République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du mercredi 10 avril 2019 à 21h
2e législature - 1re année - 11e session - 66e séance
M 2234
Débat
Le président. Nous poursuivons avec la M 2234. Là encore, nous sommes en présence d'une motion dont le deuxième délai de traitement est dépassé, il n'est donc plus question de la renvoyer en commission. Nous traitons ce texte en catégorie II, trente minutes. Je passe immédiatement la parole à son auteur, M. Patrick Saudan.
M. Patrick Saudan (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous espérons que cette digne assemblée acceptera le renvoi au Conseil d'Etat de cette motion, soutenue à l'époque par plusieurs partis. Le texte date de 2014, mais si vous en lisez les invites, il n'a pas pris une ride. Son objectif est d'améliorer la couverture médicale dans l'ensemble de la Suisse occidentale. Voyez-y la préoccupation d'un Genevois d'origine valaisanne qui a travaillé dans tous les cantons romands et qui s'inquiète du clivage existant entre la région lémanique, très bien dotée en structures médicales tant hospitalières que de médecine privée, et le reste des cantons de Suisse romande.
Les deux invites sont très simples: elles demandent au Conseil d'Etat d'une part de dresser un bilan des coopérations hospitalières en Suisse occidentale, d'autre part de s'engager avec les instances cantonales pour développer une convention intercantonale permettant d'améliorer la mise en réseau des structures hospitalières de Suisse occidentale. Beaucoup de conventions existent à l'heure actuelle, mais elles sont souvent conclues d'hôpital à hôpital, et il manque un pilotage public pour assurer une meilleure couverture en soins médicaux dans cette région. Mesdames et Messieurs, je vous remercie de réserver un bon accueil à cette proposition.
M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe PDC votera la motion, parce qu'elle va dans le bon sens. Il faut vraiment mettre en place des structures intercantonales dans le domaine de la santé, commencer à réfléchir à l'échelle d'une région, et plus seulement d'un canton. Je vous remercie.
M. Patrick Saudan. Merci, Bertrand !
M. François Baertschi (MCG). Avec cette motion, on va créer une nouvelle usine à gaz qui ne servira à rien, si ce n'est à faire perdre du temps aux institutions existantes et à flatter l'amour-propre de certains députés. Il existe déjà des organismes de coordination; ils ne sont peut-être pas suffisants, mais un nouveau dispositif ne va rien apporter, donc nous appelons cette assemblée à ne pas voter le texte.
M. Christian Dandrès (S). Je serai très bref. Il s'agit d'une thématique importante qui nécessite un débat en commission et l'établissement d'un rapport avant d'être traitée ici. Voter cette motion sur le siège n'est pas acceptable, c'est la raison pour laquelle nous ne pourrons pas l'adopter. Nous invitons les personnes qui l'ont signée à redéposer un texte afin qu'il soit traité dans les délais, cette fois.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion part d'une bonne intention. Bien sûr, nous devons davantage mutualiser nos ressources, surtout dans un territoire comme la Suisse romande, très petit en comparaison ne serait-ce qu'avec la région française à côté de la nôtre dont la population atteint les 8 millions d'habitants, ce qui égale la population de l'ensemble de la Suisse.
Cependant, le Conseil d'Etat considère que le texte tel que libellé mènerait le département que j'ai le plaisir de diriger à réaliser un travail qui n'est pas directement utile pour Genève. En effet, il nous est demandé d'effectuer un bilan des coopérations hospitalières en Suisse occidentale, ce qui signifie que nous devrions également recenser les collaborations entre l'hôpital du Jura et l'hôpital universitaire de Bâle; ce serait certainement fort intéressant, mais cela ne va pas faire avancer la problématique dans notre canton.
Il faut savoir qu'un concordat ne peut pas être initié par un seul canton, une volonté commune étant nécessaire. Nous travaillons déjà sur un concordat destiné à mutualiser les ressources pour la formation, lequel devrait être ratifié par 18 cantons suisses, mais n'a pas encore atteint ce quorum aujourd'hui. Le problème, c'est que certains cantons disposant d'hôpitaux universitaires forment la relève médicale pour l'ensemble de la Suisse. On le constate à Genève, on le constate également au CHUV, à Lausanne. Ainsi, nous souhaitons que les cantons d'où proviennent les étudiants participent à cette formation particulièrement coûteuse; dans le cadre du concordat, nous avons demandé un montant de 15 000 F par année, ce qui est ridicule par rapport à l'investissement consenti par les hôpitaux pour la formation des médecins. A l'heure actuelle, je le répète, l'accord n'est pas encore signé.
Je peux comprendre les cantons exportateurs d'étudiants en médecine: ils vont payer 15 000 F par année au canton de Genève, par exemple, mais ensuite, lorsque leurs praticiens seront formés, il y a de fortes chances qu'ils s'installent à proximité immédiate des HUG. Alors quel est le retour sur investissement ? Ce que j'essaie modestement d'instiller comme réflexion supplémentaire, c'est que les étudiants en médecine puissent bénéficier d'une bourse pour leurs études, une bourse non remboursable s'ils s'installent par la suite dans le canton qui la leur a accordée, afin qu'il y ait un retour sur investissement. On peut tout à fait comprendre qu'un étudiant du Jura qui vient à Genève suivre sa formation, puis s'installe ici, c'est de l'argent jeté par les fenêtres dans la perspective de nos collègues jurassiens.
Mesdames et Messieurs, laissez-nous travailler: nous oeuvrons actuellement à un vaste programme visant à instaurer un cursus de formation dans lequel nos étudiants en médecine et nos médecins, une fois diplômés et en formation postgrade, pourront circuler dans des hôpitaux qui ne seront pas uniquement universitaires. On apprend beaucoup dans des hôpitaux non universitaires compte tenu de la palette de pathologies auxquelles on est confronté, et je pense que cela doit être favorisé. Nous y travaillons de manière assidue, nous examinons également pourquoi les hôpitaux universitaires engagent des médecins étrangers alors que nous avons de la relève sur place.
Cela bouscule de nombreux principes, notamment celui selon lequel la médecine est une profession libérale et que les médecins peuvent choisir les spécialités dans lesquelles ils entendent se former. Or il y a des spécialités - la médecine générale et interne en fait partie, toutes les médecines de premier recours en font partie - dans lesquelles nous avons des besoins. Au final, faut-il laisser des étudiants en médecine choisir librement la spécialité dans laquelle ils veulent s'engager ? Vaste débat. J'entends déjà le grondement qui se dégage de vos bancs. Vous allez nous dire: «Ce n'est pas à l'Etat de réguler ce genre de question.» Eh bien il faut savoir que nos médecins travaillent en grande partie à charge d'une assurance sociale, à savoir la LAMal, et lorsque la collectivité rétribue une activité, elle est tout de même en droit de poser quelques conditions.
Encore une fois, ces réflexions sont à la base du travail que nous menons au niveau intercantonal au sein des différentes conférences, qu'elles soient latine ou nationale, donc nous n'avons pas besoin - c'est peut-être prétentieux de le dire, mais vous pouvez me croire sur parole - d'une motion pour nous inciter à suivre cette direction, cela relève du bon sens. Malheureusement, les obstacles ne viennent pas des cantons, mais très souvent de la Confédération et de la législation qui ne suivent pas le mouvement dans ce domaine et qui opèrent un savant mélange entre régulation et libéralisation dans lequel on perd son latin. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Puisque nous ne pouvons pas la renvoyer en commission, au grand dam du député Dandrès, je mets cette motion aux voix.
Mise aux voix, la proposition de motion 2234 est rejetée par 44 non contre 43 oui.