République et canton de Genève

Grand Conseil

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IN 170
Initiative populaire cantonale « Pour des primes d'assurance-maladie plafonnées à 10% du revenu du ménage ! »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 11 et 12 octobre 2018.
IN 170-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative populaire cantonale 170 « Pour des primes d'assurance-maladie plafonnées à 10% du revenu du ménage ! »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 11 et 12 octobre 2018.

Débat

Le président. Nous passons à l'initiative 170. Cet objet est classé en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à qui veut la prendre ! La parole est à Mme la députée Jocelyne Haller.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. La population a mal à sa LAMal: le principe d'une assurance sociale sans but lucratif a fait long feu. Que dire de cette interdiction de réaliser des bénéfices alors que nous nous heurtons au triangle des Bermudes que constituent les réserves des caisses maladie ? Une fois engrangé, cet argent disparaît des radars et on ne peut pas plus surveiller son utilisation que tenter d'y avoir recours pour freiner la hausse constante des cotisations ou en restituer une partie aux assurés qui en général ont régulièrement trop payé. La charge des cotisations devient insupportable pour nombre de familles: à deux ou trois personnes, on se retrouve déjà à une charge équivalente à un loyer, ceci dans un contexte où une grande partie de la population s'appauvrit et est souvent contrainte de renoncer à des soins en raison de franchises trop élevées.

Oui, l'initiative 170 demande que les cotisations ne représentent pas plus de 10% des ressources d'un groupe familial et que la part supplémentaire soit prise en charge par l'Etat au titre de subsides à l'assurance-maladie. Evidemment, une telle mesure n'a pas pour prétention d'agir sur les causes: l'augmentation obscure et incontrôlée des cotisations d'assurance-maladie est récurrente et il est difficile d'agir sur ces éléments sans toucher aux fondements de l'assurance LAMal et sans remettre en question l'action des lobbies des caisses maladie. Oui, cela constitue une charge supplémentaire pour l'Etat, mais cela ne devrait être qu'une transition, compte tenu de l'intérêt évident pour l'Etat d'agir sur tous les leviers disponibles pour modifier la LAMal afin de faire cesser le scandale de la hausse constante des cotisations d'assurance-maladie.

Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche est favorable à l'initiative 170: il l'a dit avec constance, durant toute la campagne électorale, et il n'entend en rien transiger sur ses engagements. A cet égard, la perspective d'un contreprojet constitue une forme de renoncement à des engagements pris par des candidats qui, au printemps dernier, ont brandi cette initiative comme un instrument de redistribution fiscale indispensable à la justice sociale que nous appelons tous de nos voeux. C'est pourquoi nous soutiendrons l'initiative 170. D'aucuns estiment que l'Etat intervient déjà considérablement par le biais des subsides à l'assurance-maladie ou des dispositions sur les assurés débiteurs. Eh bien oui, mais j'aimerais juste rappeler que les dispositions sur les assurés débiteurs n'interviennent qu'une fois l'acte de défaut de biens prononcé - c'est-à-dire une fois qu'il est trop tard et que les familles sont déjà en difficulté et entrent dans la spirale de l'endettement. Il faut donc agir en amont, c'est pourquoi nous soutenons le principe des subsides porté par cette initiative 170. (Applaudissements.)

Mme Françoise Sapin (MCG). Le problème des coûts de l'assurance-maladie est un serpent de mer qui empoisonne les ménages suisses depuis des décennies et qui pèse surtout très lourd sur le porte-monnaie de chacun. Cependant, les assurances sont assises sur des milliards de francs de réserves qui ne sont pas utilisés. A notre avis, la seule manière de régler ce problème, c'est par le biais de notre initiative - celle de MM. Poggia et Maillard - «Pour des primes plus justes». Cependant, le MCG n'est pas fermé à discuter d'autres solutions car les primes actuelles peuvent atteindre jusqu'à 20% du salaire de chacun, ce qui est absolument insupportable. Vu la situation, on peut comprendre que ce plafond de 10% du salaire soit mis en discussion, mais cela occasionnerait de forts coûts pour l'Etat. Surtout, elle ne règle pas le problème. Ce ne sera pas supportable pour le contribuable.

L'autre problème, avec cette initiative, c'est que l'on continue à subventionner les caisses maladie et leur mauvaise gestion. Cependant, il ne faut pas renvoyer cette initiative sans l'étudier en commission. Il sera aussi loisible à la commission d'étudier un contreprojet qui pourrait mentionner d'autres pourcentages: 13%, 14% ou 16% du salaire. Il existe également une autre piste à étudier, vraiment d'actualité, avec le PF 17 ou la RFFA: on pourrait proposer des mesures d'accompagnement à ce que nous allons mettre en place avec cette nouvelle fiscalité. Pour toutes ces raisons et pour permettre d'étudier ça en profondeur, le MCG votera le renvoi en commission.

Mme Jennifer Conti (S). Mesdames et Messieurs les députés, en 2018: plus 5,4% ! En 2019: plus 1,4% ! Malheureusement, ces chiffres ne sont pas ceux de la hausse des salaires des travailleuses et travailleurs genevois, mais de l'augmentation des primes d'assurance-maladie dans le canton de Genève ! De plus en plus de personnes renoncent aux soins pour des questions de coûts, alors qu'en parallèle les réserves des assureurs explosent: 4 milliards de francs de réserves excédentaires. Plus de 74 millions de francs dépensés en frais de publicité en 2016 avec nos primes maladie ! Ce système est devenu indéfendable, sa refonte complète est nécessaire et la population genevoise l'a bien compris. Je vous rappelle qu'en 2014, ils étaient plus de 57% à voter oui à une caisse publique.

Ce soir, avec l'initiative «10%», la gauche vous propose une solution préventive et ciblée pour soutenir le pouvoir d'achat de la classe moyenne. Il est vrai que de nombreuses initiatives ont été lancées au niveau national pour réformer notre système de santé, mais nous sommes dans l'urgence; c'est maintenant que les assurés doivent payer leur prime, pas dans trois ni dans quatre ans. Avec les salaires qui n'augmentent pas et les primes maladie qui grimpent chaque année, les personnes qui vont se retrouver aux poursuites pour des primes impayées seront encore plus nombreuses. Mesdames, Messieurs les députés, que vous le vouliez ou non, dans ce système de santé privatisé, au final, c'est le canton qui paie les primes impayées ! Autant utiliser ces millions de francs pour agir en amont et aider les familles à payer dignement leur part de prime d'assurance-maladie.

Mon propos ce soir ne consiste pas à dire que cette initiative s'attaque à la racine du problème du système de santé suisse. Mais en attendant une refonte complète de ce dernier, ce texte soutient le pouvoir d'achat de la classe moyenne et empêche des familles de sombrer dans la spirale de l'endettement. En proposant un contreprojet, le Conseil d'Etat reconnaît le problème soulevé par l'initiative «10%», et nous le saluons. C'est pourquoi, ce soir, le parti socialiste vous invite à la renvoyer à la commission des affaires sociales.

Mme Delphine Bachmann (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le PDC combat depuis de nombreuses années l'explosion des coûts de la santé et des primes d'assurance-maladie, deux phénomènes intrinsèquement liés. Particulièrement sensibles aux difficultés que cela représente surtout pour les familles et la classe moyenne genevoise, nous avons cependant de sérieuses réserves sur cette initiative qui ne réglera pas fondamentalement l'injustice de notre système de santé. En effet, plafonner les primes à 10% du revenu reviendrait à faire payer le contribuable. Ceux qui gagnent suffisamment continueraient de payer leurs primes, ceux qui ne les paient pas aujourd'hui ne les paieraient toujours pas et ceux pour qui le plafond entrerait en ligne de compte risqueraient une augmentation d'impôts. Un couple avec deux enfants de la classe moyenne peut gagner entre 8000 F et 18 000 F par mois, soit entre 96 000 F et 216 000 F brut par année. Il lui en coûterait à peu près 13 000 F d'assurance de base par an s'il choisit la franchise la plus basse dans la caisse la moins chère. (Commentaires.) Dès lors, toutes les familles gagnant plus de 130 000 F brut ne pourraient pas bénéficier de ce plafonnement.

L'initiative manque sa cible car les personnes gagnant très peu ne paient déjà pas leurs primes et il s'agit de près d'un tiers de notre population. De plus, le calcul effectué pour l'initiative se base sur la prime moyenne cantonale qui est souvent supérieure au montant payé en réalité et cela n'incite absolument pas à choisir un modèle d'assurance moins chère. En revanche, nul doute que le coût engendré devrait alors être compensé par les deniers publics et donc pris dans la poche de ces mêmes contribuables qui paient leurs primes, avec leurs impôts ou alors avec plus d'impôts. Au final, c'est tout cet argent en moins à la fin du mois.

Pour le PDC, cette initiative ne s'attaque pas au vrai problème et propose de le résoudre en prévoyant des subventions de l'Etat. Or, le problème de l'augmentation des primes est à imputer premièrement aux coûts de la santé, deuxièmement au fonctionnement des assurances-maladie. C'est pourquoi nous nous battons sur plusieurs plans pour de vraies réformes: pour la diminution des primes d'assurance-maladie ainsi que la maîtrise stricte de leur évolution; la prise en charge complète de prestations comme les lunettes, les lentilles, les appareils ainsi que les soins dentaires; la limitation des réserves des caisses maladie; l'interdiction aux parlementaires fédéraux de siéger dans les conseils d'administration; l'établissement d'une assurance de base cantonale comme alternative de qualité et de proximité pour nos concitoyens; le remboursement complet des primes payées en trop par les Genevoises et Genevois, qui représentent encore des milliards de francs.

Cette initiative ne s'attaque donc pas aux vrais coupables, mais, conscients du problème, nous soutiendrons le principe d'un contreprojet et d'un renvoi en commission. Le PDC s'engagera à répondre aux préoccupations d'une partie de la population la plus précarisée de notre canton en raison, notamment, de l'augmentation brutale et injustifiée des primes. Notre parti se mobilisera en faveur d'une réflexion à l'égard des prestations complémentaires et des subsides d'assurance ainsi que de leur effet de seuil afin que ces mêmes prestations puissent protéger le porte-monnaie de nos concitoyens et remplir pleinement leur rôle de remparts contre la paupérisation.

M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, le PLR constate également que notre système de soins atteint ses limites, notamment pour la capacité de financement des individus mais également pour les finances publiques. Le PLR soutiendra le renvoi en commission de cette initiative pour la raison suivante: l'initiative propose de faire passer une partie du financement du système de soins dans la fiscalité, c'est-à-dire dans les finances publiques, toutefois sans donner la compétence au canton de maîtriser l'organisation du système de soins et les coûts, cette compétence étant fédérale. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le contreprojet - tel qu'annoncé dans le rapport du Conseil d'Etat et dont je salue la qualité - propose une orientation vers des mesures d'amélioration des subsides aux personnes qui ne peuvent aujourd'hui plus payer leurs primes d'assurance-maladie, sans pour autant fiscaliser les dépenses et financer par ce biais-là une partie du coût du système de soins. C'est pour cette raison que nous soutenons la demande de renvoi de cette initiative à la commission des affaires sociales.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts soutiennent cette initiative législative. Ils en sont cosignataires et ont participé activement avec toute l'Alternative à la récolte de signatures pour que celle-ci aboutisse. Cette initiative demande de plafonner les primes d'assurance-maladie à 10% du revenu du ménage car les familles n'arrivent plus à les payer. Il faut tout de même rappeler que les primes ont augmenté de 159% depuis 1996. Dans les faits, de nombreuses personnes peinant à s'acquitter de leurs primes préfèrent tout simplement renoncer à des soins de base en raison de la franchise élevée. Ceci est inacceptable pour Genève ! Plus d'une personne sur cinq renonce à des soins pour des raisons financières et met ainsi sa santé en danger. Cette initiative vise à garantir l'accès aux soins à toutes et tous. Il faut aussi rappeler que l'augmentation annuelle des primes représente parfois jusqu'à 20% des revenus: c'est intenable !

Le système tel que nous le connaissons actuellement est en train de dérailler. Pour nous, les Verts, il est donc fondamental d'apporter une réponse dans l'attente d'une réforme fédérale du système d'assurance-maladie. Cette initiative en est une et elle cible essentiellement la classe moyenne qui ne bénéficie pas de subsides. Il s'agit de limiter le poids des primes pour les familles et les personnes vivant seules.

Enfin, en ce qui concerne son financement et sa réalisation, son coût annuel est estimé à 254 millions de francs. Les sources de financement à Genève sont nombreuses et il ne faut pas avoir peur de s'attaquer aux niches fiscales actuelles telles que le bouclier fiscal qui, je le rappelle, représente un manque à gagner annuel de 75 millions de francs, ou encore la revalorisation des biens immobiliers non locatifs à hauteur de 287 millions de francs - une obligation fédérale que Genève tarde à mettre en place, depuis dix-huit ans. Et il y a encore d'autres possibilités ! En ce qui concerne le contreprojet du Conseil d'Etat, les Verts en prennent acte et souhaitent son renvoi en commission aussi afin d'en étudier les propositions. Pour toutes ces raisons, les Verts vous proposent de renvoyer cette initiative à la commission des affaires sociales.

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. La parole est maintenant pour deux minutes à M. le député Patrick Saudan.

M. Patrick Saudan (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, deux minutes seront tout à fait suffisantes, je ne reviendrai pas sur le problème de l'augmentation des primes d'assurance-maladie bien mise en exergue par tous mes préopinants. Monsieur le président, vous transmettrez à Jocelyne Haller mon incompréhension quand elle dit que l'application de cette initiative entraînerait un problème transitoire pour le canton puisque l'Etat serait obligé d'agir rapidement sur les coûts de la santé. Une augmentation des subsides de 250 millions à 1 milliard de francs en quelque temps, à mon avis, entraînerait des effets très durables sur nos finances cantonales !

Cette initiative, il faut bien le dire, elle est mal foutue: le choix de la prime moyenne cantonale plutôt que de la prime cantonale de référence fait qu'elle a un défaut majeur. Rien que cette raison doit nous pousser à étudier un contreprojet à la commission des affaires sociales.

Vous transmettrez à Mme de Chastonay, je ne peux pas m'empêcher de revenir sur ses propos quand elle nous parle du bouclier fiscal et nous dit qu'il y a encore des ressources à gagner en augmentant la charge fiscale des contribuables genevois. Je lui dirai de lire «Le Temps» d'aujourd'hui qui montre pour la première fois qu'il y a un exode fiscal important des plus gros contribuables. Voilà, je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Patrick Dimier (MCG). Monsieur le président, je ne serai pas long. Je veux simplement rappeler le vrai problème: alors que les assurances devraient faire de la santé avec notre argent, elles font de l'argent avec notre santé. Le problème de cette initiative, c'est qu'elle ne règle pas cette équation. Bien entendu, il faut la renvoyer en commission.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole n'est plus demandée.

L'initiative 170 et le rapport du Conseil d'Etat IN 170-A sont renvoyés à la commission des affaires sociales.