République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 20 septembre 2018 à 20h30
2e législature - 1re année - 3e session - 19e séance
IN 169 et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Nous allons maintenant traiter l'IN 169 et le rapport IN 169-A en catégorie II, trente minutes, et je cède la parole à Mme Delphine Klopfenstein Broggini.
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, après un accueil extrêmement favorable de la part de la population lors de la récolte de signatures - 6500 paraphes ont été engrangés en plein coeur de l'hiver - après un accueil positif de la part du Conseil d'Etat, exprimé dans l'un de ses derniers points presse, les Verts vous encouragent aujourd'hui à réserver vous aussi un bon accueil à cette initiative intitulée à juste titre «De l'air, moins de bruit. Préservons notre santé face à la pollution.»
En quelques mots, cette initiative exige de l'Etat des actions concrètes de lutte contre la pollution de l'air et contre le bruit, cela non seulement pour préserver notre santé, mais aussi pour améliorer la qualité de l'environnement. Il s'agit ici simplement de faire respecter dans l'ensemble du canton les normes actuellement en vigueur au niveau fédéral en matière de pollution. L'initiative présente également des mesures concrètes, comme la limitation du trafic motorisé, l'installation de systèmes de chauffage plus efficients ou la réduction des émissions de l'aéroport, mesures qui iraient bien entendu dans le sens d'une diminution de la pollution. Le canton devra aussi réagir rapidement en cas de pic de pollution, sachant que ces pics sont des états qu'on aimerait à terme ne plus devoir vivre, dans la mesure où ils constituent évidemment un moment de pollution extrême. Quoi qu'il en soit, lors de ces pics l'Etat devra mettre en place des mesures rapides, telles que la gratuité des transports publics ou la limitation des véhicules les plus polluants. L'initiative instaure également un nouvel article sur la question du bruit, et c'est extrêmement intéressant, parce que la pollution sonore affecte bel et bien directement la qualité de vie de tout un chacun.
En Suisse, 40% de la population souffre des valeurs excessives de la pollution de l'air, tandis qu'à Genève, 60% de la population souffre de l'excès de bruit. Il s'agit donc bien là d'un vaste problème de santé publique. On sait aussi que chaque année en Suisse, la pollution entraîne jusqu'à 20 000 jours d'hospitalisation et provoque 3000 décès prématurés, soit l'équivalent de l'ensemble des habitantes et habitants de Perly-Certoux, Satigny ou Bellevue, par exemple. Les maux auxquels s'attaque cette initiative sont intimement liés aux maladies chroniques, que ce soit l'asthme, les difficultés respiratoires, les bronchites aiguës, les maladies cardiovasculaires, le stress, la fatigue, etc. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) La pollution est donc un danger sanitaire, cela ne fait aucun doute, mais également un gouffre financier, puisqu'elle induit des coûts liés à la santé qui peuvent atteindre 4 milliards de francs annuels en Suisse. C'est donc avec le regard de spécialistes de la santé que les Verts souhaitent entamer la réflexion et l'étude autour de cette initiative en commission, car le texte vise spécifiquement à protéger la santé de la population en neutralisant les nuisances sonores et la pollution de l'air. Pour les Verts, une approche via la commission de la santé a dès lors tout son sens. Je vous remercie d'avance de votre bon accueil. (Quelques applaudissements.)
Mme Simone de Montmollin (PLR). Monsieur le président, chers collègues, le PLR accueille avec une certaine bienveillance cette initiative qui touche à des sujets souvent débattus dans ce Grand Conseil, notamment la question de l'assainissement de l'air, de la qualité de l'air. De nombreuses dispositions ainsi que des plans stratégiques existent déjà dans le canton pour améliorer la qualité de l'air et diminuer les pollutions sonores, mais sur ce dernier point il est vrai que le plan stratégique du Conseil d'Etat doit maintenant s'arrimer au nouveau plan édité par la Confédération et qu'il y a lieu d'étudier la question au niveau environnemental de manière plus détaillée. Cette initiative a suscité une réserve quant à l'une des dispositions qu'elle veut voir instaurées, à savoir les mesures de restriction du trafic en cas de pic de pollution, il nous paraît donc judicieux d'étudier tout cela en commission, mais nous proposons le renvoi à la commission de l'environnement et non pas de la santé. Voilà la proposition que nous formulons.
Le président. Merci, Madame la députée. Nous procéderons donc à un vote puisque nous sommes saisis de deux demandes de renvoi en commission différentes. En attendant, la parole est à M. Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs. C'est une erreur, Monsieur le président !
Le président. Très bien. Je cède donc le micro à Mme Delphine Bachmann.
Mme Delphine Bachmann (PDC). Merci, Monsieur le président. Le PDC prend acte de ce rapport qui met en évidence que les mesures sont déjà mises en oeuvre ou en voie de l'être. Nous saluons le travail effectué à ce propos et encourageons le Conseil d'Etat à poursuivre sur cette voie, sachant que les coûts de la santé induits par la pollution environnementale augmentent chaque année. En effet, les maladies non transmissibles connaissent une explosion alarmante, et c'est un sujet de préoccupation majeur pour nos concitoyens. La pollution constitue dès à présent un enjeu de santé publique qui ne saurait attendre. Nous rendons cependant le Conseil d'Etat attentif au fait que l'OMS a notamment relevé que nos normes étaient désormais trop légères. Il sera donc intéressant de voir comment le plan sera adapté à cet enjeu lors du travail en commission. Je vous remercie.
M. Jean Burgermeister (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, on l'a dit ici, la pollution de l'air est un sujet sérieux, grave, dont il faut mesurer l'ampleur, parce qu'elle engendre des répercussions importantes sur la santé - avec à la clé des décès prématurés et le développement de maladies, notamment respiratoires - ainsi qu'une hausse des coûts de la santé, qu'il s'agirait peut-être parfois d'intégrer lorsqu'on parle de politique de mobilité, ce que la droite se refuse à faire pour l'instant. La pollution a évidemment aussi des répercussions environnementales, et nous savons aujourd'hui que nous avons le devoir d'agir fortement et rapidement dans ce domaine.
L'initiative est donc évidemment bienvenue à ce titre dans la mesure où elle amène des réponses à cette problématique importante - et nous appellerons bien sûr à la soutenir - mais à mon sens elle n'est pas suffisante parce qu'elle ne permet pas de s'attaquer réellement aux racines du problème. Des mesures urgentes doivent naturellement être prises en cas de pic de pollution, et l'initiative le prévoit, c'est très bien, mais elles devraient être instaurées bien en amont pour éviter d'atteindre ces pics de pollution qui sont néfastes pour l'ensemble de la population du canton. A ce propos, il est intéressant de lire par exemple que les transports publics seront gratuits, une disposition qui serait vraisemblablement susceptible de pousser les gens à les emprunter. Pourtant, lorsque nous-mêmes nous défendons la gratuité des transports publics, on nous répond toujours que cela n'a aucune influence...
Le Conseil d'Etat indique qu'il a intégré l'essentiel des propositions dans ses mesures, avec succès, dit-il, puisque la pollution de l'air a diminué ces trente dernières années, avec tout de même une stagnation depuis les années 2000. Mais si ça fait vingt ans que la pollution de l'air ne diminue pas, c'est quand même qu'il faut faire le constat que les mesures prises actuellement sont insuffisantes et qu'il convient d'aller plus loin. Par ailleurs, le Conseil d'Etat a beau jeu d'appeler à soutenir cette initiative et de parler de la lutte contre la pollution de l'air alors qu'il propose aujourd'hui le déclassement de treize hectares de zone agricole en bordure de l'aéroport, là où les normes de pollution sont largement dépassées, pour construire des terrains de foot. On sait en effet que les personnes qui pratiqueront une activité sportive à cet endroit en subiront beaucoup plus fortement les répercussions en termes de santé. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Le groupe Ensemble à Gauche craint donc qu'il s'agisse là d'un prétexte pour déclasser ce terrain... Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Sandro Pistis (MCG). Il est vrai que pour nous la santé de nos résidents est un élément préoccupant, et il est assez surprenant que cette initiative ne traite pas de la problématique des pendulaires, des frontaliers... (Commentaires.) ...qui tous les jours traversent nos frontières, sachant que 50 000 à 60 000 véhicules entrent sur notre territoire le matin et en sortent le soir. Ce genre de va-et-vient importe et exporte inévitablement de la pollution de l'air, alors que ces gens devraient faire un effort et utiliser d'autres moyens pour se déplacer dans notre canton.
Mesdames et Messieurs, vous l'aurez compris, cette initiative parle d'un élément important, la santé de nos concitoyens, mais elle ne relève toutefois pas certains aspects également importants, notamment la question des frontaliers qui tous les jours empruntent nos routes, dans des véhicules qui pour certains ne sont pas forcément réglés comme ils devraient l'être. Le groupe MCG soutiendra donc le renvoi de cette initiative à la commission de l'économie... (Exclamation.) Pardon, à la commission de l'environnement, car nous pensons qu'elle pourra y être traitée de manière convenable, en espérant que nous trouverons une solution à cette problématique des véhicules frontaliers qui ne cessent de venir sur notre territoire du lundi au vendredi et qui ne contribuent pas à ce que l'on ait un air sain. Merci.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, il va sans dire que le parti socialiste soutiendra cette initiative et son renvoi à la commission de l'environnement pour étude. (Remarque.) Oui, de l'environnement ! Quelles sont aujourd'hui les principales causes de la pollution de l'air et de la pollution par le bruit ? Il y a tout d'abord la mobilité, puis tout ce qui concerne la question de l'isolation des bâtiments, sans oublier une problématique qu'on n'évoque souvent pas quand on parle de pollution - qu'il s'agisse de l'air ou du bruit - celle de l'aéroport. Vous connaissez le discours des socialistes: nous sommes pour une mobilité beaucoup plus durable qu'aujourd'hui et nous soutenons les grands projets ferroviaires comme celui du Léman Express, nous soutenons l'extension des lignes de tram, nous soutenons tout le développement de la politique de mobilité douce, que ce soit pour les piétons, les vélos ou les nouveaux modes de déplacement de mobilité douce comme les trottinettes - vous savez que ça m'est cher. Par contre, quand on voit aujourd'hui qu'il y a encore certains projets, comme celui d'une traversée autoroutière du lac qui va nous coûter au minimum 4 milliards, de 4 à 5 milliards... (Commentaires.) ...et qui sera peut-être construite en 2040, alors que nos modes de déplacement auront totalement changé et que la population veut désormais moins de pollution de l'air et moins de pollution par le bruit pour sa santé et celle de nos enfants, Monsieur le président, on se demande comment on peut encore travailler sur une telle traversée autoroutière du lac.
Je n'ai malheureusement pas le temps de développer la question de l'isolation des bâtiments, mais il est clair que l'Etat, les collectivités publiques et les communes doivent faire leur travail dans ce domaine, de même que les régies, notamment privées, les investisseurs, etc., doivent bien entendu penser à ces aspects dans la conception des bâtiments mais également lors de leur rénovation. Je finirai par la problématique de l'aéroport de Genève, dont on a beaucoup parlé dans cette enceinte. Aujourd'hui, l'aéroport accueille environ 17 millions de passagers, avec une projection dans les plans, si l'on peut dire, faisant état de 25 millions de passagers en 2030. Il n'est pas possible, Monsieur le président, d'augmenter le nombre de passagers à 25 millions en 2030 quand on connaît les conséquences que cela entraîne en termes de pollution de l'air et de nuisances sonores. Des dizaines de milliers de personnes résident autour de cet aéroport et la plupart des communes genevoises souffrent aujourd'hui du bruit et de la pollution de l'air. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Nous devons donc revoir le développement de notre aéroport afin qu'il soit plus maîtrisé, plus équilibré. En conclusion, qu'il s'agisse de l'isolation des bâtiments, d'une mobilité plus durable ou du développement de l'aéroport, nous devons prendre de vraies décisions, qui demandent un certain courage politique, et c'est ce que veut cette initiative. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis de deux demandes de renvoi, d'une part à la commission de la santé, d'autre part à la commission de l'environnement et de l'agriculture. Nous allons procéder à un seul vote, écoutez bien ! Celles et ceux qui souhaitent que cette initiative soit renvoyée à la commission de la santé votent oui, celles et ceux qui souhaitent qu'elle soit renvoyée à la commission de l'environnement et de l'agriculture votent non. Nous sommes bien d'accord ? Le non équivaut à un renvoi à la commission de l'environnement et de l'agriculture, tandis que le oui équivaut à un renvoi à la commission de la santé. (Brouhaha.) Bien, nous pouvons passer au vote.
Mis aux voix, le renvoi de l'initiative 169 et du rapport du Conseil d'Etat IN 169-A à la commission de la santé est rejeté par 76 non contre 16 oui.
L'initiative 169 et le rapport du Conseil d'Etat IN 169-A sont donc renvoyés à la commission de l'environnement et de l'agriculture.