République et canton de Genève

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M 2433
Proposition de motion de Mmes et MM. Pierre Vanek, Roger Deneys, Olivier Baud, Jean Batou, Jocelyne Haller, Maria Pérez, Christian Frey, Christian Zaugg, Claire Martenot, Caroline Marti, Lydia Schneider Hausser : ABB Sécheron : battons-nous pour le maintien de l'emploi et disons STOP à l'érosion du secteur industriel genevois
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 23 et 24 novembre 2017.

Débat

Le président. Nous traitons maintenant la proposition de motion 2433 en catégorie II, trente minutes. Je laisse la parole à son premier signataire, M. Pierre Vanek. (Brouhaha.) Une petite seconde, Monsieur Vanek, nous allons attendre que l'assemblée soit un peu plus calme. (Un instant s'écoule.) Voilà, allez-y.

M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président... (M. Cyril Aellen discute avec un député devant l'orateur.) Monsieur Aellen, je ne voudrais pas vous déranger, mais il me faudrait une vue sur l'ensemble de l'hémicycle.

M. Cyril Aellen. Excusez-moi !

M. Pierre Vanek. En effet, cette question touche l'ensemble de l'hémicycle. Il s'agit d'une motion très, très modeste. Les faits concernant ABB Sécheron sont connus, le tract d'Unia que je tiens entre mes mains a été distribué à notre arrivée ici: 150 licenciements annoncés, un arrêt de travail pour consultation parce que la convention collective prévoit abusivement une paix du travail absolue qui empêche les travailleurs, dans des situations pareilles, d'exercer le droit de grève, pourtant garanti par notre constitution cantonale. Et tout cela dans le plus grand groupe industriel de Suisse, dont les bénéfices se chiffrent littéralement en milliards, dont le PDG est payé 9,4 millions de francs ! On entend délocaliser en Pologne 150 emplois qualifiés dans une entreprise héritière d'une tradition industrielle remarquable ! Ces travailleurs se sont mobilisés à juste titre pour résister, parce que cette société non seulement fournit de l'emploi, mais est même rentable, elle présente juste le tort de ne pas générer suffisamment de profits pour les actionnaires, qui exigent une croissance à deux chiffres et pensent pouvoir l'atteindre en délocalisant en Pologne.

Cette problématique ne date pas d'hier: puisqu'on va parler, dans un autre débat, de la diversité et du maintien de la presse à Genève, j'ai ici un article du «Journal de Genève» de 1982, Mesdames et Messieurs, sur une manifestation de la FTMH. Le «Journal de Genève», journal des régisseurs et des banquiers, parlait de 4000 manifestants devant l'Hôtel de Ville, mais nous étions en réalité 5000 ou 6000 - Daniel Sormanni y était, il peut en témoigner - à l'occasion de 250 licenciements dans la métallurgie genevoise, plus 136 à Hispano-Oerlikon. Les métallos sont venus, il y en avait 5000 ou 6000 en bleu de travail sur la place Neuve - l'article le dit, la rampe de la Treille en était remplie, la rue de l'Hôtel-de-Ville aussi - pour déposer une pétition demandant que le Conseil d'Etat agisse conformément à ses déclarations et à ses promesses antérieures et défende le secteur industriel genevois. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

Alors, rien ne change... Si, malheureusement, beaucoup de choses changent, et des usines disparaissent successivement. Celle que j'ai citée - Hispano-Oerlikon - est un souvenir, il y a maintenant des bureaux à la place; en face, aux Ateliers des Charmilles, se trouvent aujourd'hui un centre commercial et des locaux administratifs. Je pourrais faire pleurer la galerie en citant une douzaine d'entreprises très significatives de la métallurgie genevoise qui ont disparu. Cela étant, il y a des choses positives dans cette affaire...

Le président. Vous prenez sur le temps du groupe, Monsieur.

M. Pierre Vanek. Oui ! Il y a des choses positives dans cette affaire qui sont à saluer, comme l'engagement assez déterminé du gouvernement pour tenter d'obtenir le maintien de ces emplois à Genève.

La motion, qui devrait convenir à tout le monde, comporte deux invites. La première demande au Conseil d'Etat - il s'agit juste d'un soutien à celui-ci, Pierre Maudet nous dira qu'il s'en occupe déjà - de mettre en oeuvre tous les moyens juridiques, politiques et économiques possibles pour que les revendications concrètes des travailleurs d'ABB Sécheron, à savoir le maintien des postes sur le site, soient appuyées par l'Etat de Genève. La seconde, elle, part de l'idée - qui devrait d'ailleurs faire l'unanimité dans cette salle - que la politique industrielle ne devrait pas être une politique au coup par coup, qui mobilise les émotions chaque fois que quelques dizaines ou centaines de licenciements interviennent ou qu'une boîte ferme. Non, il faut une politique industrielle qui mobilise des énergies politiques, des ressources économiques ! Je pourrais vous dessiner les contours de la politique industrielle souhaitée par Ensemble à Gauche et vous parler de formation, de recherche et développement, de locaux et terrains industriels, de commandes provenant aussi du secteur public et du grand Etat, et également de politique fiscale, quoiqu'une politique industrielle ne puisse pas se résumer à ça; je pourrais vous faire un plan, mais ce n'est pas de ça qu'il s'agit.

L'invite de la motion est simple: elle demande au Conseil d'Etat de nous dresser, dans un laps de temps de six mois - bon, c'est le délai habituel dans lequel il est censé rendre ses rapports sur nos motions - un état des lieux sur l'industrie genevoise afin de créer les conditions pour un débat sérieux sur la politique industrielle. Je le répète: nous avons besoin d'une politique qui ne soit précisément pas une politique au coup par coup, ou de simple arrosage fiscal de grandes entreprises, mais qui soit une politique déterminée, qui se batte pied à pied pour renverser la tendance de dégradation et de mitage du tissu industriel genevois qui prédomine depuis des lustres, comme je l'ai indiqué.

Je ne vous propose pas de dessiner sur le siège ce soir, avec le PLR, le MCG, Ensemble à Gauche et quelques grains de sel du parti socialiste, une politique industrielle; par contre, je crois qu'on peut se rejoindre sur une idée, à savoir que le Conseil d'Etat nous rende un rapport sur l'état des lieux dans ce secteur, afin que nous puissions ensuite mener un débat sur la politique industrielle que doit mener ce canton si on veut éviter la disparition totale de la branche industrielle, si on veut éviter que Genève ne devienne un simple Monaco-sur-Léman. (Applaudissements.)

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste s'est évidemment associé à la rédaction de cette proposition de motion, parce que l'avenir d'ABB Sécheron est particulièrement incertain. L'emploi dans le secteur secondaire - comme dans le primaire, d'ailleurs, c'est-à-dire l'agriculture - est malheureusement en voie de disparition dans notre canton. Or des postes peu ou moins qualifiés que ceux du secteur tertiaire, des postes pas uniquement dans les services, sont indispensables pour garantir une prospérité plus large, et pas seulement les profits de quelques-uns au détriment de tous les autres, qui vivent des miettes du système.

Aujourd'hui, la délocalisation crée la disparition des emplois dans nos contrées et leur établissement à l'autre bout de la planète, les richesses ne sont plus produites ici, mais les bénéfices reviennent dans la poche de quelques privilégiés qui, eux, sont installés chez nous ou dans d'autres pays pas trop lointains. Mesdames et Messieurs, si on ne fait rien et que l'emploi disparaît de Sécheron, il ne reviendra pas de sitôt, et donc se pose une fois de plus la question de l'avenir professionnel des jeunes que nous formons dans le cadre des apprentissages, de la scolarité obligatoire et postobligatoire, et qui ne trouvent pas de débouchés, qui se retrouvent dans des situations calamiteuses dès la fin de l'enfance, dès l'âge adulte.

Il est tout simplement intolérable de ne pas favoriser le maintien des entreprises. Il faut évidemment s'attacher à ce qu'elles ne partent pas et faire cesser le cynisme d'une société comme ABB, qui voit ses bénéfices fleurir mais, dans le même temps, préfère délocaliser les emplois, parce qu'ils y coûtent un peu moins cher, voire beaucoup moins cher - de toute façon, même un centime est beaucoup moins cher, donc on va délocaliser ! C'est du cynisme absolu, et il faut combattre cette politique.

Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste est extrêmement inquiet quant à ce que fait le Conseil d'Etat. D'un côté, on soutient un projet comme TOSA, on voit un grand groupe tel ABB se régaler de subventions publiques pour conduire un nouveau projet industriel mais, dès que celui-ci est financé, se dépêcher de délocaliser les emplois. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) C'est d'un cynisme intolérable, nous devons réagir ! Et réagir, ça signifie aussi que le Conseil d'Etat doit mieux coordonner l'action de la politique économique et celle de l'emploi, aujourd'hui séparées dans deux dicastères, dans deux politiques publiques différentes, avec deux conseillers d'Etat; on soupçonne un manque d'efficacité. Des mesures de chômage partiel...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Roger Deneys. ...et des campagnes de rencontre avec les entreprises sont pourtant indispensables au maintien des postes. Aussi, Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à soutenir immédiatement cette proposition de motion. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur. M. Stauffer a demandé la parole, mais il n'est pas là, je la passe donc à M. Guinchard.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous ne partageons pas l'ensemble des constats énumérés dans cette motion. Toutefois, la deuxième invite nous plaît et nous semble intéressante, parce qu'elle rappelle la magnifique époque de la métallurgie genevoise, qui a connu des périodes de dégraissages assez considérables alors qu'elle constituait un fleuron de notre économie.

Nous pensons dès lors qu'il est important que nous puissions faire non pas devoir de mémoire en appuyant cette motion, mais un geste pour l'avenir, qui permette au Conseil d'Etat, comme il le fait à l'heure actuelle avec la task force qu'il a mise en place - laquelle a déjà donné un certain nombre de résultats, même s'ils sont encore minimes - de bénéficier de notre soutien et d'aller de l'avant. Dans ces circonstances, le groupe démocrate-chrétien vous demande le renvoi de cette motion à la commission de l'économie. Je vous remercie.

M. Pascal Spuhler (MCG). Non, Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas à la commission de l'économie qu'il faut renvoyer cette motion, mais directement au Conseil d'Etat, faute de quoi elle dormira une année en commission, et, au moment où nous la traiterons, les activités auront toutes été délocalisées, les ouvriers placés au chômage.

Mesdames et Messieurs, ABB Sécheron constitue un fleuron de la métallurgie, on l'a dit, mais également l'un des leaders dans son domaine, et il est important de maintenir cette activité à Genève et de sauver ces emplois. Il est regrettable que la direction générale ait pris cette décision, et nous ne pouvons que nous battre et inviter le gouvernement à défendre nos intérêts. Aussi, j'invite le Grand Conseil à voter ce texte à l'unisson et à le renvoyer au Conseil d'Etat.

Mesdames et Messieurs, on l'a déjà rappelé, mais je vais le répéter: le 5 décembre prochain, nous inaugurerons la première ligne TOSA, conçue et réalisée en collaboration avec le canton, bien sûr, mais aussi avec ABB Sécheron et l'EPFL. Il s'agit d'un bus futuriste, d'un grand projet qui se met en place, et ABB Sécheron nous abandonne, abandonne ses employés, abandonne l'économie genevoise. Mesdames et Messieurs, votez cette motion pour que le Conseil d'Etat puisse agir au plus vite. Merci.

M. Marc Falquet (UDC). L'UDC soutiendra également cette motion. Comme l'a dit M. Deneys, c'est la pratique actuelle: on licencie, on délocalise, ce qui fait monter les actions pour la plus grande joie des actionnaires. C'est effectivement très scandaleux, mais ce n'est pas l'apanage d'ABB: toutes les compagnies multinationales font de même, le but étant de concentrer le pouvoir et l'argent entre les mains d'un minimum de personnes. Une centaine d'individus se partagent la richesse mondiale, et ils continueront à le faire malgré cette motion, ça ne va rien changer ! Cela dit, on va quand même la voter.

La direction oublie toujours que c'est grâce à la compétence des ouvriers qu'elle a pu s'enrichir, et maintenant elle les humilie en les licenciant, en les traitant comme des chiens. Le patron d'ABB gagne 800 000 F par mois ! Si on voulait vraiment faire des économies, c'est lui qu'il faudrait renvoyer en premier, car son salaire représente à lui seul cent personnes à 8000 F par mois, c'est-à-dire l'équivalent de la masse salariale des employés d'ABB Sécheron. Il devrait donc commencer par se licencier lui-même, s'il souhaite réaliser des économies.

Aujourd'hui, si on veut être efficace, il faut se donner des moyens législatifs et poursuivre en justice les dirigeants de ces entreprises, qui sont des criminels puisqu'ils mettent sur la paille des ouvriers ayant travaillé toute leur vie. C'est un abus de confiance manifeste, et il faudrait les poursuivre en justice, séquestrer leur fortune, confisquer leurs biens ! C'est la seule façon de lutter contre ces gens: les dénoncer, les poursuivre en justice, les faire condamner et confisquer leurs biens. Merci beaucoup.

Une voix. Bravo !

Une autre voix. Très bien !

Le président. Je vous remercie et donne la parole à M. Sormanni pour une minute quarante-cinq.

M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il faut en effet soutenir cette motion. Le député Vanek l'a très bien rappelé tout à l'heure: l'érosion qu'a subie le secteur de la métallurgie genevoise dans les années nonante avait suscité énormément d'émotion, et il avait été demandé au Conseil d'Etat d'alors d'établir un rapport et de proposer une politique industrielle pour Genève. Un magnifique rapport était sorti, mais aucune action concrète n'avait été entreprise, hélas. Aussi, on compte sur le gouvernement actuel pour faire mieux, ce qui ne sera pas difficile puisque rien n'avait été accompli à l'époque, et l'industrie a pratiquement disparu de notre canton.

Il n'est pas tolérable de voir qu'une compagnie qui a été soutenue par Genève, par la Confédération, par les régies publiques, c'est-à-dire les Services industriels et les TPG dans le cadre du projet TOSA - mais pas seulement, ça ne représente qu'une partie de ses activités - veut aujourd'hui délocaliser pour améliorer sa rentabilité. Car cette entreprise est rentable ! A Genève, elle est parfaitement rentable ! Ce serait plutôt au grand patron, qui encaisse 9,5 millions par année, de réduire son salaire, voire de le supprimer. Il est intolérable de fonctionner ainsi, et nous devons soutenir cette motion ce soir: il ne faut pas la renvoyer en commission, mais directement au Conseil d'Etat pour qu'il agisse, et c'est ce que je vous invite à faire !

M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord dire que le PLR partage le propos du titre de cette motion, à savoir: «battons-nous pour le maintien [...] du secteur industriel genevois». Cela dit, je suis obligé de rebondir sur les paroles de M. Falquet, qui traite la direction de criminelle et parle de séquestration de biens; je rappelle juste que s'il est une personne qui a tenu le cap à ABB Sécheron, c'est bien Jean-Luc Favre, qui a lutté jusqu'au bout pour maintenir les emplois à Genève ! Sa direction ne l'ayant pas suivi, il a pris ses responsabilités et a démissionné - je pense qu'il est important de savoir qu'il y a des patrons qui assument.

Mesdames et Messieurs, vous faites de grandes théories, vous proposez une vision malthusienne de l'industrie; sachez simplement que les transformateurs d'ABB sont présents sur des marchés internationaux avec des acteurs tels Airbus, Boeing, Alstom, Stadler, qui se développent dans des pays émergents comme la Chine, ou aux Etats-Unis. Or qu'imposent ces pays ? Que 60% de la production de chemins de fer ou de mécanismes industriels soient effectués sur leur territoire. C'est clair, c'est net: 60% des trams ou des trains que vous produisez pour la Chine doivent être fabriqués dans le pays, ce sont là des contraintes économiques sur lesquelles nous ne pouvons pas agir à Genève. Voilà pour la première chose.

Ensuite, la Suisse se bat pour ses coûts de production, pour l'innovation. A cet égard, il est capital de maintenir un site de production pour l'innovation afin que les ingénieurs et les développeurs soient en contact avec les ouvriers, qu'ils rectifient la qualité des métaux, les outils de coupe. Ce corps de métier va donc toujours rester, mais dans le développement, parce que le contexte international a changé.

J'entends qu'il faut apporter notre soutien au domaine industriel, aux PME, aux secteurs secondaire et primaire; mais, Mesdames et Messieurs, laissez vivre le partenariat social ! Il existe des conventions collectives, elles se règlent, le conseiller d'Etat fait son travail. J'entends que 143 emplois fixes sont en jeu, 43 temporaires supprimés; mais la convention collective n'a pas été faite abusivement, comme le dit M. Vanek, elle a été négociée entre partenaires responsables.

Vous voulez prendre des mesures en faveur des PME ? Je vous rappelle juste ce qui a été voté ici ces quatre dernières années: augmentation des allocations familiales, diminution du taux de perception de l'impôt à la source, baisse des frais de déplacement à 500 F pour les travailleurs qui vont bosser à cinq heures du matin dans les zones industrielles, à qui vous avez sucré 3000 balles ! Et qu'est-ce que ce parlement nous réserve encore ? Le congé paternité, l'augmentation du coût de travail à 0,22% et la transmission automatique du certificat de salaire. Comme l'a suggéré M. Vanek, enfilez un bleu de travail, écoutez de temps en temps les entrepreneurs et faites-leur confiance ! Merci.

M. Gabriel Barrillier. Très bien ! (Applaudissements.)

M. François Lefort (Ve). Cette motion, c'est un message que nous envoyons pour faire part de notre grande préoccupation face au désinvestissement d'une société industrielle emblématique du passé de Genève, mais aussi de son futur. En effet, ABB Sécheron représente l'avenir industriel de notre canton, à savoir les technologies innovantes développées pour la mobilité, pour les transports ferroviaires, dans lesquelles cette entreprise est particulièrement à la pointe. Ces activités, nous les soutenons, nous les avons soutenues par le vote du projet TOSA que nous avons accompagné, qui se met en place à Genève.

Cette motion, c'est donc un message. Nous, les Verts, ne nous arrêtons pas sur les invites de ce message, que nous allons adresser à ABB Sécheron ce soir par l'intermédiaire du Conseil d'Etat, nous nous arrêtons sur le fond, qui se résume d'ailleurs au titre du texte: «ABB Sécheron: battons-nous pour le maintien de l'emploi et disons stop à l'érosion du secteur industriel genevois». C'est l'essentiel du message, c'est la demande du maintien des emplois et des capacités d'innovation industrielle d'ABB Sécheron à Genève. Ce message, c'est celui de notre inquiétude, de l'inquiétude de la population, et les Verts le voteront ce soir. Merci.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, merci tout d'abord pour vos témoignages ainsi que pour l'appui que vous apportez au gouvernement dans le combat qu'il mène depuis maintenant plusieurs semaines, avant et depuis l'annonce officielle d'une délocalisation d'ABB Sécheron, afin d'amener la direction d'ABB, située à Zurich, à considérer avec attention l'ensemble des paramètres inhérents à ce choix. Au Conseil d'Etat, nous sommes à la fois dubitatifs et légèrement amers s'agissant de la décision prise par cette société.

Dubitatifs, parce que nous peinons - je l'ai dit publiquement, je le répète ce soir - à comprendre les motifs qui ont présidé à cette décision. Par le passé, nous avons constaté que lorsque de grands groupes choisissaient de séparer la recherche et le développement des lignes de production, ils revenaient souvent sur leur jugement quelques années plus tard. Amers, parce que le soutien public apporté à cette entreprise est nettement supérieur à ce que le président du conseil d'administration d'ABB Sécheron, qui est du reste aussi le directeur d'ABB Suisse, a dit dans la presse la semaine passée. En effet, ce ne sont pas quelques centaines de milliers de francs que les collectivités publiques, à savoir l'Etat de Genève mais aussi la Confédération, ont injectées dans des projets innovants tels TOSA, mais des millions !

Ces sentiments mêlés que je partage avec vous ce soir, que nous avons partagés dans la presse, nous ont amenés, dès le mois d'octobre, dès les premières rumeurs, à intervenir auprès de la direction pour bien comprendre de quoi il était question. Nous avons demandé s'il s'agissait de démanteler totalement le site ou s'il était prévu d'y conserver une activité industrielle; on nous a répondu qu'on entendait en conserver une. Je dois vous dire honnêtement, Mesdames et Messieurs les députés, que nous n'en sommes pas encore totalement convaincus, et c'est la raison pour laquelle je serai relativement circonspect ce soir. Demain, nous tiendrons une séance au plus haut niveau, avec des représentants d'ABB et du personnel, pour définir avec eux ce qu'il en est et, si ce projet existe vraiment, dans quelle mesure il serait possible d'envisager une mutation pour la totalité des employés.

Car le Conseil d'Etat n'est pas aveugle: nous voyons bien que le tissu industriel genevois est en train de changer, que l'industrie lourde des machines est en train d'évoluer. C'est une réalité, et il nous faut accompagner ce changement. Aussi n'en dirai-je pas davantage sur ABB ce soir, parce que nous sommes encore en tractation, à fois sur la question du devenir du site, mais aussi - vous l'avez bien compris, j'en partage la responsabilité avec mon collègue Mauro Poggia - sur les éventuels licenciements et leurs conséquences, que l'office cantonal de l'emploi va devoir suivre au plus près.

Mesdames et Messieurs les députés, c'est bien joli de s'émouvoir lors d'une annonce de licenciements collectifs de cette ampleur, mais il est important de mener une réflexion à plus long terme, notamment dans le cadre de la politique économique du canton. J'aimerais souligner que nous avons lancé, pas plus tard qu'il y a deux mois, en collaboration avec l'Union industrielle genevoise et les milieux patronaux et syndicaux, une grande campagne de mobilisation et de recrutement de personnel dans l'industrie. En effet, s'il est une réalité que certains députés ont évoquée tout à l'heure, mais à demi-mot, c'est bien celle de la pénurie d'ingénieurs dans notre canton, de notre difficulté - pour ne pas dire notre incapacité - à recruter et à former des jeunes dans ces métiers. La réalité, c'est que nous devons les importer ! La réalité, Mesdames et Messieurs, et je m'adresse en particulier à ces bancs... (L'orateur désigne les bancs du MCG.) ...c'est que sur la centaine d'employés fixes qui vont être licenciés, 80% sont des frontaliers ! Naturellement, cela ne change rien au fait que nous allons nous battre pour ces emplois, mais puisque j'ai entendu tout à l'heure sur les bancs du MCG que l'on défend ces emplois, eh bien je précise que ce sont aussi les emplois des frontaliers, parce que nous n'arrivons pas à former suffisamment de jeunes dans ces domaines, parce que nous n'avons pas réussi, ces dernières années - nous nous sommes réveillés un peu tard - à rendre attractifs et à valoriser ces débouchés.

L'un des enjeux pour l'industrie, c'est justement celui de la formation. Avec ma collègue Anne Emery-Torracinta, nous nous escrimons à faire en sorte de susciter des vocations pour ces filières, et je dois souligner que malgré l'invitation envoyée notamment à la commission de l'économie, il n'y avait pas beaucoup de députés le jour où nous lancions notre campagne de promotion des apprentissages !

Une voix. Ce n'est pas vrai, ça !

M. Pierre Maudet. C'est absolument vrai, Monsieur, il n'y avait pas beaucoup de députés. (Remarque.) Il ne s'agit pas de vous adresser des reproches, Mesdames et Messieurs, mais de dire que la préoccupation s'agissant du développement du tissu industriel doit être constante et concerner la formation, l'attractivité de la place économique genevoise. Là-dessus, malheureusement, nous n'avons pas beaucoup de marge de manoeuvre, nous ne pouvons rien faire contre le franc fort, mais c'est une réalité: lorsque 70% de l'économie genevoise est orientée vers l'exportation, eh bien c'est plus difficile par les temps qui courent. Je rappelle au passage que l'industrie représente 15% de notre PIB et que sur ces 15% du PIB, un peu moins de 50% - 45%, pour être précis - sont constitués par les secteurs des pharmas - ce domaine, parce qu'il a été accompagné ces dernières années, a su opérer sa mutation - et de l'horlogerie. Or il est difficile aujourd'hui de trouver suffisamment de jeunes d'ici qui s'intéressent à l'horlogerie.

Les enjeux, ce sont donc la formation, le franc fort, les liens entre recherche, innovation et monde des HES et de l'université; avec ma collègue, nous y travaillons, mais cela ne se décrète pas, cela se construit petit à petit. Je peux vous assurer, Mesdames et Messieurs les députés, que le gouvernement est conscient de tout cela, qu'il oeuvre depuis plusieurs années dans ce sens et souhaite véritablement obtenir de l'appui de votre part. Si nous pouvions par exemple, à la faveur du Projet fiscal 17, pousser notre fonds pour l'innovation, qui a fait l'objet d'un large débat au sein des partis, cela nous permettrait de nous prémunir contre d'autres situations telles que celle-ci.

En résumé, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, nous accueillons avec beaucoup de bienveillance votre motion, qui représente un encouragement supplémentaire à défendre nos atouts vis-à-vis d'ABB et, plus largement, à promouvoir notre industrie. Mais soyons tous conscients que l'industrie doit muter, que nous devons soutenir les processus d'innovation, accélérer la recherche, favoriser la formation, atténuer les risques liés au franc fort, toutes choses constituant un travail collectif qui ne se fera pas à la faveur de quelques récriminations d'un soir. Merci de votre attention.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, les grands esprits se rencontrent parfois ! Puisque mon collègue Maudet a évoqué le manque d'ingénieurs en Suisse et la nécessité d'importer de la main-d'oeuvre, je souhaite signaler que le comité gouvernemental de la HES-SO que je préside depuis quelque temps a décidé, lors de sa séance de jeudi dernier, d'ouvrir une nouvelle filière bachelor d'ingénierie justement pour répondre aux besoins de l'industrie, de la pharma, et ainsi éviter l'importation de personnel étranger. Elle sera mise en place dès 2018, sauf erreur à la HE Arc et dans les établissements du canton de Vaud.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous avons été saisis d'une demande de renvoi de cet objet à la commission de l'économie, que je mets aux voix; en cas de refus, Mesdames et Messieurs, je vous demanderai de vous prononcer sur sa prise en considération.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2433 à la commission de l'économie est rejeté par 56 non contre 35 oui.

Mise aux voix, la motion 2433 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 72 oui contre 9 non et 13 abstentions.

Motion 2433