République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 23 novembre 2017 à 20h30
1re législature - 4e année - 9e session - 47e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Eric Leyvraz, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Mauro Poggia, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta et Serge Dal Busco, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Florian Gander, Yves de Matteis, Carlos Medeiros, Cyril Mizrahi, Simone de Montmollin, Philippe Morel, André Pfeffer, Françoise Sapin, Nathalie Schneuwly et Salika Wenger, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Gilbert Catelain, Jean Fontaine, Claire Martenot, Ana Roch, Marion Sobanek, Pascal Uehlinger et Céline Zuber-Roy.
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de Mme Delphine Bachmann. Je prie le sautier de la faire entrer, et l'assistance de bien vouloir se lever. (Mme Delphine Bachmann entre dans la salle du Grand Conseil et se tient debout, face à l'estrade.)
Madame Delphine Bachmann, vous êtes appelée à prêter serment de vos fonctions de députée au Grand Conseil. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- de prendre pour seuls guides dans l'exercice de mes fonctions les intérêts de la République selon les lumières de ma conscience, de rester strictement attachée aux prescriptions de la constitution et de ne jamais perdre de vue que mes attributions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;
- d'observer tous les devoirs qu'impose notre union à la Confédération suisse et de maintenir l'honneur, l'indépendance et la prospérité de la patrie;
- de garder le secret sur toutes les informations que la loi ne me permet pas de divulguer.»
A prêté serment: Mme Delphine Bachmann.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment. La cérémonie est terminée. Dès maintenant, vous pouvez siéger. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de M. Xavier Magnin. Je prie le sautier de le faire entrer, et l'assistance de bien vouloir rester debout. (M. Xavier Magnin entre dans la salle du Grand Conseil et se tient debout, face à l'estrade.)
Monsieur Xavier Magnin, vous êtes appelé à prêter serment de vos fonctions de député suppléant au Grand Conseil. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- de prendre pour seuls guides dans l'exercice de mes fonctions les intérêts de la République selon les lumières de ma conscience, de rester strictement attaché aux prescriptions de la constitution et de ne jamais perdre de vue que mes attributions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;
- d'observer tous les devoirs qu'impose notre union à la Confédération suisse et de maintenir l'honneur, l'indépendance et la prospérité de la patrie;
- de garder le secret sur toutes les informations que la loi ne me permet pas de divulguer.»
A prêté serment: M. Xavier Magnin.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment. La cérémonie est terminée. Dès maintenant, vous pouvez siéger. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment d'une procureure. Je prie le sautier de la faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (La procureure entre dans la salle du Grand Conseil et se tient debout, face à l'estrade.)
Madame, vous êtes appelée à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyenne et comme magistrate du Ministère public;
- de constater avec exactitude les infractions, d'en rechercher activement les auteurs et de poursuivre ces derniers sans aucune acception de personne, le riche comme le pauvre, le puissant comme le faible, le Suisse comme l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
A prêté serment: Mme Limor Diwan.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les magistrats entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Mesdames et Messieurs, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
Mme Eleanor McGregor, Mme Laetitia Meier Droz, M. Vincent Latapie, M. Jean-Bernard Schmid et Mme Christine Weber-Fux.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Le président. Est tiré au sort: M. Jean-Charles Lathion. (Applaudissements.)
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons aborder notre première urgence, le PL 12203, en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à Mme Jocelyne Haller.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chaque année... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence ! Merci.
Mme Jocelyne Haller. Chaque année, à l'automne, les assurés prennent connaissance de l'augmentation de leurs cotisations d'assurance-maladie. On a vu qu'elles ont augmenté de près de 165% ces dernières années et qu'elles ont presque doublé pour les Genevois en dix ans. En 2015, une minorité de ce parlement n'a pas été en mesure d'empêcher une réduction du subside C de 40 F à 30 F. Nous n'avons pas pu empêcher cette diminution de prestation. Aujourd'hui, pour le budget 2018, le Conseil d'Etat annonce simplement la suppression de ce subside C, soit le subside de 30 F. Notre groupe, mais aussi des députés d'autres groupes, a donc déposé un projet de loi visant à inscrire dans la loi le principe des subsides pour éviter qu'il ne soit régulièrement remis en question. Pour nous, supprimer une prestation sans débat démocratique ou, le cas échéant, sans l'intervention des électeurs ne nous paraît pas acceptable pour une prestation aussi indispensable que le subside d'assurance-maladie. Aux yeux de certains, 30 F serait un montant dérisoire, or il se trouve que quand on n'a pas grand-chose, 30 F c'est déjà beaucoup, et pour bon nombre de Genevois ça correspond à peu près à l'augmentation mensuelle de leurs cotisations d'assurance-maladie. Alors oui, il semble qu'aujourd'hui il y ait beaucoup de résidents genevois qui perçoivent le subside C, mais ce n'est pas par goût ou par intérêt: c'est simplement parce que cette prestation leur est devenue absolument nécessaire. Par conséquent, la supprimer, c'est finalement dégrader notablement la qualité de vie et la capacité des personnes à faire face à leurs charges, ce qui n'est pas acceptable. Aujourd'hui, on nous dit que la suppression du subside C permettrait une économie de 5,5 millions. Mais elle affecterait près de 14 000 personnes dans notre canton ! Alors oui, elles sont nombreuses, mais si l'on recherche des économies, même si les pauvres ou les personnes à revenu modeste sont nombreux, est-ce bien sur eux que l'on doit faire des économies ? (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) N'est-ce pas plutôt à ceux qui sont aisés et aux plus riches qu'il faut demander un effort supplémentaire ? Ne serait-ce pas plus logique et plus solidaire ? Il est vrai que ce projet de loi n'agit pas sur les causes de l'augmentation des cotisations d'assurance-maladie; il se borne à en limiter les effets négatifs sur le budget des ménages des résidents genevois, de la population genevoise.
Le président. Vous parlez sur le temps du groupe, Madame la députée.
Mme Jocelyne Haller. Merci. Ce n'est qu'une première étape, et elle nous incline évidemment à devoir travailler et réfléchir à la question de savoir comment modifier fondamentalement le système de la LAMal, qui a montré ses limites et qui aujourd'hui ne répond plus aux objectifs auxquels il était censé répondre. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à accepter le PL 12203. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. Christian Frey (S). Le premier niveau de subside pour la caisse maladie est un sparadrap, un petit sparadrap malmené en 2015 déjà, puisque diminué de 40 F à 30 F. Un petit sparadrap sur une plaie béante, un problème dramatique qui plombe le budget de la classe moyenne, laquelle consacre jusqu'à 20% - par exemple une famille avec deux enfants - pour couvrir ses frais. Alors arracher ce petit sparadrap relève de la provocation. Au moment où la situation concernant les primes maladie devient insupportable, où des initiatives cantonales, fédérales et citoyennes, récemment, proposent des solutions à ces charges insurmontables, précisément à ce moment-là, le Conseil d'Etat pousse la provocation jusqu'à supprimer le premier degré des subsides. Mesdames et Messieurs les députés, refusons cette provocation et inscrivons ces subsides dans la loi, pour éviter des coupes supplémentaires. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Chacun connaît le scandale actuel des caisses maladie, qui sont en train de ruiner les assurés de notre pays et de notre canton. C'est un problème, un problème fondamental à régler. Comme l'a dit l'un de mes préopinants - mes deux préopinants, même - certaines actions sont lancées actuellement pour s'attaquer au fond du problème, à savoir des initiatives qui permettent que le lobby des assureurs-maladie ne puisse plus faire la loi, que l'on arrive à avoir une gestion cantonale des caisses maladie et qu'on les gère de manière beaucoup plus juste. Après, il y a le problème des subsides dont il est question dans le projet de loi qui a été déposé. Le subside de 30 F a effectivement été supprimé. Or qu'est-ce que 30 F ? C'est quand même 360 F par personne et par année, ce qui n'est pas négligeable pour beaucoup de budgets, donc il est certain qu'il faut faire quelque chose. Il y a par conséquent des arbitrages douloureux à opérer dans la période actuelle, très douloureux, du fait aussi d'un laisser-aller de la Confédération vis-à-vis des assureurs. C'est cet élément-là qui est central, mais il est vrai que face aux difficultés de nombreux habitants de notre pays, face aux difficultés rencontrées par les assurés, nous nous devons de soutenir ce projet de loi, parce qu'autrement il y aura un trou dans pas mal de budgets, notamment des familles, or on sait comme le coût de la vie est élevé à Genève. C'est pour ça que le groupe MCG soutiendra ce projet de loi.
Mme Frédérique Perler (Ve). Le groupe des Verts trouve qu'il est tout à fait navrant de devoir en arriver à inscrire dans la loi les montants des subsides d'assurance-maladie afin qu'ils soient respectés. J'ai entendu que c'était une provocation. Pour le groupe des Verts, c'est une mesure vexatoire et tout à fait mesquine à l'encontre d'une certaine partie de la population. Au moment du dépôt du budget, j'ai aussi entendu de la part du magistrat chargé de ces subsides, M. Poggia, que de toute façon certains ne s'en apercevaient même pas. Je dois dire qu'il est un peu particulier d'avoir ce type de raisonnement et d'enlever à ceux qui ont déjà un petit subside celui qu'ils ont. La soupe est claire, Mesdames et Messieurs, eh bien elle le sera encore plus; de toute façon, elle l'est déjà tellement que vous ne vous en apercevrez même pas ! Mais 30 F par mois - M. Baertschi l'a dit - ça représente quand même 360 F, ce qui permet de payer sa franchise, par exemple - ou, quand on est deux, de payer les deux franchises. Dans ce cas ça correspond tout de même à 600 F par année, même un peu plus, donc en attendant qu'une véritable réflexion soit menée sur les coûts de la santé et la transparence des assureurs-maladie afin qu'on puisse agir sur les causes, comme ça a été souligné, eh bien il ne s'agit pas d'enlever ces 30 F de subside pour économiser quelque 5 millions sur le dos de ceux qui ont déjà le minimum. C'est vraiment une mesure vexatoire. Et je ne voudrais pas entendre de la part de M. Poggia - vous me le permettrez, Monsieur le président, mais c'est sans malice que je le dis - que la gauche continue avec le «Geneva finish». Ça, je ne veux pas l'entendre, c'est inacceptable, et c'est pour ces raisons que le groupe des Verts votera trente fois ce projet de loi. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Stéphane Florey (UDC). Mesdames et Messieurs, je laisserai mon collègue Marc Falquet s'exprimer sur le fond. Moi j'aimerais juste dire à Mme Haller - vous lui transmettrez, Monsieur le président - que je suis ravi d'entendre son discours sur le fait que 30 F représente encore quelque chose pour une catégorie de personnes, même si je déplore qu'elle le sorte seulement aujourd'hui... (Exclamations.) ...parce qu'à d'autres occasions elle a dit totalement l'inverse, par exemple quand on a essayé d'abolir l'impôt sur les chiens, qui se monte quand même à 50 F. (Commentaires.) Là, les 50 F n'avaient pas du tout la même valeur à ses yeux, alors que ça représente également une somme assez importante pour une catégorie de la population. Je vous remercie. (Brouhaha. Un instant s'écoule.)
Le président. S'il vous plaît ! Monsieur Saudan, c'est à vous.
M. Patrick Saudan (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, permettez au PLR d'apporter une voix un peu discordante à ce concert d'unanimité qu'on a entendu de la part des partis qui se sont exprimés avant nous. Oui, le PLR est dubitatif par rapport à ce projet de loi. Nous sommes conscients que la problématique de cette hausse perpétuelle des primes d'assurance-maladie représente une charge très lourde pour la classe moyenne, mais nous sommes aussi conscients que le Conseil d'Etat doit faire des économies vu la situation budgétaire actuelle et celle à venir. Alors la question qui est posée par ce projet de loi, et qui est pertinente, est la suivante: l'économie projetée dans ce projet doit-elle être votée sur le siège dans un état d'émotion ou doit-elle être étudiée de manière plus approfondie en commission ? Pour notre part, nous pensons que cet objet doit être renvoyé en commission, pour plusieurs raisons. La première, c'est que ce projet de loi va fixer dans la loi le montant des subsides, or le PLR a toujours été opposé à cette inscription dans la loi. Nous voulons que cela reste réglementaire afin de donner au Conseil d'Etat la latitude de s'adapter à des situations qui changent rapidement. Ça, c'est la première raison. La deuxième, c'est qu'il faut peut-être modifier les critères d'attribution du subside C. Tout le monde a l'air de dire qu'il est tout à fait normal qu'on le touche, et j'ai été assez surpris de voir que même dans ma propre famille il y avait des gens à qui on a proposé des subsides d'assurance-maladie alors qu'ils n'en avaient pas besoin. Je pense donc que le système peut être affiné, et pour cette raison j'aurais aimé une analyse un peu plus rigoureuse de la manière dont cela se passe à Genève par rapport aux autres cantons romands. En effet, vous savez que nous sommes très sensibles à l'étalonnage avec les autres cantons romands. J'ai regardé un peu la façon dont les subsides sont attribués dans le canton de Vaud: eh bien le revenu déterminant n'y est pas calculé de la même manière. Je pense donc qu'un tour à la commission des affaires sociales pour voir comment nous nous comparons avec nos voisins vaudois pourrait être très utile. C'est pour ces raisons que le PLR vous recommande - et c'est une demande officielle, Monsieur le président - de renvoyer ce projet de loi à la commission des affaires sociales.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous nous prononcerons sur cette demande à la fin du débat. Monsieur Falquet, c'est à vous.
M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. C'est vrai qu'en principe l'UDC est attachée à une politique restrictive en matière de dépenses, mais le système de la LAMal est en bout de course... (Brouhaha.)
Le président. Une seconde, s'il vous plaît ! Mesdames et Messieurs, on n'entend rien !
M. Marc Falquet. Je disais que le système de la LAMal est en bout de course et que là on est obligé de rapiécer comme on peut. L'UDC votera donc également le renvoi en commission de ce projet de loi, qu'elle soutient sur le fond, parce que la classe moyenne est toujours plus oppressée et s'appauvrit chaque année. Finalement on est esclave de ce système de la LAMal et il faudra en sortir une fois ou l'autre, car on est de vrais esclaves, et je me demande jusqu'à quand on va adorer nos propres chaînes. Il faudra donc supprimer ce système et surtout réviser la politique de la santé, établir une politique de la santé globale, qui prenne en compte la globalité de la santé des gens, et mettre un terme aux thérapies dont les effets secondaires sont plus graves que les effets bénéfiques. Il y a donc beaucoup de choses à faire au niveau de la prévention, dès le tout jeune âge, à l'école, sinon je pense qu'on va droit dans le mur et que dans quelques années on paiera 1000 F de primes si on continue sans réformer totalement le système de la santé. Merci.
Une voix. Bravo !
M. Jean-Luc Forni (PDC). Le parti démocrate-chrétien est extrêmement ennuyé par ce projet de loi, notamment parce que, comme l'a dit mon préopinant du parti libéral-radical, le PDC ne partage pas davantage la volonté d'inscrire dans la loi des compétences qui sont normalement réservées au Conseil d'Etat. Nous nous y sommes toujours opposés, même dans le cas d'autres propositions qui émanaient de la gauche, par exemple dans le cadre des prestations complémentaires cantonales. Il est vrai, on l'a dit, que ce subside est sans doute un subside arrosoir, mais il pourrait sans doute être mieux ciblé et mieux distribué à une certaine frange de la population. Donc plutôt que de le couper, nous pensons qu'il est effectivement opportun d'étudier à la commission des affaires sociales s'il n'y a pas de meilleure solution ou des alternatives à cette coupe pure et dure pour la totalité de la population. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, comme cela a été dit préalablement, nous soutiendrons le renvoi de ce projet de loi à la commission des affaires sociales, quitte à ce qu'il puisse être repris par la suite dans le cadre du débat budgétaire. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, je me permets de rappeler le règlement, parce que certaines personnes ne le connaissent pas. Si nous avons affaire à un projet de loi ou une motion qui a déjà été discuté en commission - qui porte donc la lettre A, par exemple - et que nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission, nous la traitons tout de suite. Mais s'il s'agit d'un objet qui n'a pas encore été examiné en commission, comme c'est le cas ici, nous votons sur les demandes de renvoi en commission à la fin du débat. Que les choses soient bien claires ! La parole est à M. Batou.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je crois que quand on entend une partie de cet hémicycle nous dire qu'il faut renvoyer ce projet en commission en se tordant les mains, c'est qu'il y a une difficulté à se confronter à ce problème immédiatement ici. C'est pourtant assez simple: dans le secret de la tour Baudet, on a décidé de couper 5 millions au détriment des plus pauvres en matière de subside d'assurance-maladie. C'est totalement choquant, et j'aimerais bien que tous ceux qui nous écoutent se rendent compte de ce que signifie économiser 5 millions au détriment des plus pauvres, alors qu'on s'apprête à donner 600 millions aux plus grandes entreprises de ce canton comme cadeau fiscal. Faites la différence et cherchez l'erreur ! En même temps, on nous refuse le retrait de ce scandaleux bouclier fiscal qui fait perdre 115 millions de recettes au canton de Genève, et on ne taxe même pas à 100% les revenus des dividendes dans ce canton. Et qui va trinquer ? Les plus pauvres, qui recevaient 5 misérables millions pour payer leur assurance-maladie. C'est un scandale, et il faut que tous ici nous votions en faveur de ce projet de loi. Merci. (Applaudissements.)
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il faut ramener la discussion autour de ce projet de loi à la logique même et au débat budgétaire. (Remarque.) Merci, Madame Engelberts ! En effet, il s'agit ici d'une mesure d'économie de la part du Conseil d'Etat et non d'une mesure sociale, puisque celle-ci est à proprement parler antisociale. Elle s'attaque non pas à la population la plus précaire du canton, mais à celle que l'on pourrait qualifier de basse classe moyenne, aux personnes pour qui 30 F par mois, ça compte. Ça compte, Mesdames et Messieurs, puisque à Genève le coût de la vie augmente, alors que les salaires, eux, n'augmentent pas. La masse salariale, l'année passée, a même diminué. Mesdames et Messieurs, et je le rappelle au nom du parti socialiste, il est inadmissible qu'aujourd'hui dans le canton un ménage doive payer plus de 10% de son revenu pour les primes d'assurance-maladie, et le parti socialiste - avec les partis de l'Alternative, d'ailleurs - proposera au peuple d'y remédier grâce à une initiative populaire.
Mesdames et Messieurs, il est inadmissible d'envisager une telle mesure d'économie alors que le canton de Genève possède un PIB qui est conséquent, alors que le canton de Genève possède aujourd'hui des niches fiscales - Jean Batou l'a mentionné tout à l'heure - telles que le bouclier fiscal et les allégements fiscaux pour les entreprises. Il est inadmissible d'effectuer des mesures d'économie dans le cadre du budget sur le dos des Genevoises et des Genevois, et de celles et ceux qui ont le moins dans ce canton. Nous devons aujourd'hui assurer une cohésion sociale à Genève, garantir la santé pour toutes et tous, et ne pas laisser certaines personnes dans notre canton faire des économies sur leur santé. Contrairement à M. Florey - vous transmettrez, Monsieur le président - je ne compare pas la santé aux médailles pour chiens à Genève et je pense que la santé des Genevois est primordiale. Je vous invite donc à accepter ce projet de loi ce soir, sur le siège, et à ne surtout pas le renvoyer en commission. (Applaudissements. Remarque.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Sormanni pour une minute treize.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette mesure doit effectivement être votée sur le siège, parce qu'autrement on aura complètement escamoté une partie du débat budgétaire par rapport à ce qui est proposé aujourd'hui. En effet, si on renvoie ce projet de loi en commission, vous imaginez bien qu'il ne va pas ressortir dans le cadre du débat budgétaire, mais bien plus tard, et on aura résolu quoi ? Rien du tout ! Il faut quand même être au clair sur une chose. J'entends ici des partis dire que la LAMal ne marche pas. Mais oui, ça ne marche pas, mais ce n'est pas à Genève qu'on va régler le problème de la LAMal ! Les subsides, c'est un emplâtre sur une jambe de bois, mais en attendant de réviser la LAMal - et je vous invite à signer les initiatives qui circulent en ce moment, car c'est peut-être comme ça qu'on pourra changer le système fédéral - on ne touche pas à ce qui aide quelque peu les citoyens de Genève à payer leur assurance-maladie. J'ai aussi entendu tout à l'heure quelqu'un dire que la base de calcul était différente dans le canton de Vaud. A Genève, on se fonde...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Daniel Sormanni. ...sur le RDU base 0, et on ne va pas modifier le système. Il n'y a donc rien à changer, rien à étudier en commission. Pour l'instant, on vote ce projet de loi sur le siège, et c'est ce que vous invite à faire le MCG.
Le président. Merci, Monsieur. Je passe la parole à Mme Haller pour une minute douze.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je suis un peu étonnée de l'interpellation de M. Florey - vous lui transmettrez, Monsieur le président. Je crois que je n'ai jamais fait de la lutte au sujet de la médaille pour les chiens un combat qui me caractérisait; je me suis en général plutôt illustrée dans la défense des revenus les plus modestes.
Cela étant, j'avoue que je ne comprends pas bien la demande de renvoi en commission, parce qu'il ne s'agit pas de quelque chose que nous ne connaissons pas et qu'il faudrait inventer: il s'agit simplement de s'assurer que le système de subside que nous connaissons aujourd'hui soit garanti pour la population. En effet, nous l'avons vu, la latitude que sollicitait tout à l'heure le PLR s'est développée jusqu'à maintenant à la baisse, et non pas en faveur des assurés, qui doivent aujourd'hui assumer une charge de plus en plus pesante sur leurs revenus. Quant à comparer avec les autres cantons pour voir quel serait leur système, j'aimerais quand même vous rappeler la différence notable qu'il y a entre le canton de Genève et les autres cantons. Les différentes études que nous avons lues le disent très clairement...
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.
Mme Jocelyne Haller. ...et je me plais à le répéter systématiquement ici: à Genève, canton le plus riche de Suisse - qui est pour sa part l'un des pays les plus riches...
Le président. C'est terminé, Madame.
Mme Jocelyne Haller. ...du monde - le risque de pauvreté est plus élevé de 30% que dans les autres cantons.
Le président. Merci, Madame.
Mme Jocelyne Haller. Il importe donc réellement de soulager la charge des assurés. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Stauffer pour une minute trente.
M. Eric Stauffer (HP). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'histoire des primes d'assurance-maladie est l'un des plus grands scandales que la Suisse aura affrontés ces dix dernières années. (L'orateur hausse la voix.) C'est une escroquerie d'Etat ! (Protestations.) C'est une escroquerie d'Etat, Mesdames et Messieurs, qui plombe aujourd'hui les ménages de la classe moyenne et de la classe moyenne inférieure ! Mais au lieu de faire de la politique, le gouvernement et ses représentants sont enchevêtrés dans leur juridisme et n'osent pas lancer des actions politiques en faveur de la population.
Le président. Monsieur Stauffer, parlez un peu plus doucement ! Ça ne fera pas baisser les primes ! (Exclamations.)
M. Eric Stauffer. Les primes d'assurance-maladie sont un impôt déguisé, Mesdames et Messieurs les députés, l'impôt déguisé le plus injuste qui puisse exister en Suisse ! Beaucoup d'espoir avait été placé en la personne du conseiller d'Etat Mauro Poggia... (Commentaires. Huées.) Beaucoup ! Mais aujourd'hui, quatre ans et demi après, Mesdames et Messieurs, eh bien nous en sommes au même point ! Il n'a pas fait mieux qu'Unger, il s'est enfermé dans le juridisme... (Protestations. Le président agite la cloche.) ...et aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, il faut aller plus loin. (Chahut.) Il ne faut pas être timide en matière d'assurance-maladie. Je le dis haut et fort: c'est une escroquerie d'Etat ! Où sont les réserves des Genevois ? Qu'a fait ce gouvernement pour les récupérer ? Rien ! (Remarque.) Rien, Mesdames et Messieurs !
Le président. C'est terminé, Monsieur le député, merci.
M. Eric Stauffer. Je vais donc déposer un amendement que je vais vous soumettre, Monsieur le président.
Le président. Très bien. Monsieur Buchs, c'est à vous.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Je pense qu'on est en train de se tromper de débat. Le PDC est contre cette coupe de 30 F, il est clairement contre. Mais comme l'a dit M. de Sainte Marie, c'est dans le débat budgétaire qu'on doit en discuter. C'est une proposition faite par le Conseil d'Etat: à nous - puisque c'est à nous de décider du budget - de déposer des amendements pour contrer cette demande. Vous voulez faire des lois pour que le parlement décide de tout et vous voulez empêcher le Conseil d'Etat de faire des propositions... Mais contrez-les pendant le débat budgétaire ! Venez avec des arguments ! Vous aurez la majorité pour voter contre cette coupe de 30 F. On l'a fait avec les tarifs des TPG, alors à présent c'est le Grand Conseil qui décide des tarifs, et maintenant ça va être le Grand Conseil qui va décider de tout le règlement concernant les coupes sociales... Ce n'est pas possible ! On marche sur la tête ! Revenez à la raison et faisons ces débats pendant le budget ! Vous aurez une majorité pour supprimer cette coupe. Pourquoi venir en catastrophe aujourd'hui ? Est-ce que vous avez peur ? Vous avez la majorité ! Comptez les gens ! Cette coupe ne passera jamais lors de la discussion budgétaire, jamais ! Vous pouvez l'oublier ! Pourquoi faire une loi ? Pourquoi alourdir la législation genevoise en faisant une loi supplémentaire ? Réfléchissez un peu ! Ne votons donc pas ce projet de loi, parce qu'il ne sert à rien, et discutons-en pendant le budget. Le PDC votera contre cette coupe lors du débat budgétaire. Je vous remercie.
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur. Je passe la parole à M. Lussi pour une minute.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. J'essaierai d'être très bref. Ne croyez pas, Mesdames et Messieurs de la gauche, que nous sommes contre votre projet. Au contraire, nous sommes très intéressés. Pourquoi l'UDC demande-t-elle le renvoi en commission ? Parce que, comme on l'a dit, s'il s'agit simplement d'un débat budgétaire, cette question sera facilement réglée à la commission des finances. Mesdames et Messieurs les députés, il faut avoir le courage d'attaquer ce problème. Ça fait longtemps qu'on en parle. Je ne tiendrai pas les mêmes propos qu'un autre; je sais que le conseiller d'Etat Mauro Poggia a essayé de faire de son mieux, mais à un moment donné ce n'est pas avec un projet de loi qu'on va régler quelque chose, surtout pas si on le fait sur le siège. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ayons le courage d'aller en commission pour le traiter et pour chercher à savoir aussi pourquoi ces primes augmentent. En effet, il faut arrêter de vouloir jeter l'opprobre uniquement sur les assurances, il y a peut-être d'autres acteurs qu'on devrait mettre en cause. Il est en tout cas indéniable que la pauvreté augmente, il est indéniable que l'on doit revoir cette question, raison pour laquelle il me semble tout à fait judicieux, et non pas dilatoire, de renvoyer ce projet de loi en commission. Merci.
Le président. Merci. Monsieur Catelain, le temps de votre groupe est épuisé. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le Grand Conseil fait de la politique, le Conseil d'Etat doit gouverner, et gouverner c'est prendre des décisions, qui sont parfois difficiles. En effet, ce n'est évidemment pas de gaieté de coeur que le Conseil d'Etat prend des décisions comme celle sur laquelle nous débattons à l'instant. Bien sûr, nous sommes conscients que la population souffre de la situation des primes d'assurance-maladie, et le Conseil d'Etat travaille sur cette question avec efficacité. Ceux qui observent de manière avertie le travail qui se fait pourront le dire, tandis que ceux qui s'occupent du travail du Conseil d'Etat uniquement durant les séances plénières ne le peuvent évidemment pas. Ce qui a été fait par le gouvernement depuis le début de la législature en évitant l'ouverture du marché aux cliniques privées pour l'ensemble des interventions a permis d'économiser en tout cas 100 millions par année, si j'en juge par ce que doit payer le canton de Zurich, qui n'a pas fait ce que le canton de Genève a fait. Cela, personne n'en parle, bien sûr, puisqu'il faudrait d'abord dépenser cette somme puis l'économiser pour que certains se rendent compte de l'effet des politiques qui sont mises en place. Je ne parle même pas de ce qui est parallèlement mis en oeuvre pour tenter d'apporter de la transparence dans le système de l'assurance-maladie, on l'a évoqué. Cet après-midi même, j'étais encore à Berne avec M. Berset pour essayer de voir quelles pistes peuvent être mises en place pour contrôler davantage la qualité des prestations. En effet, nous savons aujourd'hui que 20% des actes médicaux n'apportent aucune plus-value en termes de qualité. Malheureusement, nous avons des injonctions contradictoires de l'Etat et des incitatifs qui sont eux aussi contradictoires. Tout le monde parle de responsabilité, mais personne ne veut se responsabiliser. La responsabilité, c'est toujours celle des autres: quand on est patient, c'est celle des hôpitaux, celle des médecins; quand on est médecin, c'est celle des assureurs, celle des patients. Le gouvernement travaille sur l'ensemble de ces pistes et le fait avec efficacité, même si aujourd'hui, j'en conviens, les primes continuent à augmenter. Ce n'est pas faute d'essayer d'obtenir de la transparence auprès de l'Office fédéral de la santé publique, avec les démarches entreprises depuis la fin de l'année dernière déjà pour savoir où passent les réserves de nos assurés.
Quoi qu'il en soit, revenons-en au sujet qui nous occupe ici. 30 F par mois, ce n'est pas grand-chose, ce n'est pas rien, j'en conviens, mais je ne peux pas laisser dire que ce sont les plus démunis qui paient l'addition; je ne peux pas laisser dire, comme je l'ai entendu, que ce sont les plus pauvres de la république. Mesdames et Messieurs, nous avons tous l'image de ces personnes âgées qui ont le minimum avec leur retraite, avec les prestations complémentaires; eh bien ces personnes reçoivent des subsides pour le 100% de leurs primes d'assurance-maladie. Nous ne parlons donc pas de ces personnes-là, et je trouve que la manipulation est particulièrement maladroite. Néanmoins, bien sûr, cela reste 30 F, et ce n'est pas rien. Mais ce sont 340 millions qui seront versés l'année prochaine en termes de subside d'assurance-maladie, ainsi que 40 millions supplémentaires pour les actes de défaut de biens délivrés contre des habitants du canton. Le total se monte donc à 380 millions. Et quand j'entends dire, dans une partie de cet hémicycle, que finalement c'est injuste parce que les riches ne paient pas, eh bien je réponds que, oui, les riches paient aussi, parce qu'ils paient avec l'impôt. C'est toujours cet arbitrage entre les primes ou les impôts, les assurés ou les contribuables. Et les contribuables les plus riches sont évidemment ceux qui permettent de verser ces 380 millions aux plus démunis de notre république.
Je ne suis pas en train de dire que tout est blanc ou noir, je vous dis simplement que pour l'année prochaine, ce sont 15 millions supplémentaires qui seront versés par le canton au titre de subside d'assurance-maladie; ce seraient 20 millions s'il n'y avait pas l'économie qui vous est proposée. Comme cela a été très justement dit, il s'agit d'un débat budgétaire, qui devrait avoir lieu avec le budget. Je regrette bien évidemment que chaque fois que quelque chose déplaît au Grand Conseil, on transforme des règlements en lois pour que le Conseil d'Etat ne puisse tout simplement plus rien faire. Alors il faut savoir - et j'ai le plus grand respect pour les hauts fonctionnaires - si vous voulez que le Conseil d'Etat soit au même niveau que les hauts fonctionnaires qui exécutent les décisions du Grand Conseil, et que ce soit le Grand Conseil qui dirige cette république. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant voter sur la demande de renvoi à la commission des affaires sociales dont nous avons été saisis.
Des voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenus ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, c'est le cas.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12203 à la commission des affaires sociales est rejeté par 50 non contre 43 oui et 1 abstention (vote nominal). (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Le président. Nous nous prononçons à présent sur l'entrée en matière.
M. Eric Stauffer. Vote nominal !
Le président. Oui, oui, nous procéderons au vote nominal pour tous les votes ! Etes-vous soutenu pour cette demande concernant la totalité des votes ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien. Nous commençons par l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12203 est adopté en premier débat par 57 oui et 36 abstentions (vote nominal).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 21 (nouvelle teneur).
Le président. A l'article 22, nous sommes saisis d'un amendement qui propose que le montant des subsides soit de 200 F au lieu de 90 F pour le groupe A, de 150 F au lieu de 70 F pour le groupe B et de 100 F au lieu de 30 F pour le groupe C.
Monsieur Stauffer, je vous donne la parole sur l'amendement, mais rapidement. Et vous pouvez parler un peu plus doucement ! Merci !
M. Eric Stauffer (HP). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je le répète un peu plus doucement, les primes d'assurance-maladie sont une escroquerie d'Etat ! Pour moi, il n'y a aucune corrélation justifiable et justifiée entre l'augmentation des primes et les coûts de la santé. Et j'en veux pour preuve que le conseiller d'Etat Mauro Poggia a fait des économies, mais que les primes augmentent toujours plus que les coûts de la santé. Mais on ne va pas s'étendre sur la question ni refaire le débat. Le conseiller d'Etat vient de nous dire que 40 millions seraient versés aux citoyens genevois pour des actes de défaut de biens. Mesdames et Messieurs, divisez 40 millions par environ 6000 F par citoyen, ça vous donnera le nombre de personnes qui sont aujourd'hui dans la merde à Genève - excusez-moi, Monsieur le président, pour mon franc-parler - parce qu'elles ont des actes de défaut de biens à cause des assurances-maladie. Cette escroquerie n'a que trop duré ! C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de voter ces augmentations de subside pour venir en aide aux plus pauvres ainsi qu'à la classe moyenne inférieure, médiane et supérieure !
Le président. C'est terminé, Monsieur.
M. Eric Stauffer. J'en ai terminé ! Merci.
Le président. Très bien. Monsieur Sormanni, il ne vous reste plus de temps de parole. Monsieur Poggia, c'est à vous.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, que dire face à l'excès ? Je pense qu'il faudrait tout simplement se taire. (Exclamations.)
Une voix. C'est une bonne idée ! (Remarque de M. Eric Stauffer.)
Le président. Monsieur Stauffer, s'il vous plaît !
M. Mauro Poggia. Le fait que le système soit inéquitable ne veut pas encore dire, Monsieur Stauffer, que l'Etat ait une planche à billets et qu'il va la faire tourner pour payer à la place de ceux qui ont de la difficulté à le faire. Le problème est bien plus profond que cela. On ne règle pas les problèmes en faisant tourner la planche à billets, et je pense qu'il faut faire preuve d'un minimum de responsabilité politique au lieu de déposer des amendements qui ne servent qu'à exister politiquement. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant voter sur cet amendement.
Une voix. Vote nominal !
Le président. Oui, oui, sur tous les votes ! Etes-vous soutenu ? Non, ce n'est pas le cas. (Exclamations. Remarque de M. Eric Stauffer.) Oui, on le sait ! Silence, s'il vous plaît ! Nous passons au vote.
M. Eric Stauffer. Genève est en marche, chers collègues !
Le président. On ne vous demande pas de faire des commentaires, Monsieur Stauffer ! Vous êtes gentil mais vous commencez à nous fatiguer un peu ! (Commentaires.)
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 82 non contre 1 oui et 7 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 22 (nouvelle teneur) est adopté.
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).
Troisième débat
La loi 12203 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 12203 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 57 oui et 37 abstentions (vote nominal).
Premier débat
Le président. Nous passons à la deuxième urgence, le projet de loi 12210. (Brouhaha.) Vous avez la parole, Monsieur Deneys, mais nous attendons deux secondes que ça se calme un peu. (Un instant s'écoule.)
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, une fois de plus, le parti socialiste dépose un projet de loi qui vise à geler le bouclier fiscal pour deux années consécutives, 2018 et 2019. (Brouhaha.) Ce projet de loi envisage un certain nombre de mesures afin de générer des recettes supplémentaires pour le canton de Genève. Il s'inscrit dans le cadre... (Brouhaha.) Monsieur le président !
Le président. Je ne sais pas ce qui se passe ce soir ! Il y a franchement un brouhaha... Je ne sais pas si la neige va tomber, mais on se croirait dans une course d'école ! Mesdames et Messieurs, si vous voulez discuter, vous sortez; vous connaissez les principes ! S'il vous plaît, écoutez la personne qui parle. Un peu de respect pour vos collègues ! Merci, Monsieur le député.
M. Roger Deneys. Merci, Monsieur le président. L'idée de ce projet de loi est donc de générer des recettes fiscales supplémentaires dans une période budgétaire difficile. Et nous, socialistes, sommes particulièrement surpris de constater que ce Grand Conseil ne souhaite pas étudier cette proposition à la commission fiscale, comme cela se fait pour l'ensemble des projets de lois de nature fiscale. Générer plus de 100 millions de recettes fiscales supplémentaires quand on a un déficit annoncé de plus de 200 millions - certes, réduit avec les récents amendements du Conseil d'Etat, mais restant néanmoins à plus de 150 millions... Il est peut-être quand même pertinent de chercher des solutions pour rétablir l'équilibre. En plus, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi vise une suspension du bouclier fiscal, pas son abolition ! Alors ne pas l'étudier... C'est très clair: les socialistes reviendront à la charge, et nous pouvons déjà vous annoncer que si vous ne voulez pas étudier cette proposition, le soutien des socialistes au projet de budget 2018 est remis en cause ! (Exclamations. Applaudissements.) Parce qu'il faut aussi savoir, Mesdames et Messieurs les députés, que le projet de budget, à la commission des finances, dépend aujourd'hui beaucoup de la position des socialistes - malheureusement, peut-être, pour certains. Les socialistes lui sont plutôt favorables, mais quand il faut faire face à des dépenses supplémentaires, soutenues par exemple par le MCG, eh bien, ils voient le déficit s'accroître sans qu'on apporte la moindre solution à ce problème de recettes fiscales, dont Genève manque aujourd'hui ! Et dire que le bouclier fiscal est une horreur, c'est tout simplement indécent ! Une personne qui a 100 millions de fortune imposable aurait, à 1% de taxation de sa fortune, un revenu de 1 million. On va dire qu'avec le bouclier fiscal on l'impose à 600 000 F: il lui reste 400 000 F par année pour vivre, Mesdames et Messieurs les députés !
Une voix. C'est un scandale !
M. Roger Deneys. Ce qui fait 33 000 F par mois ! Et c'est ça qui est indécent, aujourd'hui, à Genève, quand on supprime des subsides d'assurance-maladie de 30 F ! C'est tout simplement indécent ! Notre canton a besoin de recettes fiscales supplémentaires ou alors tout le monde va devoir le payer, parce que la dette s'accroît et que les prestations sociales diminuent. Mesdames et Messieurs les députés, il faut simplement étudier sérieusement ce projet de loi à la commission fiscale ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Ronald Zacharias (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il y a une espèce de fixation sur le bouclier fiscal: l'homme de gauche doit se dire qu'allant de défaite en défaite, il ira jusqu'à la victoire finale ! Parce que ce qui finira par arriver, je pense, c'est qu'on aura un point fixe sur le sujet ! Vous vous souviendrez que les renvois en commission de mes deux projets de lois - d'une part sur la réforme du bouclier fiscal mais également sur le désassujettissement de l'outil de travail - ont été interprétés, d'ailleurs à juste titre, comme un signe d'apaisement en vue de la très cruciale échéance du PF 17. Le parti socialiste les a, lui, interprétés comme un signe de faiblesse et il revient un mois après avec le même projet de loi, qui viole de manière outrancière nos droits fondamentaux et nos valeurs fondamentales. (Protestations.) Je rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que le bouclier fiscal induit un taux de prélèvement de 82% sur le revenu imposable. C'est le minimum ! Vient s'ajouter à cela le rendement notionnel de 1%; s'il n'est pas réalisé, on a des bordereaux de revenu imposable qui vont au-delà de 100%. Est-ce raisonnable ? Bien évidemment que non ! Et cela avec le bouclier; imaginez un instant qu'il soit supprimé ! Imaginez un instant qu'il soit supprimé !
J'ai réfléchi, et je me dis que le seul remède à ces attaques continuelles, c'est le dépôt d'un projet de loi qui prévoit qu'un texte similaire ne peut pas être déposé pendant un délai d'un an au minimum. (Remarque.) Et en sanction de cette violation, si par ailleurs le texte viole de manière grossière nos droits fondamentaux et notre ordre juridique - notamment, en l'occurrence, le droit de propriété - le groupe parlementaire qui en est responsable pourra, sur décision majoritaire de cette assemblée, être exclu du Grand Conseil... (Vives exclamations. Commentaires. Quelques applaudissements.) ...pendant une à trois séances, voyez-vous ! J'aurai le plaisir, parce que vous êtes de vrais démocrates...
Des voix. Ah ! (Commentaires.)
M. Ronald Zacharias. ...de présenter ce projet de loi par-devant la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, et je ne doute pas de votre soutien. Cela dit, dans l'intervalle, je vous invite bien évidemment à rejeter ce projet de loi, et je vous en remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Vincent Maitre (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, il y a à peine plus d'un mois, le 12 octobre dernier précisément, un projet de loi rigoureusement identique a été sèchement balayé par une écrasante majorité de ce plénum. Ceux qui aujourd'hui crient et en appellent à la démocratie sont précisément ceux qui la refusent lorsque celle-ci a été valablement pratiquée un mois auparavant, mais sans aller dans leur sens. Ce projet de loi le montre bien, en plus de constituer une provocation évidente, d'un amateurisme d'ailleurs assez consternant, puisqu'on y parle à la première page de prétendues recettes supplémentaires de 100 millions qui se transforment à la dernière page en 220 millions. C'est, ma foi, la preuve par l'exemple de ce que souhaite en réalité l'auteur de ce texte: tout simplement rallumer - pour autant qu'elle ait déjà existé - ou plutôt créer une guerre fiscale à la veille d'un projet absolument fondamental sur la réforme de l'imposition des entreprises, que tout le monde connaît ici: le PF 17. Celui-ci, tout le monde le sait, est absolument capital, et déposer à réitérées reprises et avec insistance de tels projets de lois, eh bien, c'est tout simplement inconscient et irresponsable ! J'appelle les quelques personnes du groupe socialiste qui ont un minimum de notions du bon fonctionnement de nos institutions et l'envie de le préserver...
Une voix. Des noms !
M. Vincent Maitre. ...à se rendre à l'évidence et à freiner un tout petit peu ce genre d'ardeurs: elles sont en fait le fruit d'une seule et unique personne qui a bien compris que les prochaines élections auront lieu dans moins de six mois ! (Remarque.) Je vous remercie.
M. Jean Batou (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, avec ce projet de loi socialiste qui revient de session en session, nous touchons un objet extrêmement important. Nous sommes dans une situation de déficit budgétaire et nous faisons des cadeaux aux privilégiés de ce canton, qu'il s'agirait, pour mon préopinant socialiste, de suspendre. C'est une proposition timide; le groupe Ensemble à Gauche est favorable à leur suppression. Selon les chiffres les plus récents de l'administration fiscale cantonale, la suppression du bouclier fiscal permettrait de faire rentrer 115 millions - vous transmettrez à M. Maitre, Monsieur le président - 115 millions dans les caisses de l'Etat. A un moment où on demande à la fonction publique, aux usagers des services publics et aux bénéficiaires des prestations sociales de se serrer la ceinture, les bancs d'en face, mais aussi certains bancs qui sont malheureusement situés sur ma gauche, feraient preuve d'une décence élémentaire en soutenant un tel projet de loi. Cela montrerait au moins que les multimillionnaires - parce que ce ne sont pas les millionnaires qui sont protégés par le bouclier fiscal, mais un certain nombre de multimillionnaires, environ 2500 - participent à cet effort demandé à l'ensemble de la population. Je vous invite donc évidemment à voter en faveur de cette suspension du bouclier fiscal.
Je constate aussi - vous transmettrez à M. Zacharias, Monsieur le président - que les droits démocratiques sont tout de suite mis en cause quand on touche aux intérêts des plus riches. J'espère qu'il réfléchira à ses menaces et les retirera très rapidement, parce que s'il s'agissait de nous empêcher de parler quand on propose de taxer un peu plus les super riches, eh bien, nous lancerions initiative sur initiative pour aller dans cette direction. Et je vous le dis, Monsieur Zacharias, nous gagnerions devant le peuple ! Merci. (Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). Ce débat n'est pas sérieux - il a déjà eu lieu il y a une dizaine d'années, quand nous avons réformé la LIPP - mais, en plus, il est dangereux. Ce que j'aurais voulu savoir, c'est si vous avez fait une évaluation non pas de ce que ce projet de loi va nous rapporter, mais de ce qu'il va nous faire perdre. Car il est là, le danger, et je constate que vous ne l'avez toujours pas compris à ce jour. Les grandes perdantes ne seront finalement pas les personnes visées par ce projet de loi; ce sera la population qui y perdra puisqu'il y aura inévitablement moins de rentrées fiscales si un tel projet de loi entre en vigueur. D'où une énorme perte de recettes fiscales pour Genève.
Je constate toutefois que quelques-uns, au parti socialiste, commencent quand même à avoir une conscience d'un mois à l'autre puisqu'il y a moins de signataires que le mois dernier; ça, c'est réjouissant. Nous vous recommandons néanmoins, comme la dernière fois, de refuser purement et simplement ce projet de loi. Et puis on en reparlera le mois prochain, j'imagine ! (L'orateur rit. Rires.) Merci.
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Lussi pour deux minutes quarante.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il est pénible de toujours revenir sur cette sempiternelle mélodie: «Faisons payer les riches !» Mais, Mesdames et Messieurs les députés, ce sont déjà eux qui paient actuellement. S'ils n'étaient pas là, nous n'aurions pas tout ce... j'allais dire tout cet excédent social, parce qu'on peut bientôt dire que nous avons un excédent social, et c'est ça qui est dommage. Ce que je crains avec des mouvements - parce qu'on l'a déjà dit: ça a été discuté, ça a été revu, ça a été vu en plénière... Mesdames et Messieurs les députés, le bouclier fiscal n'est pas le cancer que vous prétendez. Le vrai cancer, Monsieur Deneys, puisque vous m'interpellez, c'est vous avec vos mesures, c'est vous qui faites exploser les dépenses. Qu'est-ce qui tue actuellement notre budget ? Ce sont bien les charges; j'essaie d'en parler avec lucidité, mon Dieu ! Les revenus sont là; ils ont pour le moment toujours été là ! Ils ont peut-être été trop là, ce qui vous a permis de continuer dans cette folie.
Mesdames et Messieurs les députés, n'oublions pas que Genève est le canton où la charge fiscale est la plus lourde de Suisse ! Et n'oublions pas que Genève est le canton où la charge directe des dépenses est la plus lourde de Suisse. En plus de cela, dans votre démence à vouloir toujours augmenter la charge, on est en train de dire: «Prenons chez les riches !» Mesdames et Messieurs les députés, soyons contents de prendre ce que l'on peut maintenant, parce qu'ils sont là ! N'oublions pas que ces gens sont peut-être beaucoup plus mobiles que certaines autres catégories de personnes que nous avons chez nous, et que vous n'aurez plus que les yeux pour pleurer le jour où ils partiront. Et ce qui est dommage, c'est que peut-être vous, vous pleurerez, mais ceux qui bénéficient pour le moment de subsides, ils ne les auront plus. Ceux-là vont peut-être alors se retourner contre vous et feront comme on faisait à l'époque de la Révolution française avec les charrettes qui emmenaient ceux qu'on avait crus les meilleurs: elles servaient à les emmener à la guillotine, parce qu'ils avaient trompé les gens ! Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci. Monsieur Stauffer, c'est à vous pour une minute trente - avec calme, merci.
M. Eric Stauffer (HP). Monsieur le président, je suis toujours calme ! J'ai une voix qui porte, ma foi ! Mesdames et Messieurs les députés, c'est vrai qu'un rendez-vous mensuel est pris avec le parti socialiste, qui revient sans cesse à la charge avec le bouclier fiscal. N'y voyez aucune mauvaise intention contre les gens qui ont des fortunes et paient des impôts: c'est simplement que nos amis socialistes ne savent plus quoi inventer avant les élections de 2018. Parce que c'est en fait dans ce contexte-là qu'il faut comprendre leur projet de loi. Sur le fond, vous savez bien, chers amis socialistes, qu'il faut une économie forte pour mener une politique sociale efficace. Et pour avoir une économie forte, il faut des gens qui investissent. Si vous faites fuir ces gens, il n'y a plus d'impôts payés et donc il n'y a plus de politique sociale efficace ! Je vous l'ai déjà dit dans cette enceinte, au moins trois fois: à force de convoiter l'argent du riche, vous finirez par voler celui du pauvre ! (Remarque.) Oui, je l'ai dit au moins trois fois, cher ami Roger Deneys !
Cela étant, Mesdames et Messieurs, il faut être clair. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Aujourd'hui, le canton de Genève a la chance d'avoir une économie encore florissante. Mais vous vous attelez à scier la branche sur laquelle nous sommes assis, et l'équilibre est extrêmement précaire. Vous devriez vous responsabiliser un tant soit peu, Mesdames et Messieurs du parti socialiste, et savoir que, s'il n'y a pas de gens qui paient des impôts, vous ne pourrez rien dépenser et rien inscrire dans les budgets. Genève - je conclus - pour moins...
Le président. C'est terminé.
M. Eric Stauffer. ...pour moins de 500 000 habitants a 13,5 milliards de budget: posez-vous des questions.
M. Romain de Sainte Marie (S). C'est vrai que le parti socialiste vient une deuxième fois en deux mois avec ce projet de loi, mais cela fait quatre ans - et même déjà plus de quatre ans - que j'entends les mêmes tirades imagées de M. Stauffer. Le parti socialiste revient en effet avec ce projet de loi, car il souhaite une démocratie qui fonctionne. Notre projet de loi se base sur une proposition du précédent gouvernement, faite par un Conseil d'Etat à majorité de droite, alors que David Hiler était le conseiller d'Etat chargé des finances. La situation budgétaire était alors morose, notamment en 2012 lorsque le Conseil d'Etat a proposé ce projet de loi; eh bien, la situation n'est malheureusement guère meilleure aujourd'hui. Nous nous sommes donc inspirés, c'est vrai, de cette proposition du Conseil d'Etat de la précédente législature - de droite - pour cette mesure exceptionnelle que nous proposons aujourd'hui. Nous ne demandons qu'une chose - j'entendais les critiques dire: «Mais les chiffres sont à revoir, il faut mesurer les départs possibles !» - nous ne demandons qu'une seule chose pour l'instant, c'est d'étudier ce projet de loi à la commission fiscale. C'est ça, le fonctionnement de la démocratie: laisser l'opportunité à chaque parti politique de faire étudier correctement les projets qu'il propose.
Mesdames et Messieurs, un petit peu de justice fiscale ne ferait pas de mal, ici ! En l'occurrence, j'entends la critique: «Nous sommes à l'aube d'un grand projet fiscal, le PF 17.» C'est vrai, le Conseil d'Etat vient de communiquer sur une possible entrée en vigueur du PF 17 en 2020. Le présent projet de loi n'est absolument pas une provocation et n'entre pas en concurrence avec le PF 17 puisqu'il propose une suspension pour les années 2018 et 2019; donc aucun lien avec le PF 17, qui serait pour 2020: il n'entrave en rien la possibilité de parvenir un jour, ce que j'espère, à un accord équilibré concernant le PF 17. Tout ce que nous voulons aujourd'hui, au parti socialiste, c'est qu'il y ait de la solidarité lorsque les finances du canton sont moroses, que l'on demande en effet à celles et ceux qui ont le plus de participer réellement à l'effort, en fonction de leurs moyens. Et ne venez pas nous dire que ces personnes-là, ces ultra-fortunés, partiraient ! Depuis maintenant plus d'une décennie, le canton de Genève attire chaque année de plus en plus de grandes fortunes. On le voit avec les chiffres fournis par l'administration fiscale: le nombre de millionnaires, de doubles et de quintuples millionnaires augmente d'année en année. Par conséquent, difficile de croire que ce soit le seul résultat du bouclier fiscal. Pour les deux années à venir, il faut demander que ces personnes-là mettent un peu plus la main à la poche pour garantir, encore une fois, la cohésion sociale dans notre canton. Nous pensons véritablement que c'est un projet mesuré et nous voulons l'étudier à la commission fiscale; nous demandons donc son renvoi en commission. (Quelques applaudissements.)
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, la première chose que je voulais dire, c'est que les propos du député Zacharias m'ont profondément choquée.
Des voix. Oh !
Mme Sophie Forster Carbonnier. Je pense que l'on connaît M. Zacharias et l'enthousiasme qu'il met dans la défense des plus riches contribuables de ce canton, mais empêcher un parti politique de déposer des projets de lois est scandaleux et justement antidémocratique. Vouloir expulser un parti politique légitimement élu de cette enceinte est excessif et outrancier, et j'espère que vous retirerez vos propos et que vous vous excuserez.
Ensuite, on entend ce soir beaucoup de partis regretter que les socialistes reviennent avec ce projet de loi.
Une voix. Un mois après !
Mme Sophie Forster Carbonnier. Oui, un mois après. Mais j'espère qu'ils continueront le mois prochain ! Parce qu'en fait, vous empêchez aussi ce débat démocratique: vous empêchez ce débat d'avoir lieu en commission, où un autre projet de loi sur le bouclier fiscal, au but opposé, est à l'ordre du jour. Dès lors qu'on a un autre projet de loi sur le bouclier fiscal à la commission fiscale - de votre main, Monsieur Zacharias - pourquoi ne pas traiter en parallèle celui que les socialistes ont à nouveau déposé durant cette session ? On peut bien sûr continuer ce petit jeu pendant longtemps: c'est-à-dire qu'à chaque session, vous demanderez une discussion immédiate, vous refuserez le renvoi en commission, etc. Ça donnera l'occasion à ce parlement de se faire davantage de publicité, puisque apparemment c'est ce que vous voulez. Continuons ainsi, mais je ne suis pas sûre que nous en sortions grandis.
Ainsi donc, ce soir je demande instamment - et je soutiens - ce renvoi en commission. Il est à mon sens légitime de pouvoir à nouveau étudier les chiffres, entendre le Conseil d'Etat sur sa stratégie de manière plus approfondie, et je regrette vraiment le jeu qui est joué ce soir. Les Verts demandent donc le renvoi en commission de ce projet de loi et, s'il était refusé, soutiendraient bien entendu ce texte. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Yvan Zweifel (PLR). J'aimerais rebondir sur les propos de quelques-uns de mes préopinants, à commencer par ceux de Mme Forster Carbonnier qui nous dit que l'on empêche tout débat sur le bouclier fiscal. Sauf que, toutes les deux sessions, on revient avec un sujet qui concerne le bouclier fiscal; on a donc largement de quoi en débattre. Et qu'est-ce qu'on est en train de faire ce soir ? On est précisément en train d'en débattre ! Il ne faut donc pas dire qu'on empêche le débat; empêcher le débat, ce serait justement refuser d'en discuter et expédier la chose sans même en discuter. Ce n'est pas du tout ce qu'on fait puisqu'on en débat.
J'ai entendu Mme Forster Carbonnier, comme MM. de Sainte Marie et Deneys, nous expliquer qu'il fallait absolument étudier le sujet du bouclier fiscal en commission. Pourtant, sur l'objet précédent, Mme Haller nous expliquait qu'on n'avait pas besoin de le renvoyer en commission parce que le sujet qu'on traitait était extrêmement connu. Si quelqu'un ici est capable de me dire qu'on ne connaît pas le sujet du bouclier fiscal, alors qu'il lève la main ! La réalité, c'est qu'on le connaît largement assez, on n'a pas besoin de renvoyer ce projet de loi à la commission fiscale: on en discute toutes les deux sessions, Mesdames et Messieurs, et on peut donc tout à fait prendre une décision ce soir, en toute connaissance de cause !
M. Deneys nous faisait également un petit chantage au budget en nous expliquant que si par hasard on refusait d'étudier ce projet de loi, le parti socialiste refuserait de voter le budget. Chiche, Monsieur Deneys ! Ça ne me pose absolument aucun problème ! Vous voulez refuser de voter un budget déficitaire; rassurez-vous, Monsieur le député - vous transmettrez, Monsieur le président - vous ne serez pas le seul dans cette enceinte, et je m'en réjouis ! Le même Roger Deneys nous expliquait avec ardeur - et M. Batou disait la même chose - qu'en période de déficit, il faut des recettes supplémentaires. Vous avez raison, Messieurs les députés ! Vous avez parfaitement raison ! Et qu'est-ce qu'il faut faire pour avoir des recettes supplémentaires ? Eh bien, il faut que l'Etat encaisse plus d'impôts. Comment fait-on pour que l'Etat encaisse plus d'impôts ? Eh bien, il faut plus de contribuables avec de la richesse et des revenus, il faut espérer que ceux qui sont là gagnent plus d'argent et aient plus de fortune, il faut espérer que de nouveaux riches contribuables arrivent à Genève, de manière qu'ils soient non seulement imposés directement ici, mais qu'ils créent en plus de l'emploi avec l'argent qu'ils amènent, emploi qui sera lui aussi imposé. Ça tombe bien, Mesdames et Messieurs les députés, c'est exactement ce que la majorité de droite a fait toutes ces dernières années, et pour preuve, les chiffres: de 1998 à 2016, les recettes fiscales ont augmenté de 3 milliards, soit une augmentation de 83% sur la période, alors que la population n'a augmenté que de 23% dans le même laps de temps. Les recettes fiscales ont quadruplé par rapport à l'augmentation de la population. Soit dit en passant, les charges de l'Etat - notamment du personnel - ont, elles, augmenté de 40%, c'est-à-dire deux fois plus que l'augmentation de la population. Il n'y a pas de crise des dépenses, il y a bel et bien une crise des recettes.
Des voix. C'est le contraire !
M. Yvan Zweifel. C'est le contraire, vous m'avez compris ! (Rires. Quelques applaudissements.) Il faut donc diminuer le train de vie de l'Etat et, en outre, gagner des contribuables supplémentaires. Je conclus simplement en citant Alphonse Allais qui disait: «Il faut demander plus à l'impôt et moins au contribuable.» (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur ! (Le président rit.) Monsieur Zacharias, vous avez la parole pour vingt-cinq secondes.
M. Ronald Zacharias (MCG). Merci, Monsieur le président. La gauche fait régner autour de nos meilleurs contribuables un climat de terreur qui est totalement irresponsable. (Protestations.) Mais elle a de la chance ! Elle a de la chance que la droite classique la craigne. Nous, nous avons décidé de ne plus la craindre, cette gauche ! De ne plus craindre la rue ! De ne plus craindre les référendums ! Et j'invite M. Batou à déposer son initiative en vue de la suppression du bouclier fiscal...
Le président. Merci, c'est terminé.
M. Ronald Zacharias. Ah, déjà ? Bon, tant pis. (Rires. Applaudissements.) Je vous invite à refuser le renvoi en commission.
Le président. Merci, Monsieur. (Le président rit.) La parole est à M. Catelain pour quarante secondes.
M. Gilbert Catelain (UDC), député suppléant. Merci, Monsieur le président. J'approuve les propos tenus par le PLR: nous n'avons pas de problèmes de recettes fiscales, nous avons un problème de dépenses et un problème de population. Le débat est lié au précédent: nous nous apercevons que si nous avions des résidents avec des revenus suffisants, nous n'aurions pas besoin de faire de dépenses sociales supplémentaires. Mais nous avons fait le choix, depuis 2008, d'ouvrir largement la porte à une immigration qui ne parvient pas à subvenir à ses besoins, qui coûte en dépenses sociales et ne rapporte pas les recettes fiscales correspondantes. Le débat ne devrait donc pas porter sur ce sujet-là, mais sur le problème de la population et des capacités financières de cette population que nous accueillons. Merci.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, s'il fallait trouver un seul avantage - et c'est bien le seul que je vois - à débattre du même sujet à quelques semaines d'intervalle, c'est que ça me donne l'occasion de rappeler encore et toujours la même chose, de vous faire part, au nom du Conseil d'Etat, du même message. Mon collègue Poggia a dit tout à l'heure que le Grand Conseil faisait de la politique et que le Conseil d'Etat gouvernait; c'est cette responsabilité gouvernementale qui nous oblige à vous rappeler un certain nombre de réalités.
Je m'étonne, pour ne pas dire plus, de cette arithmétique simple, voire simpliste, que M. Deneys nous rappelle à chaque fois, en imaginant candidement que la suspension - ou la suppression, mais la suspension en tout cas - de ce dispositif permettrait simplement de récupérer les sommes qu'il imagine perdues. Mais, pour rester poli, c'est une vue de l'esprit ! Ça ne correspond pas à la réalité ! Une suspension - ce serait évidemment encore pire s'il s'agissait d'une suppression - aurait pour résultat de donner un signal véritablement catastrophique, Mesdames et Messieurs, catastrophique à ces personnes qui sont aujourd'hui à Genève, et dont il faut se réjouir que le nombre s'accroisse. Il faut s'en réjouir !
J'ai de la peine à comprendre celles et ceux qui contribuent à augmenter les charges de l'Etat - elles l'ont encore été ce soir, dans ce parlement, comme elles le sont à la commission des finances - et imaginent que l'on peut financer ces dépenses, croissantes, sans la contribution de ces personnes ! C'est incroyable d'imaginer cela ! J'aimerais bien que l'on suive un peu le précepte dont on se prévaut en tout cas ici à gauche, c'est-à-dire être plus économe. Il faut beaucoup de carburant pour faire avancer cette grosse limousine avec une grosse cylindrée qu'est l'Etat de Genève. Et ce carburant est évidemment fourni, vu la progressivité de l'impôt, par des personnes fortunées; vous le savez, Mesdames et Messieurs, je ne vais pas vous rappeler les chiffres. Si on se hasarde - et c'est vraiment une politique pour le moins hasardeuse - à donner ce signal-là, l'effet risque d'être véritablement dévastateur.
Je ne suis pas en train de me baser sur des affabulations, c'est la réalité ! C'est ce qui ressort du contact que j'ai avec les contribuables, qui ne comprennent pas - qui ne comprennent pas - qu'on puisse avoir des idées aussi hostiles à leur égard alors qu'ils sont en effet, hélas, particulièrement mobiles; c'est une réalité. Cette imposition sur la fortune étant problématique, si on vote en faveur d'une suspension du bouclier - ou, pire encore, si on l'abolit - l'effet risque d'être véritablement dévastateur, Mesdames et Messieurs, et les difficultés budgétaires que l'on connaît aujourd'hui seront largement accrues si ce signal-là est donné, quand bien même le Conseil d'Etat a présenté hier un PFQ dans lequel il indique vouloir améliorer la compétitivité de Genève en matière d'imposition sur la fortune. Alors je vous invite vraiment encore une fois, comme je l'ai fait au nom du Conseil d'Etat il y a un mois, à refuser des décisions aussi hasardeuses, aussi catastrophiques pour notre république. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons à présent...
Une voix. Vote nominal !
Le président. Vote nominal ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, c'est bon, vous êtes soutenu. Il y aura donc un vote nominal, mais on va attendre deux secondes pour que notre vieille informatique puisse suivre. (Un instant s'écoule.) Nous allons d'abord voter sur le renvoi de ce projet de loi à la commission fiscale.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12210 à la commission fiscale est rejeté par 61 non contre 32 oui (vote nominal).
Mis aux voix, le projet de loi 12210 est rejeté en premier débat par 62 non contre 32 oui. (Quelques applaudissements à l'annonce du résultat.)
Débat
Le président. Nous traitons maintenant la proposition de motion 2433 en catégorie II, trente minutes. Je laisse la parole à son premier signataire, M. Pierre Vanek. (Brouhaha.) Une petite seconde, Monsieur Vanek, nous allons attendre que l'assemblée soit un peu plus calme. (Un instant s'écoule.) Voilà, allez-y.
M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président... (M. Cyril Aellen discute avec un député devant l'orateur.) Monsieur Aellen, je ne voudrais pas vous déranger, mais il me faudrait une vue sur l'ensemble de l'hémicycle.
M. Cyril Aellen. Excusez-moi !
M. Pierre Vanek. En effet, cette question touche l'ensemble de l'hémicycle. Il s'agit d'une motion très, très modeste. Les faits concernant ABB Sécheron sont connus, le tract d'Unia que je tiens entre mes mains a été distribué à notre arrivée ici: 150 licenciements annoncés, un arrêt de travail pour consultation parce que la convention collective prévoit abusivement une paix du travail absolue qui empêche les travailleurs, dans des situations pareilles, d'exercer le droit de grève, pourtant garanti par notre constitution cantonale. Et tout cela dans le plus grand groupe industriel de Suisse, dont les bénéfices se chiffrent littéralement en milliards, dont le PDG est payé 9,4 millions de francs ! On entend délocaliser en Pologne 150 emplois qualifiés dans une entreprise héritière d'une tradition industrielle remarquable ! Ces travailleurs se sont mobilisés à juste titre pour résister, parce que cette société non seulement fournit de l'emploi, mais est même rentable, elle présente juste le tort de ne pas générer suffisamment de profits pour les actionnaires, qui exigent une croissance à deux chiffres et pensent pouvoir l'atteindre en délocalisant en Pologne.
Cette problématique ne date pas d'hier: puisqu'on va parler, dans un autre débat, de la diversité et du maintien de la presse à Genève, j'ai ici un article du «Journal de Genève» de 1982, Mesdames et Messieurs, sur une manifestation de la FTMH. Le «Journal de Genève», journal des régisseurs et des banquiers, parlait de 4000 manifestants devant l'Hôtel de Ville, mais nous étions en réalité 5000 ou 6000 - Daniel Sormanni y était, il peut en témoigner - à l'occasion de 250 licenciements dans la métallurgie genevoise, plus 136 à Hispano-Oerlikon. Les métallos sont venus, il y en avait 5000 ou 6000 en bleu de travail sur la place Neuve - l'article le dit, la rampe de la Treille en était remplie, la rue de l'Hôtel-de-Ville aussi - pour déposer une pétition demandant que le Conseil d'Etat agisse conformément à ses déclarations et à ses promesses antérieures et défende le secteur industriel genevois. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Alors, rien ne change... Si, malheureusement, beaucoup de choses changent, et des usines disparaissent successivement. Celle que j'ai citée - Hispano-Oerlikon - est un souvenir, il y a maintenant des bureaux à la place; en face, aux Ateliers des Charmilles, se trouvent aujourd'hui un centre commercial et des locaux administratifs. Je pourrais faire pleurer la galerie en citant une douzaine d'entreprises très significatives de la métallurgie genevoise qui ont disparu. Cela étant, il y a des choses positives dans cette affaire...
Le président. Vous prenez sur le temps du groupe, Monsieur.
M. Pierre Vanek. Oui ! Il y a des choses positives dans cette affaire qui sont à saluer, comme l'engagement assez déterminé du gouvernement pour tenter d'obtenir le maintien de ces emplois à Genève.
La motion, qui devrait convenir à tout le monde, comporte deux invites. La première demande au Conseil d'Etat - il s'agit juste d'un soutien à celui-ci, Pierre Maudet nous dira qu'il s'en occupe déjà - de mettre en oeuvre tous les moyens juridiques, politiques et économiques possibles pour que les revendications concrètes des travailleurs d'ABB Sécheron, à savoir le maintien des postes sur le site, soient appuyées par l'Etat de Genève. La seconde, elle, part de l'idée - qui devrait d'ailleurs faire l'unanimité dans cette salle - que la politique industrielle ne devrait pas être une politique au coup par coup, qui mobilise les émotions chaque fois que quelques dizaines ou centaines de licenciements interviennent ou qu'une boîte ferme. Non, il faut une politique industrielle qui mobilise des énergies politiques, des ressources économiques ! Je pourrais vous dessiner les contours de la politique industrielle souhaitée par Ensemble à Gauche et vous parler de formation, de recherche et développement, de locaux et terrains industriels, de commandes provenant aussi du secteur public et du grand Etat, et également de politique fiscale, quoiqu'une politique industrielle ne puisse pas se résumer à ça; je pourrais vous faire un plan, mais ce n'est pas de ça qu'il s'agit.
L'invite de la motion est simple: elle demande au Conseil d'Etat de nous dresser, dans un laps de temps de six mois - bon, c'est le délai habituel dans lequel il est censé rendre ses rapports sur nos motions - un état des lieux sur l'industrie genevoise afin de créer les conditions pour un débat sérieux sur la politique industrielle. Je le répète: nous avons besoin d'une politique qui ne soit précisément pas une politique au coup par coup, ou de simple arrosage fiscal de grandes entreprises, mais qui soit une politique déterminée, qui se batte pied à pied pour renverser la tendance de dégradation et de mitage du tissu industriel genevois qui prédomine depuis des lustres, comme je l'ai indiqué.
Je ne vous propose pas de dessiner sur le siège ce soir, avec le PLR, le MCG, Ensemble à Gauche et quelques grains de sel du parti socialiste, une politique industrielle; par contre, je crois qu'on peut se rejoindre sur une idée, à savoir que le Conseil d'Etat nous rende un rapport sur l'état des lieux dans ce secteur, afin que nous puissions ensuite mener un débat sur la politique industrielle que doit mener ce canton si on veut éviter la disparition totale de la branche industrielle, si on veut éviter que Genève ne devienne un simple Monaco-sur-Léman. (Applaudissements.)
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste s'est évidemment associé à la rédaction de cette proposition de motion, parce que l'avenir d'ABB Sécheron est particulièrement incertain. L'emploi dans le secteur secondaire - comme dans le primaire, d'ailleurs, c'est-à-dire l'agriculture - est malheureusement en voie de disparition dans notre canton. Or des postes peu ou moins qualifiés que ceux du secteur tertiaire, des postes pas uniquement dans les services, sont indispensables pour garantir une prospérité plus large, et pas seulement les profits de quelques-uns au détriment de tous les autres, qui vivent des miettes du système.
Aujourd'hui, la délocalisation crée la disparition des emplois dans nos contrées et leur établissement à l'autre bout de la planète, les richesses ne sont plus produites ici, mais les bénéfices reviennent dans la poche de quelques privilégiés qui, eux, sont installés chez nous ou dans d'autres pays pas trop lointains. Mesdames et Messieurs, si on ne fait rien et que l'emploi disparaît de Sécheron, il ne reviendra pas de sitôt, et donc se pose une fois de plus la question de l'avenir professionnel des jeunes que nous formons dans le cadre des apprentissages, de la scolarité obligatoire et postobligatoire, et qui ne trouvent pas de débouchés, qui se retrouvent dans des situations calamiteuses dès la fin de l'enfance, dès l'âge adulte.
Il est tout simplement intolérable de ne pas favoriser le maintien des entreprises. Il faut évidemment s'attacher à ce qu'elles ne partent pas et faire cesser le cynisme d'une société comme ABB, qui voit ses bénéfices fleurir mais, dans le même temps, préfère délocaliser les emplois, parce qu'ils y coûtent un peu moins cher, voire beaucoup moins cher - de toute façon, même un centime est beaucoup moins cher, donc on va délocaliser ! C'est du cynisme absolu, et il faut combattre cette politique.
Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste est extrêmement inquiet quant à ce que fait le Conseil d'Etat. D'un côté, on soutient un projet comme TOSA, on voit un grand groupe tel ABB se régaler de subventions publiques pour conduire un nouveau projet industriel mais, dès que celui-ci est financé, se dépêcher de délocaliser les emplois. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) C'est d'un cynisme intolérable, nous devons réagir ! Et réagir, ça signifie aussi que le Conseil d'Etat doit mieux coordonner l'action de la politique économique et celle de l'emploi, aujourd'hui séparées dans deux dicastères, dans deux politiques publiques différentes, avec deux conseillers d'Etat; on soupçonne un manque d'efficacité. Des mesures de chômage partiel...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Roger Deneys. ...et des campagnes de rencontre avec les entreprises sont pourtant indispensables au maintien des postes. Aussi, Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à soutenir immédiatement cette proposition de motion. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur. M. Stauffer a demandé la parole, mais il n'est pas là, je la passe donc à M. Guinchard.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous ne partageons pas l'ensemble des constats énumérés dans cette motion. Toutefois, la deuxième invite nous plaît et nous semble intéressante, parce qu'elle rappelle la magnifique époque de la métallurgie genevoise, qui a connu des périodes de dégraissages assez considérables alors qu'elle constituait un fleuron de notre économie.
Nous pensons dès lors qu'il est important que nous puissions faire non pas devoir de mémoire en appuyant cette motion, mais un geste pour l'avenir, qui permette au Conseil d'Etat, comme il le fait à l'heure actuelle avec la task force qu'il a mise en place - laquelle a déjà donné un certain nombre de résultats, même s'ils sont encore minimes - de bénéficier de notre soutien et d'aller de l'avant. Dans ces circonstances, le groupe démocrate-chrétien vous demande le renvoi de cette motion à la commission de l'économie. Je vous remercie.
M. Pascal Spuhler (MCG). Non, Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas à la commission de l'économie qu'il faut renvoyer cette motion, mais directement au Conseil d'Etat, faute de quoi elle dormira une année en commission, et, au moment où nous la traiterons, les activités auront toutes été délocalisées, les ouvriers placés au chômage.
Mesdames et Messieurs, ABB Sécheron constitue un fleuron de la métallurgie, on l'a dit, mais également l'un des leaders dans son domaine, et il est important de maintenir cette activité à Genève et de sauver ces emplois. Il est regrettable que la direction générale ait pris cette décision, et nous ne pouvons que nous battre et inviter le gouvernement à défendre nos intérêts. Aussi, j'invite le Grand Conseil à voter ce texte à l'unisson et à le renvoyer au Conseil d'Etat.
Mesdames et Messieurs, on l'a déjà rappelé, mais je vais le répéter: le 5 décembre prochain, nous inaugurerons la première ligne TOSA, conçue et réalisée en collaboration avec le canton, bien sûr, mais aussi avec ABB Sécheron et l'EPFL. Il s'agit d'un bus futuriste, d'un grand projet qui se met en place, et ABB Sécheron nous abandonne, abandonne ses employés, abandonne l'économie genevoise. Mesdames et Messieurs, votez cette motion pour que le Conseil d'Etat puisse agir au plus vite. Merci.
M. Marc Falquet (UDC). L'UDC soutiendra également cette motion. Comme l'a dit M. Deneys, c'est la pratique actuelle: on licencie, on délocalise, ce qui fait monter les actions pour la plus grande joie des actionnaires. C'est effectivement très scandaleux, mais ce n'est pas l'apanage d'ABB: toutes les compagnies multinationales font de même, le but étant de concentrer le pouvoir et l'argent entre les mains d'un minimum de personnes. Une centaine d'individus se partagent la richesse mondiale, et ils continueront à le faire malgré cette motion, ça ne va rien changer ! Cela dit, on va quand même la voter.
La direction oublie toujours que c'est grâce à la compétence des ouvriers qu'elle a pu s'enrichir, et maintenant elle les humilie en les licenciant, en les traitant comme des chiens. Le patron d'ABB gagne 800 000 F par mois ! Si on voulait vraiment faire des économies, c'est lui qu'il faudrait renvoyer en premier, car son salaire représente à lui seul cent personnes à 8000 F par mois, c'est-à-dire l'équivalent de la masse salariale des employés d'ABB Sécheron. Il devrait donc commencer par se licencier lui-même, s'il souhaite réaliser des économies.
Aujourd'hui, si on veut être efficace, il faut se donner des moyens législatifs et poursuivre en justice les dirigeants de ces entreprises, qui sont des criminels puisqu'ils mettent sur la paille des ouvriers ayant travaillé toute leur vie. C'est un abus de confiance manifeste, et il faudrait les poursuivre en justice, séquestrer leur fortune, confisquer leurs biens ! C'est la seule façon de lutter contre ces gens: les dénoncer, les poursuivre en justice, les faire condamner et confisquer leurs biens. Merci beaucoup.
Une voix. Bravo !
Une autre voix. Très bien !
Le président. Je vous remercie et donne la parole à M. Sormanni pour une minute quarante-cinq.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il faut en effet soutenir cette motion. Le député Vanek l'a très bien rappelé tout à l'heure: l'érosion qu'a subie le secteur de la métallurgie genevoise dans les années nonante avait suscité énormément d'émotion, et il avait été demandé au Conseil d'Etat d'alors d'établir un rapport et de proposer une politique industrielle pour Genève. Un magnifique rapport était sorti, mais aucune action concrète n'avait été entreprise, hélas. Aussi, on compte sur le gouvernement actuel pour faire mieux, ce qui ne sera pas difficile puisque rien n'avait été accompli à l'époque, et l'industrie a pratiquement disparu de notre canton.
Il n'est pas tolérable de voir qu'une compagnie qui a été soutenue par Genève, par la Confédération, par les régies publiques, c'est-à-dire les Services industriels et les TPG dans le cadre du projet TOSA - mais pas seulement, ça ne représente qu'une partie de ses activités - veut aujourd'hui délocaliser pour améliorer sa rentabilité. Car cette entreprise est rentable ! A Genève, elle est parfaitement rentable ! Ce serait plutôt au grand patron, qui encaisse 9,5 millions par année, de réduire son salaire, voire de le supprimer. Il est intolérable de fonctionner ainsi, et nous devons soutenir cette motion ce soir: il ne faut pas la renvoyer en commission, mais directement au Conseil d'Etat pour qu'il agisse, et c'est ce que je vous invite à faire !
M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord dire que le PLR partage le propos du titre de cette motion, à savoir: «battons-nous pour le maintien [...] du secteur industriel genevois». Cela dit, je suis obligé de rebondir sur les paroles de M. Falquet, qui traite la direction de criminelle et parle de séquestration de biens; je rappelle juste que s'il est une personne qui a tenu le cap à ABB Sécheron, c'est bien Jean-Luc Favre, qui a lutté jusqu'au bout pour maintenir les emplois à Genève ! Sa direction ne l'ayant pas suivi, il a pris ses responsabilités et a démissionné - je pense qu'il est important de savoir qu'il y a des patrons qui assument.
Mesdames et Messieurs, vous faites de grandes théories, vous proposez une vision malthusienne de l'industrie; sachez simplement que les transformateurs d'ABB sont présents sur des marchés internationaux avec des acteurs tels Airbus, Boeing, Alstom, Stadler, qui se développent dans des pays émergents comme la Chine, ou aux Etats-Unis. Or qu'imposent ces pays ? Que 60% de la production de chemins de fer ou de mécanismes industriels soient effectués sur leur territoire. C'est clair, c'est net: 60% des trams ou des trains que vous produisez pour la Chine doivent être fabriqués dans le pays, ce sont là des contraintes économiques sur lesquelles nous ne pouvons pas agir à Genève. Voilà pour la première chose.
Ensuite, la Suisse se bat pour ses coûts de production, pour l'innovation. A cet égard, il est capital de maintenir un site de production pour l'innovation afin que les ingénieurs et les développeurs soient en contact avec les ouvriers, qu'ils rectifient la qualité des métaux, les outils de coupe. Ce corps de métier va donc toujours rester, mais dans le développement, parce que le contexte international a changé.
J'entends qu'il faut apporter notre soutien au domaine industriel, aux PME, aux secteurs secondaire et primaire; mais, Mesdames et Messieurs, laissez vivre le partenariat social ! Il existe des conventions collectives, elles se règlent, le conseiller d'Etat fait son travail. J'entends que 143 emplois fixes sont en jeu, 43 temporaires supprimés; mais la convention collective n'a pas été faite abusivement, comme le dit M. Vanek, elle a été négociée entre partenaires responsables.
Vous voulez prendre des mesures en faveur des PME ? Je vous rappelle juste ce qui a été voté ici ces quatre dernières années: augmentation des allocations familiales, diminution du taux de perception de l'impôt à la source, baisse des frais de déplacement à 500 F pour les travailleurs qui vont bosser à cinq heures du matin dans les zones industrielles, à qui vous avez sucré 3000 balles ! Et qu'est-ce que ce parlement nous réserve encore ? Le congé paternité, l'augmentation du coût de travail à 0,22% et la transmission automatique du certificat de salaire. Comme l'a suggéré M. Vanek, enfilez un bleu de travail, écoutez de temps en temps les entrepreneurs et faites-leur confiance ! Merci.
M. Gabriel Barrillier. Très bien ! (Applaudissements.)
M. François Lefort (Ve). Cette motion, c'est un message que nous envoyons pour faire part de notre grande préoccupation face au désinvestissement d'une société industrielle emblématique du passé de Genève, mais aussi de son futur. En effet, ABB Sécheron représente l'avenir industriel de notre canton, à savoir les technologies innovantes développées pour la mobilité, pour les transports ferroviaires, dans lesquelles cette entreprise est particulièrement à la pointe. Ces activités, nous les soutenons, nous les avons soutenues par le vote du projet TOSA que nous avons accompagné, qui se met en place à Genève.
Cette motion, c'est donc un message. Nous, les Verts, ne nous arrêtons pas sur les invites de ce message, que nous allons adresser à ABB Sécheron ce soir par l'intermédiaire du Conseil d'Etat, nous nous arrêtons sur le fond, qui se résume d'ailleurs au titre du texte: «ABB Sécheron: battons-nous pour le maintien de l'emploi et disons stop à l'érosion du secteur industriel genevois». C'est l'essentiel du message, c'est la demande du maintien des emplois et des capacités d'innovation industrielle d'ABB Sécheron à Genève. Ce message, c'est celui de notre inquiétude, de l'inquiétude de la population, et les Verts le voteront ce soir. Merci.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, merci tout d'abord pour vos témoignages ainsi que pour l'appui que vous apportez au gouvernement dans le combat qu'il mène depuis maintenant plusieurs semaines, avant et depuis l'annonce officielle d'une délocalisation d'ABB Sécheron, afin d'amener la direction d'ABB, située à Zurich, à considérer avec attention l'ensemble des paramètres inhérents à ce choix. Au Conseil d'Etat, nous sommes à la fois dubitatifs et légèrement amers s'agissant de la décision prise par cette société.
Dubitatifs, parce que nous peinons - je l'ai dit publiquement, je le répète ce soir - à comprendre les motifs qui ont présidé à cette décision. Par le passé, nous avons constaté que lorsque de grands groupes choisissaient de séparer la recherche et le développement des lignes de production, ils revenaient souvent sur leur jugement quelques années plus tard. Amers, parce que le soutien public apporté à cette entreprise est nettement supérieur à ce que le président du conseil d'administration d'ABB Sécheron, qui est du reste aussi le directeur d'ABB Suisse, a dit dans la presse la semaine passée. En effet, ce ne sont pas quelques centaines de milliers de francs que les collectivités publiques, à savoir l'Etat de Genève mais aussi la Confédération, ont injectées dans des projets innovants tels TOSA, mais des millions !
Ces sentiments mêlés que je partage avec vous ce soir, que nous avons partagés dans la presse, nous ont amenés, dès le mois d'octobre, dès les premières rumeurs, à intervenir auprès de la direction pour bien comprendre de quoi il était question. Nous avons demandé s'il s'agissait de démanteler totalement le site ou s'il était prévu d'y conserver une activité industrielle; on nous a répondu qu'on entendait en conserver une. Je dois vous dire honnêtement, Mesdames et Messieurs les députés, que nous n'en sommes pas encore totalement convaincus, et c'est la raison pour laquelle je serai relativement circonspect ce soir. Demain, nous tiendrons une séance au plus haut niveau, avec des représentants d'ABB et du personnel, pour définir avec eux ce qu'il en est et, si ce projet existe vraiment, dans quelle mesure il serait possible d'envisager une mutation pour la totalité des employés.
Car le Conseil d'Etat n'est pas aveugle: nous voyons bien que le tissu industriel genevois est en train de changer, que l'industrie lourde des machines est en train d'évoluer. C'est une réalité, et il nous faut accompagner ce changement. Aussi n'en dirai-je pas davantage sur ABB ce soir, parce que nous sommes encore en tractation, à fois sur la question du devenir du site, mais aussi - vous l'avez bien compris, j'en partage la responsabilité avec mon collègue Mauro Poggia - sur les éventuels licenciements et leurs conséquences, que l'office cantonal de l'emploi va devoir suivre au plus près.
Mesdames et Messieurs les députés, c'est bien joli de s'émouvoir lors d'une annonce de licenciements collectifs de cette ampleur, mais il est important de mener une réflexion à plus long terme, notamment dans le cadre de la politique économique du canton. J'aimerais souligner que nous avons lancé, pas plus tard qu'il y a deux mois, en collaboration avec l'Union industrielle genevoise et les milieux patronaux et syndicaux, une grande campagne de mobilisation et de recrutement de personnel dans l'industrie. En effet, s'il est une réalité que certains députés ont évoquée tout à l'heure, mais à demi-mot, c'est bien celle de la pénurie d'ingénieurs dans notre canton, de notre difficulté - pour ne pas dire notre incapacité - à recruter et à former des jeunes dans ces métiers. La réalité, c'est que nous devons les importer ! La réalité, Mesdames et Messieurs, et je m'adresse en particulier à ces bancs... (L'orateur désigne les bancs du MCG.) ...c'est que sur la centaine d'employés fixes qui vont être licenciés, 80% sont des frontaliers ! Naturellement, cela ne change rien au fait que nous allons nous battre pour ces emplois, mais puisque j'ai entendu tout à l'heure sur les bancs du MCG que l'on défend ces emplois, eh bien je précise que ce sont aussi les emplois des frontaliers, parce que nous n'arrivons pas à former suffisamment de jeunes dans ces domaines, parce que nous n'avons pas réussi, ces dernières années - nous nous sommes réveillés un peu tard - à rendre attractifs et à valoriser ces débouchés.
L'un des enjeux pour l'industrie, c'est justement celui de la formation. Avec ma collègue Anne Emery-Torracinta, nous nous escrimons à faire en sorte de susciter des vocations pour ces filières, et je dois souligner que malgré l'invitation envoyée notamment à la commission de l'économie, il n'y avait pas beaucoup de députés le jour où nous lancions notre campagne de promotion des apprentissages !
Une voix. Ce n'est pas vrai, ça !
M. Pierre Maudet. C'est absolument vrai, Monsieur, il n'y avait pas beaucoup de députés. (Remarque.) Il ne s'agit pas de vous adresser des reproches, Mesdames et Messieurs, mais de dire que la préoccupation s'agissant du développement du tissu industriel doit être constante et concerner la formation, l'attractivité de la place économique genevoise. Là-dessus, malheureusement, nous n'avons pas beaucoup de marge de manoeuvre, nous ne pouvons rien faire contre le franc fort, mais c'est une réalité: lorsque 70% de l'économie genevoise est orientée vers l'exportation, eh bien c'est plus difficile par les temps qui courent. Je rappelle au passage que l'industrie représente 15% de notre PIB et que sur ces 15% du PIB, un peu moins de 50% - 45%, pour être précis - sont constitués par les secteurs des pharmas - ce domaine, parce qu'il a été accompagné ces dernières années, a su opérer sa mutation - et de l'horlogerie. Or il est difficile aujourd'hui de trouver suffisamment de jeunes d'ici qui s'intéressent à l'horlogerie.
Les enjeux, ce sont donc la formation, le franc fort, les liens entre recherche, innovation et monde des HES et de l'université; avec ma collègue, nous y travaillons, mais cela ne se décrète pas, cela se construit petit à petit. Je peux vous assurer, Mesdames et Messieurs les députés, que le gouvernement est conscient de tout cela, qu'il oeuvre depuis plusieurs années dans ce sens et souhaite véritablement obtenir de l'appui de votre part. Si nous pouvions par exemple, à la faveur du Projet fiscal 17, pousser notre fonds pour l'innovation, qui a fait l'objet d'un large débat au sein des partis, cela nous permettrait de nous prémunir contre d'autres situations telles que celle-ci.
En résumé, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, nous accueillons avec beaucoup de bienveillance votre motion, qui représente un encouragement supplémentaire à défendre nos atouts vis-à-vis d'ABB et, plus largement, à promouvoir notre industrie. Mais soyons tous conscients que l'industrie doit muter, que nous devons soutenir les processus d'innovation, accélérer la recherche, favoriser la formation, atténuer les risques liés au franc fort, toutes choses constituant un travail collectif qui ne se fera pas à la faveur de quelques récriminations d'un soir. Merci de votre attention.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, les grands esprits se rencontrent parfois ! Puisque mon collègue Maudet a évoqué le manque d'ingénieurs en Suisse et la nécessité d'importer de la main-d'oeuvre, je souhaite signaler que le comité gouvernemental de la HES-SO que je préside depuis quelque temps a décidé, lors de sa séance de jeudi dernier, d'ouvrir une nouvelle filière bachelor d'ingénierie justement pour répondre aux besoins de l'industrie, de la pharma, et ainsi éviter l'importation de personnel étranger. Elle sera mise en place dès 2018, sauf erreur à la HE Arc et dans les établissements du canton de Vaud.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous avons été saisis d'une demande de renvoi de cet objet à la commission de l'économie, que je mets aux voix; en cas de refus, Mesdames et Messieurs, je vous demanderai de vous prononcer sur sa prise en considération.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2433 à la commission de l'économie est rejeté par 56 non contre 35 oui.
Mise aux voix, la motion 2433 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 72 oui contre 9 non et 13 abstentions.
Débat
Le président. Nous passons à la M 2401, qui est une motion de commission et, à ce titre, n'a pas fait l'objet d'un renvoi en commission sans débat. Cet objet est classé en catégorie II, trente minutes. Monsieur Sormanni, vous avez la parole.
M. Daniel Sormanni (MCG). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission de contrôle de gestion a examiné le problème des hospitalisations sociales suite à l'intervention du député Eric Stauffer, membre de cette commission à l'époque. Suite à diverses auditions du département, la commission est arrivée à la conclusion qu'il fallait... (Brouhaha.)
Le président. Une petite seconde, Monsieur le député ! S'il vous plaît, un peu de silence ! M. Sormanni a une voix assez forte, mais je l'entends à peine. (Rires.) Merci !
M. Daniel Sormanni. Pourtant je fais l'effort de parler fort !
Le président. Allez-y !
M. Daniel Sormanni. La commission, après avoir entendu les services concernés et la conseillère d'Etat, a décidé de donner un signal au gouvernement, d'ailleurs à sa demande, pour dire qu'il faut maintenant entreprendre des démarches, créer de nouvelles places et ouvrir de nouvelles structures afin d'éviter ces hospitalisations aux HUG, car il y a un manque de places dans ce domaine. C'est la raison pour laquelle la commission, à l'unanimité, vous invite à soutenir cette motion de commission et à la renvoyer directement au gouvernement pour qu'il nous fasse des propositions de nouvelles places afin d'éviter ces hospitalisations sociales qui n'ont pas de sens dans ce canton.
Ce qui devrait vraiment être l'exception est en fait assez variable: il y a des années et des mois avec un certain nombre d'hospitalisations sociales parce qu'il n'y a pas de places disponibles, mais à un certain moment, ces personnes peuvent rentrer chez elles. Cela dit, le manque de places est avéré et on attend un signe du gouvernement, un projet de sa part; c'est la raison de l'unanimité de la commission sur ce sujet. Nous demandons au gouvernement de faire le nécessaire afin d'éviter ces difficultés à l'avenir et nous l'en remercions par avance. C'est la raison pour laquelle je vous invite à directement renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
M. Christo Ivanov (UDC). En effet, cette motion a été votée à l'unanimité de la commission de contrôle de gestion. Ses deux invites sont extrêmement simples. La première invite demande de mettre en place toute mesure permettant d'éviter les hospitalisations sociales; elle développe un certain nombre de points. La seconde invite demande d'élaborer des solutions spécifiques et adaptées permettant l'accueil de requérants d'asile mineurs et non accompagnés en coordination avec l'Hospice général et le DEAS afin de conserver aux foyers d'accueil leur rôle initial. Il convient donc d'accepter cette motion et de la voter sur le siège.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste vous invite aussi, bien évidemment, à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, mais nous voudrions quand même préciser qu'il s'agit d'une proposition de motion qui a non seulement été étudiée, mais qui a surtout été travaillée par la commission de contrôle de gestion: c'est sa motion, avec son exposé des motifs. Ce texte répond à un souci du département de l'instruction publique; il répond aussi à l'évaluation de la Cour des comptes sur le manque de lieux de placement. On peut saluer la belle unanimité de la commission et le travail collectif motivé par la défense de l'intérêt des enfants. Effectivement, quand les enfants bénéficieraient d'un développement bien meilleur dans un foyer ou une famille d'accueil, ou encore avec un accompagnement dans leur famille d'origine, ils n'ont pas à être à l'hôpital et on doit pouvoir favoriser ces mesures. Il faut se rappeler que nous avons mené ce travail d'écoute de l'ensemble des partenaires d'abord dans l'intérêt des enfants et des mineurs non accompagnés. Nous ne pouvons donc que saluer ce travail. Les mesures indiquées sont des voies d'appui au travail qui se fait déjà au département de l'instruction publique notamment, raison pour laquelle nous vous invitons à accepter et à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
M. Charles Selleger (PLR). Vous apprendrez sans étonnement, puisque c'est une motion de commission, que le PLR soutient pleinement ce texte. L'hospitalisation sociale des enfants est non seulement un non-sens social, mais c'est également un non-sens économique. C'est un non-sens social parce que les HUG ne sont pas destinés à accueillir des enfants non malades. Je vous rappelle que les hospitalisations sociales de personnes âgées en perte d'autonomie concernent des individus malades. Même si ce n'est pas idéal pour ces personnes, les HUG sont quand même habilités à s'en occuper. Là, il s'agit d'enfants qui ne sont pas malades, ils n'ont absolument rien à faire dans une structure hospitalière !
C'est également un non-sens économique, parce que la journée d'hôpital coûte beaucoup plus cher qu'une journée dans un cadre qui serait fait pour eux, par exemple les familles d'accueil. Ainsi, pour des raisons sociales - de bon sens social - et pour des raisons économiques, le PLR vous engage à soutenir cette motion et à la renvoyer au Conseil d'Etat.
Mme Frédérique Perler (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, bien évidemment, le groupe des Verts félicite la commission de contrôle de gestion et accueille très favorablement ce texte et ses invites. Plusieurs choses ont été relevées, j'aimerais insister sur un point: l'hôpital n'est pas un lieu de vie, cela a été mentionné. Un placement en milieu hospitalier n'est pas optimal - je dirai même qu'il est désastreux ! Au-delà des coûts que ce type d'hospitalisation entraîne, j'aimerais relever qu'un enfant placé dans cette situation subit deux chocs qui ne sont pas anodins: le premier consiste à être séparé de ses parents; le deuxième, à se retrouver dans un milieu médicalisé alors qu'il n'est pas malade, comme cela a été relevé par le PLR. Il est donc extrêmement urgent que le Conseil d'Etat se préoccupe de cette question, qu'il trouve et libère des places d'accueil pour ces enfants qui ont besoin d'être placés temporairement hors de leur milieu familial. Nous renverrons donc directement ce texte au Conseil d'Etat.
M. Olivier Baud (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, Ensemble à Gauche salue l'initiative de la commission sociale qui a proposé cette motion.
Des voix. La commission de contrôle de gestion !
M. Olivier Baud. Excusez-moi, j'ai été induit en erreur ! C'est la commission de contrôle de gestion. Ce n'est pas très important, d'autant plus qu'une question écrite urgente avait été déposée sur cette thématique, il y a moins d'une année, en janvier 2017. Vous vous en souvenez peut-être, notre groupe avait été alerté sur le fait qu'il y avait des hospitalisations sociales réellement incohérentes et indéfendables. Il existait notamment le cas d'un élève de 13 ans qui avait des besoins éducatifs particuliers et qui était hospitalisé au service d'orthopédie faute de place dans un foyer d'urgence. A l'évidence, ce service n'était pas du tout outillé pour répondre aux besoins éducatifs et aux besoins d'encadrement de ce jeune ! A l'époque, le département ou le Conseil d'Etat avait répondu qu'il prendrait certaines mesures qui apporteraient une bouffée d'oxygène. Nous avions pris cette réponse comme une promesse et nous voulions voir la suite. Visiblement, cette bouffée d'oxygène était insuffisante puisque la commission de contrôle de gestion - cette fois, c'est juste ! - a déposé cette proposition de motion. Mesdames et Messieurs les députés, vu qu'une belle unanimité semble se dégager aujourd'hui, renvoyons directement cette motion au Conseil d'Etat: peut-être que les besoins de ces enfants ou de ces jeunes seront enfin pris en considération !
Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Monsieur le président, je souhaiterais revenir sur les conclusions de cette motion, où il est dit que tout enfant doit pouvoir se développer dans un environnement stable, avec des personnes de référence, que ce soit dans une famille d'accueil, en foyer ou par le biais d'un retour dans sa famille d'origine, lorsque c'est possible. Moi, j'aimerais insister pour que les enfants, le plus possible, restent dans leur famille d'origine ! Et que les éducateurs, les soignants ou toute personne ayant la compétence de s'en occuper se déplacent et restent avec la famille ! Ce genre de jeu de ping-pong me paraît tout à fait inadéquat, pour en avoir parlé avec un professeur de pédiatrie. Une centaine d'enfants ou plus par année, parfois très petits, restent là et on ne sait pas quoi en faire ! Après, c'est l'IMAD aussi qui refuse les urgences sociales. Tout le monde va les refuser, finalement ! Le fait est que le SPMI prend des décisions, à un moment donné, sans se préoccuper des solutions qui seront trouvées. C'est trop facile, et je l'ai souvent remis en cause. Je pense que le mieux est de déplacer les professionnels au sein des familles plutôt que d'évacuer les enfants. Pour avoir une bonne connaissance de cela, je peux dire qu'il vaut mieux une famille un peu déstructurée, mais dans laquelle l'enfant puisse rester. Etre placé est la pire des choses qui puisse arriver à un enfant; c'est une situation de rupture - et de rupture grave - qui se répercutera ensuite sur toute sa vie.
M. Bertrand Buchs (PDC). Monsieur le président, la commission de contrôle de gestion a découvert cette question des hospitalisations sociales et elle s'est rendu compte qu'il y avait des enfants qui restaient plusieurs semaines voire plusieurs mois à l'hôpital parce qu'il n'y avait pas de structure d'accueil. «Hospitalisation» ne veut strictement rien dire ici puisqu'on n'hospitalise personne: il s'agit plutôt d'urgences sociales. Je crois qu'il ne s'agit pas de renvoyer la balle à quelqu'un, mais l'Etat doit développer des places pour ces enfants. Or, développer des places implique des moyens supplémentaires, de l'argent en plus, et il ne s'agit pas de places qu'on va créer en cinq minutes, parce qu'il faut aussi un encadrement pour ces enfants, un encadrement pointu. C'est donc une question globale, et il faut en parler, parce que c'est vraiment un problème douloureux.
Concernant les familles d'accueil, je vous rappelle qu'on en manque à Genève: chaque année, l'Etat demande à des gens de se proposer comme famille d'accueil, mais il n'y a pas grand monde pour le faire. Je vous encourage à réfléchir si vous-même pourriez accueillir un de ces enfants ! C'est pour ça aussi qu'on les met à l'hôpital, parce qu'il s'agit d'urgences - des urgences sociales - pour lesquelles on n'a pas le choix. Ces urgences surviennent parfois au milieu de la nuit, quand il y a une mise en danger de l'enfant; ce ne sont pas des décisions prises depuis plusieurs mois: souvent, il y a danger et l'enfant doit être retiré aux parents et emmené quelque part, on ne peut pas le laisser dans la rue, il faut l'emmener quelque part et le réflexe est de l'amener à l'hôpital des enfants parce que c'est un lieu où on peut accueillir les enfants sans faire de différence.
A la commission de contrôle de gestion, nous avons travaillé sur cette question douloureuse: c'était passionnant d'entendre tous les intervenants et nous soutenons maintenant le Conseil d'Etat pour qu'il trouve des solutions pour ces enfants. L'hôpital n'est pas une solution, tout le monde l'a compris et tout le monde l'admet.
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à Mme Schneider Hausser pour une minute quinze.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président. Je voulais revenir sur les propos de Mme Engelberts. Je crois qu'il ne faut pas opposer les situations. Le service de la protection des mineurs est vraiment très prudent quant au retrait des enfants de leur famille d'origine. C'est quelque chose qui est évalué très sérieusement: quand on retire un enfant de sa famille d'origine, c'est qu'il y a un vrai problème, dans la relation de l'enfant à la famille ou par rapport à autre chose. L'hôpital n'est pas le lieu idéal, il y a effectivement des foyers quand l'enfant doit, pour son développement, être retiré de sa famille pendant une certaine période; il y a les familles d'accueil et aussi le service éducatif itinérant qui peut se rendre à domicile, dans les familles, pour travailler avec elles et avec les enfants. Il est sûr qu'il faut privilégier ça. On a déjà ce service et je pense qu'il faudra l'intensifier à l'avenir, ce qui n'exclut pas les lieux comme les foyers d'accueil sur le moyen et long terme pour des placements à 100% hors de la famille pendant certaines périodes.
Mme Danièle Magnin (MCG). Je m'inscris en faux contre ce que vient de dire ma préopinante: j'ai vu de nombreux cas où on enlève des enfants à leurs familles sur la base d'avis farfelus ou d'incompréhensions entre diverses personnes. On ignore même des troubles qui peuvent affecter un enfant, et ce n'est pas M. Falquet qui me contredira - mais il n'entend pas ce que je dis, visiblement. Dans de nombreux cas, j'ai vu des enfants retirés à leur famille alors que d'autres solutions étaient possibles, notamment des accompagnements. Dans d'autres cas où ç'aurait été vraiment mieux de faire en sorte de les protéger un peu plus, ça n'a pas été le cas. Franchement, il y a mieux à faire: il faudrait donner des directives un peu différentes au service de la protection des mineurs. Depuis que le tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant est composé différemment, les choses vont mieux; on a des décisions un peu moins aberrantes, mais il en existe et elles ne sont pas peu nombreuses ! Ça provoque des drames épouvantables dans les familles et je crois qu'il ne sert à rien de minimiser ça et de se cacher derrière son petit doigt !
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Je voulais intervenir sur deux points. D'abord, pour dire que j'ai plutôt l'impression que le SPMI est systématiquement très prudent dans ses placements. On lui a reproché il y a quelques années de n'avoir pas été plus proactif et c'est la raison pour laquelle, aujourd'hui, le principe de précaution s'applique. Quand un enfant est en danger, il faut en effet le protéger.
Ensuite, on a beaucoup parlé des familles d'accueil et de la nécessité d'en trouver davantage, mais ces familles d'accueil ont certainement besoin de plus de soutien de la part de l'Etat. C'est en effet très lourd d'accueillir un enfant, un enfant qui grandit, un adolescent qui peut avoir un certain nombre de problèmes. Ces familles ont souvent besoin qu'on les aide, qu'on leur propose des moments pendant lesquels elles peuvent souffler et penser à autre chose. Peut-être qu'il faut même un soutien financier un peu plus conséquent ? D'autres cantons ont mis en place des systèmes un peu plus avancés qu'il faudrait peut-être mieux étudier si l'on veut se donner la possibilité de trouver davantage de familles d'accueil. C'est en effet extrêmement lourd pour certaines de ces familles de s'occuper d'enfants de ce type.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il faut remettre l'église au milieu du village. Bien sûr, il y a probablement quelque chose à dire sur le fonctionnement du SPMI, mais ce n'est pas le propos de la commission de contrôle de gestion ici ! Elle parle d'autre chose, elle parle de la situation dans laquelle on s'est retrouvé, avec une cinquantaine d'enfants à l'hôpital parce qu'il n'y avait pas de places ailleurs. On ne savait pas où les mettre, on ne savait pas où ils pouvaient être pris en charge. Il y en a de tout petits, des enfants de moins de 2 ans ! Je crois que ce n'est pas l'endroit qu'il faut pour eux.
Cela a été évoqué tout à l'heure, c'est aussi une problématique économique: l'hôpital coûte un certain prix ! Il s'agit de milliers de francs par jour dont 900 F sont facturés au département. Il y a donc quelque chose qui doit être réglé aussi à ce niveau-là ! D'abord, il faut faire en sorte d'avoir suffisamment de places pour accueillir, quand c'est nécessaire, ces enfants qui sont en difficulté sociale. Ensuite, pour la politique du SPMI, on va laisser la commission sociale s'en occuper et voir si elle trouve qu'il y a des dysfonctionnements - peut-être ou certainement ! J'ai aussi pu en connaître, il y a dix ou quinze ans, mais je crois qu'il s'agit de deux choses différentes. Aujourd'hui, on est placé devant le fait qu'en 2015, il y a eu 3419 journées à l'hôpital - c'est dans le rapport. Je crois qu'il n'est pas logique de fonctionner ainsi. A partir du moment où on a un certain nombre d'indicateurs, il y a des services pour s'occuper de ces problématiques. Effectivement, ce n'est pas facile de séparer des enfants de leur famille, mais c'est quand même parfois nécessaire, voire salutaire. Il faut donc qu'on puisse au moins assurer cette mission. Or, aujourd'hui, il y a un manque de places. Eh bien, il faut y remédier, on attend les propositions du Conseil d'Etat de pied ferme et on les votera avec plaisir !
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Olivier Baud pour une minute dix.
M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, le titre de la proposition de motion est assez explicite: «pour que les hospitalisations sociales cessent !» Elles n'ont aucune raison d'exister. On ne veut pas les diminuer, on veut les éradiquer ! Ce qui manque, ce sont simplement des moyens et des postes. Il n'est pas question ici de fustiger le SPMI ou un autre organisme social qui ne ferait pas son travail; non, ce n'est pas du tout la question, c'est seulement que ces organismes n'ont pas les moyens nécessaires. Bien entendu, avec la commission de contrôle de gestion, ici c'est plutôt la préoccupation économique qui prédomine, mais il y a quand même une dimension sociale qui est très importante et que personne n'évacue. Il faut donc que ces hospitalisations sociales cessent ! C'est juste la proposition de la motion. On a les moyens de le faire, on peut le faire. Il est temps que le Conseil d'Etat prenne les mesures qui s'imposent ! (Applaudissements.)
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, au nom du Conseil d'Etat, j'aimerais tout d'abord vous remercier de nous transmettre cette motion, parce que le sujet des hospitalisations sociales préoccupe non seulement mon département mais aussi l'ensemble du gouvernement. Je vous donnerai quelques informations préalables, en rectifiant déjà une chose, Madame Magnin: il est important de savoir que le SPMI ne place pas les enfants, en réalité; en cas d'urgence, il peut, avec ce qu'on appelle la clause péril, prendre une décision d'urgence. Toutefois, dans les jours qui suivent, cette décision doit être confirmée ou infirmée par le tribunal. Il faut quand même rappeler ce qui est et ne pas charger le SPMI de tous les maux de la terre. (Commentaires.) J'aimerais dire également que, par tous les moyens, on essaie d'éviter les placements, parce que cette mesure est vraiment la dernière des solutions. Malheureusement, parfois il n'y a pas d'autre possibilité.
Je vais aussi vous expliquer ce qu'on appelle une hospitalisation sociale, il y en a plusieurs types. Il y a celle qui amène à l'hôpital le plus souvent un enfant, voire un bébé, lorsqu'il est véritablement en danger. Les derniers chiffres indiquent que cela concerne à peu près 42% ou 43% des placements de bébés ou d'enfants à l'hôpital. Dans ces cas-là, il y a donc véritablement un danger, un danger pour l'intégrité corporelle, l'intégrité physique et psychique, qui fait qu'il faut recourir au placement. Dans certains cas, c'est tout simplement la maman, souvent une mère qui vit seule, qui est hospitalisée pour des raisons de santé et il n'y a personne dans le réseau primaire, comme on l'appelle, autour de cette mère, pour s'occuper de son enfant. De fait, cet enfant va accompagner pendant quelques jours ou quelque temps sa maman à l'hôpital. Dans d'autres situations, c'est à la naissance d'un bébé que la maternité se rend compte que les parents n'auront peut-être pas la capacité de prendre en charge cet enfant et qu'il faut trouver une solution d'urgence. Dans d'autres cas, une situation peut être découverte par les HUG à la suite de l'hospitalisation d'un enfant pour des raisons physiques, somatiques. Par exemple, on découvre une maltraitance et l'enfant va devoir rester hospitalisé plus longtemps que prévu.
Pourquoi ces hospitalisations sociales ont-elles augmenté de manière importante ces dernières années ? Premièrement, je crois qu'il faut dire qu'on doit rattraper un certain retard. Depuis des années, à part l'assistance éducative en milieu ouvert développée sous l'ancienne législature, aucune place de foyer n'avait été créée récemment. Or, la population augmente et, de surcroît, les problématiques sociales et éducatives augmentent également. Ce n'est donc pas étonnant qu'on se retrouve, à un moment donné, face à un engorgement du système. Autre phénomène, l'arrivée assez brutale, en 2015, de requérants d'asile mineurs non accompagnés. (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, un peu moins de bruit !
Mme Anne Emery-Torracinta. Vous le savez peut-être, si ces mineurs sont pris en charge par le département de mon collègue Mauro Poggia et par l'Hospice général, ce n'est pas le cas pour les plus fragiles d'entre eux, pour les moins de quinze ans ou ceux qui ont une fragilité particulière. Je pense à une jeune femme afghane de 17 ans arrivée il y a quelque temps, enceinte, qui a accouché ici: où voulez-vous que cette femme aille après cela ? On ne va pas la mettre au foyer de l'Etoile ! Dans ce genre de situation et pour les petits, c'est le DIP qui s'occupe de la prise en charge de ces mineurs dans les foyers d'éducation spécialisée - qui ne sont d'ailleurs pas adéquats pour ces jeunes-là. Faute de meilleure solution, ils sont mis là et, forcément, ça engorge un système déjà saturé.
Cela dit, le Conseil d'Etat n'est pas resté inactif et, si j'ai alerté à plusieurs reprises mes collègues, si j'ai aussi été interpellée par la commission de contrôle de gestion, j'ai dit que je m'attelais à cette tâche et j'ai aussi dit que la tâche était importante. J'aimerais toutefois vous dire ce que nous avons fait depuis le début de la législature. En 2016, nous avons développé un dispositif d'assistance éducative en milieu ouvert pour la petite enfance, pour les tout-petits, spécialisé dans les bébés et les moins de 4 ou 5 ans. Je n'ai malheureusement pas les chiffres pour 2017 puisque cette proposition de motion est traitée en urgence - je n'ai pas eu le temps d'aller les chercher. Le dispositif a été mis en fonction en avril 2016 et onze enfants ont été pris en charge de cette manière. Cela a permis à six d'entre eux de rester dans leur famille, donc d'éviter un placement, comme certains d'entre vous le souhaitent à juste titre. Trois enfants ont pu quitter par ce biais une hospitalisation sociale et deux ont pu quitter un foyer. Vous le voyez, ce sont des mesures efficaces et qui permettent de limiter les placements.
Nous avons également renforcé les moyens financiers alloués à l'assistance éducative en milieu ouvert de manière générale, pour éviter ces placements. C'était inscrit au budget 2017. Lors du vote du budget 2017, vous avez accepté la création d'un foyer avec huit places d'urgence pour les 5 à 18 ans. Ça devrait donc petit à petit porter ses fruits et permettre d'éviter certains placements. Enfin, dans le budget 2018, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous propose la création d'un foyer d'urgence de huit places pour les petits de 0 à 5 ans, toujours pour limiter ces fameuses hospitalisations sociales. Je dois toutefois être honnête avec vous, les besoins sont tels que le rattrapage sera long: on ne peut pas non plus ouvrir dix foyers d'un coup ! Il faut trouver les locaux et le personnel, il faut former ce personnel, etc. Ça va donc prendre quelques années, mais nous avons besoin que vous votiez ce budget. Ne serait-ce que pour cette raison-là, nous attendons avec le Conseil d'Etat l'unanimité du parlement sur le budget 2018 !
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. La parole est à M. le conseiller d'Etat Maudet. (Remarque.) Non ? Vous ne prenez pas la parole, très bien ! Nous allons donc voter sur cette motion.
Mise aux voix, la motion 2401 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 90 oui (unanimité des votants).
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de votre travail et vous souhaite une excellente rentrée. Nous nous retrouvons demain à 14h.
La séance est levée à 22h45.