République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 2011-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition pour en finir avec le copinage et les passe-droits
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 14 et 15 décembre 2017.
Rapport de majorité de M. Jean-François Girardet (MCG)
Rapport de minorité de M. Alexis Barbey (PLR)

Débat

Le président. Nous passons aux pétitions. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Girardet.

M. Jean-François Girardet (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, comme rapporteur, j'ai reçu le mandat de bien expliquer que la commission désirait renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat afin de lui transmettre la déclaration approuvée par la majorité de cette commission. Je cite: «Suite aux auditions, la commission des pétitions invite le Conseil d'Etat à prendre contact avec le rectorat pour lui demander de prendre les mesures adéquates pour donner l'opportunité aux collaborateurs-trice-s de faire état de difficultés dans l'exercice ou l'environnement de leur travail, notamment par les organes de médiation existants ou sur le modèle du groupe de confiance existant à l'Etat, de manière à vérifier les allégations et à garantir un climat de travail serein pour la direction comme pour les collaborateurs-trice-s concerné-e-s.» La commission a également demandé et obtenu un avis de M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia à propos de l'application de la directive sur la préférence cantonale à l'engagement. Le conseiller d'Etat confirme que, lors de l'engagement de la directrice de l'Institut des sciences de l'environnement, la directrice n'a pas été violée... (Exclamations. Rires.) Pardon, ouh là là, excusez-moi ! Lors de cet engagement, la directive n'a pas été violée par l'Université de Genève; vous trouverez cette lettre en annexe de mon rapport.

Force est de constater que la nomination de la directrice de l'Institut des sciences de l'environnement a généré des incompréhensions voire des révoltes au sein de cet institut. Tous les ingrédients ont été réunis pour rendre la situation explosive: un institut en construction, la nomination expéditive d'une candidate jeune sans longue expérience d'enseignement au sein de l'institut, sa nomination comme professeure associée sur appel, son statut de maire en exercice d'une commune frontalière avec le Valais. Le titre de cette pétition, «Pour en finir avec le copinage et les passe-droits», traduit le sentiment d'injustice dont les pétitionnaires se sentent victimes, et la commission a été très impressionnée par leur témoignage. Lors de l'audition des pétitionnaires, il a été fait mention de mobbing, de rupture de confiance, de mensonges et de menaces. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ce climat de travail délétère a généré des souffrances et des suspicions. Les commissaires ont bien saisi le fossé qui séparait la conception des pétitionnaires de celle du recteur, qui démontre point par point comment la procédure de nomination a été respectée. Face à ces deux regards apparemment inconciliables, la majorité de la commission a préféré confier au Conseil d'Etat le soin de rétablir un climat de travail serein au sein de l'ISE.

Le président. Vous prenez sur le temps de votre groupe.

M. Jean-François Girardet. Ainsi, la majorité de la commission souhaite renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat avec la recommandation citée au début de mon intervention.

Le président. On est content d'apprendre que la directive n'a pas été violée. Monsieur Barbey, à vous !

M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Les points importants sur lesquels la commission devait statuer tenaient en fait à la procédure de nomination de cette directrice de l'ISE. Les auditions nous ont permis de voir d'une part que les directives avaient été respectées. D'autre part, l'autonomie et l'indépendance de l'université devaient être respectées dans cette affaire, puisque cette institution suit ses propres procédures. En ce qui concerne les compétences de la directrice, elles sont certifiées par le recteur qui nous a dressé un portrait extrêmement élogieux de celle-ci. Donc, cet aspect n'est pas non plus à mettre en cause.

Ce qui a posé problème à un certain nombre de commissaires, c'était le fait que cette personne soit également maire d'une commune française du bout du lac; la question de la compatibilité avec son rôle de directrice avait été avancée. En Suisse, nous sommes des politiciens de milice et nous connaissons, pour la plupart d'entre nous, des situations de double emploi, c'est-à-dire que la politique vient se greffer sur un emploi à temps complet. On peut estimer que cette personne pourrait gérer les choses de la même façon.

J'aimerais terminer sur une note un peu amère qui concerne la manière dont les débats ont été traités au sein de la commission. Malgré quelques oppositions au début des travaux, nous avons accepté de recevoir un groupe de personnes de l'université qui a voulu déposer sous le couvert de l'anonymat. Cela ne me paraît pas du tout conforme aux procédures démocratiques qui supposent qu'on avance à visage découvert et qu'on défende son opinion devant tout le monde. Le résultat, c'est que cet anonymat n'a profité qu'aux gens venus en groupe déposer contre la nomination de la directrice: quant à elle, son nom s'est retrouvé dans les journaux, elle a été durement mise en cause et elle l'a ressenti ainsi. J'aimerais donc lancer un appel aux différentes commissions pour ne jamais accepter de recevoir de motions ou de pétitions anonymes, qui ne font qu'engendrer des problèmes par la suite.

C'est pourquoi je vous enjoins de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, de sorte qu'on tienne compte du fait que ce n'est pas au Grand Conseil d'aller s'ingérer dans les affaires de l'université dont l'autonomie doit être garantie.

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Mesdames et Messieurs les députés, comme on l'a dit, il n'était clairement pas question de remettre en cause les procédures de nomination au sein de l'université lors des travaux de la commission. Le groupe socialiste a été pleinement convaincu par l'exposé du recteur de l'université et par le bien-fondé de cette procédure. C'est une des raisons pour lesquelles on n'a d'ailleurs pas jugé opportun d'entendre la directrice: selon nous, ce n'était pas le sujet de la discussion. La commission a essayé de voir quels étaient les moyens de faire part au recteur du fait que certaines des personnes auditionnées - et j'insiste sur «certaines» - faisaient état d'une vraie souffrance au travail, dont il ne nous appartenait absolument pas d'entrer en matière sur son contenu, comme il ne nous appartenait pas de nous prononcer sur ce qui se passait. Après en avoir été le réceptacle, il était de notre responsabilité - j'insiste sur ce mot-là - de faire part au recteur de la souffrance que nous avons ressentie chez certaines de ces personnes; je pense à deux personnes en particulier. C'est la raison pour laquelle nous avons accepté que ces personnes puissent exprimer de manière protégée ce qu'elles ressentaient, mais le traitement n'a pas été anonyme comme cela a été dit.

Encore une fois, nous n'avions pas d'outils et nous nous sommes demandé quel était le chemin à prendre pour faire part de cela au rectorat. On nous a dit qu'on ne pouvait que passer devant ce Grand Conseil pour un dépôt sur le bureau ou, au contraire, un renvoi de la pétition au Conseil d'Etat. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles nous avons fait cette recommandation au recteur pour qu'on lui laisse l'opportunité d'investiguer, mais nous ne pouvions en aucun cas dire au recteur d'investiguer sur les relations liées à la directrice, qui n'a absolument pas été mise en cause par la commission. Pour enlever toute ambiguïté là-dessus, le groupe socialiste propose donc le dépôt sur le bureau du Grand Conseil et certains membres du groupe s'abstiendront. Nous demandons simplement au rectorat de veiller par la suite à mettre en place des procédures, du reste déjà existantes ailleurs dans son institution, qui seront une manière d'éclairer une situation qui ne tient selon nous peut-être pas tant à la personne de la directrice qu'à une dynamique interne.

M. François Baertschi (MCG). Il y a d'abord des faits, non pas des aspects émotionnels, mais des faits ! L'Institut des sciences de l'environnement compte deux professeurs ordinaires qui auraient pu être nommés directeurs. Cet institut compte également une directrice qui est professeure associée, c'est-à-dire d'un niveau moindre et dont le curriculum vitae, je dis bien le curriculum vitae, porte à discussion et à contestation. Donc, la nomination a été faite de manière incorrecte, malgré les allégations du recteur. C'est un fait ! C'est un fait, c'est une réalité: chaque personne de bonne foi peut le prouver. A côté de ça, qui est favorisé dans cette histoire ? La maire d'un village de Haute-Savoie, une frontalière, donc ! (Huées.) Et il y a eu un article profondément honteux de la «Tribune de Genève» donnant la parole uniquement au rapporteur de minorité, qui a fait un rapport presque honteux tellement il est court. Il ne s'est pas foulé, il ne s'est pas fatigué, c'était trois-quatre lignes ! C'est une honte, et ce qui est encore plus honteux - vous transmettrez à M. Barbey, Monsieur le président - ce sont ses déclarations à la «Tribune de Genève»: il ose dire que cette pétition a un côté xénophobe.

Des voix. Mais oui !

M. François Baertschi. Moi, j'affirme une chose: Monsieur Barbey, vous avez un côté raciste !

Le président. Adressez-vous à moi !

M. François Baertschi. Vous avez un côté raciste ! Monsieur le président, vous transmettrez ! M. Barbey a un côté raciste et je suis prêt à en amener les preuves ! (Huées. Rires. Commentaires.)

Le président. La parole est à Mme Forster Carbonnier. Un peu de calme, s'il vous plaît ! (Commentaires.) M. Barbey pourra répondre !

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Merci, Monsieur le président. Je pense qu'un petit rappel à l'ordre de notre collègue serait bienvenu de votre part ! Mesdames et Messieurs les députés, le groupe des Verts remercie d'abord le groupe socialiste dont la position a changé - comme la nôtre - sur cette pétition. En effet, notre Grand Conseil est appelé à se demander si on soutient les termes mêmes de la pétition. On ne nous demande pas de nous prononcer de manière plus générale sur d'autres questions, mais il faut savoir si on répond oui ou non aux termes de la pétition. Or, les termes de cette pétition - je rejoins M. Barbey - ont des relents fortement xénophobes et misogynes ! (Applaudissements.) Ce n'est pas le rôle de notre Grand Conseil de nous prononcer sur la nomination de professeurs à l'Université de Genève, que cela soit très clair entre nous ! J'ai entendu que vous avez entendu en commission des témoignages poignants de gens qui avaient l'air de souffrir. Si vous étiez touchés par cela, vous pouviez écrire une lettre au recteur, vous pouviez proposer une motion ou trouver un autre moyen. Là, en effet, ce n'est pas le bon moyen de s'attaquer à ce problème. Il faut répondre aux termes des questions qui nous sont posées. Cette pétition n'est pas acceptable pour le groupe des Verts, nous refuserons donc de la renvoyer au Conseil d'Etat et nous demandons également le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.

M. Raymond Wicky (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, permettez-moi d'abord de dire que nous sommes particulièrement surpris, voire choqués par les propos de notre éminent collègue du MCG ! Je crois que ces propos ne sont pas tolérables dans une telle enceinte, ce d'autant plus qu'ils s'adressaient au rapporteur de minorité, et s'il y a quelqu'un qui par définition n'a pas le moindre germe de racisme dans ses gènes, c'est bien M. Barbey. Merci, président, de lui donner l'opportunité de répondre, parce que nous sommes franchement affligés !

J'aimerais revenir sur d'autres déclarations, par rapport au problème de l'anonymat. Quand on nous dit qu'il n'y avait pas d'anonymat, je ne sais pas si on a lu le même rapport: M. X, Mme A, M. Z, etc. Effectivement, nous avons travaillé dans des conditions qui étaient pour nous peu acceptables, dans un contexte dans lequel il était difficile d'avoir une clarté absolue sur ce qui était dit; certaines des déclarations étaient profondément contradictoires. S'ajoutant à cet anonymat, cela a créé un climat de travail peu agréable.

Ensuite, comme l'a dit ma collègue des Verts, Mme Forster Carbonnier, il ne nous appartient pas de nous immiscer dans le fonctionnement de l'université, qui a son autonomie pour juger comment elle doit traiter les dossiers de candidature. Pour des raisons de compétences, je nous vois mal juger de la valeur d'un professeur d'université. De plus, je nous vois aussi mal juger la gestion de l'université, alors que nous n'y sommes pas impliqués directement. Je serai d'ailleurs heureux d'entendre tout à l'heure Mme la cheffe du département qui s'est annoncée pour prendre la parole: elle pourra peut-être un peu éclaircir cet horizon, mais, de ce côté, je ne peux qu'être d'accord avec ma collègue des Verts.

Enfin, soyons clairs, nous devons absolument respecter l'autonomie que nous avons donnée à cette université pour la laisser faire les meilleurs choix au meilleur moment, pour les meilleures opportunités. Si nous ne sommes pas satisfaits, la cheffe du département pourra à tout moment intervenir. C'est pourquoi le groupe PLR demandera le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

M. Guy Mettan (PDC). Beaucoup de choses ont été dites, le sujet est passionné et entraîne des prises de position elles-mêmes passionnées. Le parti démocrate-chrétien s'est abstenu lors du vote en commission, mais il se range à l'idée de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Voilà pour notre position, mais j'aimerais quand même rappeler pourquoi nous en sommes arrivés là. Je pense qu'il y a trois problèmes qui apparaissent. D'abord, l'anonymat dont on a parlé. Je rappelle que l'anonymat ne concerne pas les pétitionnaires: il est interdit de faire des pétitions anonymes, puisqu'on doit déposer sa signature. Il n'y a donc pas d'anonymat dans la pétition. En revanche, pour les personnes qui se sont exprimées devant la commission des pétitions, celles-ci seulement ont souhaité ne pas apparaître nommément pour ne pas être ensuite victimes d'éventuelles mesures de rétorsion de la part de leur hiérarchie. C'est seulement ça qui avait été exigé; je le dis juste pour rappeler de quel anonymat on parle. Ensuite, une grande partie de la commission a été ébranlée par les témoignages: ces gens ne sont pas venus pour leur plaisir ! Ils ne sont pas venus juste pour nuire - à une directrice ou à quelqu'un d'autre, peu importe. Ces personnes sont venues parce qu'elles ont éprouvé un vrai malaise qu'elles ont su faire partager à une bonne partie de la commission. Ce malaise n'était pas inventé. La commission des pétitions est quand même au service des pétitionnaires, qui expriment aussi une voix populaire. C'est notre mission de les écouter, mais nous n'entrons évidemment pas en matière sur des considérations qui n'ont rien à voir, comme le sexe de la directrice... (Commentaires.) Pardon: le genre, si vous voulez être politiquement correct ! (Commentaires.) De même que le fait de savoir qu'elle est maire d'une commune transfrontalière n'a rien à faire dans notre débat.

Troisième réflexion qui, je pense, est importante et m'a poussé à m'abstenir, c'est la procédure adoptée par l'université. Je suis tout à fait d'accord que ce n'est pas à nous de décider qui est compétent, mais, dans ce cas-là, l'université a utilisé une procédure «fast track», c'est-à-dire une procédure rapide, elle n'a pas procédé, comme elle le fait d'habitude pour la nomination d'un professeur, à une ouverture des candidatures, à la mise en place d'une commission d'experts, etc. L'université a utilisé une voie rapide, et je pense que ce type de décision, pour un poste important comme celui-là, doit vraiment représenter l'exception. Sinon, on ouvre la voie à ce type de contestations. Je pense qu'il y avait là aussi un message à faire passer à l'université, c'est aussi la raison pour laquelle ces pétitionnaires ne sont pas juste des hurluberlus. Toutefois, sur le fond, je pense que le dépôt s'impose effectivement: le parti démocrate-chrétien se range à cet avis, parce que ce n'est pas notre rôle de décider qui doit être directeur ou directrice d'un institut universitaire.

M. Stéphane Florey (UDC). Je suis désolé de le dire comme ça, mais bienvenue au bal des faux culs ! C'est ce à quoi j'ai l'impression d'assister aujourd'hui. En commission, tout le monde a écouté ces personnes avec condescendance; les commissaires étaient quasiment atterrés de ce qu'ils avaient pu apprendre sur le climat qui régnait au sein de l'université. Aujourd'hui, on trouve tous les prétextes possibles et imaginables pour prouver le contraire. Les déclarations du rapporteur de minorité sont totalement fausses quand il dit que tout était anonymisé; c'est complètement faux: la pétition a un répondant, on trouve du reste son nom dans le rapport. Si la commission a accepté de recevoir les personnes anonymement - elle n'en avait pas l'obligation - c'était justement pour éviter les représailles au vu du climat qui règne actuellement dans l'institution. Une chose est sûre, c'est que la façon dont s'est déroulée cette nomination laisse un certain nombre de doutes en suspens. La seule information qu'on a eue à ce sujet, c'est que l'université doit effectivement respecter la directive sur l'emploi des personnes de notre canton, la priorité à l'emploi indigène. Elle y est soumise, on a eu la confirmation du département.

Finalement, ça ne servait à rien d'insister sur une recommandation pour retourner sa veste au dernier moment. Premièrement, on sait que vous avez beau faire de belles déclarations, si on ne renvoie pas les rapports au Conseil d'Etat, celui-ci ne les lit jamais, nous en avons la certitude. La deuxième certitude, c'est que le Conseil d'Etat lit à peine ces rapports même si on les lui renvoie. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ces personnes ont malgré tout droit à une réponse, suite à toutes les souffrances dont elles ont témoigné en commission, ce qui était le seul moyen qu'on avait pour faire ressortir ces souffrances.

Le président. Il vous faut terminer !

M. Stéphane Florey. C'est pour cela que je vous demande malgré tout de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Monsieur. Madame Engelberts, c'est à vous pour une minute trente.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Merci, Monsieur le président. Je pense que chacun des membres de la commission tourne un peu autour du pot et met des gants, en essayant de dire à la fois combien c'était intéressant et que ça ne nous regardait pas ! Moi, j'ai un problème de fond. L'université est autonome et subventionnée; il y a un certain lien avec notre Grand Conseil pour le budget. Cependant, est-ce de notre compétence d'intervenir dans un problème de gestion et de management concernant la nomination de professeurs ? Vous voulez savoir comment ça se passe ailleurs ? Aux Hôpitaux universitaires de Genève, dans la filière médicale ? A l'Hospice général ? Comment on nomme les présidents des fondations, des associations ? Je pense qu'à partir de ce moment-là, on ne doit pas entrer en matière sur un sujet comme celui-ci. Pour ma part, je demande que cette pétition soit classée: nous n'avons pas les compétences pour intervenir dans ce domaine, ce n'est pas notre rôle. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) On a beau faire dix-huit mille circonvolutions, nous ne sommes pas compétents, ce n'est pas de notre ressort. Je crois que si on veut s'intéresser à la gestion et aux nominations et si on regarde comment est intitulée cette pétition...

Le président. Il vous faut terminer, Madame !

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Son titre mentionne «copinage et passe-droits»: on est déjà complètement orienté sur la manière de traiter ce sujet. Faisons preuve d'humilité ou inventons d'autres outils et changeons la loi pour faire les choses correctement. Je demande le classement de cette pétition.

M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la pétition est un outil démocratique formidable, que tout un chacun peut utiliser, qu'il soit mineur ou majeur, qu'il habite le canton ou pas, quelle que soit sa nationalité, etc. Il est de notre devoir d'étudier les pétitions qui nous sont envoyées, même si elles comportent une seule signature, mais il n'y a aucune raison que, devant une commission composée de quinze députés, des personnes viennent témoigner anonymement - parce que c'est bien ce qui s'est passé, il n'y a pas lieu de tergiverser. Moi, je ne comprends pas qu'on puisse venir témoigner anonymement dans un Etat comme le nôtre. Le rapporteur de minorité a parfaitement exprimé ce malaise et Ensemble à Gauche adhère à ses propos.

Maintenant, sur le fond, on parle d'hypocrisie, etc. Oui, il y a une forme d'hypocrisie, parce qu'une majorité des commissaires considéraient que la commission n'était pas forcément compétente pour se prononcer là-dessus, mais voulait émettre une recommandation. C'est bien gentil de vouloir émettre une recommandation; le subterfuge consiste à faire voter une recommandation, mais pour que le Conseil d'Etat la lise après, pour qu'il lise le rapport, il faut lui renvoyer la pétition ! Mais le rapporteur de majorité a déjà lu cette recommandation, et le Conseil d'Etat, même s'il est parfois occupé à d'autres tâches, l'a parfaitement entendue. Il sait lire et il l'a entendue ! (Rires.) Il n'y a donc aucune raison de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Nous allons demander le dépôt, c'est tout à fait légitime. La recommandation, le Conseil d'Etat en fera ce qu'il en veut; de toute façon, elle ne casse pas trois pattes à un canard ! Lisez-la ! Qu'est-ce qu'elle dit d'autre que ce qui pourrait se passer en temps ordinaire ou s'est déjà passé ? Cette recommandation figurera au Mémorial, elle figure dans le rapport; elle a été enregistrée, classons-la ! Non, je ne demande pas le classement, pardon: déposons cette pétition sur le bureau du Grand Conseil !

Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Pistis pour quarante secondes.

M. Sandro Pistis (MCG). Merci, Monsieur le président. Je pense qu'une certaine hypocrisie s'établit dans ce Grand Conseil. Aujourd'hui, le gros problème, c'est l'engagement en masse de frontaliers dans ces institutions. A l'époque, le Conseil d'Etat avait la mainmise sur cela; par le fait de la libéralisation voulue par le PLR et d'autres formations politiques, nous avons aujourd'hui un envahissement de gens frontaliers qui travaillent au sein de ces institutions, ce qui oblige les gens à signer des pétitions, et de manière anonyme ! Ce qui est d'autant plus scandaleux, c'est que la «Tribune de Genève», qui se dit autonome...

Le président. Il vous faut terminer, Monsieur !

M. Sandro Pistis. A aucun moment la «Tribune de Genève» n'a donné la parole au rapporteur de majorité pour qu'il puisse s'exprimer ! Ça, c'est scandaleux ! Voilà de quelle manière certains pratiquent la démocratie !

Le président. C'est terminé, merci, Monsieur. Monsieur Barbey... (Remarque.) Silence, s'il vous plaît, Monsieur Pistis ! Monsieur Barbey, vous n'avez plus de temps de parole, mais comme vous avez été attaqué personnellement - ce que je n'apprécie pas du tout, Monsieur Baertschi - je vous laisse la parole.

M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. En fait, je réponds très sereinement à ces accusations, d'abord parce qu'elles sont totalement infondées et me glissent dessus comme l'eau sur les plumes d'un canard, et ensuite parce qu'il faut comprendre qu'au niveau universitaire, les carrières sont, il est vrai, difficiles et donnent lieu à des frustrations, frustrations qui se sont manifestées dans cette pétition. Mais les procédures ont été respectées, et je dirais que l'anonymat, lui, ne doit pas être respecté dans ce genre de cas. Pourquoi ? Parce que les citoyens avancent démasqués quand ils ont la vérité pour eux. En revanche, ce sont les xénophobes et les misogynes qui ont besoin de l'anonymat ! Je vous remercie. (Applaudissements. Huées.)

Le président. Merci, Monsieur. Le temps du MCG est terminé. Madame Emery-Torracinta, conseillère d'Etat, vous avez la parole. (Commentaires.) S'il vous plaît, c'est terminé ! Ça suffit ! (Vives protestations.)

Une voix. C'est scandaleux !

Le président. Vous n'avez pas été attaqués ! Si vous n'êtes pas contents, c'est la même chose ! (Vives protestations, commentaires.) Vous avez la réponse, vous n'aviez qu'à ne pas commencer ! Silence ! Madame Emery-Torracinta, c'est à vous ! (Vives protestations, commentaires. Un député fait claquer le couvercle de son pupitre.) Ayez la politesse d'écouter Mme Emery-Torracinta !

Une voix. Et la politesse de nous donner la parole ? Et la politesse envers les députés ?

Des voix. Chut !

Le président. On a compris ! Vous êtes bien élevés !

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, en ce qui me concerne, et je crois que le Conseil d'Etat sera de mon avis, je trouve que le titre même de cette pétition, et surtout les termes employés au début, sont purement nauséabonds. Nauséabonds ! Quand une pétition commence en demandant d'invalider la nomination de X, personnage public et maire d'une commune française, pour moi, c'est purement scandaleux ! (Protestations. Applaudissements.) C'est scandaleux, parce qu'on montre une personne du doigt, on donne son nom et, en plus, on désigne une nationalité: c'est exactement ce qu'on faisait par exemple pendant la Guerre froide, quand on écrivait: «Ici vit un dangereux communiste» dans le jardin de certaines personnes ou devant un immeuble.

Des voix. C'est honteux ! C'est ridicule !

Mme Anne Emery-Torracinta. Quand on commence à désigner les gens...

Le président. S'il vous plaît, un peu de politesse vis-à-vis de Mme Torracinta ! C'est elle qui a la parole.

Mme Anne Emery-Torracinta. Quand on commence à désigner les gens par leur nationalité, cela rappelle des périodes anciennes qui font froid dans le dos ! (Protestations.)

Des voix. National-socialiste !

Mme Anne Emery-Torracinta. Mesdames et Messieurs les députés, la façon dont cette pétition est tournée n'est pas acceptable et votre Grand Conseil a raison de dire qu'elle ne peut pas être renvoyée au Conseil d'Etat. Si on revient maintenant sur le fond du sujet, vous avez parlé du sentiment d'injustice ressenti par des personnes. Je suis moi aussi assez désolée et assez choquée que ces personnes aient témoigné de manière anonyme, mais j'aimerais vous dire qu'il existe au sein de l'université toute une série d'instances où ces personnes pouvaient être entendues - elles l'ont d'ailleurs peut-être été, je ne sais pas. Toujours est-il qu'il existe des médiateurs. Si vous allez sur le site de l'université, vous trouverez ceci: «Médiateurs spécialisés en gestion des conflits. Qui sommes-nous ? Nous sommes 3 consultants externes et indépendants (2 femmes et 1 homme), mis à disposition par l'Université de Genève dans le cadre de la politique de gestion des conflits.» Je saute quelques lignes. «Toutes les actions que nous lancerons ensemble [...] se situent toujours dans un contexte de confidentialité [...]» Les personnes sont donc protégées et ont la possibilité de prendre contact. Ce type d'instance existe donc déjà à l'université et, de toute façon, que peut faire le Conseil d'Etat ? Il peut bien sûr parler au rectorat, j'ai déjà parlé avec lui de cette situation à plusieurs reprises. Figurez-vous qu'avant de vous écrire, les personnes qui se sont senties lésées m'ont aussi écrit; elles ont écrit au recteur, elles ont écrit à la terre entière ! Elles peuvent parfaitement s'adresser à l'instance de médiation qui existe, qui est là exactement pour ça, qui est constituée de personnes externes à l'université qui pourront éventuellement ramener le calme - s'il y a lieu de ramener le calme !

J'aimerais aussi rassurer le député Florey: non seulement j'ai lu le rapport, mais je l'ai relu tout à l'heure. J'ai bien entendu vos recommandations; j'en reparlerai certainement au rectorat, mais je crois que ce n'est pas le rôle du parlement de se mêler de ce type d'affaires, ni même celui du Conseil d'Etat, puisque, je le rappelle, le recteur est autonome en matière de recrutement de personnel.

Par rapport à la nationalité, vous savez très bien qu'il y a une particularité pour l'université et les hautes écoles: quand on parle de personnel scientifique, la question de la priorité à l'embauche n'existe plus. Vous l'avez vu dans le rapport, j'ai cosigné un courrier avec mon collègue Mauro Poggia pour dire que l'université peut parfaitement engager des chercheurs, souvent des chercheurs de pointe, qui viennent de l'extérieur. Vous savez très bien que ce qui fait la force d'une université, c'est à la fois la possibilité d'engager des gens de l'extérieur et la possibilité d'envoyer ses collaborateurs travailler à l'extérieur. Ce n'est pas le cas, par contre, du personnel administratif et technique: il faut bien distinguer les deux choses. Dans le présent cas, l'université a parfaitement respecté les procédures. Je ne me prononce pas sur le choix de la personne. Etait-ce un bon ou un mauvais choix ? Ce n'est pas mon rôle et ce n'est pas le vôtre de le dire ! Je vous invite vivement soit à classer cette pétition, soit à la déposer sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous allons d'abord voter sur la proposition de la majorité de la commission, à savoir le renvoi au Conseil d'Etat.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 2011 au Conseil d'Etat) sont rejetées par 55 non contre 25 oui.

Le président. Nous votons maintenant sur la proposition de la minorité, soit le dépôt.

Mises aux voix, les conclusions de la minorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2011 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 51 oui contre 26 non et 2 abstentions.