République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 22 novembre 2018 à 20h30
2e législature - 1re année - 6e session - 34e séance
PL 12243-A
Premier débat
Le président. Nous abordons le PL 12243-A en catégorie II, quarante minutes. Le rapport de majorité est de M. Yvan Zweifel, à qui je laisse la parole.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, comme vous avez pu le lire dans le rapport, ce projet de loi fait suite à d'autres lois du même type qui ont été votées par notre Grand Conseil. Son dépôt se justifie avant tout parce que le crédit d'investissement accordé par la dernière loi votée - la L 10775 - est totalement épuisé, il faut donc le renouveler.
En substance, Mesdames et Messieurs les députés, de quoi est-il question ? Ce projet de loi vise à ouvrir une ligne de crédit de 50 millions sans durée précise - qui a été réduite à 30 millions par la majorité en commission - pour mettre en oeuvre une politique foncière proactive, puisqu'elle permet l'acquisition de terrains et de bâtiments s'inscrivant dans l'une ou l'autre des politiques publiques. Il s'agit pour l'Etat de se montrer réactif en cas d'opportunité intéressante, notamment via l'exercice du droit de préemption.
Pour la majorité de la commission des travaux, ce crédit est tout à fait nécessaire et personne ne s'y oppose, nous en comprenons évidemment l'utilité pour le Conseil d'Etat et l'administration: il leur offre une marge de manoeuvre financière à la fois pour la mise en oeuvre d'une politique foncière proactive, mais aussi pour se montrer réactifs, comme je le disais, face à des opportunités.
Néanmoins, Mesdames et Messieurs, voter un crédit de 50 millions qui n'est destiné à aucun projet spécifique, ça consiste tout simplement à donner un chèque en blanc au Conseil d'Etat ! Alors on peut comprendre qu'il n'existe pas de liste établie de projets aujourd'hui - en l'occurrence, cette demande a été formulée à la commission des travaux - mais il est tout de même étonnant qu'on vienne nous demander un crédit de 50 millions - ce n'est pas rien - sans l'ombre d'une acquisition en vue à court ou moyen terme. Je le répète: sans l'ombre d'une acquisition en vue à court ou moyen terme !
De plus, vous l'aurez sans doute noté, le montant souhaité est bien supérieur à celui des précédents crédits votés ou encore à la moyenne annuelle des investissements effectivement consentis. La majorité de la commission des travaux a donc décidé d'accepter ce crédit sur le principe, parce que nous en comprenons l'utilité et le soutenons, mais d'en diminuer le montant pour le ramener au niveau des crédits précédents. Ainsi, on ne fait que poursuivre ce qui se faisait jusqu'à présent. Cela n'enlève aucune marge de manoeuvre au Conseil d'Etat ou à l'administration, contrairement à ce que diront certainement les rapporteurs de minorité tout à l'heure. En effet, si d'importantes opportunités venaient à se présenter et que le crédit était épuisé, le Conseil d'Etat pourrait à tout moment revenir devant notre parlement pour demander un nouveau crédit d'investissement.
Enfin, la majorité de la commission a souhaité qu'un rapport annuel soit établi sur l'utilisation de cet argent, ce qui nous permettra de déterminer si une marge supplémentaire est nécessaire. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, la majorité de la commission vous invite à voter le crédit tel que modifié par elle, c'est-à-dire à hauteur de 30 millions. Je vous remercie.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de première minorité. Ce projet de loi ne constitue pas une nouveauté, puisqu'il s'agit de la sixième loi similaire proposée depuis 1993. Ces 50 millions sur cinq ans, soit 10 millions par an, serviront à financer des achats imprévus, principalement des terrains et des bâtiments, pour des besoins urgents. Je le répète: ce n'est pas nouveau, puisqu'il s'agit de la sixième loi allant dans ce sens.
Ce qui est nouveau, c'est la crise printanière à laquelle nous avons assisté à la commission des travaux, crise printanière et certainement électoraliste de la majorité, puisque c'était en avril. Le seul argument valable qui transparaît dans le rapport de majorité, c'est que ce projet n'offre pas de visibilité, puisqu'il ne contient aucune liste précise d'achats, ce que voudrait la majorité. Or il sera difficile de la satisfaire et de présenter une liste d'objets à un horizon de quelques années, puisque ce type de projet de loi sert précisément à financer des achats imprévus et urgents. On ne pourra pas satisfaire la curiosité de cette majorité, mais on peut lui rappeler à quoi a servi la précédente loi - cela figure dans le rapport.
Qu'a-t-on acheté avec le crédit de la dernière loi ? On a acheté des locaux destinés à l'administration - un poste de police et un centre médico-pédagogique - un bâtiment industriel dans la ZIPLO, des locaux qui faisaient l'objet d'une mesure de classement - il s'agit de l'immeuble Clarté - des terrains et des bâtiments nécessaires à la réalisation de l'une des gares CEVA, des constructions et une parcelle dans le domaine scolaire. Voilà à quoi a servi ce crédit.
J'entends dire qu'il suffit au Conseil d'Etat de revenir devant le Grand Conseil avec des demandes de crédits supplémentaires, mais cela ne garantit pas un fonctionnement rapide en cas d'urgence. Imaginez le processus: crédit d'étude, crédit d'investissement, satisfaction ou non de la commission... A titre d'exemple, le poste de police mentionné a coûté 11,7 millions; vous me direz que cette dépense aurait pu faire l'objet d'un crédit d'investissement, mais il s'agissait d'une urgence qui n'a pas pu attendre de passer par un crédit d'investissement.
Contrairement à ce que pense le rapporteur de majorité, la première minorité estime que réduire le crédit de 20 millions, comme cela a été fait en commission, revient à ralentir le fonctionnement de l'Etat, c'est lui rendre la tâche plus difficile, c'est rendre son action moins rapide quand il y a urgence.
S'agissant de l'amendement demandant un rapport annuel, nous jugeons cette proposition tout à fait rationnelle et nous l'acceptons, nous n'allons pas la combattre. Pour notre part, nous avons redéposé l'amendement que nous avions déjà présenté en commission et qui vise à modifier le titre, l'article 1 et l'article 2, alinéa 2: il s'agit de remplacer le montant actuel de 30 millions par celui de 40 millions. Voilà ce que propose la première minorité. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, il convient de rappeler que ce projet de loi a été initié suite à une adaptation des autorisations de dépenser telles que définies par le département des finances; auparavant, il y avait un principe de clauses de remploi. Qu'est-ce que c'est ? Chaque fois que l'Etat vendait un bien, le produit de la vente venait alimenter un crédit prévu dans la loi. Ainsi, l'Etat a acheté pour un peu plus de 70 millions sur la base de la loi 8552 portant sur un montant d'environ 35 millions, que nous avons modifiée via ce projet de loi.
Le département a expliqué que les 50 millions demandés initialement correspondaient à la pratique de l'office des bâtiments qui s'est fondé sur les achats réalisés avec cet argent par le passé - mon collègue en a cité quelques-uns tout à l'heure. Il faut donner à l'OBA les moyens d'être proactif, de réagir rapidement et avec intelligence pour acquérir des terrains ou des bâtiments, il s'agit de répondre aux besoins prépondérants de l'Etat pour des locaux utilisés ou la construction de logements.
J'ai déposé ce rapport de minorité, parce que j'ai trouvé tout à fait indécente la manière dont la commission a interrogé les fonctionnaires venus présenter ce projet, sous-entendant qu'ils demandaient 50 millions pour en obtenir peut-être 30, voire moins. Ces agents de l'Etat ont été traités de façon méprisante, comme si tout à coup ils ne représentaient plus la volonté du Conseil d'Etat. On était en période électorale, certes, et on croyait attaquer Antonio Hodgers jusqu'au moment où on s'est aperçu que l'office des bâtiments dépendait de M. Dal Busco.
A gauche, nous avons proposé l'audition du conseiller d'Etat Dal Busco pour qu'il puisse détailler le mécanisme que je viens d'évoquer - un mécanisme avant tout financier - mais non, il n'en a rien été. Nous sommes passés d'une proposition de diminution de crédit à une autre: 10 millions, 20 millions, 30 millions, le montant finalement retenu étant celui de 30 millions, mais ça aurait pu en être un autre. Aujourd'hui, notre collègue présente un amendement que je vous conseille à tout le moins d'accepter, mais je reste convaincue que ce n'est pas comme ça qu'on travaille, c'est un manque de respect vis-à-vis des départements. Je vous remercie.
M. Guy Mettan (PDC). Chers collègues, il faut être sérieux quand on débat de ce type de sujet. Vous transmettrez à Mme Valiquer Grecuccio, Monsieur le président, qu'elle se trompe en parlant du changement dans le calcul: la loi 8552 a été votée en 2002, et c'est en 2002 que cette adaptation a eu lieu, pas lors du vote de la dernière loi qui est la L 10775 et qui a été adoptée en 2011 en incluant le nouveau changement.
Une voix. Bravo !
M. Guy Mettan. Pourquoi avons-nous proposé 30 millions au lieu de 50 ? Pour une raison très simple: le montant de la loi 10775 votée en 2011 et qui concernait une période de six ans s'élevait à 25 millions. Durant ces six dernières années, le Conseil d'Etat a utilisé en moyenne 4 millions par an pour acquérir des bâtiments ou des terrains. Il vient aujourd'hui avec le double de ce montant - c'est même plus que le double, c'est 150% de plus - lequel est passé de 4 à 10 millions par année. Très logiquement, la commission s'est demandé: pourquoi une telle augmentation alors que, comme l'a expliqué le rapporteur de majorité, il n'y a pas d'important projet d'acquisition dans le pipeline ? Rien ne justifie pareille croissance du montant.
Soucieuse du bon usage de l'argent public, une majorité de la commission a estimé qu'on pouvait naturellement accorder au Conseil d'Etat les moyens d'acquérir des terrains et des immeubles, qu'on pouvait même augmenter le crédit alloué, ce que nous avons fait, en le portant à 30 millions, soit 6 millions par an sur cinq ans. Il s'agit d'une hausse de 50% par rapport à la moyenne de ces dernières années, donc il ne faut pas venir nous dire qu'on bloque le Conseil d'Etat, on lui a octroyé un budget supplémentaire. Mais de là à doubler ou tripler la somme, il y a un pas que nous ne voulons pas franchir.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter ces 30 millions. C'est le PDC qui a fait cette proposition, et nous nous y tenons, sachant aussi - deuxième élément - que nous n'avons pas fixé de date butoir, nous n'avons pas restreint ces 30 millions à une durée précise. Si, pour une raison valable, le Conseil d'Etat dépense 20 millions demain, rien ne l'empêche de revenir vers nous dans un an ou deux nous demander un supplément, puisque aucun délai n'a été indiqué. Il s'agissait justement de laisser une plus grande marge de manoeuvre au Conseil d'Etat. Pour ces différentes raisons, il faut accepter le projet de loi sans les amendements, cela permettra à notre république de fonctionner correctement avec la marge de manoeuvre qui lui est nécessaire. Merci.
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je m'étonne de ne pas avoir entendu le Conseil d'Etat nous exprimer ce soir sa volonté de mener une politique proactive en matière d'acquisition de terrains. Ces dernières années, en effet, ses efforts ont été relativement modérés. Heureusement, il nous propose aujourd'hui, par une action déterminée, d'augmenter de manière conséquente sa marge de manoeuvre et, partant, sa flexibilité pour saisir des opportunités. Je vous rappelle que les collectivités disposent de deux méthodes pour acquérir des terrains afin d'y développer du logement social ou de l'industrie - ce qui est une manière de soutenir les petites et moyennes entreprises: d'une part le droit de préemption, d'autre part l'achat de gré à gré.
Or l'Etat n'a pas eu beaucoup recours au droit de préemption en zone de développement 3 ces dernières années, et j'espère qu'avec cette somme de 50 millions qu'Ensemble à Gauche votera, on assistera enfin à de réelles politiques offensives en ce qui concerne l'acquisition de terrains et l'exercice du droit de préemption, y compris en proposant à des particuliers d'acheter leur bien en cas d'hoirie, de difficultés passagères ou importantes. Il s'agit maintenant d'acheter des terrains très rapidement, soit en zone industrielle, soit en zone de développement.
Bon an mal an, nous avons construit environ 2000 logements ces trois dernières années, mais il faut à présent accélérer le rythme et viser les 2500, voire 3000 logements en zone de développement, et ce n'est pas en traînant comme un escargot qu'on y arrivera, mais bien en octroyant réellement des moyens ainsi que ce projet de loi nous le demande. Certains ici jouent les marchands de tapis en diminuant le montant de 30 millions, puis branlent dans le manche en en proposant 40...
Pour ma part, je trouve qu'il est tout à fait responsable de voter ce crédit demandé et argumenté par le Conseil d'Etat, d'autant plus que nous recevrons chaque année un rapport sur l'utilisation des deniers. Ensemble à Gauche espère que l'Etat mènera désormais une politique offensive en matière d'achat de gré à gré ou par préemption de terrains, car il s'agit de construire des logements bon marché et surtout de soutenir les petites et moyennes entreprises en acquérant des bâtiments dans les zones industrielles. Je vous remercie de votre attention.
M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, vu l'heure avancée, je serai bref, je ne traînerai pas comme un escargot, ainsi que le craint notre ami Pagani. Le groupe MCG et la majorité de la commission des travaux vous encouragent à refuser les amendements proposés, c'est-à-dire à maintenir la ligne de crédit à 30 millions sur cinq ans, et à voter le texte de loi tel que sorti de commission. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède maintenant la parole à M. Yvan Zweifel. (Un instant s'écoule.) Il n'est pas là ?
M. Yvan Zweifel. Si, Monsieur le président - je sais que je ne suis pas bien grand, mais tout de même ! (Rires.)
Le président. Excusez-moi, Monsieur Zweifel, je donne d'abord la parole aux deux rapporteurs de minorité, vous l'aurez en dernier. Madame Valiquer Grecuccio, c'est à vous.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Nous partageons l'opinion que vient d'exprimer M. Pagani: l'Etat se doit d'être proactif, il faut lui garantir des moyens. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle ce sont les minoritaires qui ont demandé l'urgence sur ce projet de loi - je l'ai fait moi-même tout à l'heure - afin que l'Etat dispose au moins de 30 millions pour fonctionner, et nous ne manquerons pas de revenir à la charge pour obtenir davantage en cas de besoin, car nous faisons confiance aux chiffres fournis par les collaborateurs qui sont sur le terrain, qui ne se perdent pas dans des positions idéologiques, comme c'est le cas actuellement. Merci beaucoup.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de première minorité. Nous avons pris M. Mettan en flagrant délit de mauvaise foi: il prétend allouer des moyens supplémentaires au Conseil d'Etat, mais supprime 40% du montant demandé ! Couper les ailes au Conseil d'Etat, voilà une drôle de façon de l'aider... Enfin, ce n'est pas vraiment lui couper les ailes, mais le déplumer et ralentir son activité.
Par égard pour le PDC, j'ai omis de mentionner tout à l'heure que les amendements élaguant le crédit de 20 millions avaient été présentés par M. Mettan lui-même, seul député PDC dans cette commission à l'époque. Mme Valiquer Grecuccio a indiqué que l'audition du Conseil d'Etat avait été sollicitée, mais n'a pas précisé ce que j'ai également oublié de souligner, par égard pour la majorité cette fois, à savoir que cette audition a été refusée par cette même majorité. M. Dal Busco n'a pas été autorisé à présenter son projet de loi devant la commission ! C'est une pratique tout à fait inconcevable, contraire à la politesse politique minimale qui est d'entendre le Conseil d'Etat lorsqu'il présente un texte de loi.
Nous constatons que la majorité, donneuse de leçons habituelle, se complaît dans sa mauvaise humeur. Toutefois, nous espérons que dans cette majorité se trouveront suffisamment de députés pour voter l'amendement établissant le crédit à 40 millions, ce qui représente 10 millions supplémentaires sur une période de cinq ans et donnera un peu d'aisance au Conseil d'Etat s'agissant d'achats urgents et nécessaires en faveur de la population. Merci.
Le président. Je vous remercie, Monsieur. A présent, la parole est à M. Yvan Zweifel, avec mes excuses !
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de majorité. Excuses acceptées, Monsieur le président ! Mesdames et Messieurs, on ne peut pas tout dire et surtout pas n'importe quoi. On parle de mauvaise humeur de la majorité, mais elle se situe plutôt du côté de la minorité. Prétendre que nous avons refusé ce projet de loi en commission est faux; la preuve, je vous appelle ce soir à le voter - peut-être pas tel que le souhaitait le Conseil d'Etat, mais à le voter tout de même. Je le répète: prétendre qu'on ne voulait pas le voter, comme l'a fait Mme Valiquer, n'est pas correct. Dire que du mépris aurait été manifesté à l'encontre des employés de l'Etat ne me paraît pas correct non plus: nous avons reçu les fonctionnaires qui nous ont fourni leurs explications, personne n'a été méprisant.
Mesdames et Messieurs, nous sommes les députés de la République et canton de Genève, nous sommes le législateur, il nous revient de prendre des décisions. Investir 30, 40 ou 50 millions constitue une lourde responsabilité, et nous devons la prendre en toute connaissance de cause. Naturellement, Monsieur le rapporteur de première minorité, j'ai bien compris qu'on ne pouvait pas obtenir de liste exhaustive des achats envisagés avec ces 50, 40 ou 30 millions, j'ai bien compris le pourquoi du comment, mais venir nous dire qu'on n'a même pas l'ombre du début d'une petite idée sur la question...! En tant que députés membres de la commission et comme législateur, nous sommes en droit de nous poser des questions. Ce n'est pas de la mauvaise humeur, ça signifie simplement prendre nos responsabilités.
M. Pagani parle de marchandage de tapis, ce n'est en tout cas pas nous qui nous y adonnons. Sur quels éléments nous sommes-nous basés pour arriver à la somme de 30 millions ? M. Mettan l'a dit très parfaitement - enfin, il l'a dit parfaitement, parce que «très parfaitement», ce n'est pas français: nous nous sommes basés sur les projets de lois précédemment votés d'une part, sur la moyenne annuelle des investissements effectivement consentis d'autre part. Il ne s'agit pas de marchandage de tapis, mais d'un montant parfaitement estimé. Ce sont précisément ceux qui proposent aujourd'hui 40 millions à la place de 50 ou de 30 qui font du marchandage de tapis.
Enfin et pour conclure, Mesdames et Messieurs, Monsieur le président, la majorité a souhaité qu'un rapport annuel soit établi pour que nous puissions déterminer chaque année où en est le crédit et anticiper; si, dès la première année, nous constatons que la moitié du montant a déjà été mangée, nous voterons alors un crédit supplémentaire. Cela nous permet simplement d'avoir une visibilité, c'est la seule et unique chose que souhaite la majorité de la commission. Il n'y a pas de mauvaise humeur, pas de mépris, pas d'électoralisme, juste un pragmatisme raisonnable. Je vous remercie de voter le projet de loi tel qu'il ressort des travaux de commission.
Le président. Merci. Je passe la parole à M. Lefort qui la sollicite à nouveau. (Exclamations.)
M. François Lefort (Ve), rapporteur de première minorité. M. Lefort a encore un peu de temps, Mesdames et Messieurs ! (Commentaires.)
M. Yvan Zweifel. M. Zweifel aussi !
Le président. Allez-y, Monsieur le député, allez-y.
M. François Lefort. Notre règlement me permet de prendre la parole jusqu'à ce que mon temps soit épuisé, donc je vous prierai de ne pas grommeler comme ça, là-bas au fond.
Je voulais juste faire un petit commentaire, d'ailleurs, et relever que M. Zweifel, tout comme les gens qui vont le suivre ce soir, planifie nos besoins futurs en regardant vers le passé. Cette méthode va nous permettre de faire face à nos besoins, c'est clair ! Regardons vers le passé, c'est comme ça que nous allons satisfaire les besoins de la population dans le futur. Non, évidemment, ce n'est pas la méthode que nous préconisons, c'est plutôt celle que nous combattrons. Merci.
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je peux comprendre que pour le législateur, ce genre d'enveloppe interroge. D'un autre côté, on le voit, ce système existe dans notre république depuis des années et permet à l'Etat d'agir sur le marché foncier - qui est un marché essentiellement privé, où les acteurs ont besoin d'une réponse rapide et d'une disponibilité financière immédiate - et d'acquérir des locaux. Il ne s'agit pas de logements, contrairement à ce qu'évoquait M. Pagani...
M. Rémy Pagani. J'ai confondu !
M. Antonio Hodgers. ...qui confond sans doute avec le fonds LUP d'acquisition de logements. Ici, on parle de locaux destinés aux besoins de l'administration, de bâtiments en zone industrielle - on a entendu l'exemple de la ZIPLO - d'immeubles patrimoniaux, comme Clarté, de terrains pour réaliser des gares du CEVA, autant d'infrastructures publiques qui touchent assez peu la politique du logement.
Le Conseil d'Etat, Monsieur le rapporteur de majorité, ne peut pas venir devant le parlement déposer un projet de loi, attendre les travaux parlementaires en commission, attendre que l'objet soit de nouveau porté à l'ordre du jour et espérer que l'urgence soit votée, comme ça a été le cas ce soir. Je suis désolé de le dire, mais le temps des travaux parlementaires n'est pas compatible avec les attentes des propriétaires privés qui, dans l'essentiel des cas, sont d'accord de vendre, mais ont besoin d'une réponse rapide. C'est donc cette marge de manoeuvre que le Conseil d'Etat sollicite.
On peut se demander, comme l'a fait M. Zweifel, pourquoi 50 millions. Eh bien pour obtenir une réponse, Monsieur le rapporteur de la majorité, il aurait fallu que vous acceptiez l'audition du magistrat concerné, à savoir Serge Dal Busco ! Je trouve un peu cavalier qu'une commission refuse d'entendre le conseiller d'Etat chargé d'une politique publique et qu'on vienne ensuite se plaindre en plénière qu'on ne sait pas exactement à quoi va servir l'argent.
Cet argent, Mesdames et Messieurs les députés, est lié à un volume de mutation urbaine plus important que par le passé. Nous vivons aujourd'hui l'avènement de plusieurs grands quartiers qui vont mobiliser des infrastructures publiques, des postes de police, des écoles, et pour cela, nous avons besoin d'un crédit plus conséquent. Certes, nous pourrons aller de l'avant avec 30 millions, mais la conséquence, c'est que nous reviendrons plus vite devant vous et qu'il y aura, ma foi, un processus politique et administratif supplémentaire. A Genève, on se plaint de la densité normative, mais quand la possibilité de faire preuve d'un peu plus de souplesse s'offre à nous, on la refuse !
Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat s'en tient à son enveloppe qui est justifiée, qui aurait pu être détaillée en commission si la majorité avait eu la curiosité d'aller plus loin dans les travaux, et vous prie d'accepter le projet de loi à 50 millions tel qu'il l'a déposé.
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, c'est le moment de voter sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12243 est adopté en premier débat par 94 oui et 1 abstention.
Deuxième débat
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Lefort au titre visant à remplacer le montant du crédit d'investissement de 30 millions par celui de 40 millions.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 56 non contre 41 oui.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Une voix. Pas sympa pour votre magistrate !
Le président. Puisque le premier amendement a été rejeté, les deux modifications suivantes proposées à l'article 1 et à l'article 2, alinéa 2, tombent.
Mis aux voix, l'art. 1 est adopté, de même que les art. 2 à 5.
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12243 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 96 oui contre 1 non.