui dirige les Grangettes et La Colline, préside l'Association des cliniques privées et la Chambre de commerce et siège au conseil de direction de la Fédération des entreprises romandes, est membre du comité directeur du parti libéral-radical. On se rend donc bien compte que, dans ce canton, des intérêts privés exercent une pression énorme pour aller dans le sens de la privatisation de la santé aux dépens de la garantie de soins égaux pour tous.
Le groupe Aevis, dont les profits se montent à 201 millions en 2019 - il faut penser à nos primes: ce sont nos primes d'assurance qui engraissent ces profits - ne finance-t-il d'ailleurs pas les campagnes électorales des deux partis de l'Entente ? Vous m'aurez compris, ce genre d'initiative, présentée comme étant dans l'intérêt des patients, est en fait dans l'intérêt des investissements privés dans le secteur de la santé, très lucratifs, et dont les retombées s'expriment, sur le plan électoral, par le financement des partis de l'Entente. C'est la raison pour laquelle notre groupe est fermement opposé à ce projet. Merci. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de minorité. Je prendrai sur le temps de mon groupe pour mon intervention. Monsieur le président, vous transmettrez à M. Batou que la motion que nous proposons n'est pas une motion capitaliste contre quoi que ce soit. D'abord, M. Glatz n'est plus propriétaire de la clinique des Grangettes depuis de nombreuses années. Deuxième chose: si vous regardez les comptes de campagne du PDC, vous verrez que nous n'avons pas touché un centime des cliniques privées. Vous pouvez aller voir: ils sont publics et publiés. Nous n'avons pas touché un centime, et pour la dernière campagne fédérale non plus. Les cliniques privées n'ont jamais donné un centime au parti démocrate-chrétien !
Revenons maintenant sur le fond de la motion, qui vise à rendre possible un autre type d'hospitalisation. Je trouve la définition de M. Morel très bonne: il s'agit d'un lieu de résidence. Alors on nous dit que le canton de Genève est trop petit ! Seulement je vous rappelle que la distance est énorme pour la plupart des personnes âgées lorsqu'un conjoint ou une conjointe est hospitalisé au service de gériatrie, à l'hôpital des Trois-Chêne. Elles n'ont pas de voiture et doivent se déplacer en transports publics ou en taxi. Rendre visite à leur conjoint ou à leur conjointe leur prend souvent quasiment une demi-journée, voire une journée entière, et beaucoup de personnes n'y vont plus parce que ça les fatigue beaucoup trop !
Nous proposons de donner la possibilité d'avoir une chambre commune pour les couples, ce qui se fait à Lausanne, et surtout pour les couples âgés. On l'a dit en commission, cela permet aux gens de rester sur place pendant l'hospitalisation de leur conjoint ou de leur conjointe en payant une somme extrêmement modique pour la chambre. Ils peuvent ainsi accompagner la personne malade et rester avec elle dans un cadre moins hospitalier - moins «sévère», entre guillemets, qu'un cadre hospitalier. La prise en charge est meilleure et l'influence sur le moral de la personne hospitalisée positive. Ce n'est donc pas une histoire de capitalistes qui veulent voler l'argent de l'Etat ou qu'il n'y ait plus d'hôpital universitaire !
Vous transmettrez à M. Batou, Monsieur le président, que je parle de cent lits parce que tous les hôpitaux universitaires, dans le monde entier, sont de toutes petites structures. En Angleterre ou aux Etats-Unis, les hôpitaux universitaires sont de toutes petites structures parce qu'ils ne soignent que les cas extrêmement complexes qu'on ne peut pas prendre en charge ailleurs. J'avais un beau-frère qui était chef de service dans un hôpital universitaire: son service comptait dix lits pour les transplantations hépatiques ! Il n'avait pas plus de dix lits ! Voilà donc ce que je demande, à savoir que l'hôpital universitaire soit une toute petite structure. Le problème de l'hôpital cantonal, c'est qu'un hôpital de district s'est ajouté à un hôpital universitaire, mais c'est une autre question et le débat reste ouvert.
Je rejoins M. Maillard quant à la décision qu'il a prise dans le canton de Vaud: plutôt que d'augmenter le nombre de lits, il est préférable d'avoir un hôtel pour patients adossé à l'hôpital universitaire. Il permet une prise en charge de qualité et, surtout, que les familles soient réunies - c'est vraiment nécessaire, même pour un canton aussi petit que Genève. Je vous remercie.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de majorité ad interim. Pour répondre brièvement à M. Morel, qui fait l'éloge de cette proposition de motion, on peut s'interroger sur le fait que le PLR ait refusé la troisième invite - enfin, qu'il ait voté sa suppression. Celle-ci demandait que cette nouvelle offre de prise en charge soit mise en place le plus rapidement possible, et c'est pourquoi on s'interroge sur la réelle volonté de réaliser ce projet. Vous n'y croyez qu'à moitié, sinon vous auriez maintenu l'invite et demandé la mise en place de ce système ! C'est plutôt une posture politique qui vise en partie, on l'a dit, à défendre les intérêts financiers, pas à défendre la santé.
Quant à la géographie, Payerne-Lausanne, ce n'est pas exactement la même chose que Satigny-Genève. L'idée est vraiment de renforcer le maintien à domicile. Les personnes malades doivent être soignées à l'hôpital, et un mécanisme de soins à domicile est bien sûr enclenché quand elles peuvent rentrer chez elles. Ce système permet aux patients de rester dans leur milieu, ce qui est avantageux tant pour leur santé que pour les coûts de la santé. Merci.
Le président. Merci. Monsieur Morel, vous n'avez plus que sept dixièmes de seconde: je ne pense pas que je vais vous passer la parole pour si peu. La parole va au conseiller d'Etat, M. Mauro Poggia.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il est sain de communiquer une idée lorsqu'elle est susceptible de faire avancer les réflexions à Genève, et c'est ainsi que j'interprète la proposition de motion déposée. On a vu qu'il existe, dans le canton de Vaud, un hôtel des patients; entendons-nous sur le terme d'hôtel. Il est vrai que, en principe, ce n'est pas lorsque l'on est souffrant qu'on va à l'hôtel: on y séjourne plutôt pour affaires ou pour des moments axés sur la convivialité.
Le canton de Vaud a analysé la situation, avec le CHUV, et considéré qu'il y avait un intérêt pour 114 lits destinés à des patients qui ne nécessitent plus de soins importants. Situés à proximité immédiate, ils permettent de décharger les soins aigus du CHUV. Nous avons donc travaillé en commission - vous avez fait le travail mais j'y ai aussi contribué, avec mon département - pour déterminer si la situation était comparable à Genève et si cette idée présentait un intérêt; la réponse est non. Je pense qu'il faut en prendre acte.
Détaillons simplement en quelques mots les raisons pour lesquelles nous sommes arrivés à cette conclusion négative. Ici, ce n'est pas de 144 lits mais de 33 que nous aurions théoriquement besoin pour ces patients en soins aigus - en fin de soins aigus, si j'ose dire. Ces 33 lits seraient néanmoins destinés à des patients stabilisés - s'ils ne sont pas stabilisés, il faut qu'ils restent sous surveillance - ne nécessitant qu'une heure à une heure trente de soins par jour au maximum et capables de se déplacer, puisque, vous le savez, les risques de chute sont importants pendant cette période suivant la fin des soins aigus.
Il y aurait donc 33 patients concernés; pour que cet hôtel soit rentable, il faudrait qu'ils y restent au minimum deux jours - pour autant que les unités de soins aigus soient surchargées. Or il n'y a pas eu d'engorgement aux soins aigus et aucun n'est à prévoir avant 2025 - et nous allons évidemment prendre les décisions nécessaires pour que cela ne se produise pas. C'est donc improbable ! Vous voyez par conséquent que cette idée ne présente pas d'intérêt au niveau pratique déjà.
J'ai par ailleurs entendu dire que Satigny était passablement éloigné du centre-ville: c'est vrai. Vous admettrez néanmoins que la surface du canton de Genève n'est pas celle du canton de Vaud. On peut donc comprendre que les soins à domicile, les soins prodigués aux personnes qui souhaitent - on le conçoit bien - rentrer chez elles le plus vite possible, sont sans doute moins rapidement disponibles dans un canton comme Vaud, d'une large superficie, qu'à Genève, qui a développé ces soins à domicile depuis plus de vingt ans. Mais il y a pire, Mesdames et Messieurs: le coût de l'hôtel des patients a été estimé à 325 francs par jour alors que celui engendré par les patients en fin de séjour aux soins aigus n'est que - tout est relatif, bien sûr - de 272 francs par jour ! Cela coûterait donc plus cher d'installer les patients dans un hôtel tel que celui qui est proposé que de les laisser aux HUG.
Je dirai simplement aux milieux économiques qui nous entendraient - ils ne sont évidemment pas représentés dans cette enceinte et n'y ont aucun porte-parole - qu'ils construisent un hôtel des patients s'ils en ont l'intention et la velléité. Cependant, qu'ils ne demandent pas à l'Etat de leur procurer un contrat de prestations pour leur assurer un nombre minimal de patients ou, à défaut, un certain rendement pour des chambres qui resteraient vides. Nous sommes dans un marché libéral: s'ils considèrent qu'il y a un besoin, la législation en vigueur leur permet de mettre ces chambres d'hôtel à disposition des entreprises de soin à domicile attitrées. Il y en a passablement dans le secteur privé - elles fleurissent aujourd'hui dans le canton - qui pourraient participer. Mais ne le faites évidemment pas avec l'argent public. Je vous remercie.
Le président. Merci. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.
Mise aux voix, la proposition de motion 2300 est rejetée par 55 non contre 35 oui.