République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 27 avril 2018 à 18h
1re législature - 4e année - 14e session - 82e séance
RD 1216
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, mon année de présidence se termine dans moins d'un mois avec la législature, dont il faut faire le bilan. L'impression générale que j'en retire est en demi-teinte: nous avons abordé des sujets extrêmement importants, comme le désenchevêtrement des tâches entre l'Etat et les communes ou le nouveau quartier du PAV, mais sans parvenir encore aux résultats escomptés. Le problème de la caisse de pension n'est pas réglé, et le forcing de ces derniers jours en commission n'est pas propice à de bonnes décisions.
Notre parlement n'a pas atteint le degré d'efficience que nous en attendions. Souvent trop divisés, parfois imprévisibles, nous aurions pu faire nettement mieux dans l'intérêt de la république. Nos rapports avec le Conseil d'Etat n'ont pas été suffisamment harmonieux. Je suis persuadé que le modèle traditionnel des partis tel que nous le connaissons aujourd'hui n'est plus vraiment adapté au nouveau siècle numérique, et une discussion de fond s'avérera indispensable pour conserver une démocratie effective. En effet, 38,7% de votants lors des élections, cela veut dire que le groupe le mieux élu - bravo au PLR ! - n'a obtenu que dix voix sur cent personnes pouvant voter à Genève. Nos partis sont des locomotives à vapeur au temps du TGV !
Malgré les efforts de chaque président, de chaque Bureau, nous nous sommes montrés incapables d'alléger un ordre du jour pléthorique - 197 objets rien que pour cette session. Même lors de la séance des extraits, nous ne réussissons pas toujours à épuiser les sujets ! Quand des textes arrivent devant l'assemblée des mois, voire des années, après leur dépôt - j'ai eu entre les mains une motion qui passait pour la vingt-septième fois ! - il y a un problème de fond qu'il n'est plus possible d'ignorer. Et un ordre du jour remplacé en grande partie par des urgences n'a plus de sens. Chers collègues, nous ne pouvons plus fonctionner ainsi, en chargeant le prochain Grand Conseil de résoudre les problèmes que nous n'aurons pas eu le courage d'éliminer. Nous sommes prompts à critiquer le fonctionnement de l'Etat, mais bien incapables de remettre de l'ordre dans notre propre maison.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un projet de loi demandant une limitation des objets nouveaux par parti. Il porte le numéro 12280, un nombre qui dit la vraie folie d'une marée incessante de propositions: plus de 2300 projets de lois en deux législatures, soit en neuf ans. Est-ce franchement raisonnable et indispensable à la bonne marche de notre démocratie, Mesdames et Messieurs ? Et où est la démocratie ? Réside-t-elle vraiment dans le dépôt d'un nombre de textes si grand - textes dont la qualité n'est parfois pas digne d'un parlement - qu'ils ne peuvent être traités ? Ne serait-elle pas plutôt dans la discussion d'objets en moins grand nombre, plus sélectifs et abordés rapidement en plénière ? C'est ce que je pense. Nous devons agir comme on le ferait dans une entreprise, qui est obligée de prendre des mesures avant que la situation ne devienne intenable. Dans le canton de Vaud, l'année dernière, une session parlementaire a été annulée, faute d'objets. Voilà qui fait réfléchir ! Notre parlement doit se ressaisir et regagner en crédibilité.
A cet égard, il faut constater que nous souffrons d'un grave manque de visibilité. Parce que nous occupons la même salle, trop de gens confondent encore le Grand Conseil avec le Conseil municipal, deux échelles politiques qui n'ont rien à faire ensemble. Pour le bien de notre institution, il faut mettre fin à cette promiscuité délétère entre l'Etat et la commune.
Pendant cette année de présidence, j'ai apporté de modestes mais pragmatiques modifications à nos débats, en visant un meilleur flux des interventions. Avant moi, la coutume était de signaler aux députés le solde du temps de parole: «Il vous reste une minute - vous disposez encore de trente secondes - plus que quinze secondes.» Pour ne plus vous interrompre, Mesdames et Messieurs, je tape désormais sur la cloche quand il reste trente secondes, et nous avons installé un écran qui affiche le temps à disposition. Je pense que ce dispositif est maintenant bien accepté et espère que mon successeur l'adoptera à son tour.
Vous aurez aussi remarqué que je m'adresse à vous de façon différente. Les précédents présidents disaient: «Je cède la parole à Mme la députée Anne Marie von Arx-Vernon». Je trouve cela un peu stupide, non pas de vous donner la parole, chère Madame, bien sûr que non, mais pourquoi spécifier «la députée» ? Je ne passe la parole qu'à des députés; quant aux conseillers d'Etat, je les cite. De même, pourquoi indiquer le prénom, sauf si l'on rencontre deux fois le même nom ? Dans ce cas, je précise: «La parole à M. Olivier Baud» ou «à M. Michel Baud». Enfin, je supprime la mention «je donne». Cela n'a l'air de rien, mais entre «je donne la parole à Mme la députée Anne Marie von Arx-Vernon et «la parole à Mme von Arx-Vernon», il y a bien trois secondes d'écart, qui se traduisent en fin d'année par un gain d'au moins deux heures, vu le nombre de fois que je passe la parole. (Remarque.) C'est peu de choses, mais quand même !
Autre petit changement qui économise à la fois l'énergie du président et un temps précieux, l'énoncé des questions écrites urgentes: j'énumère seulement les numéros, et non plus la question suivie du numéro. Un détail, me direz-vous, mais les petits ruisseaux font les grandes rivières !
Mesdames et Messieurs les députés, quand on fait de la politique à un haut niveau, on peut s'attendre à tout, sauf à recevoir des remerciements. Je vais faire une entorse à cet axiome. Il ne me revient pas de faire le bilan du Conseil d'Etat, mais j'aimerais tout de même rendre hommage au magistrat Longchamp, qui a décidé de ne pas se représenter. C'est la première fois que nous avions un président pour cinq ans, et cette expérience va certainement conduire le gouvernement à modifier quelques paramètres de la fonction. Pour ma part, je constate combien il a été précieux, dans de nombreux domaines, d'avoir affaire au même interlocuteur pour toute la durée de la législature.
Je tiens à vous remercier, Monsieur Longchamp: vous avez accompli un travail remarquable pour maintenir, garantir et développer les institutions qui font de Genève une grande ville. Vous avez repris en main la FIPOI et tranquillisé la Confédération, laquelle finance une partie de la somme gigantesque de deux milliards de francs au bénéfice de la Genève internationale, destinée à de nouveaux immeubles et à des rénovations, notamment celle du bâtiment des Nations Unies, ce qui pérennise cette institution phare. Vous avez été la cheville ouvrière de ce succès ! Peu de gens s'en rendent compte, car c'était un travail de fond, continu, discret - une mission de l'ombre, en somme. Je suis persuadé que dans cinq ou dix ans, la population réalisera combien vous avez mérité de la république. Merci, Monsieur, cher François; je vous souhaite un avenir radieux dans d'autres occupations ! (Applaudissements.)
En 2009, j'avais institué une nouvelle approche de la remise du stylo souvenir. Je trouvais injuste de ne le remettre que lors d'un départ avant la fin de législature et de ne pas récompenser ceux qui accomplissaient celle-ci sans se représenter à la suivante. Voici donc la liste de nos collègues qui nous quittent sans avoir fait campagne pour une réélection - plusieurs d'entre eux sont devenus et resteront des amis - et dont les stylos respectifs ont été distribués à leurs places: pour le PLR, Mmes Montant et Schneuwly, MM. Aumeunier, Barrillier, Ducret et Halpérin; pour le MCG, M. Girardet; pour les socialistes, Mmes Brunier, Buche et Schneider Hausser, MM. Deneys, Fazio et Frey; pour l'UDC, MM. Baud et Riedweg; pour les Verts, Mmes Flamand-Lew, Forster Carbonnier et Klopmann, M. Käser; pour Ensemble à Gauche, M. Grobet.
Nous allons quitter cette salle pour deux ans et demi et nous ne sommes pas certains de pouvoir gérer la buvette à l'Union internationale des télécommunications, qui nous met gracieusement à disposition une salle magnifique - qu'elle en soit d'ailleurs vivement remerciée. Aussi, je remets avec plaisir un stylo à Mme Geneviève Kim, qui nous sert depuis des années à la buvette du Grand Conseil. Merci, chère Madame ! (Applaudissements.) Peut-être vous retrouverons-nous à l'UIT en septembre, sûrement dans notre nouvelle enceinte en 2021 !
Ma reconnaissance va également à notre sautier, M. Koelliker, à Mme Renfer, à nos huissiers et à tout le secrétariat général du Grand Conseil, véritable ossature de notre institution. Sans eux, nous serions bien souvent perdus ! Un grand merci encore à nos concierges qui tiennent cette bâtisse impeccable. (Longs applaudissements. L'assemblée se lève.)
Enfin, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais vous exprimer toute ma gratitude pour m'avoir permis de diriger une seconde fois le Grand Conseil genevois. Il s'agit d'une expérience d'un niveau sans égal dans les autres cantons, tant les rencontres sont variées, internationales et importantes à tout point de vue. La tâche exige une grande disponibilité: j'y ai consacré six cent cinquante heures, soit seize semaines de quarante heures, sans compter quelque deux cents événements au contact d'une brillante brochette de personnalités. Selon une légende urbaine, les députés seraient royalement payés; que l'on sache que le travail du président représente la plus noble des fonctions bénévoles !
Votre confiance m'a honoré, j'ai rempli cette charge avec enthousiasme et de bon coeur, et je me suis efforcé de toujours vous représenter avec honneur et élégance. Des amitiés dans tous les partis, où j'ai apprécié des collègues engagés et convaincus, m'ont récompensé de mon engagement. Je vous souhaite à toutes et à tous une heureuse continuation dans les choix que vous avez faits, me réjouis de poursuivre l'expérience au sein du nouveau parlement et vous dis avec conviction: vive le Grand Conseil, vive la république et vive la Suisse ! (Longs applaudissements. L'assemblée se lève.)
A présent, je passe la parole à mon premier vice-président, M. Romain.
M. Jean Romain (PLR). Merci, Monsieur le président, cher Eric. Chers députés, Eric vient d'énumérer tout ce qu'il a changé durant ces longues années - deux fois une législature; je mettrai pour ma part l'accent sur ce qu'il n'a pas changé. Après une année assis à côté du président, je voudrais vous dire le plaisir que j'ai eu à travailler avec Eric Leyvraz. Avec lui, tout est simple, efficace, précis.
Simple, parce qu'Eric Leyvraz est un homme qui déteste les circonvolutions inutiles. Les problèmes, il les prend à bras-le-corps et leur trouve une solution qui, après coup, paraît évidente; c'est son souci de bien faire qui domine, et cela dans un esprit d'irénarque. Efficace, parce qu'Eric a à coeur de ne pas perdre son temps en de stériles déclarations, tout comme de ne pas dilapider l'argent des contribuables; c'est son bon sens de viticulteur qui, très tôt, lui a appris la valeur de l'argent. Un sou est un sou, et celui des autres plus encore peut-être. Précis, parce qu'Eric a le regard juste, tranchant, qui répugne au flou et au dissonant. Il aime les choses claires et les propos succincts; ça, c'est son souci d'homme de goût.
Mais ne vous y trompez pas, chers amis: derrière cet air toujours affable, derrière ce noeud papillon inamovible - et parfois inquiétant justement parce qu'inamovible - derrière ce sourire et ce ton amène pointe un caractère bien trempé, qui sait ce qu'il veut de lui-même et ce qu'il attend des autres. Il le sait d'autant mieux que c'est la seconde fois qu'il préside le Grand Conseil, fait rare dans l'histoire de notre institution, qui, certes, a découlé des circonstances de l'année dernière, mais aussi de la confiance que l'on attribue à un homme, à un «gentleman-farmer», à un amateur de peinture et de poésie.
Ah, chers amis, ce n'est pas rien que d'aimer les lettres dans un monde qui privilégie les chiffres ! J'ai vu plus d'une fois Eric apprendre par coeur des vers - des centaines de vers ! - de beaux poèmes qu'il se plaît ensuite à réciter en public, avec une préférence peut-être pour Heredia. Par coeur ? Non, par le coeur ! Parce que, généreux, Eric Leyvraz aime à faire profiter de ses bontés ceux qui l'entourent, il aime partager, aussi bien les bons vins que les bons mots, il a la gourmandise des choses humaines, parce qu'au fond, c'est un homme bon. Merci, cher Eric, pour cette année, pour ce noeud papillon coloré et pour ta courtoisie.
Des voix. Bravo ! (Longs applaudissements. M. Jean Romain embrasse M. Eric Leyvraz et lui remet un bouquet de fleurs.)