République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 14 décembre 2017 à 14h
1re législature - 4e année - 10e session - 51e séance
PL 12194-A
Premier débat
Le président. Nous passons au PL 12194-A, que nous traitons en catégorie II, quarante minutes. Monsieur Deneys, je vous laisse la parole.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais rappeler à votre souvenir l'exercice budgétaire 2016 pour vous rendre attentifs au fait que le dernier débat sur l'annuité au sein de ce Grand Conseil avant le vote du budget a abouti à l'application des douzièmes provisoires pendant une année ! Surtout, le vote d'entrée en matière sur le projet de budget 2016 n'avait récolté qu'une seule voix favorable. Ce vote sur les annuités est donc déterminant pour la suite qui sera donnée au projet de budget 2018. Le cas échéant, les solutions de dernière minute, avec des amendements ou des solutions nouvelles sous forme d'amendements déposés dans les rapports, sont de nature à faire craindre le pire pour le projet de budget 2018. J'invite donc chacune et chacun à prendre ses responsabilités au moment de ce vote.
Mesdames et Messieurs les députés, lors de ces débats, l'essentiel a été de savoir si cette proposition de demi-annuité avait été négociée ou non avec la fonction publique. Je vais vous citer un petit extrait du rapport de commission. A la page 23, le président de l'Union des cadres de l'administration cantonale dit ceci: «En résumé, pour l'UCA, c'est une mauvaise proposition à laquelle elle s'oppose, pour autant qu'elle puisse s'opposer à ce type de proposition. La variante serait de verser l'annuité complète, voire de verser l'annuité complète de manière différée, comme cela a déjà été le cas en 2009. Cela serait plus simple et plus clair pour l'ensemble des cadres de la fonction publique.» A la question de savoir si les membres de l'Union des cadres ont pu discuter avec le Conseil d'Etat, il a été répondu «qu'ils ont tout à fait la liberté de poser des questions. Ils obtiennent aussi des réponses, même si elles ne leur conviennent pas. Ils ont quand même l'impression que, dans le cadre des discussions et des échanges, ce ne sont parfois pas des négociations. Il y a un projet en cours et, quoi qu'il arrive, le projet ne dévie pas malgré les discussions et les échanges que l'on peut avoir.» Ça, c'est pour les cadres. Evidemment, ce n'est pas très surprenant si on suit l'actualité politique genevoise depuis quelques années. On a exactement le même discours de la part du Cartel qui nous dit qu'ils ont appris la proposition de demi-annuité au mois de septembre, au moment de la présentation du projet de budget 2018, et que cela n'a pas fait l'objet de discussions et de négociations antérieures. Cela n'a pas été annoncé au mois de février ou au printemps dans le cadre d'une perspective budgétaire difficile. C'est comme ce qu'on a pu constater avec le plan financier quadriennal: la fonction publique est mise devant le fait accompli, il n'y a pas de négociation avec elle; le Conseil d'Etat décide qu'il peut renoncer à l'annuité pour toute la fonction publique ou proposer la demi-annuité dans le cas présent, mais il ne discute pas !
Mesdames et Messieurs les députés, je crois que c'est là le coeur du problème. On peut imaginer que cette compétence revienne au Conseil d'Etat plutôt qu'au Grand Conseil par le vote d'une loi comme celle-ci. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Au final, ça dépend de la capacité du Conseil d'Etat à négocier, qu'il n'est pas capable d'exprimer dans cette législature. Ce n'est pas totalement nouveau. Si vous lisez la page 37 du rapport, vous verrez que, sur les vingt dernières années, le versement de l'annuité a fait plus de la moitié du temps l'objet de suspensions, gels ou reports. Le versement de l'annuité prévue par la loi n'est donc en réalité jamais ou pas toujours honoré par le Conseil d'Etat.
Le président. Temps du groupe !
M. Roger Deneys. Mesdames et Messieurs les députés, je vais conclure en rappelant simplement une chose, notamment aux députés qui prétendent être attachés au partenariat social: l'annuité n'est pas une revalorisation des salaires de la fonction publique. L'annuité est un mécanisme identique à celui d'une convention collective qui prévoit des traitements qui augmentent avec l'ancienneté. Ici, il n'y a pas d'augmentation des salaires des fonctionnaires, il s'agit simplement de respecter des engagements, comme cela se fait dans le cadre d'une convention collective. Si on veut un autre système, Mesdames et Messieurs les députés, on décide de déposer un nouveau projet de loi, on trouve un accord avec la fonction publique d'abord et, ensuite, on le soumet à notre Grand Conseil. Dans le projet SCORE, l'annuité est maintenue, il n'y a donc aucune raison à ce stade de revenir sur ce mécanisme, quels qu'en soient les effets secondaires induits, problématiques notamment pour les subventionnés - ce sera certainement évoqué. Mesdames et Messieurs les députés, c'est au Conseil d'Etat d'anticiper le problème, en négociant avec la fonction publique, en cherchant un accord au printemps et pas en annonçant la mesure à l'automne.
Mesdames et Messieurs, les socialistes et la majorité vous invitent à refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, certes, le sujet est important. Certes, le sujet est grave pour une partie de nos employés de la fonction publique ou la totalité de la population genevoise, mais nous sommes dans une discussion de budget. On nous dit qu'il n'y a pas eu de négociation, or, d'amples négociations ont eu lieu qui n'ont pas encore abouti, mais elles étaient supposées arriver à un projet de loi qu'on aime appeler SCORE. Il est vrai que, dans ce projet SCORE, il est marqué que l'annuité est maintenue, mais ce projet propose plein d'autres choses. En ce qui concerne notre minorité, Mesdames et Messieurs les députés, nous n'entendons pas faire de ce débat une discussion pour ou contre la fonction publique - pour: j'aurai des voix; contre: l'UDC n'aura pas de voix. Non, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas dans cette optique que nous intervenons, mais nous aimerions quand même dire deux ou trois choses. J'ai entendu le rapporteur de majorité - qui, au demeurant, a beaucoup d'arguments - nous assener: vous n'avez pas négocié avec la fonction publique !
M. Roger Deneys. Le Conseil d'Etat, pas nous !
M. Patrick Lussi. Le Conseil d'Etat ! Mesdames et Messieurs les députés, j'ai la faiblesse de vous dire que je représente la majorité silencieuse, celle qu'on ne consulte jamais; celle, par contre, dans les 60% de contribuables qui restent et qui paient l'impôt, dont on augmente les dus et autres, sans qu'elle ait un mot à dire, si ce n'est la parole qu'on essaie de porter aujourd'hui. Cela pour vous dire que le Conseil d'Etat a estimé que, pour cette année, il était judicieux de ne verser qu'une demi-annuité pour l'équilibre général de son enveloppe globale, équilibre qui, d'ailleurs, n'est pas là. Par rapport à cela, par rapport à ces quelques mesures d'économies ciblées sur un budget et qui ne sont pas définitives, notre minorité vous recommande d'accepter ce projet de loi.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de deuxième minorité. On a dit que le Conseil d'Etat n'avait pas la compétence, apparemment, pour négocier l'annuité avec la fonction publique. En réalité, il n'en a pas la capacité légale. Il n'en a pas la compétence, mais dans un autre sens du terme ! Pourquoi ? Parce que c'est une loi, et comme la loi est adoptée par le Grand Conseil, l'annuité est automatiquement due via un mécanisme si le Grand Conseil, lui, ne prend pas une décision. Donc, en l'état, s'il y avait une discussion, un partenariat social qui s'engageait avec le Conseil d'Etat et les représentants des syndicats de la fonction publique, le Conseil d'Etat ne pourrait pas transiger et conclure un accord sans le subordonner à l'accord du Grand Conseil.
Vous transmettrez au rapporteur de majorité que je ne méconnais pas que le mécanisme de l'annuité n'est pas une revalorisation salariale. Non, ce n'est pas une revalorisation salariale, c'est une augmentation de salaire programmée en fonction de l'ancienneté, qui est fixée dans la loi ! Depuis 2013, et de façon régulière - pour la troisième ou quatrième fois, je ne sais plus, mais au moins la troisième - le groupe PLR propose à ce Grand Conseil de transférer au Conseil d'Etat la compétence qui se trouve aujourd'hui en mains du Grand Conseil, de manière que le Conseil d'Etat ait précisément la compétence de négocier avec les représentants de la fonction publique. Nous avons fait notre travail en commission à propos de ce projet de loi et nous avons entendu le Conseil d'Etat, l'UCA - les cadres - et le Cartel. Le Conseil d'Etat a dit qu'il était d'accord de transférer cette compétence; l'Union des cadres a dit qu'elle était d'accord; le Cartel a dit qu'il était d'accord. Il y a un accord entre le Conseil d'Etat et les syndicats pour que cette compétence appartienne désormais au Conseil d'Etat. Très honnêtement, je ne comprends pas pourquoi le Grand Conseil - dont tous les membres disent d'une façon ou d'une autre qu'ils sont favorables au partenariat social - s'oppose aujourd'hui à ce que demandent l'employeur et les représentants des employés. Raisons pour lesquelles le PLR déposera une fois encore un amendement permettant ce transfert de compétence.
Je terminerai en disant que ce transfert de compétence aura pour avantage d'éviter que la fonction publique serve de variable d'ajustement dans le cadre du budget. Cela aura pour autre avantage de faire en sorte que si le budget n'est pas accepté, l'annuité ne le soit pas non plus puisque cela ne figurera plus dans la loi comme tel. Il n'y aura donc plus un chantage à l'octroi ou non de l'annuité à l'occasion du budget: ce sera vraiment transféré dans le cadre d'un accord entre le Conseil d'Etat et les syndicats. A part le Grand Conseil, en tout cas dans sa majorité, tout le monde a l'air d'accord de procéder de cette façon-là, conformément au partenariat social. J'ai peine à comprendre la situation actuelle, s'agissant de la position des bancs de gauche de ce parlement.
M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien votera l'entrée en matière du projet de loi. Clairement, il est sur la même ligne que le Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat, à l'unanimité, a demandé une demi-annuité; je vous ferai simplement remarquer que, dans le Conseil d'Etat, il n'y a pas que des partis de droite, mais des partis de gauche y sont aussi représentés, et ce projet de loi de budget a été voté par l'entier du Conseil d'Etat. On discute toujours d'abord de l'annuité et c'est toujours cette discussion qui met le feu aux poudres, parce que c'est quelque chose d'important et d'essentiel. Le PDC n'a jamais voté d'annuité complète en cas de budget déficitaire; il s'est toujours opposé à l'annuité quand le budget était déficitaire. Là, il reconnaît que le Conseil d'Etat a fait un gros travail pour proposer le budget arrivé en commission, pour limiter l'augmentation des charges et proposer une demi-annuité à la place d'une annuité complète. On en reparlera dans la discussion sur l'entrée en matière. Nous maintenons donc notre position, nous voulons une demi-annuité, et nous faisons une proposition complémentaire: si l'entrée en matière est acceptée par ce parlement, nous proposons une annuité différée, qui semble plus intelligente que la demi-annuité. Cette annuité différée sera expliquée si l'entrée en matière est votée. Il faut faire attention de ne pas mettre le feu à la discussion sur le budget qui va suivre. Je pense qu'on peut avoir un consensus pour voter une demi-annuité ou une annuité différée et non pas une annuité complète, pour permettre que la discussion budgétaire se passe d'une façon consensuelle cette année et qu'on ne commence pas à se jeter des anathèmes les uns contre les autres. Pour le PDC, il est essentiel d'avoir une demi-annuité et pas une annuité complète. Je vous remercie.
M. Jean Batou (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, cette question revient sempiternellement devant le parlement alors que nous avons une loi, que cette loi fixe un salaire de début et de fin de carrière avec une progression. M. Aellen a tout à fait raison, vous lui transmettrez ! Il s'agit d'un salaire qui a été prévu sur la carrière des travailleurs de la fonction publique: quand je suis engagé, je sais que je gagnerai tant la première année, tant la deuxième année, tant la troisième année. Ça fait partie des conditions d'embauche que l'employeur doit respecter et le Grand Conseil doit respecter les normes légales. Il est écrit à l'article 12 de la LTrait que «le membre du personnel a droit [...] à l'augmentation annuelle prévue». Il ne s'agit pas d'un acte de charité, il s'agit d'un droit. Mais l'exception a tendance à devenir la règle puisque depuis 1997, sur vingt et un ans, d'après les chiffres qui nous ont été transmis à la commission des finances, l'annuité a été versée huit fois selon la loi. Huit fois selon la loi ! C'est-à-dire un peu plus d'une fois sur trois; elle a été décalée neuf fois, de quatre à douze mois; elle a été versée une fois pour les bas salaires seulement; elle n'a pas été versée trois fois. Une fois de plus, on propose à ce Grand Conseil la variable d'ajustement consistant à couper dans le salaire des fonctionnaires et non en l'augmentation de ce salaire. La demi-annuité serait un pas nouveau, parce qu'elle dynamite totalement la loi sur les traitements. Ça veut dire que cette année, ce sera une demi-annuité; l'année prochaine, ce sera peut-être un tiers d'annuité; après, il y aura un tiers pour ceux-ci, un sixième pour ceux-là ! (Commentaires.) Vous aurez compris qu'on sera totalement dans l'arbitraire. Eh bien, c'est cet arbitraire-là que M. Aellen revendique en demandant que le Conseil d'Etat ait toutes les cartes en mains et dispose non plus des augmentations de salaire ou des salaires prévus dans la loi, mais d'une enveloppe avec laquelle il concède ou refuse une augmentation - parce que cette fois, ce sera bien une augmentation de salaire. Evidemment, cela implique une rupture totale avec cette loi et avec le système des traitements de l'Etat. Nous refusons de mettre le doigt dans cet engrenage et vous appelons de manière ferme à refuser cette demi-annuité et à respecter la loi. Après tout, ce sera une année de plus sur bien peu d'années où ce Grand Conseil aura eu le mérite de respecter la loi qu'il a votée. (Applaudissements.)
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts ont refusé d'entrer en matière sur ce projet de loi en commission et ils feront de même ici en plénière pour plusieurs raisons. D'une part, depuis plusieurs années, nous dénonçons le fait que l'annuité - mécanisme salarial inscrit dans la loi et faisant partie intégrante des conditions d'engagement du personnel de la fonction publique - est devenue au fil des ans une variable d'ajustement budgétaire. Cela est injuste, en particulier à l'égard des collaborateurs les plus jeunes qui voient leur progression entravée alors que les plus anciens, déjà arrivés au maximum de leurs annuités, ne ressentent pas ce sacrifice. Le Conseil d'Etat et les partis de l'Entente qui sont majoritaires n'ont de cesse de dénoncer ces augmentations de salaire dites automatiques alors que ce sont, comme nous l'avons dit, des mécanismes qui font partie des contrats. Force est de constater qu'ils ne font rien pour modifier la base légale; je pense au Conseil d'Etat qui, dans son projet SCORE, ancre le principe d'une échelle salariale construite sur la base d'annuités.
D'autre part, et d'un point de vue strictement technique, la solution d'une demi-annuité proposée par le Conseil d'Etat semble difficilement applicable. Par le passé, il est arrivé que l'annuité soit versée de manière différée à partir du mois de juillet; c'est d'ailleurs ce que propose l'amendement du PDC. Or, avec une demi-annuité, on se retrouve entre deux échelons sur la grille des salaires de l'Etat, et cela de manière durable, si l'on part du principe que l'annuité pleine sera versée l'an prochain ou qu'aucune annuité ne sera versée. Des questions ont été posées à ce sujet à la commission des finances, elles n'ont pas obtenu de réponses satisfaisantes. Nous vous invitons donc à refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi donne l'impression que les annuités sont au budget ce que les cerises sont au gâteau. Il y a des années où elles sont données, d'autres où elles sont supprimées et il y a celles où elles sont reportées de six mois. De mesure d'ajustement - ce qui n'est déjà pas leur rôle - elles sont devenues une mesure un peu schizophrénique: une partie des salariés et des services reçoit l'annuité complète tandis qu'une autre partie, le grand Etat, est censée donner l'annuité, mais les collaborateurs ne la reçoivent pas de manière complète. Ces cerises commencent donc à être indigestes pour cette partie des salariés. Ces annuités décidées ici avant le budget sont toujours un problème et une source de tensions alors que toute la république sait depuis des mois, voire des années, qu'il y a un problème lié à l'attribution des annuités, à leur répartition et à leur financement par l'Etat. Le Conseil d'Etat est arrivé cette année avec une nouvelle formule: la demi-annuité. La demi-annuité contre quoi ? Non, juste la demi-annuité ! Ce dossier des annuités est symptomatique, il ne peut pas être présenté de manière unilatérale par le Conseil d'Etat lorsque ces annuités sont diminuées. Il devrait y avoir une négociation et un peu plus qu'une information. Parce que c'est l'impression que nous avons eue lors des auditions à la commission des finances, que ce soit avec le Cartel ou avec l'Union des cadres de l'administration cantonale: on a informé les salariés en «last minute» !
En résumé, pour ces raisons et bien d'autres, le parti socialiste a décidé cette année que les annuités devaient être données, d'où notre non-entrée en matière sur le projet de loi. Ces annuités doivent être données parce qu'elles font partie de la rémunération, cela a été dit. Elles font tellement partie de la rémunération qu'elles seront reprises dans un projet d'avenir - peut-être - qui s'appelle SCORE. Ensuite, fondamentalement, le fait que les personnes qui travaillent pour l'Etat bénéficient d'un statut correct nous évite des problèmes de corruption et nous permet d'avoir des exigences. Le groupe socialiste va donc voter une non-entrée en matière sur ce projet de loi. La conséquence monétaire de cette non-entrée en matière est déjà comprise dans le budget tel qu'il est sorti de commission.
M. François Baertschi (MCG). Une fois de plus, la discussion sur l'annuité accordée à la fonction publique relève du bricolage, et le groupe MCG le déplore. Il existe un principe de base dans la fonction publique: c'est un salaire de départ avec des annuités. Depuis 1997, ce principe n'a pas été respecté environ une année sur deux. Une règle qui n'est pas respectée ou qui comprend autant d'exceptions n'est plus une règle crédible. Il ne peut pas y avoir des exceptions qui se multiplient comme c'est le cas depuis de trop nombreuses années. Peut-être faudra-t-il attendre SCORE pour régler le problème, mais actuellement, ce n'est pas satisfaisant. Il faut savoir également que toute suppression d'annuité - les suppressions ont été successives, sur plusieurs années - a des effets pervers, en particulier sur certaines classes de jeunes employés qui sont défavorisées par rapport aux autres. La solution proposée par le Conseil d'Etat, la demi-annuité sous forme de prime exceptionnelle, n'a jamais été appliquée et semble irréalisable: c'est une très mauvaise solution. Il convient donc de s'y opposer, cette possibilité n'est pas acceptable. Quant au projet d'annuité attribué par le Conseil d'Etat selon l'humeur du temps ou les états d'âme des uns et des autres, c'est sans conteste la solution la plus farfelue et on s'étonne qu'elle soit proposée dans le débat parlementaire.
Le MCG s'opposera donc à la suppression des mécanismes salariaux. Les employés de la fonction publique comme les habitants de notre canton méritent le respect, ce que certains groupes politiques de ce Grand Conseil n'ont malheureusement pas compris. Dans sa charte, le MCG s'engage à déployer une protection efficace des acquis sociaux actuels, des services publics et du secteur privé. Dans le respect de sa charte, le MCG refusera donc l'entrée en matière sur ce projet de loi.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Il y a de nombreux services où des postes de travail manquent et les syndicats pourraient se rallier à l'idée de renoncer à l'annuité pour obtenir des postes supplémentaires, notamment à l'IMAD. Avec ce projet de loi, on est dans une situation où le Conseil d'Etat augmente le nombre de postes et diminue un peu les augmentations prévues de salaires. Même avec une demi-annuité, il y aurait une progression réelle des salaires, car dans l'avenir proche, les prix seront stables étant donné que l'inflation est modérée; par contre, il y a une hausse des primes de l'assurance-maladie dont il faut tenir compte dans le cadre du maintien du pouvoir d'achat des fonctionnaires. Ce ne sont pas des augmentations de salaire par l'annuité qui font que l'on gagne davantage, c'est plutôt une progression dans la carrière, au fur et à mesure que l'on avance dans le temps, qui fait que le pouvoir d'achat augmente réellement pour les fonctionnaires.
Il faut savoir que le Grand Conseil est actuellement compétent pour l'octroi de l'annuité sur proposition du Conseil d'Etat, mais, contre toute logique, le Grand Conseil n'est pas invité à participer aux négociations. Le Conseil d'Etat a pour tâche de diriger l'administration et de gérer les ressources tant humaines que financières - ce qu'il souhaite faire - mais il ne peut le faire librement, car, dans la réalité, le dernier mot appartient au Grand Conseil. Avec ce projet de budget, le Conseil d'Etat considère que l'Etat n'a pas les moyens de payer une annuité complète, mais qu'il a quand même les moyens d'augmenter les effectifs de l'Etat de 315 postes, surtout dans le domaine de la santé et du social.
L'Union démocratique du centre vous demande d'accepter l'entrée en matière sur ce projet de loi, car celui-ci propose une diminution des dépenses de fonctionnement de 20,3 millions au budget 2018 et de 4,1 millions en 2019.
M. Gabriel Barrillier (PLR). Chers collègues, évidemment, nous soutenons le rapport de minorité qui veut redonner à l'Etat employeur son vrai rôle, qu'il n'a pas actuellement, contrairement à ce qui se passe dans le secteur privé. J'aimerais attirer votre attention - et celle des citoyens qui prendront connaissance de ce débat - sur le fond du problème: la revalorisation, la fixation des salaires dans la fonction publique, c'est-à-dire à peu près 40 000 personnes, au sens large. Je reprends ce qui a été affirmé sur le fait qu'on n'ait pas appliqué la loi depuis vingt ans et j'aimerais ici attirer l'attention sur le fait que, de 1997 à 2017, sur vingt et un exercices budgétaires, par trois fois l'annuité n'a pas été accordée: en 2005, 2012 et 2016. Elle a été accordée en tout ou partie les dix-huit autres années. Il faut quand même rétablir la vérité ! J'en viens au niveau de rémunération des travailleurs dans le public et dans le privé à Genève: le salaire médian général est de 7510 F par mois contre 8666 F dans le secteur public, soit 1256 F de plus, soit 16,6% de plus ! Cela rétablit un peu la situation ! (Commentaires.) Par ailleurs, l'écrasante majorité des travailleurs du secteur privé sont soumis à la concurrence, je le rappelle, notamment à cause du franc fort, et la hausse de l'indice des prix est extrêmement faible, à 0,6%. Si je rappelle ces faits, c'est pour remettre dans son contexte le thème du niveau des rémunérations dans la fonction publique. Une demi-annuité, c'est donc déjà bien ! C'est positif, c'est sage et c'est suffisant, compte tenu de la conjoncture générale - qui n'est pas florissante - et de la situation budgétaire. Je rappelle qu'en plus de cela, l'emploi dans la fonction publique est quasiment garanti à 100%; et la garantie de l'emploi, ça n'a pas de prix, chers collègues !
Pour terminer, j'aimerais dire deux mots du partenariat social. (Rires.) J'ai une certaine expérience dans le partenariat social, j'ai négocié avec les syndicats de la construction. Je puis vous garantir que c'était rugueux, que c'était tendu, mais une fois que c'était conclu, c'était la bonne foi qui l'emportait. Or, lors de l'audition à la commission des finances - où je suis néophyte - le comportement des représentants du Cartel, notamment, m'a rendu un peu dubitatif quant à leur volonté de négocier. Pour négocier, il faut être deux ! Peut-être que le Conseil d'Etat n'était pas parfait, mais je constate en tout cas que le partenariat social dans le secteur public à Genève n'est pas très productif. Dès lors, mon groupe va accepter ce projet de loi et il vous invite à en faire de même. (Applaudissements.)
M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, Ensemble à Gauche va refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi inique et tout à fait méprisable, parce qu'il se fait au mépris de la fonction publique, et même au mépris de la crédibilité de l'employeur, le Conseil d'Etat. Les chiffres donnés sont faux, bien sûr ! C'est présenté de manière tout à fait tordue, et M. Barrillier en a donné un bel exemple en nous faisant croire qu'en vingt et une années, l'annuité n'aurait pas été versée seulement trois fois, six fois oui et douze fois plus ou moins. Non, c'est tout à fait faux ! Moi, je vous dis la vérité, qui est que, depuis 1993, en vingt-cinq ans, les mécanismes salariaux ont été versés plus ou moins normalement onze fois et ont été attaqués quatorze fois. En règle générale, l'Etat ne remplit donc pas ses obligations et méprise la fonction publique. Il faut arrêter de trafiquer les chiffres et de présenter une fausse réalité. La réalité, c'est que, en règle générale, on ne respecte pas les mécanismes salariaux. Il faut donc refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à Mme Flamand-Lew pour deux minutes vingt-trois.
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Merci, Monsieur le président. Je réagis à l'intervention de M. Barrillier et à cette éternelle comparaison des salaires médians dans les secteurs public et privé. Ces deux secteurs sont absolument incomparables si l'on prend en compte un salaire médian incluant tous les métiers du public et tous les métiers du privé ! En effet, au sein de l'Etat, il n'y a pas de nettoyeurs ou de nettoyeuses, ou il y en a de moins en moins; il n'y a pas de vendeurs ou de vendeuses de détail; il n'y a pas de caissiers ou de caissières de supermarché; il n'y a pas d'ouvriers non qualifiés. Il faut comparer ce qui est comparable et, à qualification égale, les salaires au sein de l'Etat ne sont pas plus élevés que ceux du privé ! On peut au contraire se réjouir que l'Etat ne sous-paie pas ses collaborateurs et ne participe pas à une sous-enchère salariale, au contraire de certaines entreprises du secteur privé. (Applaudissements.)
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat a toujours revendiqué son rôle d'employeur. Or, la loi actuelle ne lui laisse pas la latitude qu'il aimerait bien avoir en matière de politique salariale. Nous avons certes bénéficié de cette faculté pendant un court laps de temps, il y a une année et demie. Malheureusement, elle nous a été retirée, mais, dans le fond, c'est cette même logique - la logique de l'employeur - qui a prévalu dans la proposition qui vous est faite ce soir. C'est une logique très claire, qui part d'un contexte financier difficile, avec un déficit important - il était encore plus important, je vous en donnerai quelques indications plus tard lorsqu'on parlera du budget - et de la considération de l'environnement dans lequel nous nous trouvons, en particulier l'environnement économique, celui de la hausse des prix. Ce sont toutes ces appréciations que le Conseil d'Etat a mises dans la balance pour considérer qu'effectivement, l'octroi d'une demi-annuité était plein de sens, était raisonnable. L'entier de notre population doit malheureusement subir un certain nombre d'augmentations. On pense par exemple aux primes d'assurance-maladie: cette augmentation serait largement couverte, le cas échéant, avec la demi-annuité que nous proposons d'octroyer à nos collaborateurs.
Deuxième élément que je voudrais indiquer, le Conseil d'Etat s'est engagé vis-à-vis de nos collaborateurs, vous le savez, à réformer le système de pension avec un ambitieux projet de loi qui va véritablement assurer la pérennité du système de prévoyance des employés de l'Etat. Nous estimions que, face à ces enjeux-là, face à ce qui va être demandé à l'ensemble des concitoyens, aux contribuables, eh bien, ce petit effort demandé à la fonction publique d'accepter une demi-annuité était tout à fait supportable. (Commentaires.)
Le président. Il me semble que c'est très agité aujourd'hui: un peu de calme, s'il vous plaît !
M. Serge Dal Busco. Je partage votre avis, Monsieur le président. Pour toutes ces raisons, qui vous apparaîtront encore plus logiques lorsque nous discuterons du budget, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vous incite évidemment à entrer en matière et à approuver cette proposition qu'il vous fait de l'octroi d'une demi-annuité à l'ensemble de nos collaboratrices et collaborateurs.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'invite l'assemblée à se prononcer sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12194 est rejeté en premier débat par 50 non contre 42 oui.