République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 31 janvier 2019 à 10h
2e législature - 1re année - 8e session - 50e séance
PL 12006-A et objet(s) lié(s)
Suite du premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous en sommes toujours au premier débat concernant le train de projets relatifs à la RFFA et je passe la parole à Mme la députée Françoise Sapin.
Mme Françoise Sapin (MCG). Merci, Monsieur le président. L'avenir de Genève est entre nos mains. Il s'agit de garantir un marché de l'emploi compétitif et une économie forte pour notre canton avec un système de solidarité conséquent en ce qui concerne l'assurance-maladie et la petite enfance. Après plusieurs tentatives de réforme, nous avons enfin un dispositif légal appelé RFFA. C'est l'un des principaux objectifs de cette législature, et nous devons impérativement l'atteindre. Cette réforme est essentielle pour notre canton, puisque pas moins de 22 000 emplois dans les entreprises multinationales - et plus de 60 000 avec les emplois induits - sont concernés. Après de nombreuses séances à la commission fiscale et plusieurs tractations, il a été possible de se mettre d'accord sur un taux de 13,99%. Pour le MCG, ce taux est à un niveau compétitif si l'on tient compte du fait que notre voisin, le canton de Vaud, a mis en place depuis le 1er janvier 2019 un taux de 13,79%. Le MCG est également un ardent partisan des mesures d'accompagnement qui figurent dans le paquet de la RFFA, car elles constituent un atout pour les citoyens de la République et canton de Genève. Parmi ces mesures, il faut citer la création d'une fondation pour soutenir les structures d'accueil de la petite enfance et l'accueil familial de jour... (Brouhaha.)
Le président. Une seconde, Madame la députée ! Monsieur Buchs, est-ce que vous pourriez aller parler dehors ? Je vous remercie. Vous pouvez poursuivre, Madame.
Mme Françoise Sapin. Merci, Monsieur le président. ...or, comme nous le savons, il y a beaucoup à faire pour la petite enfance puisque le canton ne dispose pas de suffisamment de places. Il y aura également une compensation verticale entre le canton et les communes par le biais d'une rétrocession de l'impôt fédéral direct qui sera versée au canton. Cela dit, la plus importante des mesures d'accompagnement consistera en une augmentation massive des subsides d'assurance-maladie à hauteur de 186 millions, comme cela a été relevé à plusieurs reprises. Il s'agit là du PL 12416 qui sera présenté tout à l'heure comme contreprojet à l'IN 170. Il existe enfin une dernière mesure: afin de garantir le succès de cette réforme, un autre projet de loi prévoit de suspendre pour huit ans le frein à l'endettement, puisque les premières années nous connaîtrons probablement une baisse des rentrées fiscales, une baisse momentanée qui renforcera l'économie et la prospérité de notre canton.
Le MCG est très sensible au bien-être des citoyens de notre république et la prospérité économique lui tient à coeur. Notre groupe souhaite également une solidarité forte en matière d'assurance-maladie et de petite enfance. Pour toutes ces raisons, nous soutenons cette réforme et vous demandons d'en faire autant.
M. André Pfeffer (UDC). Plusieurs intervenants ont déjà relevé la nécessité et l'urgence de cette loi. Pour ma part, je vais parler des avantages d'un taux raisonnable et des inconvénients ou impacts des cadeaux ajoutés à cette loi. Une éventuelle imposition non raisonnable et la progression des charges paritaires entraîneront une augmentation des charges de nos entreprises et réduiront de facto leur capacité à investir, à s'adapter et à se développer. Or la richesse est créée par nos entreprises. A Genève, cette richesse - ou produit intérieur brut - se montait à 97 451 F par habitant en 2017. La richesse que nous avons à Genève est la deuxième plus élevée du pays, mais il y a d'autres indicateurs qui sont moins réjouissants. Le produit intérieur brut par habitant n'a progressé que de 0,35% de 2016 à 2017. Cette progression est même inférieure à l'inflation. Pour cette période, l'augmentation du nombre d'habitants à Genève était supérieure à 0,35%, et le nombre de postes de travail a lui aussi connu une hausse de plus de 0,35%. Cette évolution montre clairement que la richesse par habitant stagne, ou plutôt diminue. La richesse par habitant diminue certes légèrement, mais elle diminue bel et bien. Pour donner une image, il y a de plus en plus de personnes à table à Genève, mais les Genevoises et les Genevois ont une assiette de moins en moins remplie.
La deuxième inquiétude vient du fait que le pouvoir d'achat des Genevois est le plus faible du pays. A la fin du mois, les Genevoises et les Genevois ont moins dans leur porte-monnaie que les Appenzellois, les Glaronnais et les habitants de tous les autres cantons. Si cette richesse exceptionnelle est l'oeuvre de nos entreprises, les charges et les prélèvements excessifs que les Genevoises et les Genevois ont chaque mois sont exclusivement dus à notre Etat.
La troisième inquiétude concerne l'absence dans le plan quadriennal de certaines charges énormes, comme celles qui découleront de la réforme de la CPEG, de même que l'absence de la chute des recettes liée à la RFFA. Toutes ces inquiétudes sont surprenantes et démontrent qu'il y a au sein de notre Conseil d'Etat une absence d'analyse, une incohérence en matière de pilotage de notre canton, voire carrément une incompétence. Il est même légitime de se demander si l'équipage de ce Conseil d'Etat peut se passer de son capitaine ou de son premier de cordée. Malgré ces remarques, cette réforme - qui intervient à minuit moins cinq - est nécessaire et vitale. Notre groupe recommande donc quand même l'approbation de cette loi. Merci de votre attention.
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Mesdames les députées, Messieurs les députés, ce train de lois est tout à fait décevant. Je crois que ce parlement n'a pas pris la mesure de l'importance de la concurrence fiscale et n'a pas encore compris que ce qu'il convenait de faire, en réalité, c'était de supprimer l'impôt sur les sociétés. Bien sûr, l'idéal serait de supprimer tous les impôts - et je pense que cette proposition remporterait un certain succès dans cette assemblée - mais malheureusement il faut bien que quelqu'un paie pour que les travailleurs puissent utiliser les routes qui les conduiront à leur bureau, il faut bien que quelqu'un paie pour financer les trains, les bus et les trams qui transporteront les travailleurs vers leur lieu de travail, il faut bien que quelqu'un paie afin que les travailleurs puissent rester en bonne santé pour être présents à leur poste de travail, il faut bien avoir appris à lire et à compter - même quand on est employé au McDonald's - et pour que l'économie genevoise puisse prospérer, il faut des diplômés qui mettent en oeuvre leurs talents pour le bien de nos entreprises. Donc supprimer tous les impôts n'est pas possible, parce que pour financer tout ce qui sert à favoriser nos entreprises, il faut bien trouver de l'argent. Mais il faut arrêter de taxer les entreprises: il faut taxer les personnes physiques, parce que ces dernières n'ont pas la possibilité de partir, surtout si des entreprises viennent à Genève où elles ne paieront plus d'impôts. Oui, les personnes qui voudront travailler ou trouver un emploi seront bien obligées de rester ! Elles n'auront pas la possibilité de partir, sauf peut-être les plus riches. Alors peut-être qu'on pourrait aussi exempter d'impôts les plus riches, puisque si on les taxe ils risquent de partir... Il faut donc taxer les travailleurs, si possible surtout ceux qui sont pieds et poings liés chez leur employeur. Il faut cesser de taxer les entreprises, puisque ce sont elles qui créent de la richesse - j'entends votre discours, Mesdames et Messieurs du PLR - et cesser de taxer les riches, puisque ce sont eux qui, par un effet de dégoulinement, apportent de la richesse dans notre canton.
Mais cesser de taxer les entreprises ne sera qu'une première étape, Mesdames et Messieurs, parce que le problème, si on cesse de taxer les personnes morales, c'est que nos voisins vaudois - qui nous observent - vont avoir la même idée, j'imagine. Du coup, les entreprises que l'on aura attirées à Genève à grands frais risquent de franchir la Versoix et d'aller se réfugier dans le canton de Vaud. Ce n'est donc qu'une première étape ! Le prochain pas consistera probablement à soutenir les entreprises par un impôt négatif. Pourquoi ne pas taxer les travailleurs et soutenir les entreprises en leur versant un impôt négatif ? Par exemple, une entreprise qui ferait un bénéfice d'un million recevrait 1% de ce bénéfice de la part de l'Etat et serait ainsi encouragée à réaliser des bénéfices supplémentaires et à gagner encore plus d'argent... (Remarque.) En effet, tout cet argent sert à créer des emplois et, finalement, ce que veulent les gens, ce sont des emplois. Voilà le bout du raisonnement de la droite, le bout du raisonnement qui nous est imposé aujourd'hui par ce train de mesures.
Pour finir, je tiens à annoncer ma candidature au poste de président de la section genevoise du parti libéral-radical. J'espère qu'avec ce discours, j'aurai mes chances ! (Exclamations.) Il est vrai qu'après l'intervention de M. Hodgers de ce matin, ça va être difficile, la concurrence est rude, mais je crois en moi ! Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole est à M. Jean Batou... qui ne s'annonce pas pour être président !
M. Jean Batou (EAG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Non, je n'annonce pas ma candidature pour la présidence du PLR... Pour en revenir au sujet, j'aimerais juste signaler qu'aujourd'hui le taux d'imposition de 13,99% correspond à celui d'un salarié qui gagne 2100 F par mois. Cela signifie que les salariés qui nous écoutent et qui touchent, par hypothèse, 2100 F par mois - peut-être des femmes, à temps partiel - vont être taxés comme les grandes entreprises de notre canton, avec l'appui du parti socialiste. Ça leur fera chaud au coeur ! Le taux de 16%, que nous appelons de nos voeux, n'est pas grand-chose non plus pour un salarié. En effet, si vous gagnez 3100 F par mois, vous êtes taxé à 16%. Quant à ceux qui touchent 7000 F - soit le salaire médian dans ce canton - ils sont taxés à 25% sur leur revenu. Voilà les chiffres qu'il faut avoir en tête quand on pleure encore et encore s'agissant des impôts dont s'acquittent les entreprises.
Venons-en maintenant à notre proposition, qui consiste donc en une baisse d'impôts à 16% pour la plupart des entreprises et en une hausse modérée... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Le président. Une seconde, Monsieur le député ! Est-ce que je peux demander à ceux qui discutent au fond de la salle de bien vouloir le faire à l'extérieur ? Je vous remercie. Vous pouvez poursuivre, Monsieur Batou.
M. Jean Batou. Merci, Monsieur le président. Regardons ce qui se passera ! Tout le monde nous dit que ce sera une catastrophe et que les entreprises vont s'en aller. Il existe actuellement plus de deux points de différence en matière d'imposition des entreprises entre Genève et le canton de Vaud. Avec le projet du Conseil d'Etat, nous n'aurions plus que deux pour mille de différence, tandis qu'avec notre projet nous maintenons un écart de deux points avec le canton de Vaud. Donc avec un taux de 16%, on maintient le statu quo. En réalité, le canton de Genève fait une opération de dumping fiscal extrêmement massive, et je rends attentifs les socialistes - qui ont soutenu avec nous l'initiative «Zéro pertes» - au fait qu'ils appuient aujourd'hui une opération de dumping fiscal. Il suffit de lire l'étude réalisée par le Crédit suisse sur l'attractivité comparée des entreprises en Suisse, qui a été publiée il y a deux mois seulement: elle explique qu'avec la réforme prévue, les entreprises genevoises vont passer du treizième au quatrième rang du point de vue de l'attractivité des entreprises, laissant loin derrière elles les entreprises vaudoises.
M. Thomas Wenger. Il y a aussi le taux plancher !
M. Jean Batou. Mais taux plancher ou pas, mon cher ami Wenger - vous transmettrez, Monsieur le président - les entreprises genevoises vont faire un bond du point de vue de leur attractivité, et c'est ce qu'on nous vend aujourd'hui sous prétexte d'un sauve-qui-peut pour garder l'emploi. Pourquoi ? Parce que Genève dispose d'organisations internationales et d'un tissu économique très diversifié, c'est un centre de la banque privée et du trading, et il possède des cabinets d'avocats, des assurances et des fiduciaires en grand nombre, une université qui rayonne à l'échelle internationale, des cliniques, des hôpitaux, etc. Il y a un tissu qui fait que le canton de Genève est attractif, et avec le CEVA en plus, il est évident qu'en fixant le taux à 16% - toutes choses étant égales par ailleurs - nous pourrons sans aucun problème défendre les emplois à Genève, même dans le contexte concurrentiel qui est le nôtre. Je voudrais simplement montrer le caractère totalement réaliste de la demande que nous faisons. Nous nous sommes fait intoxiquer par des arguments fallacieux qui ont été produits par la droite et qui ont colonisé le cerveau de mes amis socialistes. Je prierai d'ailleurs les bancs de la droite, comme je l'ai fait pendant la pause, d'arrêter d'applaudir mes amis socialistes quand ils prennent la parole, parce que ça nous fait de la peine pour eux ! (Rires. Commentaires.)
Par ailleurs, pourquoi baisser massivement l'imposition des entreprises alors que celles-ci bénéficient des infrastructures que l'Etat met à leur disposition ? A ce propos le Conseil d'Etat, sous l'égide de M. Dal Busco, a fait un travail remarquable, d'une créativité politique et juridique exceptionnelle, en déposant une série de projets de lois - que nous avons repris à notre compte - qui expliquent à quel point les entreprises profitent de manière prépondérante des infrastructures publiques. Lisez les exposés des motifs, Mesdames et Messieurs les députés ! Le Conseil d'Etat le dit pour la petite enfance, mais aussi pour les transports publics genevois avec un luxe de détails. Je le cite - ça ne m'arrive pas souvent: «[...] les employeurs sont les sujets juridiques à qui profitent plus directement les prestations de transports publics ici en cause, en ce sens que l'effort accru fourni par les transporteurs publics aux heures de pointe profite plus directement aux employeurs [...]». D'où la justification d'une contribution plus forte des employeurs au financement des transports publics. Eh bien soyez assurés qu'Ensemble à Gauche reviendra avec cette excellente proposition devant le Grand Conseil, et si nécessaire devant le peuple. C'est une excellente idée d'expliquer à quel point les entreprises profitent des impôts payés par l'ensemble de la population, en particulier par les salariés et les retraités. Je vais m'arrêter là, en réservant quelques surprises pour une prochaine intervention. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de majorité. Permettez-moi tout d'abord, comme élu PLR, de me réjouir du nombre incroyable de candidats à la présidence de mon parti, qu'on disait à l'abandon... Je ne peux évidemment que me réjouir qu'autant de personnes veuillent le présider ! J'invite d'ailleurs notre collègue Bayenet à faire acte de candidature, nous le recevrons avec plaisir, et je suis sûr que notre cotisation est sacrément plus basse que celle qu'il paie à son parti ! (Exclamation.)
Monsieur le président, si vous le permettez, j'aimerais en revenir au fond du débat et répondre à quelques arguments, invoqués notamment par mon collègue Rossiaud. En l'écoutant - et j'ai essayé de l'écouter le plus convenablement possible - j'ai d'abord cru, lorsqu'il a dit qu'il n'était ni de gauche ni de droite, qu'il avait changé de parti pour adhérer au MCG. J'ai eu un moment de frisson, puis en l'entendant débiter les mêmes scories idéologiques que son collègue Batou, je me suis dit qu'en réalité il quittait les Verts pour Ensemble à Gauche. Dans tous les cas de figure, comme d'autres ici je m'étonne de la position des Verts, sachant que le projet initial émane du conseiller d'Etat Vert David Hiler. Le taux n'était d'ailleurs pas à 13,99%, ni même à 13,79% ou 13,49%: il était à 13%. Mais voilà, le projet d'un conseiller d'Etat Vert n'est tout à coup plus du tout intéressant, et même quand on monte le taux à 13,99%, ça reste toujours inadmissible pour les Verts.
J'ai également entendu de la bouche de M. Rossiaud - vous transmettrez, Monsieur le président - que le vote du PL 12006 entraînerait une catastrophe écologique, un Fukushima fiscal à Genève. Je crois, Mesdames et Messieurs, que ces propos se disqualifient d'eux-mêmes en raison de leur exagération. On ne peut évidemment pas dire que si on vote une baisse d'impôts pour certaines entreprises et une hausse pour les autres - car je rappelle encore une fois que les sociétés à statut vont voir leurs impôts augmenter - cela aura tout à coup des répercussions écologiques catastrophiques. C'est un non-sens, et je n'ai pas entendu un seul argument défendre cette thèse de la part de M. Rossiaud, qui a ensuite indiqué qu'ils avaient des propositions écologiques à formuler. Eh bien on l'a attendu à la commission fiscale, et MM. de Sainte Marie et Wenger l'ont bien dit ! C'est dommage, parce que lors de la précédente législature il y avait des discussions avec les Verts à la commission fiscale. Sa prédécesseure, Mme Sophie Forster Carbonnier, participait quant à elle aux négociations et mettait des propositions sur la table. D'ailleurs, la droite - et moi le premier - a toujours dit à la commission fiscale: «Nous, ce que l'on veut, c'est un taux effectivement attractif pour que ces entreprises et leurs emplois ne quittent pas notre canton. C'est le point le plus important ! Si vous avez des revendications de votre côté, venez et préparons une réforme la plus large possible, y compris du point de vue écologique.» Les commissaires Verts sont-ils venus une seule fois discuter avec nous ? La réponse est non ! Et maintenant M. Rossiaud nous dit que tout était déjà réglé. Non, Monsieur Rossiaud, et vos collègues socialistes peuvent le confirmer, puisque c'est à l'avant-dernière session que nous nous sommes mis d'accord sur le plan final. Vous étiez au courant, vous le saviez, mais vous n'avez pas voulu discuter. Voilà la réalité. Il ne faut pas nous dire maintenant que vous vous opposez à ce projet parce qu'il ne contient rien d'écologique, car vous n'avez rien voulu mettre d'écologique dans cette réforme !
J'aimerais ensuite revenir sur cette volonté à tout crin de se débarrasser des multinationales, parce que, vous l'avez dit - comme M. Batou - vous ne voulez plus de ces multinationales, vous préférez les PME locales. Evidemment, vous n'avez pas cherché à calculer le nombre de PME qu'il faudrait pour remplacer ces sociétés à statut. Eh bien comme je suis bon joueur, j'ai fait le calcul pour vous - vous pourrez le vérifier avec les statistiques. Nous avons dans ce canton 31 000 personnes morales, Mesdames et Messieurs. Sur ces 31 000, 1000 sont des sociétés à statut, lesquelles paient 482 millions d'impôts cantonaux et communaux - je ne parle donc pas de l'IFD - sur un total de 1,4 milliard. Cela signifie que ces sociétés à statut, qui représentent 3% du total des sociétés à Genève, paient 35% du total des impôts communaux et cantonaux genevois. Sur ces 31 000 personnes morales, le canton compte 26 500 PME, lesquelles paient 250 millions d'impôts. Cela veut dire que les PME, qui représentent 85% du total des sociétés, paient 18% - la moitié - de ce que versent les 1000 sociétés à statut que vous voulez voir disparaître. Alors si ces 1000 sociétés disparaissaient, combien de PME - qui paient au total 250 millions - nous faudrait-il pour les remplacer ? J'ai fait le calcul pour vous: 24 500. Autrement dit, il faudrait doubler le nombre des PME qui existent ici pour remplacer ce que paient les 1000 sociétés à statut. Tout le monde aura donc bien compris qui fait des propositions impossibles, qui est irréaliste et qui est utopiste. Ce sont les Verts, Mesdames et Messieurs, qui ont décidé de rejoindre ceux que l'on savait déjà être sur ce terrain, c'est-à-dire «Ensemble très très très très à Gauche».
Je voudrais maintenant répondre à M. Batou qui a dit qu'en commission on n'avait écouté que des experts de droite. Ce n'est pas vrai, Monsieur le président ! On a écouté tous les experts, et malheureusement ils nous donnaient tous raison. On a attendu longtemps un expert de gauche ou d'extrême gauche qui viendrait nous dire le contraire, mais à part M. Batou - que je savais historien et qui est devenu économiste en nous annonçant des récessions - on n'a entendu aucun expert dire autre chose que ce qui est contenu dans les propositions que l'on vous fait ici. Le même M. Batou nous dit qu'il y aura une récession en nous expliquant que la RIE II a été une catastrophe et que cela a coûté de l'argent. J'espère donc qu'il est meilleur en chiffres prémonitoires qu'en chiffres réels, Mesdames et Messieurs, parce qu'en chiffres réels - et là je ne prends que l'IFD - entre 2007 et 2015, donc avec l'introduction de la RIE II, les recettes fiscales des personnes morales ont augmenté de 21% au niveau national, tandis que la population n'a augmenté que de 10%. Il n'y a donc pas eu de pertes, vous mentez, Monsieur le député - vous transmettrez, Monsieur le président - et j'espère que vous serez meilleur avec vos chiffres prémonitoires qu'avec les chiffres réels, qui ne vous donnent raison en rien. Et nous n'avons pas écouté uniquement les experts de droite, mais bien tous les experts, qui nous ont dit exactement la même chose.
S'agissant maintenant du taux de 16%, Mesdames et Messieurs, c'est peut-être le pire ! Pourquoi ? Certes, les sociétés ordinaires imposées à 24,2% seraient toutes contentes ! Personnellement, je dirige une entreprise qui verse 24% d'impôts, et j'en paie. Alors si par hypothèse j'étais imposé à 16%, eh bien je serais très content. Elles le seraient toutes ! En revanche, une bonne partie des sociétés qui paient aujourd'hui 11,6%, voire moins, partiront si elles passent à un taux de 16%. Toutes, je ne sais pas, mais c'est sûr qu'une partie d'entre elles quitteront le canton. Vous allez donc non seulement perdre l'argent des sociétés ordinaires qui paieront moins d'impôts, mais en plus subir le départ de celles qui ne voudront pas rester, puisqu'elles étaient imposées à un taux plus bas. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Le pire du pire, c'est que si au moins le taux se situait à 18%, on pourrait appliquer la déduction des intérêts notionnels comme le fera Zurich, mais on n'y est même pas avec un taux de 16%, on n'a pas le droit de le faire. Par conséquent, 16% est le pire des taux. Mesdames et Messieurs, ce n'est pas une neutralité fiscale, c'est une catastrophe fiscale ! Je vous enjoins donc encore une fois de voter le PL 12006 ainsi que tous les autres projets qui vous sont proposés. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Le Bureau a décidé de clore la liste pour ce premier débat. Voici les noms des quatorze députés encore inscrits - je les cite dans l'ordre: Mme et MM. Bertrand Buchs, Pablo Cruchon, Stéphane Florey, Olivier Baud, André Pfeffer, Thomas Wenger, Romain de Sainte Marie, Christo Ivanov, Jean Burgermeister, Marion Sobanek, Jean Rossiaud, Jean Batou, Marc Fuhrmann et François Baertschi. Je passe maintenant la parole à M. Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Mon propos concernera l'IN 170 et son contreprojet, soit le PL 12416. Le parti démocrate-chrétien va soutenir le contreprojet du Conseil d'Etat à cette initiative. Pourquoi est-ce important et même essentiel ? Lors de la dernière discussion sur la réforme des entreprises, on a vu qu'on n'avait pas réussi à trouver un accord entre les différents partis parce qu'il était clair qu'il fallait une composante sociale; il faut que la population puisse comprendre qu'on va baisser les impôts de certaines entreprises mais qu'elle-même pourra aussi obtenir une compensation sociale. De plus, cette compensation sociale doit être unique ou comprendre deux volets, mais il ne doit pas y avoir une multitude de compensations comme cela avait été proposé dans le cadre du dernier projet qui a été refusé.
Si nous voulons que la votation soit positive en mai - on l'a bien vu dans le canton de Vaud - eh bien il faut une compensation sociale, et le travail qui a été réalisé par M. Apothéloz et le Conseil d'Etat est à saluer, parce que ce qui est proposé est vraiment essentiel. Je rappelle que le système actuel d'assurance-maladie est à bout de souffle, qu'il ne fonctionne plus et qu'on va droit dans le mur. Il n'est plus possible qu'une famille avec deux enfants qui gagne 90 000 F par an utilise 23% de son revenu pour payer les primes d'assurance-maladie. On pourra ensuite discuter de la réforme de l'assurance, mais actuellement il y a une urgence sociale: il faut trouver des aides pour que ces personnes puissent vivre correctement. En effet, si en plus du loyer et des impôts vous consacrez 23% de votre revenu au paiement des primes d'assurance-maladie, je ne vois pas ce qu'il vous reste à la fin du mois pour acheter de la nourriture. Il y a donc une urgence et il est de notre responsabilité de la prendre en compte. Les chiffres qui ont été donnés par M. Apothéloz montrent qu'une grande partie des gens qui ne touchent pas d'aide - et actuellement ce sont ceux qui souffrent le plus de la baisse de leur pouvoir d'achat en raison de l'augmentation des primes d'assurance-maladie - vont bénéficier de ces subventions, ce que je trouve extrêmement positif. Le parti démocrate-chrétien soutiendra donc ce projet, qui permettra de faire passer le reste des propositions concernant la réforme des entreprises, et j'en suis très content. Je vous remercie.
M. Stéphane Florey (UDC). Comme je le disais tout à l'heure avant d'être interrompu, le contreprojet à l'IN 170 n'est pas la bonne solution, et je citais justement les effets pervers d'une telle loi. Faites le calcul: si une personne touche tout à coup un subside, elle ne va pas pouvoir déduire cette somme de ses impôts - car le montant de la prime est, lui, déductible des impôts - puisque c'est une somme qu'elle n'aura pas payée. Or si on part du principe qu'elle pourra déduire moins de frais, elle va potentiellement subir une augmentation d'impôts, parce qu'avec les effets pervers des plafonds et des paliers, elle pourrait se retrouver un palier au-dessus. Elle subirait donc, pour quelques dizaines de francs, une très forte augmentation d'impôts, due à une hausse de son taux. Voilà le danger de cette proposition ! Car finalement pousser les personnes à l'aide sociale n'est pas la bonne solution, et c'est pour cette raison que l'UDC avait proposé comme contreprojet son PL 12166, qui prévoit une augmentation de la déduction des primes d'assurance-maladie. C'est une vraie solution, puisqu'elle est beaucoup plus équitable et qu'elle concerne un plus grand nombre de personnes. Et en réalité il y a une certaine logique ! En effet, on propose via cette réforme une baisse d'impôts pour les entreprises, donc il faut bien évidemment proposer également une baisse d'impôts pour les particuliers, afin de leur faire comprendre - comme l'a fait le canton du Valais très justement - qu'on accorde certes une baisse fiscale aux entreprises, mais qu'ils vont eux aussi en obtenir une. C'est donc, d'un point de vue légal, un traitement totalement égalitaire entre entreprises et particuliers. Je le répète, le problème de ce contreprojet est qu'il va pousser 80 000 personnes supplémentaires à l'aide sociale et du même coup faire exploser la facture en matière de subsides.
J'aimerais maintenant dire deux mots sur le PL 12009 concernant les structures d'accueil de la petite enfance. Le problème de ce projet de loi, c'est que les entreprises qui ne font pas de bénéfice - et elles représentent une majorité du tissu économique de notre canton - à savoir les PME, vont se retrouver avec un impôt supplémentaire de 0,07%, alors que globalement elles ne sont pas concernées par la réforme. On leur dit que le taux auquel elles seront imposées va baisser. En théorie oui, puisqu'elles sont imposées aujourd'hui à 24% et que demain elles le seront à 13,99%. Mais en réalité c'est faux ! Elles n'auront rien du tout, parce que par essence les PME font très peu, voire pas du tout de bénéfice. Donc qu'on fixe le taux à 13%, à 13,99% ou même à 16%, comme le voudrait Ensemble à Gauche, ne change absolument rien pour les PME. Le fait est qu'elles vont se retrouver avec une charge supplémentaire de 0,07%, qui aura un effet néfaste sur l'économie en général, puisque toute introduction de nouvelle taxe a pour effet d'augmenter fortement le coût du travail. Vous allez donc simplement décourager les entreprises de se développer et d'engager potentiellement de nouveaux collaborateurs. On l'a très bien vu, il faut s'en souvenir, lorsqu'une augmentation des allocations familiales a été votée, et ce notamment en Argovie, canton qui payait le moins d'allocations familiales. Les patrons ont annoncé que s'ils devaient financer davantage les allocations familiales, eh bien ils allaient arrêter d'engager pendant un certain nombre d'années pour compenser. C'est exactement ce qui s'est passé à l'époque, et le canton d'Argovie a vu son taux de chômage fortement augmenter en raison du frein à l'engagement. Ce qui risque donc d'arriver avec ce projet de loi, c'est que les petites entreprises agissent de la même manière, puisqu'elles se trouvent aujourd'hui dans une situation qui n'est pas idéale. Elles risquent de dire qu'elles vont arrêter d'engager pour compenser et attendre de voir comment les choses se passent. Or si les PME n'engagent plus, le taux de chômage va au minimum stagner, voire augmenter. C'est pour ces raisons que l'UDC vous recommande de refuser également le PL 12009. En conclusion, je vous rappelle que nous voterons le PL 12006 et que nous refuserons tous les autres textes, y compris l'IN 170 et son contreprojet, et nous vous invitons à faire de même. Je vous remercie.
M. Olivier Baud (EAG), député suppléant. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, on parle ici assez peu du manque à gagner que ces projets de lois imposeraient. Le «Tages-Anzeiger» titrait la semaine passée: «Genève doit-elle aller chez le psychiatre ? Non, seulement Maudet.» Personnellement, je n'en suis pas si sûr. Il me semble qu'une forme de schizophrénie guette le Conseil d'Etat et ce parlement quand ils s'apprêtent à amputer les revenus du canton de centaines de millions en feignant de croire que cela aura des incidences négligeables. J'aimerais d'abord rappeler que ce parlement a voté à la quasi-unanimité, il y a une semaine à peine, l'initiative 167 «Pour une politique culturelle cohérente à Genève», texte qui modifie la constitution genevoise et donne entre autres l'obligation au canton et aux communes d'élaborer et de mettre en oeuvre une stratégie de cofinancement pour la création artistique et les institutions culturelles. Or cette coordination et ce cofinancement, qui seront donc inscrits dans la constitution, aussi indispensables soient-ils, ne produiront pas les effets escomptés par les milieux culturels et ne répondront pas aux attentes des différents publics si les financements ne sont pas assurés. Où sera la cohérence voulue si les projets tels que la Nouvelle Comédie, la réouverture du Grand Théâtre, la future Cité de la musique, le Pavillon de la danse, etc., doivent rester en stand-by - au mieux - faute de recevoir les moyens nécessaires ? Genève affiche des ambitions culturelles légitimes, et tant mieux. Mais rien de concret n'aboutira si notre canton continue à traiter la culture - qui n'est de loin pas la politique la plus coûteuse - comme une portion négligeable, avec une négligence coupable. Voilà pour la culture.
Et que dire de la politique de la formation, Mesdames et Messieurs les députés, qui est, elle, la plus importante ? Cela fait des lustres que les moyens pour l'école font défaut budget après budget et que le bricolage est en quelque sorte devenu la norme à chaque rentrée scolaire, mais là aussi, feindre que l'essentiel est préservé, en évitant de prononcer le mot «bricolage», ne permet plus de cacher la réalité, celle qui voit les dégradations de la formation s'accumuler. D'ailleurs, la cheffe du département le rappelait récemment - je cite: «Genève est le parent pauvre de l'enseignement primaire en comparaison avec les autres cantons. Renforcer les moyens dans cet ordre d'enseignement est l'une des priorités du DIP.» Voilà pour les déclarations, qui sont récurrentes. Elles pourront être répétées demain, ad nauseam. Viser une école plus inclusive restera un voeu pieux. Le 11 mars 2012, le peuple votait le mercredi matin d'école. A ce jour, en 2019, soit sept ans plus tard, l'introduction du nouvel horaire n'est toujours pas mise en oeuvre complètement. Je donne souvent cet exemple, c'est vrai, car il est criant. En effet, la raison pour laquelle tous les élèves du canton ne sont pas logés à la même enseigne est très simple: nous n'avons pas les moyens de financer les postes d'enseignants. Sinon, quelle autre barrière y aurait-il ?
D'aucuns ici affirment que cette réforme serait la moins mauvaise possible, mais elle est très mauvaise, terriblement mauvaise. Il est en effet particulièrement inconséquent de pleurnicher toute la journée en raison de la dette du canton - qui risque effectivement de devenir une réelle préoccupation si ces projets de lois sont votés - et de décider in fine de sacrifier des projets indispensables pour Genève en renonçant à des centaines de millions de rentrées fiscales. Les prestations à la population seront encore davantage réduites à cause de ces moyens en moins - on ne le lui dit pas assez - les services publics rameront toujours plus, etc. Ainsi, prétendre que cette fuite en avant, que ce chaos programmé n'est pas délétère pour la population de notre canton est irresponsable, Mesdames et Messieurs les députés. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC). J'interviens cette fois pour parler du PL 12007, qui prévoit une modification temporaire du frein au déficit. Le groupe UDC se demande s'il est raisonnable d'assouplir à nouveau ce frein au déficit. A Genève, nous en sommes au xième frein à l'endettement ou au déficit. Il y a chaque fois une loi, cela représente une nouvelle charge pour l'administration - avec probablement comme conséquence l'engagement d'un ou de plusieurs collaborateurs - et pour finir, dès que le frein au déficit serait utile, Genève change les règles et recommence le cycle. Il est donc légitime de se poser cette question, d'autant qu'il existe certains doutes au sujet des évaluations des coûts liés aux prélèvements paritaires - y compris le prélèvement fédéral lié à l'AVS - de l'estimation concernant la petite enfance, etc. Bref, s'il n'est aujourd'hui pas possible de dire précisément à combien se montera la facture, ni à quelle date elle viendra, il est par contre certain que les Genevoises et les Genevois en paieront la totalité. En effet, l'augmentation du déficit ou de la dette n'est rien d'autre qu'un impôt différé. De plus, le groupe UDC s'inquiète de la constante et perpétuelle dégradation. Le projet RFFA représente une importante baisse de nos recettes fiscales. Ce sacrifice est évidemment nécessaire pour ne pas saboter notre économie, mais il s'agit tout de même d'une baisse de recettes. A cela s'ajoutent trois nouvelles déductions paritaires sur les fiches de salaire des Genevoises et des Genevois, plus l'augmentation de la dette, plus des hausses de la valeur locative, plus des augmentations qui viendront de l'estimation fiscale des biens immobiliers, cela couplé au taux sur la fortune le plus élevé du pays, etc. Le groupe UDC se demande donc dans quelle direction va notre république. Il existe une quantité d'inquiétudes, et des inquiétudes surprenantes. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous pensons qu'il y a au sein de notre Conseil d'Etat une absence d'analyse, une incohérence en matière de pilotage, voire une incompétence. Et, encore une fois, il est légitime de se demander si l'équipage de ce Conseil d'Etat peut se passer de son capitaine ou de son premier de cordée. (Remarque.) En conclusion, le groupe UDC soutiendra le PL 12006 et refusera tous les autres textes. Merci de votre attention.
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de première minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, j'aimerais revenir brièvement sur le volet fiscal - je parlerai ensuite du volet social - et peut-être juste répondre au collègue d'Ensemble à Gauche qui siège avec moi à la commission fiscale et qui a dit que Genève deviendrait le quatrième canton le plus compétitif en termes de fiscalité des entreprises. Eh bien il nous enfume un petit peu, en prenant en plus à témoin une étude du Crédit suisse. Il est du reste curieux d'entendre Ensemble à Gauche prendre à témoin le Crédit suisse... Comprenne qui pourra ! Et il est conscient que c'est de l'enfumage, parce qu'il parle d'un taux frontal - c'est-à-dire le taux que tout le monde entend, à savoir 16%, 13,99%, 13% ou autre - mais il sait très bien qu'il existe également un taux plancher. On part d'un certain taux, mais il y a des allègements fiscaux - on en a aussi beaucoup parlé lors des débats - grâce auxquels les entreprises arrivent à un taux plancher. Et si on prend le tableau de ces taux planchers, on voit qu'en réalité Genève est le deuxième canton le moins compétitif de toute la Suisse. Je vous donne quelques chiffres de taux planchers: à Zurich, le taux se situe à 18,19%, mais avec l'ensemble des allègements fiscaux les entreprises arriveront à un taux plancher de 11,2%; à Zoug, c'est 9,15%; dans le canton de Vaud, le taux sera compris entre 10% et 11%; en Argovie, il se monte à 11,2%; dans le canton de Bâle-Ville, qui est confronté à toute la problématique de la pharma, il s'élève à 11%; dans les Grisons, le taux se situe à 9,78%, dans le canton du Jura, à 10,10%... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Le président. Une seconde, Monsieur le député ! Je prie les personnes qui sont en train de mettre en place un caucus de faire moins de bruit, car on a de la peine à entendre le député qui s'exprime.
M. Stéphane Florey. Il y a votre collègue Wicky ! (Chahut.)
Une voix. Balance !
Une autre voix. Casse-lui la gueule à la récré ! (Exclamations.)
Le président. Merci, Monsieur Florey. Bel esprit ! Je repasse la parole à M. Thomas Wenger.
M. Thomas Wenger. Merci, Monsieur le président. J'espère que, comme au foot, vous tiendrez compte des arrêts de jeu dans le décompte de mon temps de parole ! Le taux minimal est donc compris entre 9% et 11%, et je citerai encore celui du canton de Neuchâtel: 11,26%. A Genève, avec un taux facial négocié à 13,99% - j'ai parlé de taux frontal, mais il s'agit du taux facial, pardon - on arrivera à un taux plancher de 13,49%. Donc non, nous ne sommes pas dans le peloton de tête des cantons les plus attractifs fiscalement.
Arrêtons-nous maintenant sur la réforme sociale, qui est bien entendu extrêmement importante pour le parti socialiste. Je vais vous citer quelques chiffres entendus en commission. Aujourd'hui, une personne sur cinq renonce à des soins pour des questions financières. Une personne sur cinq ! Ce taux, Monsieur le président, s'élève à une personne sur trois quand il s'agit de familles de condition plus modeste. Les familles modestes mais également de la classe moyenne sont étranglées par le paiement des primes d'assurance-maladie, et on a aussi vu dans les chiffres qu'un ménage sur cinq ne dispose pas de moyens financiers nécessaires pour faire face à une dépense de plus de 2500 F. Qu'est-ce que c'est, 2500 F ? C'est la franchise ! Alors que font les gens qui ont des revenus modestes ? Ils prennent des franchises à 2500 F pour payer moins de primes, et comme ils n'arrivent pas à sortir 2500 F s'ils sont malades, ils ne vont pas se faire soigner. Nous nous dirigeons donc vers une totale inégalité de traitement. Comme ma collègue Jocelyne Haller, je crois, l'a dit en commission, notre assurance-maladie - qui à la base devait être une assurance sociale - devient de moins en moins sociale, parce que les gens ne peuvent plus payer ni leurs primes ni leur franchise et qu'ils renoncent du coup à des soins.
Alors que devons-nous faire, nous, au niveau politique ? Nous devons répondre à cette problématique, et nous avons aujourd'hui deux réponses sur la table. La première, c'est l'initiative du parti socialiste soutenue par la gauche, qui vise à plafonner à 10% du revenu les primes d'assurance-maladie pour l'ensemble des ménages et des personnes du canton. Nous vous encourageons à la voter - j'ai rédigé un rapport de minorité à son sujet - c'est très important. Cela dit, cette initiative coûtera 450 millions la première année et près d'un milliard au bout de dix ans - ce sont les chiffres du Conseil d'Etat, qui seront certainement rappelés tout à l'heure. Alors il est bien évident que nous soutiendrons notre initiative, mais nous avons la crainte, avec la majorité actuelle au Grand Conseil, que l'argent qui servirait à financer ces 450 millions - voire un milliard d'ici dix ans - soit pris ailleurs, au détriment d'autres prestations à la population, et je pense que c'est une inquiétude légitime de la gauche.
La deuxième réponse, moins maximaliste, est fournie par le contreprojet, lequel vous sera tout à l'heure expliqué par le conseiller d'Etat Thierry Apothéloz, j'imagine. Grâce à un mécanisme dû à l'accord qui a été trouvé, il prévoit une enveloppe de 186 millions pour aider les familles à revenu modeste, y compris de la classe moyenne. Aujourd'hui, 53 000 personnes reçoivent un subside d'assurance-maladie; avec ce projet, plus de 140 000 personnes pourraient être aidées, et les subsides passeraient de 90 F à 230 F, 250 F, voire un peu plus, en fonction du revenu des personnes concernées, bien entendu.
Je crois qu'on doit maintenant sortir un peu de la politique politicienne et se demander comment on pourra, dès janvier 2020, répondre à cette problématique sociale qui est extrêmement importante pour Genève et pour la population qui nous écoute. Or c'est bien en votant un accord qu'on arrivera à y répondre dès janvier 2020, et non pas en menant une politique totalement maximaliste, que ce soit sur le volet fiscal ou social. Mesdames et Messieurs - j'espère que vous m'accorderez un peu plus de temps, Monsieur le président, vu la coupure de tout à l'heure ! - il faut tenir compte d'un certain principe de réalité, je l'ai dit. Il faut aussi avoir un peu de courage afin de construire deux réformes qui sont extrêmement importantes: une réforme fiscale - car nous n'avons pas le choix s'agissant de la suppression de ces statuts - et une réforme sociale, permettant de répondre aux besoins de la population. Nous devons avoir le courage de mettre fin à ces blocages perpétuels à Genève et pouvoir faire passer des réformes. C'est extrêmement important, et cela pas pour nous, pas pour notre parti, mais pour la population qui nous écoute. Au parti socialiste nous ne voulons pas jouer avec le feu, nous ne voulons pas mener une politique de la terre brûlée, nous ne voulons pas jouer avec les emplois, nous ne voulons pas jouer avec les recettes fiscales, nous ne voulons pas jouer avec les prestations à la population, et c'est pour toutes ces raisons que le parti socialiste acceptera cet accord, parce qu'un tiens vaut mieux que deux tu ne l'auras pas. (Commentaires.)
Une voix. Vous pouvez applaudir, quand même, à droite ! (Rires. Applaudissements. Commentaires.)
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, je pense que dans ce débat il faut quand même rappeler certains éléments concernant la manière dont se passent les négociations, notamment ici en matière de fiscalité. J'ai entendu tout à l'heure le député Olivier Baud dire que cette réforme allait entraîner des centaines de millions de pertes fiscales. Oui, 240 millions pour le canton et les communes la première année, dont 186 juste pour le canton.
Une voix. Et à la fin ?
M. Romain de Sainte Marie. On ne sait malheureusement pas ce qu'il en sera à la fin, c'est vrai. (Remarque.) Mais il est facile de dire que ça entraînera des centaines de millions de pertes fiscales. Ensemble à Gauche préconise un taux de 16% et affirme que l'accord concernant cette réforme est une erreur, puisque seul ce taux de 16% serait convenable. Quoi qu'il en soit, il est déjà bien de voir que le groupe Ensemble à Gauche a accepté de passer d'un taux de 24% à 16% ! Le taux de 16% était celui qui avait été choisi par le parti socialiste comme méthode de travail, l'idée étant de partir de ce 16% et de regarder jusqu'à quel taux on pouvait descendre avec des mesures compensatoires. Malheureusement, dans ce Grand Conseil - je suis désolé pour les bancs de droite ! - nous ne sommes que 41 députés de gauche.
Une voix. De gauche ?
M. Romain de Sainte Marie. Oui, de gauche ! Donc la proposition consistant à fixer le taux à 16% ne passe hélas pas au sein du Grand Conseil. C'est une réalité, la droite n'en veut pas, et d'autres taux ont été suggérés. A titre personnel - et je pense que c'est une vision réaliste - j'estime que le meilleur des taux aurait certainement été compris dans une fourchette allant de 14% à 15%, car cela aurait permis de maintenir une certaine attractivité et de ne pas faire fuir des entreprises. En effet, avec un taux de 16% - il faut être honnête - certaines sociétés auxiliaires partiraient, ce qui entraînerait des pertes fiscales et des diminutions d'emplois.
Cette situation me fait un peu penser au dilemme du prisonnier. Vu que le taux de 16% n'obtient pas de majorité au sein du parlement et ne passe donc pas, il s'agit de savoir si on souhaite la politique du pire, du point de vue de la gauche. Pour le parti socialiste, cela aurait été le projet initialement proposé par le Conseil d'Etat, qui a même été péjoré par la droite en commission avec un amendement portant le taux à 13,29%. Voilà le pire scénario. D'un autre côté, on aurait pu avoir la meilleure option, avec un taux de 14,5% ou 15%, mais nous n'avions pas de majorité pour la faire passer. Donc si on reste dans la position purement idéologique, prônée là par Ensemble à Gauche, consistant à dire que c'est 16% ou rien, on est alors confronté - et c'est la raison pour laquelle j'ai fait référence au dilemme du prisonnier - au fait qu'il existe une chance sur deux pour que finalement ce soit la pire des réformes qui l'emporte, la plus coûteuse: plus de 400 millions de francs de pertes, et donc des coupes drastiques dans les prestations publiques. Il y a enfin la solution médiane: ce n'est pas la pire des propositions, avec un taux de 13,29% ou 13,49%, ce n'est pas non plus celle qui peut apparaître comme la meilleure des solutions pour la gauche, avec un taux de 14,5%, 15%, voire 16% - bien que le taux de 16% soit difficilement réaliste. Non, c'est la solution médiane, avec une réforme qui, c'est vrai, est maîtrisée. Encore une fois, ce n'est pas la meilleure des réformes, mais c'est celle qui permet de diminuer les pertes fiscales en les cadrant. Et ça, Mesdames et Messieurs - je m'adresse surtout aux députés d'Ensemble à Gauche, mais aussi des Verts - j'aimerais que vous puissiez l'entendre, parce que le parti socialiste, aujourd'hui, ne fait que prendre ses responsabilités envers les Genevoises et les Genevois: il s'agit de cadrer la réforme et de ne pas jouer avec le feu, c'est-à-dire de ne pas jouer à pile ou face en votation populaire en pensant que soit la pire solution l'emportera, soit on cherchera ensuite à négocier une nouvelle réforme. Non, c'est une réforme qui est maîtrisée.
Mesdames et Messieurs, j'aimerais maintenant revenir sur certains points. M. Bayenet a indiqué tout à l'heure qu'il s'agissait d'une suppression de l'impôt sur les sociétés. On a fait preuve d'honnêteté intellectuelle durant les débats en commission, il faut donc qu'on fasse de même en plénière, on ne peut pas raconter n'importe quoi ! Il ne s'agit pas d'une suppression, mais d'une augmentation pour les sociétés auxiliaires - cela concerne principalement des multinationales étrangères - et d'une diminution pour les sociétés suisses, et tout l'enjeu de cette réforme consiste finalement à trouver un chiffre entre les deux taux actuels - soit 11% pour les sociétés auxiliaires et 24% pour les sociétés suisses - qui permette de maintenir les emplois des sociétés auxiliaires et de maîtriser les pertes fiscales que cela pourrait occasionner. Il est donc faux de parler d'une suppression de l'impôt sur les sociétés, et on ne peut pas mentionner de telles aberrations lors d'un débat au Grand Conseil.
J'aimerais encore revenir sur certains éléments qui doivent à mon sens être rectifiés. M. Florey - vous transmettrez, Monsieur le président - a pris deux fois la parole pour critiquer la question du frein à l'endettement et la mesure qui a été trouvée, mais il faut préciser que c'est du frein au déficit qu'on parle là. Je pense que cette rectification est importante, parce que nous sommes quand même écoutés dans ce Grand Conseil ! On ne peut pas mener un débat qui s'apparente à une discussion de comptoir; les éléments doivent être clairs et précis. Et pour ce qui est de la suspension du frein au déficit dont on parle, il s'agit en réalité d'un déplafonnement. Initialement, la proposition consistait en un déplafonnement pendant cinq ans, mais en commission fiscale nous sommes parvenus à de véritables avancées pour mettre des garde-fous par rapport aux pertes que pourrait engendrer cette réforme et nous avons réussi à l'étaler sur huit ans afin de maîtriser cette réforme et de faire en sorte de la cadrer. Le déplafonnement est ensuite dégressif, mais avec une pente particulièrement faible, ce qui permet encore une fois de prendre toutes les mesures pour encadrer cette réforme.
Pour terminer, je vais juste rebondir sur les propos de M. Batou - vous transmettrez, Monsieur le président. Je suis entièrement d'accord avec lui s'agissant du rôle des infrastructures dans l'attractivité économique, et j'ai toujours défendu ce principe, car il est essentiel. D'ailleurs, dans le cadre de cette réforme on cherche justement à préserver ces infrastructures et surtout leur financement. Cela dit, ça me fait quand même un peu sourire d'entendre que le CEVA maintiendra l'attractivité si l'on fixe le taux à 16%: je ne sais pas si le CEVA - même si c'est une excellente chose - garantira l'attractivité pour les sociétés multinationales étrangères ! Non, aujourd'hui nous voulons garantir le financement des infrastructures, et nous savons combien nous perdrons avec cette réforme. En revanche, si nous la refusons, les pertes et les difficultés à financer les prestations publiques risquent d'être bien plus élevées, c'est pourquoi celles et ceux qui voteront non mettront en péril le financement des prestations à la population.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Finalement, le débat que nous menons aujourd'hui oppose pragmatisme et dogmatisme. J'ai été frappé par certains propos de notre collègue Jean Batou - que je qualifierais de dogmatique, et le mot est faible - qui a invoqué une fois de plus comme argument une baisse des prestations sociales en cas de vote de ces lois. C'est toujours le même laïus, la même litanie, mais, Monsieur Batou - vous lui transmettrez, Monsieur le président - quelles prestations vont être supprimées ? Quelle baisse de prestations y aura-t-il ? Apportez pour une fois des preuves, la vérité des chiffres ! Vous verrez bien - et nous le savons d'ores et déjà - qu'il n'y aura aucune baisse de prestations. C'est un mensonge évident. Lorsqu'on voit que dans le cadre du dernier budget, 210 millions ont été attribués au domaine social, dont l'IMAD, sans compter l'augmentation des postes dans la fonction publique, et j'en passe...
Cette réforme prévoit donc un manco de 186 millions dans les caisses de l'Etat.
Une voix. Pour la première année !
M. Christo Ivanov. Par ailleurs, le frein au déficit est suspendu pour huit ans - initialement, il devait l'être pour cinq ans - afin de lisser les effets des nouvelles lois. Cela dit, chaque fois qu'il y a eu une baisse d'impôts, on a constaté une augmentation des recettes de l'Etat, même supérieure à 20%.
L'UDC acceptera du bout des lèvres le taux de 13,99%. En effet, David Hiler parlait d'un taux de 13%, et nous sommes ensuite passés à 13,49%, puis à 13,79%, pour finir à 13,99%. Je précise qu'il convient aussi d'ajouter la taxe professionnelle payée en sus des impôts par les entreprises genevoises - nous sommes d'ailleurs, je crois, le dernier canton suisse à la faire encore payer. Le canton de Vaud a fixé son taux à 13,79%, Fribourg à 13,72%, Bâle-Ville à 13%, Zoug à 12%, Lucerne à 12,3%, et j'en passe. Le Tessin est le seul canton suisse à avoir un taux d'imposition supérieur - auquel s'ajoute son taux plancher - à celui du canton de Genève. Nous voyons donc bien que cette réforme, qui est nécessaire pour les entreprises, est en quelque sorte une réforme a minima, et pour toutes ces raisons l'UDC aurait souhaité que le taux soit bien inférieur à celui qui sera voté ce soir. Mais comme il y a eu un compromis et que nous avons l'habitude de toujours faire ce que nous disons, nous voterons ce texte.
Le vote sur ce projet de loi est donc capital pour Genève: il permettra d'apporter aux entreprises de la visibilité, de la stabilité et surtout de la sécurité. Quand vous avez une entreprise - et j'en ai une, je sais ce que c'est - il est extrêmement difficile de prévoir l'avenir; cela va par conséquent tranquilliser un certain nombre d'entreprises, spécialement les multinationales, car elles effectuent des prévisions sur trois ou cinq ans. L'emploi et bien sûr indirectement le chômage sont également concernés. Vous l'aurez compris, le taux de 13,99% est donc la pierre angulaire de cette réforme mais, quoi qu'il arrive, le peuple genevois - qui est souverain - aura le dernier mot en mai prochain. En attendant, je le répète, il est capital de voter ce taux. Il s'agit d'un combat pour conserver les emplois dans notre canton, lutter contre le chômage et maintenir un grand dynamisme pour l'économie genevoise et régionale.
Monsieur le président, j'ai omis de le faire tout à l'heure, alors en tant que président de la commission fiscale je voudrais remercier également le secrétariat général du Grand Conseil pour toute l'aide qu'il nous a apportée au cours de nos travaux, avec une mention spéciale pour Mme Tina Rodriguez et M. Lionel Rudaz.
Comme j'ai la parole, Monsieur le président, et que je suis rapporteur de minorité sur la M 2502, j'aimerais maintenant m'exprimer sur cet objet. Avec cette réforme, les pertes fiscales pour les communes genevoises se monteraient à environ 46,1 millions de francs. La minorité de la commission est donc inquiète, car elle craint une hausse des impôts dans les communes, c'est-à-dire une hausse des centimes additionnels. Cette motion propose par conséquent les deux invites suivantes: «à négocier et signer avec les communes un accord pour que ces dernières garantissent à la population qu'elles n'augmenteront pas leur centime additionnel pendant les cinq années suivant l'entrée en vigueur du PF17; à refuser systématiquement de valider l'augmentation du centime additionnel des communes durant cette période». Pour conclure, Mesdames et Messieurs, la minorité de la commission fiscale vous demande donc d'accepter la M 2502. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Laissez votre micro à la verticale, il vous sera ainsi d'un long et bon usage ! Je passe maintenant la parole à M. Jean Burgermeister.
M. Jean Burgermeister (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Le parti socialiste essaie de nous convaincre qu'il s'agit d'un bon compromis pour la gauche, mais il a un peu de difficulté à le faire, il faut bien le dire. On a entendu le député Romain de Sainte Marie nous parler d'une solution médiane, mais si je ne m'abuse, la médiane entre 13,79% et 16%, ce n'est pas exactement 13,99%... On a également entendu un autre député socialiste - il fallait se pincer pour le croire - se plaindre de la charge fiscale extraordinairement lourde qui pèserait sur les entreprises si un taux de 16% était appliqué. Il faut pourtant rappeler qu'il s'agirait là d'un taux d'imposition extrêmement compétitif à l'échelle internationale ! Du reste, contrairement à ce qui a été dit, j'aimerais préciser que nous ne sommes pas dogmatiques et que nous sommes tout à fait disposés à entrer en matière... (Exclamations.) ...sur la proposition de M. Zweifel concernant un taux d'imposition de 18% ! (Commentaires.) Cela dit, il faut bien constater que les entreprises bénéficient de la qualité des infrastructures publiques, il est donc normal qu'elles participent aussi à leur financement.
Je voudrais encore rappeler au parti socialiste qu'il a lancé, avec les Verts, Ensemble à Gauche et l'ensemble des syndicats, l'initiative «Zéro pertes» avant les élections. Il s'agissait d'un engagement pris devant le peuple de défendre une réforme fiscalement neutre, mais visiblement les élections sont passées et les promesses se sont envolées. Le parti socialiste a également rejoint le référendum contre la RFFA nationale, encore une fois avec les Verts et Ensemble à Gauche. Si nous avons lancé ce référendum, c'est parce que nous considérons que la contrepartie sociale ne peut pas masquer le fond du projet, à savoir des cadeaux fiscaux en or massif pour les plus grandes entreprises. Mais la RFFA cantonale est peut-être pire encore que la réforme nationale, car la prétendue contrepartie est en réalité un contreprojet à une initiative là encore lancée notamment par le parti socialiste à la veille des élections. Pire, rien n'est prévu s'agissant du financement; c'est uniquement la dette qui le permettra. Or il y a un argument en faveur de la RFFA que je n'entends plus beaucoup, alors même que le gouvernement ne cessait de le rappeler au début de la législature, c'est l'idée que les centaines de millions de pertes fiscales seront résorbées en cinq ans - il semblerait que ce soit maintenant huit ans - grâce à la croissance économique, même si en réalité rien ne permet de l'affirmer. Les déclarations du Conseil d'Etat ressemblent de plus en plus à des prédictions lues dans le marc du café, car rien ne permet de prévoir une telle évolution. Nous savons que le projet engendrera des centaines de millions de pertes fiscales les premières années, mais pour le reste c'est tout simplement un saut dans le vide, sans parachute. Et chacun ici sait qu'après les huit ans de suspension du frein au déficit, l'explosion de la droite... de la dette, pardon ! (Rires.)
Une voix. La droite explose aussi !
M. Jean Burgermeister. Oui, la droite est en train d'exploser maintenant ! ...l'explosion de la dette sera brandie comme un argument massue par la droite pour sabrer massivement dans les prestations à la population. Enfin, on a entendu Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet affirmer que la réforme cantonale serait appliquée - si elle est adoptée - indépendamment du sort de la réforme fédérale, prenant en exemple la situation vaudoise. Or il faut quand même le dire: le canton de Vaud a effectivement appliqué la RIE III malgré l'échec de la réforme sur le plan fédéral, mais justement pour cette raison ledit canton se retrouve aujourd'hui dans une situation extraordinairement compliquée, et plusieurs communes ont déjà annoncé leur volonté d'augmenter l'imposition sur les personnes physiques. C'est donc la population qui serait appelée à payer les cadeaux fiscaux pour les plus grandes entreprises, et c'est cela qui est pris en exemple par le Conseil d'Etat. Voilà qui en dit long sur ce qui nous attend si le pseudo-compromis est accepté. (Applaudissements.)
Mme Marion Sobanek (S). Mesdames et Messieurs les députés, ces dernières années les pauvres sont devenus plus pauvres et les riches plus riches, comme le rappelait le rapport d'Oxfam juste avant le Forum de Davos. Et ce sont les politiques menées par des majorités de droite qui génèrent en bonne partie cette augmentation des inégalités, avec la baisse systématique des impositions pour les plus privilégiés. Cela ne plaît pas au parti socialiste, cela ne me plaît pas, et nous tentons de lutter comme nous pouvons contre cette tendance qui à la longue va plomber toute cohésion sociale. Mais - et ce mais a toute son importance - nous ne sommes pas sur une île dans un océan de rêves politiques et sociaux. La RFFA au niveau fédéral, je préfère ne pas la voir et, comme le parti socialiste, j'ai soutenu le référendum contre cette dernière et collecté des signatures dans la rue, mais elle va être acceptée par la majorité des électeurs et électrices. Dans ce pays, la majorité politique est à droite ! Nous ne sommes pas non plus sur une île hors du temps: l'Union européenne nous fixe des délais et il nous faut une solution pour le 1er janvier, c'est primordial. Le temps des négociations est donc restreint et, compte tenu de la durée du travail parlementaire, notre canton a besoin d'une loi maintenant. Enfin, Genève n'est pas une île non plus: nous avons comme voisin un très beau canton, le canton de Vaud, qui a déjà défini sa réforme, et il serait irréaliste de vouloir obtenir un taux bien supérieur à celui de notre voisin.
Il faut également prendre en considération les réalités économiques: nous avons à Genève des contribuables - entreprises ou privés - qui d'un trait peuvent transférer le siège de leurs activités dans le canton de Vaud, à Zoug, où vous voulez. C'est un élément que mes collègues d'Ensemble à Gauche ne veulent malheureusement pas voir, mais c'est une réalité. Je ne travaille pas dans le domaine de l'économie, mais je connais des personnes qui me le confirment régulièrement. Eh bien comme socialiste, je ne veux pas porter cette responsabilité, et si des personnes perdent leur emploi et se retrouvent au chômage suite au départ de leur société - parce que, vous le savez, ce que souhaitent surtout les entreprises, c'est de la stabilité, elles veulent donc une décision qui offre une telle stabilité - je n'aimerais pas devoir leur dire: «Oui, ces entreprises sont parties parce que nous n'avons pas pris de décision, c'est très dommage, mais j'ai voté le coeur à gauche ! J'ai voté de façon pure, parce que je suis une super socialiste !» Non, je suis désolée, je vais renoncer à mon statut de super socialiste et faire ce pour quoi nous avons été élus. Nous n'avons pas été élus dans ce parlement pour adopter des positions idéologiques: les Genevoises et les Genevois nous ont élus pour que nous tentions de négocier, avec comme principe de base notre idéologie, les meilleurs compromis dans un contexte économique et social donné. Alors ce compromis, qui contient un volet social - dont on ne peut pas dire qu'il est négligeable - et offre une stabilité aux entreprises, n'est certes pas le meilleur accord que j'aie vu, mais c'est un accord ! Et comme l'ont dit mes préopinants, il est rare que nous parvenions enfin à un accord dans le paysage politique genevois. De plus, dans le contexte de concurrence fiscale intercantonale qui est le nôtre, cet accord nous laisse un peu de temps. (Brouhaha.)
Contrairement à bon nombre de mes préopinants, je ne pense pas que nous puissions précisément chiffrer les pertes. Cela dit, il va y en avoir, je suis d'accord avec mes collègues, il faut donc que nous veillions à ce que ces pertes n'entraînent pas des baisses de prestations et qu'elles ne soient pas équilibrées par la fonction publique. Mais sans cet accord, qui n'enchante pas la droite libérale non plus - et c'est pour cette raison que je dirais que c'est quand même un bon accord... (Brouhaha.) Je vous remercie de ne pas m'interrompre, parce que vous commencez à me courir sur le fil ! (Commentaires.) Si nous ne votons pas cet accord, mon collègue socialiste l'a dit, nous reviendrons à un projet qui nous coûtera bien plus cher. En outre, il offre une amélioration financière à plus de 143 000 Genevoises et Genevois. Je le répète, nous ne sommes pas là pour adopter des postures idéologiques, et j'aimerais encore dire à nos collègues d'Ensemble à Gauche que si en trois ans de négociations nos négociateurs n'ont pas trouvé de meilleur compromis, ils ne vont pas en trouver un dans les trois mois qui viennent. Soit parce qu'ils sont complètement idiots - ce que je ne crois pas - soit parce qu'il n'y a justement pas de marge de manoeuvre.
Pour terminer, je vais citer une nouvelle fois le rapport d'Oxfam: «Quand les multinationales et les grandes fortunes ne payent pas leur juste part d'impôt, elles privent les Etats de ressources pour financer les services publics essentiels, comme la santé ou l'éducation. Les gouvernements doivent agir contre les inégalités avec des mesures de justice fiscale.» Mais c'est toujours une histoire de majorité politique et d'analyse des réalités politiques, ce qui nous amène à voter cet accord. Je vous remercie de votre attention. Et si vous voulez gueuler, faites-le, mais moi j'arrête là ! (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. Je vous remercie. Je passe maintenant la parole... (Remarque.) ...si Mme Wenger est d'accord, à M. Jean Rossiaud. (Commentaires de Mme Salika Wenger.) Oh, ça ne nous étonnerait pas, Madame la députée !
M. Jean Rossiaud (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Les Verts sont un parti pragmatique et réaliste. (Rires. Commentaires.) Les Verts ont toujours soutenu les réformes qui allaient dans le bon sens. Quand une réforme ne va pas dans le bon sens, ils ne peuvent pas la soutenir. Nous réfléchissons à un changement de paradigme; il faut penser hors de la boîte, «out of the box». (Commentaires.) Monsieur Zweifel, il faut sortir de votre tableau Excel. Il faut vous projeter à trente ans, à quinze ans - c'est ça, la politique; la politique, ce n'est pas seulement de la comptabilité, ce n'est pas seulement de la statistique.
Evidemment, les Verts ne sont pas contre la présence de multinationales à Genève. (Exclamations.) Nous n'avons jamais dit ça, ni en commission ni ici. (Remarque.) Pardon ? Evidemment, vous le savez et vous travestissez sciemment, et malhonnêtement par conséquent, notre propos. Devant la mauvaise foi, il est toujours difficile d'argumenter. Je vais cependant revenir sur les arguments principaux de notre démonstration.
Les Verts jugent que 3% des entreprises, qui représentent 40% du PIB, et que mille entreprises qui font un chantage au départ permanent, ce n'est pas sain pour l'économie genevoise; ce n'est pas sain pour les petites et moyennes entreprises, ce n'est pas sain pour la fonction publique, ce n'est pas sain pour les contribuables. Sans penser évidemment qu'on va mettre tout le monde dehors d'un coup, parce que ça n'a aucun sens, il faut attirer ici des entreprises multinationales, si besoin est, mais qui ont un impact positif sur le contexte social et l'environnement. D'autre part, l'attractivité coûte cher en infrastructures: ce sont des dépenses d'investissement toujours plus importantes et toujours plus délétères pour l'environnement; ça coûte donc cher aussi en qualité de vie. Après quoi courons-nous ? Après l'attractivité et la compétitivité ou après la qualité de vie pour la majorité de la population ?
Un dernier mot: Monsieur Zweifel, par exemple, dire que les Verts devraient adhérer au MCG ou à l'extrême gauche comme si c'était une insulte envers toutes les personnes responsables, ce n'est pas très digne d'un parlementaire. Quand le MCG ou quand l'extrême gauche font des analyses ou des propositions que nous partageons, nous sommes en droit de le dire et de travailler avec eux et nous avons le devoir de le faire, de faire ce que nous considérons être bien et important pour Genève.
Je reprendrai la parole plus tard, si c'est possible.
Des voix. Non !
M. Jean Rossiaud. Alors je dirai juste que les Verts soutiendront l'initiative, puisqu'ils l'ont soutenue, et que nous nous opposerons évidemment au contreprojet. Je vous remercie.
M. Jean Batou (EAG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons beaucoup parlé de l'imposition des personnes morales - c'est le but de cette discussion. Tout le monde doit être conscient que nous discutons ici pour savoir s'il faudrait les imposer à 13,99% ou à 16%. Ce sont des taux extrêmement bas; ils sont incomparables avec la taxation des personnes physiques. Il faut y réfléchir, parce que quand une entreprise est taxée sur ses revenus, sur ses profits, à 13%, 13,5%, 13,99% ou 16%, et qu'elle distribue des dividendes - qui constituent des revenus que les actionnaires, s'ils ont la chance de posséder 10% des actions, ne verront pas taxés dans leur totalité - ça veut dire, en termes clairs, que le capital est peu taxé et que le travail, le vrai travail, celui des travailleurs, des salariés, de ceux qui ont travaillé et qui sont retraités, est taxé deux fois plus fortement. C'est de ce système-là que tout le monde se montre complice aujourd'hui dans la discussion.
En plus de ça, vous savez tous que pour maintenir des prestations dans une société genevoise qui vieillit, se précarise et a des besoins de formation croissants, en plus de l'augmentation démographique, il va falloir trouver des revenus supplémentaires si l'on veut maintenir les lois sociales actuelles. La droite annonce déjà que ces revenus supplémentaires seront pris sur les personnes qui ne peuvent pas payer d'impôts: elles verront la taxe personnelle passer de 25 F à 100 F. C'est un scandale - et Ensemble à Gauche s'y opposera par référendum - que de taxer davantage des personnes qui ne peuvent même pas payer d'impôts tellement leurs revenus sont bas, pour faire des cadeaux aux grandes entreprises. En plus de ça, la droite devra expliquer à sa clientèle électorale, qui est largement constituée de petits propriétaires, pourquoi il faudra augmenter l'impôt immobilier afin de faire des cadeaux aux grandes entreprises. Il n'y en a que pour les personnes morales qui font les plus gros bénéfices dans ce canton, et le simple fait de parler de les mettre à 16% d'imposition, un taux très bas en comparaison internationale, qui ferait pâlir Donald Trump, ce simple fait vaut d'être traité d'extrémiste dans ce parlement. Ça montre à quel point la doxa patronale a colonisé le cerveau de la plupart des députés de ce Grand Conseil. (Commentaires.)
Parlons maintenant sérieusement du compromis. Qu'ont obtenu nos amis socialistes ? Ils ont obtenu une augmentation de 2 pour mille du taux d'imposition: une véritable misère, qui va rapporter une vingtaine de millions à l'Etat, près de 30 millions à l'Etat et aux communes. Quand je dis rapporter, ce sont des pertes qui vont être diminuées de 20 à 30 millions. Rien du tout ! Ensuite, l'échelonnement sur huit ans des pertes par l'assouplissement du frein au déficit, c'est une conquête du MCG - rendons à César ce qui est à César. Le parti socialiste n'y avait pas pensé. Le MCG a dit en commission: «Si on faisait huit ans plutôt que cinq ?» On a vu défiler des experts qui nous expliquaient qu'en cinq ans, les pertes seraient absorbées. Tout le monde a dit: «Huit ans, c'est bien.» Pourquoi pas quinze ? Pourquoi pas vingt-cinq ? Personne n'en sait rien, comme vous le savez. Il y aura des pertes, elles seront importantes et se traduiront par des réductions de prestations sociales, voire par des réductions de postes dans le secteur public. C'est la raison pour laquelle tous les syndicats genevois vont refuser cette réforme en votation populaire.
C'est la première fois que le parti socialiste prend une position aussi claire contre l'ensemble du monde du travail. Et si ça continue comme ça... (Protestations.) Je sais, la droite est contente, et elle a de bonnes raisons de l'être. Je voyais M. Dal Busco opiner du chef en écoutant mes collègues socialistes, parce que c'était son propre discours qu'ils reprenaient devant nous aujourd'hui. Si la chose continue comme ça, je vous le dis, Ensemble à Gauche tâchera de regrouper toutes celles et ceux qui refusent de se coucher systématiquement devant les injonctions de la droite patronale pour défendre un minimum de justice sociale dans ce canton et dans ce pays, et de ce point de vue là, la réponse sera de taxer à 100%, comme les salaires, comme les rentes AVS, les dividendes perçus par les gros actionnaires. C'est un scandale peu connu dans la population que quand vous recevez des dividendes, des revenus de vos actions et que vous possédez déjà 10% du capital d'une entreprise, vous n'êtes pas taxé sur la totalité de ce revenu mais seulement sur 60% ou 50%, qu'on va porter à 70%. Non, ça doit être 100%, comme sur les salaires, comme sur les retraites !
Ensuite, il faudra se débarrasser du bouclier fiscal. Nous n'aurons pas une majorité ici, mais demain, nous l'aurons devant le peuple. Ce sont ces batailles-là qu'il faut avoir le courage de mener si on veut vraiment défendre l'initiative 170. Nous avons récolté des signatures avec les socialistes, les Verts et les syndicats, parce que nous étions convaincus que pour financer cette initiative, il faudrait toucher la question des recettes et de la justice fiscale. C'est en continuant à mener cette bataille sur les recettes, pas avec des effets de manche au parlement, mais devant le peuple, en votation populaire, en lançant des initiatives et en ne les retirant pas pour des contreprojets - parce que c'est bien joli de dire qu'on soutient le contreprojet et l'initiative, mais c'est évidemment le contreprojet qui passera avec l'appui de la droite - qu'il faudra se battre ensemble pour de nouvelles recettes et pour pouvoir financer même votre contreprojet qui n'est pas financé parce que les 186 millions de la première année, vous n'en avez pas un traître liard, pas un traître centime. Ce sera sur le déficit, sur la dette que vous financerez des dépenses indispensables pour la population. C'est une honte ! (Quelques applaudissements.)
M. Marc Fuhrmann (UDC). (Le début de l'intervention de M. Marc Fuhrmann est inaudible.) Si la gauche veut plus de moyens pour financer ses projets, elle se doit de laisser la création de richesses se faire. J'ai entendu des analyses provenant d'une période sombre que je pensais révolue: eh bien non, ces pensées collectivistes, antilibertaires, ont encore fermement cours parmi nous. (Commentaires.) Les propos du député Rossiaud, en particulier, sont édifiants dans leurs relents de contrôle, de soviétisme... (Rires. Commentaires.) ...et d'une vision totalitaire de la société. L'économie et la création économique ne sont pas une mauvaise herbe que l'on peut piétiner en pensant qu'elle repoussera facilement. Regardez autour de vous, députées et députés de gauche: les déserts économiques en France, en Italie, en Espagne sont légion. Reconnaissez aussi la misère sociale ainsi créée. Il est déplacé, de la part de M. de Sainte Marie notamment, de critiquer le secteur privé et ses emplois, surtout quand le leur dépend de la collectivité publique, justement. Je demande à la gauche d'ouvrir les yeux sur le monde et sa réalité telle qu'elle est. 13,99% est un maximum. Le succès de cette réforme est essentiel au bien-être du canton et aussi, évidemment, de ses plus faibles. L'UDC vous enjoint d'accepter le PL 12006. Merci.
Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Pablo Cruchon, qui a eu de la patience.
M. Pablo Cruchon (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je suis abasourdi. (Exclamations.) Oui ! On nous traite de dogmatiques, d'idéologues, alors que nous défendons une baisse du taux d'imposition des entreprises de 8% par rapport à la situation actuelle. Je vais vous rappeler ce qu'est un programme de gauche conséquent: c'est la socialisation des outils de production, c'est-à-dire qu'on vient chercher vos petites entreprises, on les socialise, et ce sont les travailleurs qui touchent les recettes de ce qu'ils produisent. Vous transmettrez à M. Maitre, Monsieur le président, que ce sont bien les travailleurs qui produisent la richesse, et non les entreprises. On devrait donc défendre ce programme. Mais non ! Nous, sagement, nous ne défendons même pas un taux de 50% d'imposition; nous ne défendons même pas le taux de 24%, c'est-à-dire simplement la suppression des statuts spéciaux; nous défendons un taux à 16%. Et pourquoi faisons-nous ça ? Parce que la position sociale-démocrate du parti socialiste n'est plus assumée par ce parti puisqu'il a la position du PLR, ou peut-être celle du gouvernement, laissons-lui ça. Je suis donc abasourdi de me faire traiter d'idéologue alors que, somme toute, j'ai une position sociale-démocrate toute classique.
Ensuite, je suis abasourdi parce que tout le monde dit que cette réforme se fait au profit de la classe moyenne; le parti socialiste l'a affirmé, le PLR aussi. Mais de quoi parle-t-on ? On parle d'une baisse massive de l'impôt sur les grandes entreprises, plusieurs centaines de millions. Comment va-t-on financer le service public, les prestations à la population sans ces centaines de millions ? C'est simple, on va demander aux personnes physiques de contribuer davantage. Il faut le dire, il faut arrêter de mentir: ce sont les personnes physiques, les travailleurs, dont on va devoir augmenter les impôts pour financer les prestations dont ils ont besoin. Ce transfert se fera sur leur dos quasiment à 100%. Pour reprendre une formule employée dans ce parlement, comment va-t-on faire pour financer l'engagement du personnel hospitalier nécessaire pour soigner notre population ? Le PLR, le gouvernement et leurs suiveurs s'en moquent: le contribuable travailleur paiera. Comment va-t-on rénover les cycles totalement décrépis qui accueillent nos enfants ? Le PLR, le gouvernement et leurs suiveurs s'en moquent: le contribuable travailleur paiera. Comment va-t-on faire face au vieillissement de la population et aux besoins croissants de nos EMS et de l'IMAD ? (Remarque.) Le PLR, le gouvernement et leurs suiveurs s'en moquent: le contribuable travailleur paiera. Etc., etc., vous avez compris.
On vient nous bassiner avec un compromis - je m'excuse de dire «bassiner», c'est vraiment le terme - un compromis qui n'a quasiment pas bougé depuis le début des négociations et qui se réfère au canton de Vaud, où l'on a aussi trouvé un compromis. Même en comparaison cantonale, le compromis genevois est mauvais ! Alors est-ce le parti socialiste genevois qui est plus mauvais que le parti socialiste vaudois, ou est-ce le PLR genevois qui est plus intraitable que le PLR vaudois ? Allez savoir. En tous les cas, c'est un compromis relativement mauvais. Le centre du compromis est prétendument le contreprojet à notre initiative: ce contreprojet est une nécessité pour le gouvernement, car celui-ci sait très bien que si notre initiative passe devant le peuple, elle passera haut la main. Il n'avait pas le choix ! Ce n'était pas un élan philanthropique qui a amené le gouvernement à concevoir ce contreprojet, mais une nécessité politique. Et à quoi l'a-t-il lié ? A un cadeau fiscal massif aux entreprises. C'est de ce point de vue que ce contreprojet est inacceptable. On ne peut pas dire d'un côté qu'on va trancher des centaines de millions dans les recettes fiscales de l'Etat, ce qui aura pour résultat qu'on ne pourra plus approvisionner les caisses pour payer les prestations, et de l'autre, qu'on va donner en compensation quelque chose qu'on serait obligé de donner dans un autre contexte politique. Il faut donc refuser ce contreprojet tant qu'il est lié à la RFFA; on pourra en discuter le jour où il ne lui sera pas lié.
Après ces considérations, il faut voir quelle politique économique on veut. Soyons un peu sérieux ! La droite nous parle tout le temps d'attractivité, mais qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire attirer des entreprises chez nous, des travailleurs; et ça, ça a un coût. M. le député Rossiaud le rappelait, ça a un coût par rapport à la qualité de vie: il faut construire plus, il faut plus de transports publics, on assiste à une gentrification - puisqu'on attire des hauts salaires en ville, repoussant les personnes les plus pauvres à la périphérie, voire en France voisine, augmentant les temps de transport et la circulation avec toutes les nuisances que l'on connaît. On a donc une politique économique de croissance continuelle sur ce territoire qui ne convient ni à la taille du territoire ni à celle de la population. Il faut arrêter de dire qu'on pourra croître indéfiniment. Je crois qu'il faut vraiment se poser la question de la politique économique qu'on veut.
Par ailleurs, cette politique économique est basée sur le fait d'attirer des entreprises extrêmement volatiles, qui ont des activités internationales prédatrices... (Exclamations.) ...dans le négoce de matières premières et autres. Nous, nous voulons le développement d'un tissu économique stable, local, et qui se base sur l'industrie. Ce sont des emplois vraiment utiles et durables. Or, que voit-on ? Le tissu industriel se délite complètement et à la place, on a soit des entreprises qui viennent juste pour défiscaliser un maximum, soit des entreprises hyperspécialisées qui importent leurs travailleurs hyperspécialisés. On ne mène pas du tout une politique économique qui répond aux besoins du chômage et de la population. Un certain nombre de charpentiers en témoignaient l'autre jour en signant un courrier qui disait qu'il n'y a plus de travail pour les charpentiers dans le canton de Genève, qu'ils ne trouvent plus de travail. C'est cette réponse-là qu'on doit donner pour la question du chômage.
Je finirai par deux réponses à mes camarades - enfin, je ne sais pas si je peux utiliser ce mot aujourd'hui ! - socialistes, d'abord sur les négociations: on ne négocie pas quand on n'a pas de carte en main. La carte qu'on avait en main, c'était le refus par le peuple de la RIE III et le refus qu'on aurait pu construire devant le peuple de cette version-là. C'est à partir d'un refus qu'on est fort, qu'on a la base solide et démocratique qui permet d'obtenir plus. Je vais expliquer ça gentiment aux camarades socialistes pour que la prochaine fois, ils trouvent un meilleur compromis. Enfin, à la remarque de Mme Sobanek - vous transmettrez, Monsieur le président - qui dit qu'elle a été élue pour voter des compromis, je répondrai que j'ai été élu pour défendre l'intérêt des gens qui ne sont pas défendus dans cette république, c'est-à-dire les laissés-pour-compte, les travailleurs, systématiquement blousés par les lois votées dans ce parlement. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Le train de réformes RFFA s'inscrit tout à fait dans la ligne politique du MCG, parce que nous sommes favorables à une économie forte qui nous permet de mener une politique sociale efficace. En effet, avec un impôt sur le bénéfice des entreprises au niveau compétitif de 13,99%, nous pouvons aspirer à un développement économique de notre canton qualitatif - permis par ce taux - et non quantitatif. Cela aura un effet favorable sur l'emploi, élément important pour nous: nous ne pouvons pas ne pas tenir compte de la réalité actuelle du marché de l'emploi et sacrifier des milliers et des milliers de places de travail; c'est une nécessité.
Cela créera une dynamique de prospérité utile pour mener, justement, une politique sociale efficace, c'est-à-dire généreuse, mais qui vise la bonne cible et non à côté. Les mesures d'accompagnement constituent l'élément déterminant de cette RFFA. On ne donne pas uniquement des cadeaux, des baisses fiscales à des sociétés, mais on permet aux citoyens de bénéficier d'un certain nombre de prestations indispensables. Le MCG applaudit le renforcement des subsides de l'assurance-maladie. Il faut constater cette augmentation massive des subsides grâce au dispositif prévu: plus de 180 millions, ce n'est pas rien, c'est très important, massif. Le MCG aurait préféré une réforme de l'assurance-maladie pour ne pas financer indirectement le lobby des caisses maladie. Malheureusement, ce lobby est hyperpuissant; nous nous rendons bien compte que dans l'immédiat, à court terme, nous n'arriverons pas à changer le système. Il faut donc maintenant penser aux assurés, c'est-à-dire être pragmatique, trouver des solutions de financement immédiates, dans l'état où nous nous trouvons. Le contreprojet est la solution qui s'impose, c'est un très bon dispositif qui a été choisi.
Il faut aussi mentionner les places de crèche, qui sont un dispositif aussi important, car trop de familles à Genève se retrouvent avec les plus grandes difficultés, doivent recourir aux grands-parents, trouver toutes les personnes possibles; la situation n'est plus tolérable pour les familles qui ont des enfants en bas âge.
Il est temps d'ouvrir les yeux, de regarder les électeurs les yeux dans les yeux et d'avoir le courage de leur dire: vous, assurés de notre canton, qui souffrez, est-ce que nous allons vous aider et vous soulager en octroyant des moyens tout à fait efficaces et réalisables, ou continuer avec la situation actuelle où nous vous pénalisons ? Est-ce que nous allons donner des moyens efficaces, concrets et directs aux familles qui ont des enfants en bas âge ? Est-ce que vous pourrez décemment les regarder dans les yeux et leur dire: non, assurés, nous ne faisons rien pour vous; non, familles avec des enfants en bas âge, nous ne faisons rien pour vous ? Est-ce là le message que vous voulez donner aujourd'hui ? Prenez vos responsabilités. Il faut soutenir massivement cette réforme essentielle pour l'avenir de Genève. Dites oui à la RFFA, dites oui au paquet de réformes qui nous est proposé: c'est l'avenir de notre canton qui est entre nos mains.
M. Yvan Rochat (Ve). Mesdames et Messieurs, chers collègues, «un capitalisme débridé, mal compensé par une redistribution étatique technocratique [...] constitue à mes yeux un double échec». Pour les Verts, la nature du risque qu'encourt Genève par cette réforme RFFA tient dans cette phrase que j'ai tirée d'un article de blog écrit par notre excellent collègue Cyril Aellen. La baisse massive de la fiscalité des entreprises renvoie à une vision ultraconcurrentielle et débridée du développement économique et tient donc de ce capitalisme peu bridé qui est décrit. De même, les compensations imaginées pour atténuer cette baisse massive sont-elles à la hauteur de nos enjeux de cohésion sociale ?
Les Verts reconnaissent l'honnêteté des démarches compensatoires, mais, concernant la petite enfance, nous pensons qu'un effort supplémentaire est parfaitement soutenable, et c'est pour cette raison que nous soutiendrons l'amendement d'Ensemble à Gauche au PL 12009.
Concernant le problème de plus en plus dramatique des primes d'assurance-maladie, les Verts reconnaissent que tant l'initiative 170 que le contreprojet ne résolvent pas le problème au fond: cela doit faire l'objet d'un travail au niveau fédéral, travail qui n'est pas fait aujourd'hui. Au socialiste M. Berset de s'atteler vraiment à en finir avec ce système qui ne fonctionne plus. L'initiative 170 a l'avantage de poser un principe politique lisible: les charges des primes d'assurance-maladie ne doivent pas dépasser 10% du revenu des ménages. Cela nous paraît juste et équilibré. Bien entendu, les Verts reconnaissent le travail positif mené par le Conseil d'Etat avec son contreprojet et soutiendront celui-ci, malgré les propos de mon collègue Jean Rossiaud, qui, sous le coup de l'émotion, a fait une petite interversion. Ce contreprojet est un mi-chemin pour donner un ballon d'oxygène aux ménages étranglés par les primes d'assurance-maladie; mais à terme, si rien n'est fait pour juguler vraiment l'augmentation récurrente des primes, les augmentations de subsides proposées par le contreprojet seront immanquablement grignotées par le système tel qu'il existe aujourd'hui et ce qui est une augmentation aujourd'hui sera une peau de chagrin demain. Les Verts s'engageront donc avec conviction pour tenter de compenser à sa juste hauteur l'extraordinaire cadeau fiscal que vraisemblablement vous vous apprêtez à voter. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. La parole est à M. le rapporteur Yvan Zweifel, qui sait se montrer succinct, au besoin !
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de majorité. Je mentirais si je vous donnais raison, Monsieur le président ! Je voulais d'abord répondre à quelques éléments apportés par d'autres députés, notamment mon collègue Jean Batou qui essaie de comparer les personnes physiques avec les personnes morales, c'est-à-dire des pommes avec des poires - je lui laisserai décider qui est une pomme et qui est une poire en l'occurrence. Lorsqu'une entreprise a à disposition par exemple 100 000 F - ça correspond à peu près au revenu médian annuel qu'il évoquait - et qu'elle a la possibilité de les verser en salaires, il a raison, celui qui reçoit son salaire est imposé à 25% si c'est le taux appliqué, il lui reste donc 75 000 F. Lorsque ces 100 000 F sont versés sous forme de dividendes, ils sont d'abord imposés au titre de l'impôt sur le bénéfice, aujourd'hui à 24,2%, par hypothèse à 13,99%. C'est le solde qui, ensuite, pas entièrement mais partiellement, en effet, est encore imposé au chef de l'actionnaire. C'est ce qu'on appelle la double imposition économique; la RIE II cherchait à la diminuer. J'entends dire ici que le travail est plus taxé que le capital: c'est évidemment l'exact contraire. Mais pour le savoir, il faut comprendre ce système de double imposition économique.
On entend d'ailleurs du côté d'Ensemble à Gauche toujours le même discours: mon Dieu, une baisse fiscale ! Ça va vider les caisses et nous n'aurons plus d'argent à disposition pour les prestations sociales ou d'autres prestations pour la population ! Pourtant, Mesdames et Messieurs, entre 1998 et 2017, vous le savez, on a introduit deux grosses baisses d'impôts, en l'occurrence pour les personnes physiques: celle de 12% provenant de l'initiative du parti libéral, adoptée par le peuple en 1998, et celle de 2009 en faveur de la classe moyenne et introduisant le bouclier fiscal, aussi approuvée par le peuple. Y a-t-il eu des pertes de recettes fiscales ? La réponse est non: sur cette même période, la population a augmenté de 23% alors que les recettes fiscales ont augmenté de 83%. Lorsqu'en 2009 on évoquait cette baisse d'impôts et le bouclier fiscal, on estimait 400 millions de pertes, pas 186 millions comme maintenant ! On n'a pas vu ces pertes, vous ne les avez pas vues... (Remarque.) ...et vous n'avez absolument aucun chiffre qui vient démontrer ce que vous dites.
Dernier point concernant ce que dit Ensemble à Gauche: «Attirer des multinationales étrangères, c'est attirer des employés venus d'ailleurs.» Non, Mesdames et Messieurs, on l'a démontré avec des chiffres aussi, 64% des employés des multinationales qui se sont installées à Genève sont des résidents locaux. Attirer ces entreprises, c'est aussi permettre à des chômeurs, à des étudiants en passe de chercher un premier emploi de trouver du travail. Je rejoins là le MCG: c'est avant tout une réforme pour l'emploi. Vous ne pouvez pas dire qu'attirer des entreprises ici, c'est forcément attirer 100% d'employés venus d'ailleurs. A nouveau, vous n'avez aucun chiffre qui le démontre; a contrario, nous avons, nous, les chiffres qui montrent que 64% des postes vont aux gens qui habitent ici.
Un mot - c'est important - sur l'initiative 170 et son contreprojet, le PL 12416. Il faut remercier encore une fois les services de M. Apothéloz pour le travail fourni en un temps record afin de nous proposer une augmentation des subsides. Ce contreprojet, il faut le soutenir, d'abord parce qu'il minimise les pertes prévues par l'initiative 170 - c'est le but d'un contreprojet. Cette initiative représente 450 millions à court terme, plus d'un milliard à long terme, c'est-à-dire 12% de notre budget, consacré uniquement à des subsides d'assurance-maladie. C'est gigantesque, c'est impossible ! Les mêmes qui, dans cette salle, nous expliquent que 186 millions de pertes fiscales seraient une catastrophe, voteraient sans problème, par contre, 450 millions et même un milliard de dépenses supplémentaires - vous transmettrez à M. Baud. C'est ça, Monsieur le président, qui affectera les autres prestations à la population et notamment la formation, qui effectivement - je le rejoins là - est quelque chose de capital. Ce n'est pas une perte statique de 186 millions qui sera résorbée au fil du temps avec le dynamisme économique.
Le contreprojet, Mesdames et Messieurs, élargit aussi le cercle des bénéficiaires. Aujourd'hui, on l'a dit, 53 000 personnes reçoivent des subsides; avec le contreprojet du Conseil d'Etat, 140 000 personnes - près du triple - en recevraient, contre 106 000 avec l'initiative. Autrement dit, le contreprojet concerne davantage de bénéficiaires que l'initiative. En revanche, cet argent irait à ceux qui en ont réellement besoin et ne serait pas octroyé linéairement, comme le veut l'initiative 170, qui prévoit des subsides pour des gens dont le RDU, c'est-à-dire le revenu imposable après les déductions, est de 150 000 F, voire 180 000 F: ça ne me paraît pas normal, cet argent doit aller à ceux qui en ont réellement besoin, les plus précarisés d'une part, la classe moyenne inférieure d'autre part.
Le contreprojet règle une autre question, celle des subsides spécifiques. L'article 65, alinéa 1bis, de la LAMal, nous oblige à avoir ces subsides spécifiques pour les enfants et les jeunes adultes. L'initiative 170 ne règle pas cela, alors que le contreprojet du Conseil d'Etat le fait: autre raison de préférer le contreprojet à l'initiative.
Mesdames et Messieurs, je vais conclure. Oui, nous parlons d'un accord qui vise, vous l'avez compris, à mettre 1 F de perte fiscale statique en relation avec 1 F en faveur de notre population et de sa part la plus précarisée. Un accord, Mesdames et Messieurs, c'est l'essence même de la politique suisse. Je rejoins parfaitement ce qu'a dit M. Wenger: nous avons connu des législatures précédentes vouées à des blocages. Sur un point fondamental de politique fiscale, mais aussi sur les prestations aux plus défavorisés, nous trouvons un accord entre la gauche et la droite. Oui, chacun a dû avaler des couleuvres, mais oui, nous avons su mettre en avant la population et le bien-être de tous, parce que les entreprises vont financer des prestations sociales que l'on va pouvoir offrir à la population et notamment aux plus précarisés.
Mesdames et Messieurs, cet accord va aussi dans le sens de ce que veut le peuple: il a voté l'année passée, lors des élections, pour un renforcement des partis gouvernementaux de gauche et de droite, il est normal que ces partis se mettent autour de la table pour donner raison au peuple et lui démontrer que sur des sujets importants, on peut se mettre d'accord. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, cet accord est gagnant-gagnant. Je vous invite encore une fois à voter tous les projets de lois qui vous sont proposés, à refuser l'initiative 170, trop onéreuse et extrémiste, et à préférer son excellent contreprojet élaboré par les services de l'assurance-maladie du conseiller d'Etat Apothéloz. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. La tâche qui m'incombe est rude, non pas pour vous expliquer les avantages du projet, de l'accord et du contreprojet, mais pour retenir encore un peu votre attention durant ces quelques minutes avant midi. Mon intervention aura trois volets: d'abord quelques considérations politiques, quelques mots ensuite sur le contreprojet, et enfin la présentation de l'amendement qui vous a été proposé ce matin par le Conseil d'Etat. Ma collègue Nathalie Fontanet conclura en exprimant la prise de position du gouvernement sur l'ensemble de ces objets.
Le Grand Conseil en a discuté toute la matinée, quasiment depuis 8h - à juste titre: il est nécessaire que les uns et les autres, vous puissiez véritablement débattre de cela. Vous avez la responsabilité de voter les lois, les motions et autres textes; mais, Mesdames et Messieurs les députés, vous avez aussi la responsabilité de saluer les efforts accomplis. En votant ces objets, vous saluez des efforts: ceux qui - cela vient d'être dit - ont consisté à trouver des majorités qui permettent à notre canton de sortir d'un certain nombre de blocages. Car oui, des efforts ont été faits par les rangs de gauche. Il est difficile pour ceux-ci, en effet, d'admettre que des rentrées fiscales soient en baisse. Il est difficile d'imaginer des conséquences aux coupes, voire des arbitrages délicats que le gouvernement et le Grand Conseil seraient amenés à faire si les éléments fiscaux n'atteignaient pas leurs objectifs. Et pourtant, l'accord voté, souhaité par le parti socialiste, permet à notre canton de trouver une solution juste et raisonnable s'agissant d'un effet que nous avons voulu et soutenu: 1 F de baisse de rentrée fiscale correspond à 1 F mis dans un projet destiné à la population.
La droite a aussi fait des efforts, on peut aussi les considérer. Certains estimaient qu'un taux plus bas, voire très bas, était nécessaire, au nom de cette doxa libérale qui vise à restreindre l'Etat-providence. Il faut, là encore, sortir de ces considérations et trouver un accord au sein de ce parlement.
Je terminerai cette première partie de mes propos en parlant des efforts en faveur de la classe moyenne. Il s'agit à peu près de 50% de notre population: celle qui travaille, et dur, pour boucler les fins de mois, et qui n'arrive plus aujourd'hui à imaginer un quelconque incident financier aux conséquences importantes pour le budget familial. Cette classe moyenne qui fournit une activité économique majeure pour notre canton, nous avons besoin de la soutenir à travers deux éléments fondamentaux, ces deux postes qui alourdissent le budget des familles: le loyer et les primes d'assurance-maladie, évidemment. Il faut travailler et proposer des solutions concrètes pour cette classe moyenne, et surtout la classe moyenne inférieure; solutions qui puissent augmenter son pouvoir d'achat et sa dignité afin qu'elle se sente pleinement citoyenne. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé le PL 12416, qui ne vise à révolutionner ni le système d'assurance-maladie - comme vous le savez, il est fédéral - ni même le système des subsides que nous connaissons bien, qu'un peu plus de 50 000 habitantes et habitants de notre canton connaissent par ceux qu'ils reçoivent aujourd'hui. Ce projet de loi vise plutôt à renforcer deux phénomènes: augmenter le cercle des bénéficiaires en le faisant passer de 53 000 à 140 000 personnes et augmenter les subsides de manière substantielle.
En parlant de ceux-ci, il faut relever l'effort conséquent que nous réalisons avec l'enveloppe négociée de 186 millions: on passe, pour les subsides les plus importants, de 90 F à 230 F; avec l'amendement que le Conseil d'Etat propose, nous arriverons à 300 F. En votant le PL 12416, Mesdames les députées, Messieurs les députés, vous apportez un appui concret, certain, au porte-monnaie des habitantes et des habitants de notre canton. C'est un effort qu'il faut saluer, je souhaite le faire d'une manière extrêmement formelle.
Je passe à l'amendement. Comme je l'ai annoncé à la commission fiscale, il s'agit d'un amendement technique, qui ne revient pas sur les dispositifs convenus avec votre commission. Il vise d'abord à lisser le dispositif dans le taux d'effort et à éviter autant que faire se peut les effets de seuil. A travers l'article 21, alinéa 1, lettres a à h, il vise aussi un tant soit peu les personnes seules - on ne parle pas de celles qui ont des enfants, mais bien des personnes seules - et revoit le montant d'accès. Dans la loi actuelle, nous sommes à 18 000 F, dans le projet, nous étions à 35 000 F: le Conseil d'Etat vous encourage à voter cet amendement pour revenir à un montant de 30 000 F pour le groupe 1 par exemple. Nous avons aussi imaginé qu'avec le montant à disposition, nous pourrions continuer à affirmer d'une manière claire l'augmentation des subsides, raison pour laquelle pour les groupes 1 à 5, nous augmentons légèrement leur montant; il n'y a pas de changement pour les groupes 6 à 9. J'aimerais vous rassurer là-dessus, il n'y a pas d'augmentation non plus de l'enveloppe de 186 millions accordée par la commission fiscale: nous restons bien dans les limites de ce que nous avons imaginé ensemble.
Je terminerai sur la volonté du Conseil d'Etat de pouvoir avancer et suivre les travaux de manière extrêmement précise. Dès le 1er janvier 2020, nous aurons à mettre en oeuvre ce contreprojet, si la population suit la position que j'espère majoritaire de ce parlement et le Conseil d'Etat, et à faire en sorte que, premièrement, nous ayons les moyens de sa mise en oeuvre au sein du service de l'assurance-maladie, et que, deuxièmement, nous puissions être fiers de créer au sein de notre population du pouvoir d'achat supplémentaire, ce qui, évidemment - les plus versés en économie parmi vous le confirmeront - permettra à la classe moyenne d'investir également dans l'économie. Merci, donc, de votre soutien à ce contreprojet et à l'amendement déposé par le Conseil d'Etat. (Quelques applaudissements.)
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la réforme de la fiscalité des entreprises, vous le savez - et preuves en sont les échanges auxquels on a assisté ce matin - est un enjeu majeur pour notre pays et bien entendu pour Genève. Elle est rendue nécessaire par le droit international et implique un taux dorénavant unique d'imposition sur le bénéfice des entreprises. Or, aujourd'hui, les entreprises dites à statut sont imposées à environ 11,6%, alors que les sociétés ordinaires se voient appliquer un taux de 24,2%. Si nous voulons maintenir l'attractivité de notre canton - et par attractivité, Mesdames et Messieurs, j'entends le fait de conserver les emplois, d'éviter les départs d'entreprises, d'assurer une certaine cohérence lémanique, suisse et internationale - eh bien nous devons doter notre canton de cette réforme.
Quel est le poids des entreprises à statut dans notre canton ? Vous le savez, Mesdames et Messieurs, ce canton a une situation particulière en la matière. Le poids de ces entreprises à statut y est très important: elles représentent environ 23% du revenu des personnes morales du canton, 27% avec la part de l'impôt fédéral direct. Elles génèrent quelque 22 000 emplois directs et 40 000 indirects, soit un total de 62 000 emplois environ, ce qui représente 22,2% des emplois dans notre canton. De plus, ces entreprises et leurs employés - je parle donc du revenu cumulé des impôts sur les personnes morales et les personnes physiques - génèrent environ 1,1 milliard d'impôts cantonaux et communaux. Si cette réforme est acceptée, Mesdames et Messieurs, ces entreprises à statut verront leur imposition augmenter: elles passeront en moyenne de 11,6% à 13,99% et paieront près de 345 millions d'impôts supplémentaires à notre canton. Il ne s'agit donc en aucun cas d'un cadeau en leur faveur.
Les entreprises ordinaires, dont les PME, verront de leur côté leur fiscalité diminuer. Cela favorisera les investissements, la création d'emplois et la distribution de bénéfices, lesquels seront évidemment taxés. Le compromis issu de la commission fiscale constitue un signal fort pour l'avenir: il assurera la sécurité juridique et la prévisibilité pour les entreprises, il leur permettra de se développer, de continuer à investir et de créer de l'emploi.
Ce compromis a de nombreux avantages. D'abord, c'est un projet équilibré, qui ne fait pas de sous-enchère fiscale et qui limite les pertes pour le canton, tout en lui permettant de rester attractif. Le taux de 13,99% est dans la moyenne nationale: quinze cantons, dont Vaud, qui applique depuis le 1er janvier de cette année déjà un taux de 13,79%, prévoient de fixer un taux d'imposition inférieur à 13,99%. Ce taux permet de diminuer l'impact de la réforme de 71 millions par rapport au taux de 13,49%.
Les Verts considèrent ce débat sous l'angle de la croissance. Mais, Mesdames et Messieurs, c'est réducteur: le canton fera un usage très modéré des mesures fiscales, avec une limitation de la réduction fiscale à 9%, soit un taux plancher de 13,48%. Peut-être est-ce le lieu de rappeler, Mesdames et Messieurs, que d'autres cantons utiliseront bien davantage cette possibilité de réduire la charge fiscale et qu'en réalité, le taux facial annoncé ne révèle pas tout de la politique fiscale du canton. Ainsi, Zurich, qui annonce un taux d'imposition de 18,19%, susceptible de plaire aux bancs d'Ensemble à Gauche, disposera en réalité, grâce à une forte utilisation des mesures fiscales, d'un taux plancher de 11,21%. Tel n'est pas le choix qui a été effectué par notre canton, qui appliquera un taux plancher minimum de 13,48%. Ceux qui s'opposent à ce compromis ne peuvent ignorer cet état de fait.
Ce compromis prévoit aussi une entrée en vigueur progressive de l'imputation de l'impôt sur le bénéfice à l'impôt sur le capital, avec un statu quo en 2020, puis une limitation de l'imputation à 25%, 50%, 75%, pour arriver à 100%. Cela permettra au canton d'absorber la réforme par paliers tout en s'alignant sur les cantons alémaniques après cinq ans. Cette mesure, Mesdames et Messieurs, permet de limiter l'impact de la réforme en 2020 à hauteur de 166 millions.
Ce compromis prévoit en outre une meilleure prise en compte des besoins des communes, avec l'augmentation de la rétrocession supplémentaire de l'impôt fédéral en leur faveur, qui passe de 13% à 20%, soit un montant de 22,2 millions; sans compter, Mesdames et Messieurs, les effets des mesures qui réduiront sensiblement l'impact financier. Ainsi, le compromis réduit de 62,7 millions l'impact par rapport au projet de RIE III et de 38,4 millions l'impact sur les communes par rapport au projet déposé par le Conseil d'Etat.
Evidemment, Mesdames et Messieurs, le compromis comporte un volet social essentiel, avec la mesure en faveur de la petite enfance par le biais d'un prélèvement de 0,07% sur la masse salariale. Il faut rappeler à ceux qui s'opposent à ce prélèvement que le précédent était de 0,22%. Aujourd'hui, il est de 0,07%, et dans leur très grande majorité, les entreprises ne s'y opposent pas, parce que cette mesure - le soutien aux structures d'accueil - permettra aux habitantes et aux habitants de ce canton de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. Il s'agit aussi d'un soutien à l'égalité entre hommes et femmes, car nous le savons, lorsque les places d'accueil font défaut ou manquent, ce sont souvent les femmes qui renoncent à leur emploi. Et puis, il y a le contreprojet, avec des subsides à l'assurance-maladie pour un total de 186 millions qui viennent aider les classes moyennes. Mon collègue Thierry Apothéloz vous en a parlé. Enfin, Mesdames et Messieurs, le frein au déficit est levé pour huit ans, à hauteur de 372 millions, pour permettre d'assurer que les finances publiques soient en mesure d'absorber cette réforme.
Mesdames et Messieurs, il est un élément essentiel que nous ne pouvons pas nous passer d'évoquer: pour 2020, le manque à gagner fiscal du canton, calculé évidemment sur la base d'un calcul statique, qui ne prend donc en compte ni les arrivées ni les développements d'entreprises qui ne manqueront pas de se réaliser, ce manque à gagner fiscal est évalué à 186,2 millions pour le canton et à 46,1 millions pour les communes. Mais, Mesdames et Messieurs, aucun calcul, même statique, n'a été fait pour déterminer le manque à gagner fiscal si le canton de Genève ne se dote pas d'une réforme. Pourtant, une partie de ce calcul est fort simple à réaliser: pensez-vous réellement et honnêtement que les entreprises à statut qui sont aujourd'hui imposées à 11,6% en moyenne accepteront sans broncher de passer à 24,2% d'imposition si la réforme n'est pas votée ? Et cela alors qu'à quelques mètres, dans le canton voisin, le taux d'imposition est déjà de 13,79% depuis ce 1er janvier ? M. Wenger, M. Maitre vous ont fait la démonstration des montants et des pourcentages supplémentaires qu'impliquerait le refus d'une réforme et le passage à une imposition supérieure, qu'elle soit de 16% ou de 24,2%.
Mesdames et Messieurs, la réponse est non; bien sûr, pas immédiatement, mais dans les mois à venir, c'est près de 1,1 milliard que nous risquons de perdre, c'est une bonne partie des 62 000 emplois directs et indirects qui disparaîtront, sans compter le départ des sociétés ordinaires, qui, elles aussi, ne resteraient pas sans réagir. Les entreprises, Mesdames et Messieurs, ne sont pas captives, et les emplois, dans ce contexte-là, non plus.
La commission fiscale du Grand Conseil a fait un excellent travail. Elle a mis de côté les appartenances politiques, a fait des efforts pour construire un compromis en faveur de Genève. C'est un bon compromis: il permet de conserver les sociétés à statut présentes dans notre canton, de maintenir les emplois, mais aussi de minimiser la charge sur les finances publiques, le tout en soutenant la création de places de crèche et en aidant la classe moyenne à prendre en charge le montant de ses primes d'assurance-maladie. Nous ne pouvons pas nous en passer. Tout en vous encourageant à le soutenir, Mesdames et Messieurs, je souhaiterais encore remercier les députés de la commission fiscale et son président, qui ont tout mis en oeuvre pour mener à bien les travaux sur cette réforme dans un temps record; remercier aussi le rapporteur, qui, lui, a passé ses vacances de Noël à rédiger ce rapport dont la qualité est indéniable. Je ne serais pas complète sans remercier, Mesdames et Messieurs les députés, les collaboratrices et collaborateurs de l'administration fiscale, et celles et ceux de mon secrétariat général, qui ont travaillé sans relâche pour que nous puissions présenter cette réforme et mettre tout de notre côté pour qu'elle aboutisse. Je tiens à leur exprimer ici toute ma reconnaissance. Merci, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs, avant la pause, nous votons sur l'entrée en matière du premier de ces projets de lois, le PL 12006. (Remarque.) C'est trop tard. Le vote est lancé.
Mis aux voix, le projet de loi 12006 est adopté en premier débat par 63 oui contre 22 non.
Troisième partie du débat: Séance du jeudi 31 janvier 2019 à 14h10