République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2405-A
Rapport de la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Boris Calame, François Lefort, Jean-Michel Bugnion, Sarah Klopmann, Sophie Forster Carbonnier, Yves de Matteis, Frédérique Perler, Delphine Klopfenstein Broggini, Christian Decorvet pour que la part des bénéfices des Services industriels de Genève, dévolue aux collectivités publiques propriétaires, respecte la constitution de la République et canton de Genève et que son utilisation contribue à la limitation du réchauffement climatique
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XIII des 22 et 23 mars 2018.
Rapport de majorité de M. Bernhard Riedweg (UDC)
Rapport de minorité de M. Boris Calame (Ve)

Débat

Le président. Nous reprenons l'ordre du jour et abordons la M 2405-A en catégorie II, quarante minutes. Le rapporteur de majorité est remplacé par M. Falquet, le rapporteur de minorité par M. Eckert. (Un instant s'écoule.) Y a-t-il quelqu'un qui veut prendre la parole ? (Remarque.) Merci. Monsieur Falquet, je vous passe la parole.

M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, je remplace M. Bernhard Riedweg, rédacteur du rapport, qui nous suit normalement, s'il a eu la patience d'écouter nos débats jusqu'ici. M. Riedweg savoure sa retraite et m'a suggéré de faire passer un petit message à propos de la Fête des Vignerons... (Rires. L'orateur rit.) ...pour rappeler - c'est important - que la journée genevoise aura lieu le 19 juillet. Genève sera le premier des cantons suisses à être honoré à la Fête des Vignerons. Merci, Bernhard, pour cette proposition !

Cette motion du groupe des Verts propose que le bénéfice des SIG, réparti actuellement entre les collectivités publiques, soit affecté au financement de la lutte contre le réchauffement climatique - vaste programme - à l'assainissement énergétique des bâtiments et à la production d'énergie renouvelable. Ce texte, qui semble tout à fait louable, a quand même fait l'objet d'un refus de la majorité de la commission de l'énergie. Pourquoi ? Déjà, le bénéfice des SIG, qui ont le monopole sur la vente de l'électricité, de l'eau et du gaz et sur la gestion des déchets, pourrait être régulé chaque année, ce qui risque d'être difficile. En plus, il faut relever qu'un projet de loi - de M. Sormanni, je pense - qui se trouve en commission prévoit de laisser 50% du bénéfice des SIG à eux-mêmes, notamment pour qu'ils puissent assainir leur dette, qui se monte aujourd'hui à 700 millions de francs. Il faudrait peut-être en effet que les SIG assainissent leur dette, et donc leur laisser de l'argent dans ce but.

Les SIG aimeraient par ailleurs investir dans des infrastructures. Il faut savoir qu'en 2018, ils ont investi 230 millions de francs. Ces investissements se font justement dans le domaine de la réduction de la consommation d'énergie et le développement d'énergies alternatives. Les SIG sont les mieux placés pour gérer cette question des énergies renouvelables. De plus, d'autres investissements vont arriver dans le futur, à commencer par les Cheneviers IV, l'enterrement de la ligne à haute tension de l'aéroport et le chauffage à distance, ainsi que le PôleBio, qui sont déjà des projets de développement durable. La part de bénéfice des SIG risque donc fortement de diminuer; on ne va pas contraindre les actionnaires, soit l'Etat et les communes, à utiliser l'argent dans le sens des motionnaires. Je reprendrai la parole plus tard.

M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de minorité ad interim. J'ai décidé de changer un peu mon propos par rapport au rapport de minorité, en fonction des travaux réalisés dans la commission de l'énergie.

Cette motion a été déposée en juin 2017, car les travaux en commission sur le PL 11471 - «Attribution de la moitié du bénéfice des SIG à leurs propriétaires, l'Etat et les communes», qui vient d'être mentionné par le rapporteur de majorité - ont pris passablement de retard, notamment après un retrait puis un nouveau dépôt. Ce projet de loi était destiné à régler l'attribution du bénéfice des SIG et à supprimer la rétribution sur le capital de dotation. Il demandait également qu'en principe, les collectivités publiques propriétaires utilisent au moins l'équivalent de la moitié de la part au résultat de gestion qu'elles perçoivent à des dépenses en lien avec la réduction de la consommation d'énergie, le développement des énergies renouvelables ou la protection de l'environnement. Or, et c'est justement le développement qui a eu lieu à la commission de l'énergie, l'entier de ce projet de loi vient d'y être refusé; ce texte arrivera en plénière dans le courant du printemps, je pense. C'est là l'élément nouveau qui est apparu. On ne peut pas simplement dire, comme on vient de l'entendre, que cette motion sera traitée dans le cadre du projet de loi, puisque celui-ci a été refusé.

La partie financière n'est en conséquence pas réglée, mais, comme je viens de le dire, elle sera discutée lorsque le projet de loi reviendra en plénière. Mais le refus du projet de loi signifie également que le volet de l'utilisation énergétique du bénéfice va disparaître. C'est pourquoi cette proposition de motion conserve tout son sens. Nous l'aurions toutefois retirée en cas d'acceptation du projet de loi précité. La constitution de la République et canton de Genève prévoit en effet, notamment, que «la politique énergétique de l'Etat est fondée sur les principes suivants: [...] la réalisation d'économies d'énergie; le développement prioritaire des énergies renouvelables et indigènes; le respect de l'environnement [...]».

Comme nous le savons toutes et tous, la mise en place de la stratégie énergétique 2050 demandera d'importants investissements aussi bien privés que publics. Nous sommes conscients du fait que les SIG produisent un effort colossal dans cette direction, le canton et les communes également. Mais il faut en faire davantage. Cette motion demande qu'une part des bénéfices redistribués soit affectée à des travaux d'assainissement énergétique, ce qui leur donnera un coup de pouce supplémentaire par rapport aux systèmes de subventionnement déjà existants. Au vu des développements récents en commission, je renonce à demander le retour en commission et vous encourage à voter la motion telle que rédigée.

M. Alberto Velasco (S). Il faut voir le contexte de dépôt de cette proposition de motion. C'était à l'époque où l'Etat avait un déficit de financement. Afin de combler ce déficit, il cherchait des sous un peu partout. Evidemment, s'inspirant de l'aéroport, il s'est demandé: «Pourquoi ne pas prendre la moitié des bénéfices des SIG ?»

Je dirai d'abord, Mesdames et Messieurs, qu'une mission fondamentale est allouée aux entités publiques, celle de fournir de l'énergie à Genève, et de l'énergie, disons, noble, sans dommages pour l'environnement. Deuxième mission: investir afin de produire, justement, des énergies renouvelables. Pour cela, les SIG ont un plan concernant la géothermie qui se chiffre à 2 milliards environ. En même temps, ils ont aujourd'hui une dette de 700 millions. Il serait plus logique que, si bénéfice il y a, ils l'affectent à réduire la dette, à investir dans la géothermie, et, le cas échéant, à réduire le coût des prestations facturées aux citoyens et aux citoyennes. Ça, ce serait la logique. Et, ma foi, si l'Etat de Genève s'est lancé dans des missions d'assainissement des bâtiments, il n'a qu'à les prévoir avec un financement propre: il a pour ce faire la récolte de l'impôt sur les personnes morales et physiques et d'autres sources de financement. Les SIG ne peuvent pas récolter d'impôts, ils ne peuvent avoir comme revenus que ce qu'ils facturent pour ce qu'ils fournissent. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, c'est un peu ridicule... enfin, c'est presque dramatique de devoir détourner une entité publique de sa mission pour simplement amortir le déficit du budget de l'Etat. C'est absolument incroyable !

Je tiens à vous dire en outre que les SIG ont deux fonds financés avec une partie des bénéfices, employés justement pour des projets d'assainissement ou de production énergétique sans préjudice pour l'environnement ou autres.

Je trouve donc que cette proposition de motion ne correspond pas du tout à ce que doivent être en réalité les missions d'une entité publique autonome. Mais plus grave encore - je l'ai dit à plusieurs reprises - faire en sorte qu'une entité publique chargée de fournir des prestations dégage des bénéfices veut dire qu'on parafiscalise les citoyens sous la forme de taxes ou de prix des prestations fournies trop élevés.

Ainsi, la raison pour laquelle nous avons refusé cette motion, ce ne sont pas du tout ses objectifs - nous pouvons être tout à fait d'accord avec les considérants, qui sont très nobles et acceptables - mais c'est surtout l'invite qui, elle, à mon avis, amène un détournement de la mission des SIG. Je préfère que ceux-ci emploient leurs bénéfices, s'il y en a, à financer les projets futurs dont ils auront vraiment besoin. Nous allons donc refuser ce texte.

Mme Claude Bocquet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, la lutte contre le réchauffement climatique est un objectif important. Les collectivités publiques l'ont bien compris, puisqu'elles ont déjà mis en oeuvre de nombreuses dispositions pour assainir leurs bâtiments. Elles bénéficient également des conseils des Services industriels qui les aident dans ce but. Il existe déjà de nombreux fonds qui permettent aux collectivités publiques de mettre en place une politique d'assainissement: le fonds pour le développement des énergies renouvelables et les économies d'énergie, celui pour le développement urbain, le fonds d'équipement ainsi que le fonds d'assainissement. D'ailleurs, l'Association des communes genevoises a voté à l'unanimité contre cette proposition de motion, parce qu'elle estime qu'elle a besoin de souplesse pour pouvoir gérer l'argent des Services industriels qui lui revient. Le système actuel fonctionne bien, il est simple et laisse beaucoup de souplesse aux collectivités publiques. C'est pour ces raisons que le PDC votera contre ce texte.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG refusera aussi cette proposition de motion. D'abord, elle a été étudiée presque simultanément au projet de loi cité tout à l'heure, qui traite justement de la répartition des bénéfices des Services industriels et qui a été repris. Cette motion se concentre sur la volonté d'inciter fortement les communes, s'il y a répartition, à ce que cette nouvelle manne financière soit attribuée à la lutte contre le réchauffement climatique, donc à faire la promotion des énergies renouvelables. Mais il est vrai que créer un nouveau fonds n'est pas très utile: il en existe de nombreux, ma préopinante les a cités, je ne vais pas les redire. Ça ne sert à rien de créer trente-six mille fonds consacrés plus ou moins à la même chose. Les moyens sont suffisants, cela a été dit lors des auditions en commission. Le débat de fond sur la répartition des bénéfices des Services industriels aura lieu lorsque le rapport sur le projet de loi sera traité ici; on aura l'occasion alors d'en parler plus précisément. Pour cet objet, en ce qui nous concerne, nous ne le soutiendrons pas et vous invitons à en faire de même.

M. Alexis Barbey (PLR). Le PLR est, pour une fois, tout à fait d'accord avec M. Velasco, M. Sormanni et Mme Bocquet: ce texte n'est plus d'actualité, parce qu'il demande d'établir de nouveaux fonds pour verser une partie des bénéfices des SIG. Or, que se passe-t-il quand on crée un fonds ? Des frais de gestion surviennent, qui diminuent l'impact que le fonds aurait sur la réussite des opérations. Tout ce qui est perçu à titre de frais de fonctionnement du fonds est retranché du bénéfice des SIG qui serait utilisé par les communes et le canton à travers ce fonds.

De plus, on ne voudrait pas que les SIG risquent de devenir un agent percepteur de l'Etat à travers de l'augmentation des prix de l'électricité et de l'eau. Ce serait là le moyen de faire contribuer les SIG au bien-être du ménage commun, ce qui n'est pas le but de la manoeuvre. C'est pourquoi le PLR s'y refusera. Je vous remercie.

M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de minorité ad interim. Pour recadrer un peu le débat, je redirai qu'on ne parle pas ici de l'attribution financière, qui sera discutée quand le projet de loi précité sera débattu dans ce Conseil. Il faut savoir qu'une part du bénéfice sera bien distribuée, puisque en fait, la LOIDP - la nouvelle loi - permet au Conseil d'Etat, en accord avec les communes, de redistribuer une part du bénéfice. Clairement, si bénéfice il y a, une part en sera redistribuée au canton et aux communes. Nous demandons que cette part soit prioritairement attribuée à des rénovations énergétiques. La motion ne va pas très loin, puisqu'elle parle simplement d'une part du bénéfice à redistribuer et à affecter à certains projets. On n'a pas demandé que l'entier du bénéfice soit redistribué, mais simplement une partie. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je prends sur le temps de mon groupe, Monsieur le président.

Le président. Allez-y !

M. Pierre Eckert. J'aimerais aussi dire que personne n'a parlé d'un nouveau fonds, au contraire de ce que disait M. Sormanni. La proposition de motion demande explicitement que l'on verse l'argent dans un fonds «existant ou à créer»: on pourrait donc très bien le verser dans un fonds existant. Maintenant, est-ce que ça doit passer par un fonds ou pas, je n'en sais rien, c'est à discuter; peut-être que l'on peut faire d'une autre façon cette redistribution au canton et aux communes. Ce que nous ne souhaitons pas, c'est que cet argent soit redistribué aux communes pour leur fonctionnement ordinaire: nous aimerions pouvoir donner ce coup de pouce supplémentaire à la rénovation énergétique. Je m'arrête là et vous remercie.

M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de majorité ad interim. Au même titre que la politique des droits de l'homme, la politique de l'énergie doit devenir transversale: on ne va pas pinailler à chaque fois pour mettre des fonds dans une politique de développement durable. Les communes activent déjà une politique générale en la matière. Il n'est donc pas nécessaire de créer ce qui existe déjà. Par ailleurs, les SIG ont une politique de développement durable visant à réduire la consommation d'énergie: cette proposition de motion, bien que louable, ne nous semble donc pas nécessaire.

On parle toujours d'économies d'énergie, mais j'aimerais parler de la pratique de l'Etat en la matière. En théorie, on est très fort, mais quand on voit la surchauffe des bâtiments de l'Etat, la température qui dépasse de deux à trois degrés les températures normales de travail, quand on voit qu'on chauffe la nuit et le week-end, on se rend compte qu'il y a un gros gaspillage d'énergie. Si on veut faire des économies, il faudrait commencer à éviter le gaspillage au sein de l'Etat, au sein de la Ville de Genève, dans tous les bâtiments surchauffés. (Commentaires.) Les crèches sont chauffées le samedi et le dimanche, alors que ce n'est pas nécessaire ! Il existe des thermostats ! Déjà, ce n'est pas bon pour la santé de surchauffer. On pourrait commencer par montrer l'exemple soi-même au lieu de toujours faire de grandes théories de diminution, de vouloir modifier le climat avec de grosses théories. La consommation genevoise contribue de 0,02% à la consommation globale d'énergie. Si on diminuait de 25% la consommation genevoise, on interviendrait à raison de 0,005% sur la consommation d'énergie. Ce sont les chiffres de M. Bernhard Riedweg - c'est juste pour la petite histoire de Bernhard, qu'on salue au passage. Ce n'est donc pas nécessaire. Montrons l'exemple au niveau de l'Etat, diminuons la température des locaux, déjà. Les gens ne s'inquiètent pas de ça, parce qu'ils ne paient pas, et quand on ne paie pas, on ne s'intéresse pas au problème. Merci beaucoup.

Le président. Merci. Plus personne ne demandant la parole, je lance le vote sur cet objet.

Mise aux voix, la proposition de motion 2405 est rejetée par 59 non contre 24 oui et 2 abstentions.