République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2525-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Frédérique Perler, Marjorie de Chastonay, David Martin, Jean Rossiaud, Isabelle Pasquier, Delphine Klopfenstein Broggini, Alessandra Oriolo, Yvan Rochat, Pierre Eckert, Mathias Buschbeck, Yves de Matteis, Paloma Tschudi, Jean-Marc Guinchard, Bertrand Buchs, Jocelyne Haller, Delphine Bachmann, Anne Marie von Arx-Vernon, Pierre Bayenet, Adrienne Sordet, Jean-Luc Forni, Christian Zaugg, Philippe Poget, Diego Esteban, Léna Strasser, Sylvain Thévoz, Helena Verissimo de Freitas, Jean Batou, Nicole Valiquer Grecuccio, Katia Leonelli, Grégoire Carasso : Le centre d'hébergement collectif pour RMNA d'Aïre doit répondre aux besoins des enfants
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 29 et 30 août 2019.
Rapport de Mme Léna Strasser (S)
M 2483-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier la proposition de motion de MM. André Pfeffer, Bernhard Riedweg, Christo Ivanov, Marc Falquet, Michel Baud, Patrick Lussi, Stéphane Florey, Norbert Maendly : Pas de requérants d'asile mineurs non accompagnés à proximité immédiate d'une école enfantine et primaire !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 29 et 30 août 2019.
Rapport de majorité de M. Sylvain Thévoz (S)
Rapport de minorité de M. Marc Fuhrmann (UDC)

Débat

Le président. Notre prochaine urgence est classée en catégorie II, quarante minutes. J'attends que les députés prennent place. (Un instant s'écoule.) Je passe la parole à M. le député Sylvain Thévoz.

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. La majorité vous enjoint de refuser la M 2483 de l'UDC, qui était isolée lors de son étude. Pour rappel, le texte de l'UDC vise à empêcher la construction d'un lieu d'accueil pour mineurs à Vernier avec pour argument principal la dangerosité de ces jeunes. Pour la majorité, il est évident que ces jeunes ne sont pas dangereux, mais qu'ils sont eux en danger ! La commune de Vernier est prête à développer ce lieu et à y accueillir ces mineurs. Je rappelle aussi qu'aux yeux de la majorité, le foyer de l'Etoile, établi dans l'urgence, est totalement inadapté. Une manifestation a eu lieu hier devant ce lieu pour demander sa fermeture. Celle-ci doit survenir au plus tard en 2025 et tout le monde essaie de la hâter.

Les arguments de l'UDC pour demander la non-construction de ce centre sont parfois pittoresques. Elle dit qu'il n'y a pas d'arrêt de bus dans ce secteur, qu'il s'agit d'une zone villas et qu'il va y avoir un accroissement des nuisances. L'examen attentif de cet objet a permis de démontrer qu'il n'en est rien. La commission a pu se rendre au foyer Blue Sky de la FOJ construit dans une zone villas, à proximité d'habitations, à la plus grande satisfaction non seulement des jeunes accueillis en ce lieu, mais aussi des voisins. Une fête des voisins a notamment été organisée en commun.

Il nous semble également étonnant que l'UDC se soucie de l'éventualité de l'existence d'un foyer à proximité d'une école. Considérant les événements survenus dans une école récemment, il nous semblerait plus intéressant de nous intéresser au décrochage scolaire, à la violence qui peut exister dans les établissements et à la difficulté pour les jeunes de se former, plutôt que de crier au loup à propos d'un lieu construit près d'une école. L'UDC est multirécidiviste, elle avait déjà déposé une proposition de motion s'inquiétant que des travailleuses du sexe puissent se trouver à proximité d'établissements scolaires. C'est une proposition de type «not in my backyard»: pas dans mon arrière-cour. En gros, il s'agit d'une forme d'hygiénisme social qui catégorise certains groupes de la population, qui crie au loup en faisant passer ces groupes pour des éléments dangereux et cherche simplement à les bannir. Cela nous semble aussi contre-productif pour la commune de Vernier, qui souhaite construire ce lieu - redimensionné pour proposer un accueil et un encadrement adéquats.

Un certain nombre d'habitants s'y oppose aujourd'hui devant les tribunaux, mais les membres de la commission ont été satisfaits par la présentation de M. Thierry Apothéloz, qui a démontré les efforts de communication entrepris à l'égard de cette population et les efforts de la commune de Vernier pour que ce lieu puisse être ouvert à la satisfaction de ces jeunes dont la caractéristique principale est d'être des mineurs relevant des droits de l'enfant avant d'être des migrants, que l'UDC diabolise et menace.

Aujourd'hui, le respect du droit est nécessaire. Les jeunes du foyer de l'Etoile n'ont pas une qualité de vie satisfaisante; on a pu entendre en commission que des jeunes femmes qui avaient eu des parcours particulièrement traumatisants y étaient exposées à des formes de stress important. Nous vous enjoignons donc de refuser ce texte.

Mme Léna Strasser (S), rapporteuse. Mesdames et Messieurs les députés, les travaux sur la proposition de motion 2525 qui demande un accueil répondant aux besoins des jeunes ont fait émerger la nécessité de changer et de repenser fondamentalement le paradigme de l'accueil des jeunes sans famille à Genève. Il s'agit de regarder ces jeunes non plus au travers du prisme «requérants d'asile-réfugiés», mais d'oser les voir enfin comme les enfants et les jeunes qu'ils sont, c'est-à-dire des mineurs. Il nous faut nous assurer que ces jeunes et ces mineurs soient accueillis ici dans un cadre propice à leur développement et à leur intégration dans notre société.

Si, en 2015, l'ouverture du foyer de l'Etoile a permis de répondre à l'urgence, il est actuellement en mauvais état et il est devenu trop petit pour le nombre de jeunes arrivant à Genève. Il s'est avéré au fil des auditions de la commission qu'il est aujourd'hui urgent d'envisager un autre mode d'accueil pour ces jeunes. C'est ce que préconise aussi le récent rapport de la HETS à ce sujet: un accueil adapté selon les besoins, dans de petites structures d'un maximum de dix à douze résidents, des lieux de vie de type familial permettant de garantir le développement des jeunes et des enfants ainsi qu'un encadrement optimal.

Au nom de la majorité de la commission, je remercie toutes les personnes auditionnées, en particulier les jeunes qui ont osé s'adresser à nous et nous ont fait part de leur vie au quotidien, de leurs craintes pour l'avenir, de leur difficulté à se sentir chez eux au foyer de l'Etoile qu'ils comparent à une prison. Ces jeunes nous ont surtout fait part de leur désir de travailler, de contribuer à notre société, de leur envie de construire un projet ici, de s'investir dans nos entreprises et dans nos institutions. Un désir somme toute simple d'être reconnus et d'exister.

Vous pouvez leur octroyer cette reconnaissance aujourd'hui en renvoyant au Conseil d'Etat cette proposition de motion afin de leur donner les moyens de grandir ici, de tisser des liens, de s'épanouir et de se construire un avenir plus serein. Une très large majorité de la commission était favorable à ce texte et nous nous réjouirions qu'un centre puisse être construit à Aïre dans les plus brefs délais.

M. Marc Fuhrmann (UDC), rapporteur de minorité. Monsieur le président, la minorité que constitue l'UDC, signataire de cette M 2483, regrette la position de la majorité. Les arguments qu'il convient de prendre en considération sont les suivants. Ce texte remet en question le choix de l'Etat de construire un centre de requérants d'asile pour mineurs non accompagnés à proximité immédiate d'une école enfantine et primaire. A moins de 500 mètres de cette école, il est déjà prévu un centre de réinsertion de jeunes délinquants; ajouter à cela l'incertitude soulevée par un centre de requérants d'asile ne fait que compliquer la situation de cette école et de son environnement. La parcelle aux mains de l'Etat est bien plus adaptée à la construction de logements à faible densité qu'à celle de ce centre qui inclurait de plus une zone administrative de 600 mètres carrés, en pleine zone villas et à plus de 500 mètres de l'arrêt de bus le plus proche. Avec ses infrastructures en tous genres, Vernier cumule déjà divers facteurs de précarité et de danger: je pense à la STEP d'Aïre, aux citernes d'hydrocarbures, à l'aéroport, etc. La commune accueille par ailleurs déjà plus de mille personnes relevant de l'asile.

Le choix de cette parcelle située en pleine zone d'habitation, en zone villas, à moins de 40 mètres d'une école, est incompréhensible. Les riverains ayant peur des nuisances provoquées par ce type d'infrastructure se sont réunis en association pour combattre ce projet. Il est connu que ces infrastructures entraînent de multiples nuisances comme de l'insécurité, des incivilités voire pire. L'objectif n'est pas de créer des tensions ou des difficultés supplémentaires. Cette zone villas n'est pas faite pour recevoir ce type d'infrastructure. Il y aura en outre dans ce projet une salle polyvalente qui générera du trafic, des allées et venues substantielles incompatibles avec la zone dans laquelle elle se trouvera. La dérogation accordée est en contradiction complète avec l'objectif du plan directeur communal qui prévoit une zone d'habitation peu dense et calme. Il est par conséquent incompréhensible que le Conseil d'Etat ait choisi ce terrain-là simplement parce qu'il était le seul à disposition. Quel dédain envers les habitants ! Pour construire ce centre, le Conseil d'Etat tord toutes les lois censées protéger la population riveraine.

Pour terminer, outre les éléments donnés ci-dessus, la commune de Vernier gagnerait à attirer des familles de contribuables solides plutôt que de les chasser à cause d'un cadre de vie qui ne fait que se détériorer. Ce projet en ce lieu augure déjà de problèmes complexes qu'il faudra essayer de régler à l'avenir, et cela certainement avec de grandes difficultés. La minorité vous enjoint donc évidemment d'accepter la M 2483.

M. Patrick Saudan (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, cette motion nous a occupés pendant sept séances, elle a vraiment retenu notre attention. D'abord, nous avons dû nous interroger sur la typologie de ces jeunes. Ces mineurs non accompagnés, requérants d'asile, ne sont pas des jeunes dangereux. Je suis entièrement d'accord avec M. Thévoz et en désaccord avec M. Fuhrmann, ce sont avant tout des jeunes vulnérables et en danger; ce sont des jeunes qui veulent s'intégrer, contrairement aux adolescents d'origine genevoise placés dans des foyers éducatifs.

Le plus grand désir de ces jeunes est de s'intégrer dans notre société ! C'est ce qui a transparu dans toutes les auditions avec eux. Le plus gros problème de ces jeunes n'est pas le foyer de l'Etoile, même si les conditions de vie y sont assez épouvantables; le plus gros problème de ces jeunes, évoqué à de nombreuses reprises, c'est l'insécurité juridique dans laquelle ils vivent. En effet, ils sont pris en charge par la FOJ en raison de leur jeune âge, mais aussi par l'Hospice général parce qu'ils sont migrants. L'ambivalence de ce statut les fait osciller en permanence entre les diverses structures qui doivent les prendre en charge. On dit à ces jeunes migrants qu'ils peuvent venir, qu'on va les former... (L'orateur s'interrompt.) Merci d'éteindre votre portable, Madame Meissner ! On ne sait pas ce qui peut arriver quand ils atteignent 18 ans, même si l'on sait que la plupart de ces jeunes vont rester sur sol helvétique. C'est là le plus gros problème, qui imprègne toutes leurs angoisses.

Cette motion tourne autour de deux questions fondamentales: comment et où loger ces jeunes ? Les visites au foyer de l'Etoile et au foyer Blue Sky nous ont montré, d'un côté, un lieu où les conditions de vie étaient extrêmement difficiles et, de l'autre, un lieu où l'équipe éducative de la FOJ faisait un travail magnifique. Toutefois, condamner les conditions d'hébergement du foyer de l'Etoile ne revient pas à condamner l'Hospice général. Sans qu'il soit en désaccord, c'est là que les travaux de la commission sur cette motion ont laissé le PLR un peu circonspect: on avait souvent l'impression que l'on faisait le procès de l'Hospice général en critiquant les conditions de vie au foyer de l'Etoile. Il faut savoir qu'en 2015-2016 a eu lieu un afflux de presque 200 mineurs qu'il a fallu loger; c'était une situation de crise, l'Etat genevois y a répondu comme il le pouvait.

Comment prendre en charge ces mineurs ? Est-ce que c'est la FOJ qui doit le faire, est-ce que c'est l'Hospice général ? Cette question n'est pas encore tranchée, je crois. En tout cas, une chose est claire, le département a pris ce problème à bras-le-corps et j'attends avec plaisir les explications du conseiller d'Etat Apothéloz. Je ne sais pas quelle formule sera trouvée, mais une chose est claire, le nouveau foyer qui sera construit à Aïre sera redimensionné: ce ne sera plus un foyer de 88 places mais de 44 places. C'est une des conclusions de tous nos travaux: l'Etat a pris conscience du problème que représente une infrastructure trop importante et l'a déjà redimensionnée. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Une partie des invites de la motion est donc déjà mise en pratique.

Ce sont les deux raisons pour lesquelles le PLR, tout en étant d'accord avec beaucoup de considérants de cette motion, s'est abstenu et continuera à s'abstenir: une partie des invites va être mise en oeuvre par l'Etat ou l'est déjà. Deuxièmement, nous ne voulons pas faire le procès de l'Hospice général.

Quant à la M 2483, je serai très court: je ne m'exprimerai pas dessus !

Le président. Allez-y !

M. Patrick Saudan. Pour nous, les craintes de l'UDC sont totalement infondées et n'ont pas de raison d'être. C'est pourquoi le PLR n'est pas entré en matière sur cet objet. (Applaudissements.)

M. André Pfeffer (UDC). La M 2483 a été établie avec l'aide du comité de l'Association des intérêts d'Aïre-Le Lignon qui représente ses 530 membres, les signataires d'une pétition et beaucoup d'habitants du secteur. Toutes ces personnes sont inquiètes et mécontentes de la manière dont les autorités les ont baladées. Ce projet est mauvais et n'est pas adapté à cet emplacement.

Je cite les trois points problématiques. Premièrement, il s'agit d'installer de jeunes requérants qui ont officiellement entre 16 et 18 ans à proximité immédiate d'une école primaire et d'une école enfantine. Deuxièmement, le site est situé en zone villas, avec des petites villas. En plein centre de cet endroit, il est question de construire une salle d'entretiens, des cuisines collectives, des bureaux, une salle de réunion, une énorme loge pour agents de sécurité, une salle polyvalente pour 300 personnes, etc. Je rappelle qu'il s'agit d'une zone villas et que plusieurs recours d'habitants et de membres de l'association sont traités par nos tribunaux. Dernier point, l'environnement et l'emplacement ne sont pas adéquats. Vous n'avez pas de transports publics dans les environs immédiats et il n'y a aucun commerce en ce lieu; pour aller au centre du Lignon, il faut quand même marcher un tout petit peu.

Les riverains sont aussi exaspérés par la manière dont ce dossier a été traité. Les versions ont changé à chaque réunion avec les autorités - surtout les autorités communales, mais aussi l'Hospice général. La dernière version était de revenir à une population de 120 personnes. On l'a dit avant: 88 jeunes requérants et 32 membres de familles. Maintenant, il est question de réduire encore ce nombre. On parle d'une réduction, oui, mais pas de l'environnement ni de la taille du bâtiment, seulement du nombre de personnes, parce que l'Hospice général s'est aperçu qu'on peut placer seulement un requérant mineur par chambre. C'est pour ça qu'il est encore question de réduction; d'ailleurs, les riverains et les gens qui habitent dans la région ne comprennent pas que les plans ne soient pas rediscutés s'il s'agit finalement de loger seulement 60 ou 80 personnes. Pour que les membres de l'association des habitants et les propriétaires de villas de la région soient enfin entendus et pour qu'on traite enfin correctement ce dossier, je recommande d'accepter ce texte.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vous apprendrai rien en disant que le groupe Ensemble à Gauche refusera la proposition de motion 2483, parce que ce n'est pas la première fois que l'UDC nous gratifie de ce genre de projet. Je vous rappelle qu'elle avait déposé un texte du même type en 2016, mais qui concernait les requérants d'asile majeurs. Cette motion avait été retoquée, fort heureusement !

Ce qui est navrant avec celle-ci, c'est que, plutôt que d'attiser les peurs des voisins - que l'on peut entendre - on devrait s'atteler à informer les gens, de manière objective, en se référant précisément aux autres expériences. M. Thévoz a mentionné tout à l'heure l'expérience Blue Sky, un foyer accueillant des RMNA dans un quartier de villas sans que ça pose problème - au contraire, il y a de bons rapports de voisinage ! Eh bien, c'est ça qu'il faut dire aux habitants du quartier de villas d'Aïre, là où devrait s'ériger ce nouveau foyer. J'aimerais m'inscrire en faux contre cette tentative de criminaliser une population alors que cela ne repose sur aucun fait concret. Cela manifeste à la fois une volonté d'exclusion et de désignation de boucs émissaires. Pour ces motifs, nous refuserons ce texte.

Quant à la M 2525, j'aimerais rappeler ce qui a été dit sur le redimensionnement de ce futur établissement: il s'agit non seulement de réduire le nombre de personnes qui y seraient accueillies, mais aussi de définir un concept d'intervention socio-éducative qui ait du sens. Contrairement à ce qu'a dit M. Saudan, il ne s'agit pas de faire le procès de l'Hospice général. Pour être juste, si vous voulez faire le procès de l'Hospice général, vous devriez aussi faire le procès de la majorité de ce Grand Conseil qui a rogné ses ailes et qui ne lui a pas donné les moyens d'exercer le mandat qui lui avait été attribué ! Il faut être clair sur cela: l'Hospice général connaît son travail, il a une expertise en la matière. Il n'avait malheureusement pas les moyens d'exercer son mandat correctement; ce qui fait que, pendant des années, on a toléré l'inconcevable, à la fois en matière de droits humains, mais aussi par rapport à la déontologie. C'est fort regrettable et les mineurs requérants d'asile non accompagnés en ont fait les frais, avec le personnel de l'Hospice général qui travaille dans ce foyer.

Vous avez vu aujourd'hui qu'il y a une forte mobilisation en faveur de ces jeunes gens, mais cela faisait des années que cette situation perdurait. Aujourd'hui, il est temps que ça s'arrête ! Il est temps de tirer des enseignements de ces mauvaises expériences. Il faut définir un concept d'intervention qui respecte les besoins de la population qui sera accueillie dans ce foyer et s'accorde aux valeurs fondamentales de l'intervention sociale, qui doivent guider le travail qui se fera dans ce lieu. Je vous remercie de votre attention et vous invite à voter cette proposition de motion. (Applaudissements.)

Mme Frédérique Perler (Ve). S'agissant de la M 2483, Monsieur le président, vous transmettrez au rapporteur de minorité, M. Fuhrmann, et à l'intervenant UDC, M. Pfeffer, qu'il est totalement contreproductif de criminaliser cette population: elle ne présente aucun danger, ce sont ces jeunes eux-mêmes qui sont vulnérables et en danger, comme cela a déjà été dit.

Monsieur le président, vous transmettrez de la part des Verts que si les contribuables fuient la commune de Vernier, comme l'affirment ces messieurs de l'UDC, ce n'est pas à cause d'un nouveau centre d'accueil qui sera érigé près d'une école. Ce sont les nuisances sonores occasionnées par les avions et par la route qui les font fuir ! Or, avec ses positions lors de divers votes, l'UDC contribue à l'augmentation desdites nuisances. Voilà, vous l'aurez compris, Monsieur le président, le groupe de Verts refusera très sèchement cette motion 2483 !

S'agissant de la M 2525, du reste partie des Verts, il aura fallu des textes parlementaires, une résolution de la commune de Vernier - dont on ne parle pas assez - un rapport de la Cour des comptes, une étude de la HETS sur les besoins des requérants mineurs non accompagnés et, plus récemment, hier, une manifestation autour du foyer de l'Etoile, pour que le Conseil d'Etat et ce Grand Conseil, je l'espère, prennent la mesure de l'ampleur des besoins de ces jeunes qui sont des enfants avant d'être des réfugiés. Ces besoins portent sur la qualité du logement, le suivi éducatif et la stabilité du séjour qui crée de la sécurité, c'est-à-dire tout le concept d'intervention évoqué par Mme Haller. Et j'en profite pour appuyer les propos de celle-ci sur l'Hospice général qui n'aurait pas assez bien agi: il ne s'agissait pas de faire le procès de cette institution qui a été entravée dans son action.

Durant les travaux de la commission, il aura fallu deux visites - au foyer de l'Etoile et au foyer Blue Sky - assorties de divers témoignages pour convaincre définitivement les membres de cette commission du bien-fondé de la démarche et de la nécessité de revoir le dimensionnement de ce futur foyer à Aïre. Preuve en est l'enrichissement du texte avec quatre invites supplémentaires, ce qui n'est pas rien et témoigne de la volonté d'agir des députés et de la nécessité d'aller de l'avant pour fermer le foyer de l'Etoile au plus vite. Avec la collaboration du Conseil d'Etat et de l'Hospice général et avec une certaine collaboration de la Fondation officielle de la jeunesse, nous allons dans le bon sens et nous remercions le Conseil d'Etat pour cela. Nous nous en réjouissons car ce dernier va enfin sortir d'un pilotage cantonal fragmenté alors qu'il s'agit d'avoir une vision globale. Pour toutes ces raisons, le groupe des Verts vous invite à voter cette motion.

Mme Marion Sobanek (S). Monsieur le président, une personne de moins de 18 ans, migrante ou non, reste une personne mineure. Il s'agit d'un enfant qui doit être traité comme un mineur du pays, en conformité avec le droit international reconnu par la Suisse. Les craintes de l'UDC sur l'implantation de ce foyer en zone villas et sur la proximité de ce type de population avec une école sont complètement infondées, car il s'agit justement de jeunes gens dans l'âge d'être à l'école eux-mêmes !

Une des invites du texte demande que ces jeunes gens puissent suivre une formation. C'est ce qu'ils demandent ! Mes préopinants l'ont déjà dit, ce sont des jeunes qui ont envie de s'intégrer ! Laisser ces jeunes sans un encadrement pédagogique adéquat, qui les élève et les aide à s'intégrer véritablement dans notre société, c'est faire fausse route. Vous dites «not in my backyard», mais vous ne les voulez pas non plus ailleurs que dans cette zone villas, soyez francs ! Pourtant, il faut absolument qu'on prépare un chemin pour les intégrer et les avoir avec nous. Il faut donc refuser ce texte de l'UDC.

Actuellement, la situation de ces jeunes migrants non accompagnés est difficile, les travaux de la commission l'ont montré. Même si certaines invites ont été acceptées par le département, on sait aujourd'hui qu'il faut des activités et un accompagnement personnalisé; il faut donc fermer l'Etoile. Les témoignages des jeunes qui vivent là-bas ont montré l'inadaptation d'un grand foyer. Il faut un petit foyer et un personnel encadrant spécialisé dans l'accueil des jeunes en grande difficulté. L'audition du chef du département a montré que le département prend ce problème au sérieux.

J'aimerais vous demander encore une fois d'imaginer vos propres enfants de 15, 16 ou 17 ans sur un chemin complètement incertain, sur un chemin qui les expose à des dangers qu'on ne conçoit même pas dans les pires de nos cauchemars ! Enfin, ces jeunes arrivent dans ce qu'ils voient comme un pays de cocagne par rapport à leur pays d'origine. Qu'est-ce qu'on leur offre ? Est-ce qu'on leur donne vraiment ce que nous devrions offrir avec un minimum d'humanité ? C'est-à-dire un foyer où ils peuvent grandir dans un certain calme et avec un encadrement.

Il faut donc un encadrement par petits groupes, des cours intensifs de français - langue sans laquelle aucune intégration efficace n'est possible - et un projet pédagogique ! Quand on laisse un jeune migrant sans soutien dans un foyer inhumain, on accroît le danger d'une mauvaise intégration, de séquelles psychiques ou de suicide dans le pire des cas. Il faut donc accepter la M 2525 et refuser celle de l'UDC, ce que je vous remercie de faire.

Mme Patricia Bidaux (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, concernant la M 2483, lorsqu'une commune se dit prête à accueillir un centre d'hébergement et qu'elle met en place tout ce qui est nécessaire pour accueillir l'étranger - c'est bien à ce niveau que se situe ce discours ! - elle témoigne de l'esprit d'ouverture noté dans le préambule de notre Constitution suisse dont je cite un extrait: «Le peuple et les cantons suisses [...] résolus à renouveler leur alliance pour renforcer la liberté, la démocratie, l'indépendance et la paix dans un esprit de solidarité et d'ouverture au monde, déterminés à vivre ensemble leurs diversités dans le respect de l'autre et l'équité, conscients des acquis communs [...]»

Si la peur seule devient conseillère, il ne peut y avoir de bon conseil. L'analyse des chiffres et des faits qui nous ont été présentés au cours des auditions a convaincu le groupe PDC que tout a été mis en place pour que le vivre-ensemble soit rendu possible, en toute sécurité pour les uns et pour les autres, dans le respect. Le PDC vous encourage donc à refuser cette motion.

Que demande la M 2525 ? Des choses simples, mais essentielles pour les besoins des enfants ! Je ne parlerai pas ici de leur statut, mais de notre responsabilité d'accueillir des enfants dans un environnement de qualité. Il faut reconnaître l'incohérence actuelle.

Suite aux diverses auditions, aux visites de foyers, le groupe PDC reconnaît qu'on ne peut trouver de solutions en un claquement de doigts, mais il convient de transmettre un message clair au Conseil d'Etat: ce qui fait le quotidien des jeunes RMNA au foyer de l'Etoile est indigne ! Notre parlement doit transmettre clairement ses choix afin que la dignité retrouve sa place dans l'accueil. La dignité, c'est le respect des besoins spécifiques liés à l'âge et à l'histoire des mineurs non accompagnés.

Le PDC est convaincu que permettre à un enfant de s'intégrer, de suivre une formation, c'est l'aider à trouver sa place dans la société et lui donner le meilleur, cela quel que soit son statut. Vous l'aurez compris, le PDC, comme la majorité de la commission, vous recommande d'accepter cette motion.

M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, quelle hypocrisie de la part du rapporteur de majorité quand il dit que Vernier a fait un effort pour accepter ce centre ! C'est faux, Vernier a caché la m... du chat et tenu des discours clairement contradictoires par rapport à ce que vous dites puisque les élus de Vernier - notamment votre magistrat nommé tout à l'heure - se sont opposés à ce centre. Ce magistrat s'y est opposé, il a soutenu la population de la presqu'île d'Aïre; la commune de Vernier a soutenu la population et les gens qui contestaient la venue de ce projet parce qu'ils n'étaient naturellement pas au courant de tous ses éléments.

Aujourd'hui, le projet final a été édulcoré. On entend le discours des uns et des autres sur l'humanisme, qu'il faut accepter ces gens et permettre à nos institutions de les accueillir de manière digne et humble. Toujours est-il que le Mouvement Citoyens Genevois soutiendra les habitantes et habitants de la presqu'île d'Aïre ! Il soutiendra les habitantes et habitants du Lignon qui sont opposés à ce projet. Nous nous opposerons au rapport de majorité et nous accepterons la proposition de motion de l'UDC.

Le président. Merci. La parole est à M. le député André Pfeffer pour vingt secondes.

M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. Je voulais simplement dire qu'à Vernier, le PDC est aussi contre ce projet. Ce projet est mal planifié et mal géré: à chaque discussion avec les autorités, tous les trimestres, les objectifs ont été révisés à la baisse. Si on réduit le nombre de personnes prévues dans ce centre, il faut évidemment changer les bâtiments...

Le président. Merci, c'est terminé. La parole est à Mme la députée Léna Strasser.

Mme Léna Strasser (S), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste relever le paradoxe de la M 2483. Les jeunes accueillis à Aïre ne seront pas à proximité d'une école, ils seront à l'intérieur de l'école: ils seront scolarisés dans nos écoles, et c'est tant mieux ! Comme Mme Haller, je propose aux habitants d'Aïre de rencontrer ces jeunes: demandez à voir ce qui se fait à Blue Sky ! Rencontrez les citoyens qui les entourent à Carouge Accueille, à 3ChêneAccueil, à Solidarité Tattes ! Vous risquez d'être étonnés en bien, comme on dit ici.

Parmi les voix qui s'élèvent aujourd'hui en faveur de la M 2525, il y a aussi celles des professionnels de l'Hospice général. Il est de notre devoir ici de les aider à faire leur travail dans des conditions acceptables, pour qu'ils n'aient pas à faire face à des problèmes liés à un espace et à un foyer indignes.

Le président. Merci. La parole est à M. le député Sylvain Thévoz pour quarante-neuf secondes.

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je réponds à M. Cerutti qui qualifie d'hypocrites les mots sur le positionnement de la commune de Vernier que j'ai prononcés en tant que rapporteur de majorité. C'est le conseiller administratif, M. Staub, qui a rappelé que le Conseil municipal de la Ville de Vernier a voté à l'unanimité en faveur d'une résolution pour l'accueil des jeunes migrants, de même que le Conseil administratif, également unanime. Les propos factuels de l'élu de Vernier démontraient très clairement la volonté d'accueil de cette ville.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, les débats auxquels nous venons d'assister me rappellent les années 2014-2015, lors de cette vague importante d'arrivées de demandeurs d'asile dans notre pays, dont des mineurs. C'était un phénomène nouveau à l'époque, qui nous a d'abord incités à mettre en place une task force puis une délégation du Conseil d'Etat pouvant prendre des décisions immédiates pour répondre aux besoins d'hébergement. Je me souviens aussi que lorsque je suis allé rencontrer la population, précisément pour parler de ce centre à Aïre, si je n'ai pas été accueilli avec des fourches et des piques, c'était presque cela ! A l'époque, il était évidemment difficile pour les habitants de concevoir d'avoir des requérants d'asile à côté de chez eux, fussent-ils mineurs, même si tout le monde était bien conscient qu'il fallait faire quelque chose pour ces personnes. Le discours général était de dire: «Bien sûr, mais pas à côté de chez moi.» On trouve toujours de bonnes raisons pour demander que ces personnes ne viennent pas là où cela nous gêne et, bien sûr, cela dans l'intérêt des personnes elles-mêmes. C'est un discours récurrent dans ce domaine.

Ici, le Conseil d'Etat a fait le travail qu'il devait faire. Le centre de l'Etoile n'est pas adapté, il est vrai. Il n'a pas été construit pour cela, mais il a fallu répondre dans l'urgence à la nécessité d'héberger ces requérants mineurs non accompagnés qu'il ne faut pas inclure dans le phénomène nouveau auquel nous assistons aujourd'hui: celui des mineurs non accompagnés qui ne sont pas des requérants et dont la relation avec le pays dans lequel ils sont n'est pas la même. Les requérants mineurs dont il est question expriment, eux, une volonté de s'intégrer là où ils sont.

Je ne m'attarderai pas sur la motion de l'UDC; je pense qu'elle exprime à nouveau et de manière excessive de vieux démons que je pensais définitivement écartés. Dénoncer le placement de mineurs non accompagnés près d'une école - dont la proximité est d'ailleurs toute relative - est évidemment un discours qui a été clairement invalidé par les faits et par la réalité de la situation dans notre canton depuis des années, ce dont je suis extrêmement heureux.

En ce qui concerne le centre d'Aïre, la M 2525 telle que ressortie de commission exprime en grande partie ce que le Conseil d'Etat a déjà mis en oeuvre. Pour le reste, le Conseil d'Etat va volontiers dans le sens souhaité par ce texte qui exprime ses propres préoccupations: nous avons réduit la taille de ce lieu avec des unités prévues pour dix à douze jeunes - donc, un maximum de 80 personnes - ainsi que quelques familles. On pensait dans un premier temps qu'il était préférable de séparer les mineurs des adultes; or, on se rend compte que la présence de familles est un facteur apaisant pour ces jeunes, d'autant plus si ce sont des familles de même origine. Je pense que ce qui a été mis en place est efficace.

Il faut savoir que l'autorisation de construire a été délivrée le 24 janvier 2018. Depuis lors, des recours sont pendants devant le TAPI. J'allais dire «sous le tapis», parce qu'on peut presque se demander si ces recours sont véritablement en cours d'examen, après deux années ! Tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut agir vite. Hier encore, le centre de l'Etoile faisait l'objet d'une occupation pacifique par des milieux qui voulaient exprimer leur préoccupation sur l'hébergement dans ce foyer. Comme tout le monde est d'accord sur le fait qu'il faut aller vite, malgré la séparation des pouvoirs, nous souhaiterions exprimer ici le voeu que la justice puisse rendre rapidement des décisions afin que l'on puisse réaliser un projet qui fait l'objet d'un consensus dans ce canton, sous réserve bien sûr des habitants qui souhaiteraient qu'on le fasse ailleurs, pour les raisons que j'ai exprimées.

Paradoxalement, quand nous avons imposé à certaines communes la présence de requérants d'asile malgré leur opposition, lorsqu'il s'est agi de déplacer ces requérants ailleurs puisque des lieux d'hébergement adéquats avaient été mis à disposition, les mêmes habitants ont souhaité qu'on laisse ces requérants d'asile là où ils étaient parce que des liens s'étaient tissés entre-temps ! Donc, comme toujours, on ne craint que ce que l'on ne connaît pas; connaître permet d'apprivoiser, et, quand on apprivoise, on apprécie ! Mesdames et Messieurs les députés, voilà les raisons pour lesquelles le Conseil d'Etat vous laisse lui renvoyer cette motion.

Le président. Merci bien, nous allons donc passer au vote sur la M 2525.

Mise aux voix, la motion 2525 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 48 oui contre 39 non et 8 abstentions.

Motion 2525

Le président. Nous passons à la M 2483. Le vote est lancé.

Mise aux voix, la proposition de motion 2483 est rejetée par 76 non contre 18 oui et 2 abstentions.