République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 25 mai 2018 à 14h
2e législature - 1re année - 1re session - 4e séance
P 2021-A et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Nous passons à notre point suivant de l'ordre du jour, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Le rapporteur ne demande pas la parole, je la passe à Mme la députée Delphine Klopfenstein Broggini.
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il est important de dire deux mots sur ces pétitions, qui se confrontent: l'une a été lancée par l'ATE, l'autre par le TCS. On se rend bien compte que c'est aussi le résultat de la politique de mobilité menée durant quatre ans. On se trouve dans une confrontation entre les deux-roues motorisés et la mobilité douce. Tolérer les motos sur les trottoirs, qui sont des espaces réservés à la mobilité douce - c'est bien connu, c'est ce qu'on apprend quotidiennement à nos enfants - est simplement illégal. M. le procureur général le disait précisément et confirmait cette illégalité. Tolérer les motos sur les trottoirs va de plus à l'encontre de la loi sur une mobilité cohérente et équilibrée que nous avons votée et que le peuple a plébiscitée en 2016. Au-delà de ces considérations légales, la présence des deux-roues motorisés sur un espace dédié aux piétons est tout simplement dangereuse. Il y a deux poids, deux mesures: imaginez une moto ou un scooter à côté de piétons, de personnes âgées ou en situation de handicap, de poussettes, etc., on est alors très loin de la protection des plus faibles.
On ne peut pas traiter ensemble motos et piétons, c'est à peu près l'envers de la raison: on ne va pas envoyer les piétons se balader sur la chaussée ou sur les autoroutes, et on ne va pas garer nos vélos sur les places de parc pour voitures. Les Verts comptent sur cette nouvelle législature, nous comptons sur chacun et chacune d'entre vous pour opérer désormais de vrais choix en matière de mobilité douce, avoir le courage de mettre en oeuvre l'initiative pour la mobilité douce votée en 2011, qui n'est toujours pas mise en oeuvre - nous le disons en permanence, mais ça vaut la peine de le répéter - et aussi respecter la loi sur une mobilité cohérente et équilibrée votée en 2016. Nous nous battrons encore aujourd'hui pour une mobilité pacifiée et pour trouver des solutions pour un stationnement correct: pour les motos, bien sûr, sachant que les parkings souterrains ont potentiellement de nombreuses places vacantes et qu'il y a des possibilités de ce côté-là, et pour les vélos, avec des stratégies pour des parkings vélos, ce qui semble essentiel.
La question a été traitée sérieusement. Pour toutes les raisons évoquées, nous renverrons ces deux pétitions au Conseil d'Etat.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, en 2017, le DETA a décidé de publier une brochure qui faisait la promotion de la tolérance que le canton a demandé aux contrôleurs de la Fondation des parkings d'appliquer aux deux-roues motorisés - scooters, motos - pour le parcage sur les trottoirs, moyennant, quand même, la fameuse distance de 1m50 à laisser. Patatras, la législation fédérale l'interdit. Je vais vous lire l'ordonnance sur les règles de la circulation routière, parce qu'on nous dit toujours que c'est permis, mais en réalité, c'est totalement interdit ! Je lis cette ordonnance, article 41, alinéa 1: «Les cycles peuvent être parqués sur le trottoir, pour autant qu'il reste un espace libre d'au moins 1m50 pour les piétons.» On parle bien des cycles. Alinéa 1bis: «Le parcage des autres véhicules sur le trottoir est interdit, à moins que des signaux ou des marques ne l'autorisent expressément», ce qui n'était absolument pas le cas dans le cadre de la tolérance prônée par cette brochure.
Nous avons deux réactions à cette brochure et à la tolérance voulue par le DETA: d'abord, la réaction de la police genevoise, qui indique qu'elle ne suivra pas le mot d'ordre de tolérance adressé par l'Etat à la Fondation des parkings. Je cite la police genevoise: «"Il n'existe pas de marge de manoeuvre cantonale en la matière", estimaient alors les forces de l'ordre [...] "Les policiers continueront d'appliquer la loi, comme elle l'a été jusqu'à aujourd'hui."» Le pouvoir judiciaire s'empare aussi de cette Genferei. Le procureur général, Olivier Jornot, est intervenu auprès du Conseil d'Etat pour le rappeler à l'ordre et dire que cette tolérance n'est pas possible en regard du droit fédéral. Genferei, pantalonnade, rétropédalage de notre conseiller d'Etat Luc Barthassat, qui fait retirer de la fameuse brochure les deux pages qui prônent la tolérance.
Alors quelles sont les solutions - vu qu'il me reste peu de temps, Monsieur le président - pour les deux-roues motorisés ? Il y en a 53 000 immatriculés à Genève, on l'a dit, plus ceux des frontaliers. Il y a deux solutions principales. La première est indiquée par la nouvelle loi pour une mobilité cohérente et équilibrée: il faut promouvoir la mobilité douce et les transports publics, notamment dans les centres urbains. Deuxièmement, comme certaines personnes lâchent leur voiture pour utiliser un deux-roues motorisé, il faut utiliser les places pour voiture qui existent déjà et en transformer une partie en places pour deux-roues motorisés. Sur une place pour voiture, vous en placez quatre. Il faut donc suivre la nouvelle loi, Monsieur le président, et prioriser les transports publics et la mobilité douce. C'est ainsi que nous trouverons des solutions pour une mobilité plus durable à Genève.
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, encore une fois, je souligne l'incohérence de cette assemblée. A de multiples reprises, on dit qu'il faut que nos concitoyennes et concitoyens fassent de la marche parce que c'est important pour la santé, on fait de grands efforts pour élargir les trottoirs, en enlever par exemple des poteaux des TPG, et après, certains souhaitent ne pas respecter les normes fédérales selon lesquelles, comme on l'a rappelé, il est interdit de parquer son scooter sur le trottoir. La Ville de Genève a fait un effort considérable pour créer des places de parking - d'ailleurs, tout à côté, il y en a toute une série qui a été augmentée; c'est une bonne chose, mais on n'y arrivera pas tant qu'il n'y aura pas de choix de priorités faits sur ces questions-là, notamment par rapport aux parkings publics: très peu de scooters les utilisent aujourd'hui, peut-être parce que ça coûte trop cher. Les scooters présents sur les trottoirs ne sont pas sanctionnés comme ils devraient l'être. Dès le moment où les scooters parqués sur les trottoirs seront sanctionnés, on résoudra deux problèmes: d'abord, on favorisera la marche et on participera à l'amélioration de la santé de nos concitoyennes et concitoyens - allez vous promener dans cette ville, par rapport à quinze ans en arrière, il y a beaucoup plus de gens qui font leurs trajets en marchant ou en utilisant les transports publics, même s'ils sont lents. Certains font donc l'effort de ce transfert modal, il s'agit de les soutenir, de favoriser cette tendance-là, notamment chez les jeunes, et d'arrêter une fois pour toutes de prétendre qu'on pourra ménager la chèvre, le chou, le loup, et que tout ira bien. Non, Mesdames et Messieurs ! Notre groupe veut prioriser les transports en commun. C'est vrai que ceux qui utilisent le scooter font l'effort de laisser leur voiture chez eux et même d'abandonner celle-ci; on doit les soutenir. Mais des places de parking sont à leur disposition sur la voie publique.
Je rappelle, puisque j'en ai l'occasion, que pas plus tard qu'hier, la Ville de Genève a gagné au Tribunal fédéral... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...qui a admis que les collectivités publiques, les municipalités étaient propriétaires de leur domaine public, en conséquence de quoi nous allons faire disparaître les vélos en libre-service qui ont accaparé sans autorisation cet espace public: ça dégagera et clarifiera les choses. J'en appelle au Conseil d'Etat, nous avons besoin d'une politique extrêmement précise, avec des priorités précises...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Rémy Pagani. Oui, Monsieur le président, je termine !
Le président. Non, vous terminez exactement maintenant, sinon je vous coupe le micro ! (Commentaires.)
M. Rémy Pagani. Bien, j'en appelle au Conseil d'Etat pour que cette politique soit enfin cohérente.
Le président. C'est en ordre, Monsieur. La parole est à M. le député Raymond Wicky.
M. Raymond Wicky (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, au-delà des aspects polémiques développés par mes différents préopinants, revenons au fond du dossier et à ce qui a été dit à la commission des pétitions: nous avons estimé, tous groupes confondus, qu'il y avait des revendications légitimes dans ces deux pétitions. Le seul moyen que nous avions pour les traiter de manière équitable était de les renvoyer simultanément au Conseil d'Etat afin qu'une politique globale puisse être développée par rapport à ces deux problèmes, aussi bien les deux-roues motorisés que les piétons et bien entendu la mobilité douce. Fort de ces considérations, notre groupe ne peut que soutenir le renvoi simultané de ces deux pétitions au Conseil d'Etat.
M. Vincent Maitre (PDC). J'aimerais réagir à ce qui a été dit. Monsieur le président, vous transmettrez à mes estimés collègues Verts et socialistes qu'ils se trompent: l'OFROU, l'Office fédéral des routes, a spécifiquement pris position sur ce thème et a lui-même jugé et admis que les autorités cantonales, en l'occurrence le département à la tête duquel siégeait Luc Barthassat, étaient dans leur droit et avaient une marge d'appréciation pour pouvoir autoriser, ou plutôt pour tolérer - c'est là que réside toute la nuance - le parcage des deux-roues motorisés, à condition, bien évidemment, que la distance de 1m50 pour les piétons soit respectée. Le conseiller d'Etat de l'époque, M. Barthassat, était donc dans son plein droit. Je le répète, l'OFROU a donné tort et au ministère public et à la police cantonale, raison pour laquelle il y a lieu, en ce qui nous concerne, d'admettre ces deux pétitions. Je n'aimerais pas empiéter sur le temps de parole de Guy Mettan qui vous parlera du fond et lui cède donc la parole.
Le président. Merci, Monsieur le député, je transmettrai votre message. Je passe la parole à M. le député Guy Mettan.
M. Guy Mettan (PDC). Merci, Monsieur le président. MM. Wicky et Maitre ont parfaitement résumé la position du parti démocrate-chrétien. J'aimerais juste compléter ce qui a été dit en me tournant vers nos amis de gauche. Je suis très étonné de vous entendre: d'habitude, vous faites l'apologie de la tolérance et vous nous reprochez à nous, la droite, d'être horriblement intolérants ! En matière de scooters, qu'est-ce que vous faites ? Vous dénoncez cette tolérance. Il faudrait quand même un minimum de logique dans votre comportement et d'ouverture d'esprit, pour justement accepter que la tolérance que vous prônez constamment puisse aussi s'ouvrir au parcage des scooters, puisque, comme on l'a rappelé, ce n'est pas une mesure illégale; il s'agit simplement de résoudre un problème effectif de transport dans notre ville. Je rappelle que le peuple genevois a voté en faveur de la multimodalité des transports. Les scooters en font partie, c'est une mobilité qu'on peut appeler semi-douce; elle a aussi le droit de pouvoir s'exprimer dans notre bonne ville de Genève. Notre parti a montré son ouverture d'esprit depuis fort longtemps, comme on l'a dit, et nous accepterons de renvoyer ces deux pétitions au Conseil d'Etat, en espérant qu'il retiendra surtout le message de la deuxième.
M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je remercie la gauche élargie de rouvrir la guerre des transports, voiture contre deux-roues contre scooters contre piétons. La constitution nous garantit le libre choix de notre moyen de locomotion. J'ai le choix de me rendre en ville à pied, en bus, à vélo ou en voiture. Cela étant, chaque scooter, chaque moto utilisée par un pendulaire est une voiture de moins dans les bouchons de la rue de la Servette ou de la route de Chancy. Je regrette sincèrement la lecture à sens unique de la loi effectuée par l'ATE. Dans cette même loi, il est écrit clairement que les vélos n'ont rien à faire sur les trottoirs ou les passages piétons, sauf si le cycliste pousse son vélo. Les vélos doivent aussi s'arrêter aux feux rouges et aux stops. Si c'est un problème d'éducation, il faudrait peut-être envoyer les cyclistes au DIP prendre des cours de lecture ou de comportement ! (Rire.) Cela étant précisé, nous soutiendrons le renvoi de ces deux pétitions au Conseil d'Etat, afin qu'il puisse enfin créer des places pour deux-roues motorisés ou pour vélos en quantité suffisante, de manière à permettre aux gens de se parquer quand ils vont travailler. Je vous remercie.
M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur. Il me revient le plaisir de me faire le relais des travaux de la commission, qui a pris très à coeur les auditions d'un certain nombre de personnes durant plusieurs séances. Il faut se rendre compte que la situation des deux-roues motorisés à Genève est particulièrement tendue. Genève et son canton ont 50 000 deux-roues motorisés; la deuxième ville suisse pour le nombre de véhicules de ce type est Lugano, qui en a 10 000: cela montre bien que ce problème est plus aigu à Genève qu'ailleurs. Le nombre de places pour deux-roues motorisés qui manquent à l'heure actuelle est estimé à environ 20 000.
Devant ces deux pétitions exactement contraires, la commission a bien dû se rendre compte qu'elle n'avait pas une unique solution valable à proposer, mais que le Conseil d'Etat et les différents départements devaient faire des arbitrages pour essayer de détendre la situation et de voir les solutions possibles. Je rappelle que le fait de mettre des panneaux qui autoriseraient expressément le parcage de deux-roues motorisés sur les trottoirs à certains endroits en laissant plus de 1m50 pour le passage des piétons et des personnes handicapées est une solution, mais une solution qui requiert des moyens et un investissement de la part du gouvernement. C'est pourquoi la commission a décidé de renvoyer les deux pétitions à armes égales au Conseil d'Etat, en lui souhaitant bonne chance dans le règlement de ce problème difficile. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous votons sur les conclusions de la commission des pétitions concernant ces deux objets.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 2021 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 69 oui contre 8 non.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 2029 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 41 oui contre 35 non.