République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 31 janvier 2019 à 17h15
2e législature - 1re année - 8e session - 52e séance
M 2430-A
Débat
Le président. L'objet suivant est classé en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Hiltpold.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des travaux s'est réunie à trois reprises pour étudier cette proposition de motion. Que demande celle-ci en synthèse ? Vous en trouvez l'esprit à la page 2, ce texte demande de réfléchir et d'étudier les coûts et la faisabilité d'une couverture - totale ou partielle - de l'autoroute entre l'échangeur du Vengeron et le tunnel de Vernier. Voilà, en gros, un résumé. Il y a pas mal de considérants que vous trouverez à la page 9, je vous ferai grâce de leur lecture.
Durant les séances de commission, nous avons auditionné l'OFROU - c'était important - et reçu des présentations très graphiques, avec des plans que vous trouverez dans les annexes dès la page 11. Tous ces projets sont développés dans ce périmètre: notamment la route des Nations, le Pré-du-Stand, l'ensevelissement de la ligne à haute tension à côté de Palexpo, les mandats d'étude parallèles sur le secteur de l'avenue Louis-Casaï et de l'aéroport ainsi que le grand projet Vernier-Meyrin-aéroport, selon son image directrice. Dans ce dossier et dans ce secteur, principalement, nous avons vu que la collaboration avec l'Office fédéral des routes était capitale pour la coordination de tous ces travaux avec les divers acteurs qu'ils impliquent, dont les communes et l'Etat, notamment en ce qui concerne les lignes à haute tension et les routes. En substance, cette collaboration existe. On a répondu très aimablement et de manière très détaillée, avec les annexes, aux questions posées dans le cadre de l'étude de ce projet. La majorité a jugé utile de ne pas donner suite à cette motion. Vous trouverez tous les détails techniques dans le rapport de majorité. Je vous invite donc à la refuser.
M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de minorité. Le rapporteur de minorité vous encourage vivement à accepter cette motion qui se distingue par son intelligence et sa vision. Pourquoi ? Parce que vous reconnaîtrez tous que le domaine de l'aéroport se prête, sinon admirablement, en tout cas favorablement à une utilisation urbanistique. On sait que l'aéroport lui-même ne peut plus croître puisqu'il est coincé entre l'autoroute et les pistes. De ce point de vue, les surfaces potentielles créées par une couverture de l'autoroute pourraient être très utiles à toutes sortes d'activités en lien ou non avec l'aéroport. Il ne s'agit pas de voter ici sur le siège un crédit de 100 millions de francs pour construire n'importe quoi, mais bien d'évaluer les possibilités qu'offre cet espace public à terme, c'est tout ce que réclame cette motion. Il n'y a donc rien d'insensé dans cette proposition, il n'y a rien non plus d'excessivement coûteux puisque le Conseil d'Etat a l'entière faculté de décider de donner suite et, le cas échéant, de mettre cette question à l'étude.
Nous trouvons - je ne suis pas le seul - qu'il serait dommage que nous laissions tomber cette possibilité étant donné l'intense transformation que subira ce quartier avec l'ouverture de la route des Nations, le vote sur la construction de terrains de football et les aménagements au Grand-Saconnex. C'est pourquoi je vous invite à relire les considérants et les invites de cette motion et à l'accepter le plus largement possible.
M. François Lefort (Ve). Monsieur le président, les nombreux considérants de cette motion sont justes et sont encore d'actualité. Ce sont des constats sur l'aménagement de notre canton. Quels sont-ils ? Il y a d'abord un cadre, c'est le projet d'agglomération, dont certains objectifs sont de limiter la destruction du sol agricole, d'optimiser l'utilisation des infrastructures, de densifier aussi les activités économiques dans des zones appropriées - l'aéroport est justement une de ces zones particulièrement appropriées. Un projet d'aménagement dont on a entendu parler est en cours, la future vitrine économique de l'aéroport, d'une superficie de 50 000 mètres carrés, qui peut maintenant se réaliser parce que le Grand Conseil a récemment accepté le cofinancement de l'enfouissement de la ligne électrique aérienne à très haute tension de Swissgrid. Par ailleurs, la troisième voie autoroutière entre l'échangeur de Ferney et le tunnel de Vernier est maintenant programmée pour dans moins de dix ans par la Confédération. Cette autoroute est en mains publiques et sa couverture entre la route de Meyrin et Palexpo pourrait fournir - tenez-vous bien ! - une surface d'environ 130 000 mètres carrés sur deux kilomètres. Des surfaces disponibles pour quoi ? Pour des activités économiques, au plus proche de l'aéroport, au plus proche de la gare de l'aéroport. Pourquoi se priver d'étudier cette solution, qui permettrait de diminuer le bruit autoroutier dans ce secteur ?
Sur la base de ces constats et considérants, les Verts soutiennent cette motion qui demande au Conseil d'Etat d'intégrer cette idée de couverture de l'autoroute dans les projets d'aménagement du secteur de l'aéroport. Pour quoi faire ? Pour de nouvelles surfaces destinées au secteur économique, des nouvelles surfaces qui seraient incluses dans une réorganisation des flux de circulation et de nouvelles voies de mobilité douce. Plus même que d'intégrer cette idée, les Verts demandent au Conseil d'Etat de l'étudier vraiment et de mettre en oeuvre cette densification urbaine autour de l'aéroport, sur des surfaces maîtrisées par le canton puisqu'elles sont en mains publiques - des surfaces actuellement stériles et qui permettraient ainsi d'économiser le sol agricole. Pour toutes ces raisons, les Verts soutiennent le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
Mme Christina Meissner (PDC), députée suppléante. Monsieur le président, vous remercierez mon préopinant, M. Lefort, à qui je m'associe totalement quant aux considérations reprises de ma motion, que je ne répéterai pas. Je remercie aussi évidemment les partis socialiste et démocrate-chrétien qui comprennent la vision contenue dans cette motion, la possibilité territoriale à saisir lors des travaux de la troisième voie autoroutière. Le territoire et le lieu sont appropriés, il y a une possibilité de diminuer le bruit à cet endroit en réalisant une couverture. Voyez ce qu'on a fait avec les voies CFF à Saint-Jean: les habitants à proximité et même les gens qui travaillent au-dessus de ces voies sont satisfaits ! C'est pour ça que j'ai un peu de peine à comprendre l'opposition de l'UDC qui défend pourtant les propriétaires et habitants de cette région.
Ensuite, le PLR argumente comme M. Baud-Lavigne qui disait lors des auditions que les études étaient en cours, qu'il y avait déjà un travail mené avec les acteurs publics, parapublics et privés et qu'il n'y avait pas à en faire davantage. Toutefois, il disait ça en mars 2018. Nous sommes une année plus tard, l'OFROU travaille sur ces études et il faut dire à cet organisme que nous sommes intéressés par des options de couverture totale ou partielle. Il faut surtout que le Grand Conseil donne un signal clair au Conseil d'Etat. Nous sommes conscients de l'exiguïté de notre territoire et des opportunités que crée cette troisième voie autoroutière; il faut voir ce qui est possible. Berne l'a fait avec le centre commercial Westside; Fribourg va le faire. Pourquoi pas nous ? Au siècle dernier, nous avons eu le courage de faire Palexpo, nous avons eu le courage de faire la couverture des voies de Saint-Jean. Ayons le courage, presque un siècle plus tard, d'utiliser opportunément notre territoire en superposant les usages et en réalisant une véritable vitrine utile à cet endroit ! Merci beaucoup d'accepter cette motion !
M. Alberto Velasco (S). C'est effectivement une excellente motion et je ne vais pas répéter ce que mes préopinants ont déjà dit, Monsieur le président. Il y a déjà un exemple, avec la halle 7 de Palexpo qui recouvre l'autoroute. Une ligne à haute tension avait été enterrée sous les trains. Ici, il s'agit de prolonger ce qui a été fait alors, avec l'enfouissement de la ligne de 400 000 volts. Ce serait déjà un bénéfice.
Comme on l'a fait pour l'extension de Palexpo, une dalle serait coulée tout le long de ce trajet; comme l'a dit M. Lefort, cela permettrait d'obtenir 130 000 mètres carrés de surface. Ça correspond à ce qui a été fait à Saint-Jean avec la couverture des voies CFF. Vous savez qu'au-dessus de ces voies, il y a des jardins, des bureaux, etc. Cela permettrait à l'Etat d'obtenir des revenus puisqu'il s'agirait de surfaces en droit de superficie que l'Etat pourrait mettre à disposition. Cela permettrait aussi de créer un lieu pour les cars qui viennent à l'aéroport, pour charger et décharger les passagers, notamment pour la France voisine. Des espaces pourraient être prévus pour ces cars desservant la France voisine et qui stationnent aujourd'hui au centre-ville. Comme l'a dit le rapporteur de minorité, c'est un projet qui ne demande qu'une étude; on ne demande même pas un crédit. Je vous encourage vivement à voter ce texte.
M. Stéphane Florey (UDC). En résumé - je commencerai par là - il s'agit d'une motion juste pour faire joli ! Parce que ses incidences... C'est purement hallucinant d'aller demander à la Confédération de diligenter une étude pour couvrir l'autoroute ! Ça va servir à quoi ? A construire des bâtiments dessus ? (Commentaires.) Attendez, le logement, ce sera impossible ! Des bureaux ? La gauche clame à qui veut bien l'entendre qu'on a déjà trop de surfaces commerciales ! Les dernières surfaces commerciales votées par ce Grand Conseil au Pré-du-Stand sont d'ores et déjà contestées et vous voulez encore dépenser des millions pour couvrir l'autoroute ? Parce que ça va nous coûter ! Si la Confédération entre en matière sur une telle motion, elle dira: «Oui, bon, d'accord, vous voulez couvrir, mais c'est vous qui payez !» Mais pourquoi ? A quoi ça va servir ? Strictement à rien ! C'est juste pour dire: «Ah, moi, j'ai vendu une motion pour couvrir l'autoroute pour faire joli !» Parce que c'est véritablement de ça qu'il s'agit; c'est une motion qui ne sert à rien sauf à faire perdre du temps aux commissions et à ce parlement. Nous vous invitons à la refuser !
M. François Baertschi (MCG). Le groupe MCG reste perplexe face à cette motion: couvrir un axe routier, pourquoi pas, ce n'est pas inutile. Mais étant donné son emplacement, nous préférerions que la priorité soit mise sur d'autres endroits où il y a des nuisances à Genève, où on devrait véritablement couvrir un axe routier ou destiné aux transports publics pour réduire les nuisances aux alentours. Pourquoi ne pas densifier encore un peu plus autour de l'aéroport ? Il n'y a pas de zone agricole. Eventuellement... Bon, il s'agit d'une motion et nous avions de la peine à nous faire une opinion positive ou négative sur celle-ci. Une fois n'est pas coutume, nous allons nous abstenir.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité. En conclusion, maintenant que les arguments ont été avancés, je voudrais quand même rappeler que nous venons de prévoir le développement de surfaces importantes dans le secteur du Pré-du-Stand. Je suis donc ravi de voir que les Verts soutiennent le développement économique et la création de parkings en surface sur l'autoroute !
Ensuite, il ne faut pas se mentir: construire du logement ou installer des activités au-dessus d'une autoroute, c'est simplement indécent pour les gens qui vont y habiter. Il n'est pas possible d'habiter au-dessus d'une autoroute, à côté de l'aéroport ! Il faut en outre être pragmatique par rapport à ce qu'impliquent techniquement une couverture ou des tranchées couvertes. Je vous rappelle que cela fait à peu près quatre ans que nous avons des travaux sur l'autoroute de contournement avec des problèmes de sécurité dans les tunnels où vous devez avoir des sorties de secours tous les 300 mètres. Imaginer une couverture, c'est très bien, mais, du moment où vous allez couvrir ce secteur, grosso modo depuis le Vengeron jusqu'à l'aéroport, vous devrez forcément avoir des sorties de secours et des voies de sortie. Le coût va être absolument faramineux et c'est complètement inutile.
Je demande juste un certain bon sens. J'ai été relativement modéré lors de ma présentation de ce rapport en vous invitant à aller regarder les annexes et à porter un regard critique sur ce projet, mais on ne peut pas envoyer un signal clair au Conseil d'Etat pour demander cette couverture alors que ni les coûts ni la faisabilité n'ont été établis. Imaginez simplement l'impact sur la circulation dans toute la zone de l'aéroport et ce que vont engendrer les travaux de couverture d'une autoroute élargie à plusieurs voies et avec des sorties de secours. Vous aurez cinq à six ans de cauchemar pour toute la population genevoise ! En vertu des arguments développés en plus du rapport, je vous demande de refuser cette motion.
M. François Lefort (Ve). Vous transmettrez au rapporteur de majorité, qui se croit malin en se gaussant des Verts qui voudraient faire du logement sur l'autoroute, qu'on pourrait par contre y mettre des stades de football ! Là, il y aurait de la place ! On peut y installer des pôles d'échange, des voies de communication douce. On peut y faire des parkings à vélo, mais, surtout, les stades me plairaient beaucoup. Ces stades que vous pensez avoir votés avec le projet de modification de zone, en oubliant que le crédit d'investissement n'a pas encore été voté ! D'ici là, il peut encore se passer certaines choses !
M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de minorité. Monsieur le président, je voulais juste rassurer M. Hiltpold: personne ne suggère ici de couler dans le béton toute la distance allant de l'entrée de l'autoroute jusqu'à sa sortie ! Il s'agit bien d'envisager le périmètre ou les secteurs qui pourraient être couverts ou non, suivant l'étude. Il ne s'agit absolument pas de faire une tranchée couverte de dix kilomètres ! De plus, personne n'a osé émettre l'idée que cette couverture pourrait servir à construire des logements. Personne dans cette salle n'est totalement masochiste ! En revanche, on pourrait profiter de la construction de la troisième voie autoroutière pour envisager de couvrir partiellement cette zone, par exemple avec des parkings, à la faveur de ces travaux et donc en économisant de l'argent. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Là, je n'offusque pas les Verts ! Pourquoi ? Parce qu'il y a besoin de parkings à cet endroit et que si on veut éviter de la circulation en ville, il vaut mieux la déplacer à l'extérieur, quand c'est possible et que ça n'occupe pas des surfaces inutilement. En plus, cet endroit sera un noeud de transports avec le futur tram qui ira au Grand-Saconnex. Ça peut donc représenter un usage idéal pour ces surfaces...
Le président. C'est terminé, Monsieur le rapporteur.
M. Guy Mettan. ...raison pour laquelle il faut voter le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le projet est intéressant, l'intention est louable, mais tout ça se heurte à la réalité opérationnelle. On a l'impression qu'on débarque en terrain totalement vierge - c'est une mauvaise image - s'agissant des études. Or, celles-ci sont en cours depuis des lustres, notamment pour la création de la troisième voie et pour la jonction avec la route des Nations. On s'apprête pratiquement à ouvrir le chantier et à bouleverser tout le secteur. Cette motion arrive vraiment extrêmement tard du point de vue du timing opérationnel, et le canton de Genève ne gagnerait certainement pas en crédibilité - pardonnez-moi de manier l'euphémisme - en venant brandir une motion de cet acabit à Berne, à l'Office fédéral des routes. Nous aurions quelques problèmes de crédibilité après avoir participé à des études extrêmement avancées dans ce domaine. C'est le premier aspect.
Le deuxième aspect est qu'on se demande, semble-t-il, ce qu'on pourrait mettre sur cette couverture. Pas des logements: on est bien d'accord qu'il y a des problèmes de sécurité ou autres ! Lors du débat sur le Pré-du-Stand, j'ai cru comprendre qu'on estimait qu'on était déjà trop près de l'aéroport pour y installer des terrains de football et y faire évoluer des joueurs sur du gazon. J'imagine qu'à cet emplacement, ça risque d'être encore un peu plus compliqué. S'agissant des développements que l'aéroport envisage - parce qu'il faut effectivement moderniser l'infrastructure - les réflexions actuelles sont là aussi extrêmement avancées et il n'est pas envisagé de déborder sur l'autoroute pour des raisons d'organisation du terminal: on privilégie une autre solution tout simplement parce qu'elle est la meilleure pour le fonctionnement d'un terminal.
Cette motion n'a donc objectivement pas d'utilité évidente à ce jour - en apparence en tout cas. Il y a surtout des questions opérationnelles qui, si votre parlement décidait de l'adopter, nous mettraient dans un certain embarras, en particulier dans nos relations avec la Confédération. Je vous invite donc à ne pas suivre la volonté ou le souhait des motionnaires et à ne pas la renvoyer au Conseil d'Etat.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat, et fais voter sur l'acceptation de cette proposition de motion.
Mise aux voix, la motion 2430 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 38 oui contre 33 non et 15 abstentions.