République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 12 octobre 2017 à 17h
1re législature - 4e année - 7e session - 36e séance
PL 11602-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Nous abordons maintenant le PL 11602-A et la M 2184-C en catégorie II, quarante minutes. Monsieur Conne, je vous laisse la parole.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, ce projet de loi propose une modification de la loi sur la santé en introduisant la gratuité des tests de dépistage VIH au sein des Hôpitaux universitaires de Genève et des entités subventionnées concernées. Monsieur le président, la question qui se pose aujourd'hui est en fait celle de savoir où nous en sommes de l'épidémie du VIH et, en fonction de cette évolution, quelles sont les mesures à prendre qui permettraient de mieux maîtriser l'évolution de cette épidémie. Il faut rappeler que le terme «dépistage» est peut-être impropre ici, parce qu'en réalité il s'agit de diagnostiquer une maladie qui est incurable. En effet, lorsque vous êtes dépisté positif, vous devez prendre un traitement à vie, qui comporte des effets secondaires et qui coûte en Suisse 25 000 F par an. Vous voyez donc bien, Monsieur le président, chers collègues, que dépister des personnes et mettre l'accent sur le dépistage sans se demander comment prévenir de nouvelles contaminations, c'est passer à côté de la cible sur laquelle nous devons mettre la priorité.
En effet, nous avons remarqué depuis quelques années que l'épidémie est généralement contrôlée, que le taux de dépistage a largement augmenté - il se situe aujourd'hui en Suisse au-dessus de 90%, au même niveau que celui des personnes traitées - mais qu'en revanche une certaine partie de la population montre qu'il y a de nouveaux cas de séropositivité au VIH qui apparaissent. Or cette population est directement concernée par des comportements induisant un risque de contamination par le VIH. Pourquoi ? Parce que ces dernières années, les traitements ont permis de contenir l'évolution de la maladie et que cette bonne nouvelle a eu pour effet - toutes les études le montrent - que les comportements sécuritaires et de prévention se sont relâchés. Alors concrètement, toutes les études, de même que les auditions que nous avons menées, indiquent qu'il faut aujourd'hui mettre l'accent sur la prévention dans le cadre de la population des hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes. Je le répète, toutes les études le montrent. Récemment, une étude réalisée en France a mis en lumière que cette population avait effectivement abandonné les comportements préventifs et associait également ces conduites à l'utilisation de produits psycho-actifs visant à augmenter les sensations attendues dans ces moments-là, or ces substances ont des effets désinhibants et amnésiants qui font que tout comportement préventif n'est plus possible.
Nous sommes donc aujourd'hui dans une situation où nous avons effectivement perdu, dans une certaine mesure, la maîtrise de l'évolution de l'infection et où il est urgent de remettre l'accent sur la prévention ciblée au sein d'un groupe à risque que sont les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes. Alors comment faire ? (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Introduire simplement le dépistage systématique généralisé ne va pas apporter une solution là où elle doit l'être; la seule manière de pouvoir réellement intervenir, c'est de soutenir ce que font très bien les associations, c'est-à-dire être présent dans les endroits où ces rencontres ont lieu, renforcer les messages de prévention dans ce cadre, et vraisemblablement aussi, lorsque des comportements à risque se sont produits, faire un dépistage précoce et associer à celui-ci l'introduction d'un traitement post-contamination pour toutes les personnes qui ont été concernées.
Le président. Vous prenez sur le temps de votre groupe, Monsieur le député.
M. Pierre Conne. Donc si l'on veut demain cibler cette population, nous devons agir non seulement du point de vue médical, mais également du point de vue social, pour pouvoir en même temps diagnostiquer et traiter ces personnes à risque. Je vous remercie.
M. Christian Frey (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, la motion 2184 a été déposée en janvier 2014 munie de 34 signatures provenant de tous les bords politiques. Elle a été renvoyée au Conseil d'Etat le 23 janvier 2014, puis le rapport du Conseil d'Etat à son sujet a été refusé par la plénière du Grand Conseil à une large majorité. Suite à ce rejet et à un nouveau rapport du Conseil d'Etat, qui persistait dans son refus d'entrer en matière sur la motion 2184, les mêmes signataires ont formulé un projet de loi, le PL 11602, qui reprend à peu de choses près la même argumentation.
Le travail de la commission de la santé concernant la gratuité du test VIH a démontré que l'introduction de cette mesure était indispensable pour les raisons suivantes. Premièrement, l'épidémie du sida n'est pas du tout terminée, même si les trithérapies permettent une prolongation importante de l'espérance de vie pour les personnes atteintes. Ensuite, le nombre de nouvelles situations, qu'on a dit en diminution - en tout cas celles détectées aux HUG - est à nouveau en hausse depuis 2014, c'est ce qu'affirme la professeure Calmy, spécialiste du domaine. Or Genève, qui a signé en 2014 le pacte AIDS-Free City avec Paris et Londres, se doit de fournir au moins les prestations qu'offrent l'ensemble des pays européens qui l'entourent. A ce propos, Mesdames et Messieurs les députés, 101 pays offrent la gratuité du test VIH, ainsi que tous les pays qui nous entourent et qui ont une frontière commune avec nous. Il s'agit d'intervenir non seulement sur les populations à risque, qui sont toujours mentionnées comme étant les migrants ou les HSH - c'est-à-dire les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, le rapporteur de majorité l'a indiqué - mais également sur l'ensemble de la population, si on veut atteindre l'objectif d'ONUSIDA qui consiste à ce qu'il n'y ait plus de nouvelles infections en 2030. Les jeunes sont particulièrement et de plus en plus exposés à des comportements à risque occasionnels lors de moments festifs: pensez à la Lake Parade et à la consommation de produits pendant ce genre de manifestations. La gratuité et la confidentialité sont particulièrement importantes pour ces jeunes. Avant, quand la gratuité existait pour les moins de 18 ans, il y avait beaucoup plus de jeunes qui allaient se faire dépister au moyen du test VIH. Or depuis que c'est payant, leur nombre a diminué.
D'autre part, nous avons reçu - et je ne peux pas résister à l'envie de vous en parler - un communiqué de presse des HUG daté du 24 mai et intitulé «Journée de dépistage gratuit du VIH». Il y est d'abord dit que des tests anonymes, rapides et gratuits sont une bonne chose, qu'«environ 20 000 personnes vivent avec le VIH en Suisse» - je cite - et que «plus de 500 nouveaux diagnostics d'infection par le VIH sont recensés chaque année dans notre pays». Il y est ensuite question des objectifs d'ONUSIDA, qui visent à contrôler l'épidémie de sida, puis on peut lire - je cite toujours: «C'est dans ce cadre que les HUG et leurs partenaires ont décidé d'élargir le dépistage lors d'une journée coup de poing. Les HUG réalisent tout au long de l'année des tests de dépistage anonymes. Toutefois, non remboursés par les caisses d'assurance-maladie, le coût de ces tests, 55 CHF pour les adultes et 25 CHF pour les mineurs, est parfois rédhibitoire.» (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) C'est exactement ce que nous, la minorité, sommes en train de dire ! «Cette journée de dépistage gratuit permettra ainsi de toucher un plus large public et d'inciter des personnes parfois réticentes à faire le test.» Mais c'est exactement l'objectif de la motion et du projet de loi, Mesdames et Messieurs !
Le président. Vous prenez sur le temps de votre groupe, Monsieur le député.
M. Christian Frey. Je terminerai rapidement, en prenant un peu de temps sur celui de mon groupe, en vous disant qu'il ne suffit pas de réaliser le test une fois dans sa vie. Une personne sexuellement active doit le passer trois, quatre, cinq fois ou plus, chaque fois que c'est nécessaire. Selon le Checkpoint, les hommes qui ont du sexe avec des hommes le passent en moyenne quatre fois dans leur vie, les hommes hétérosexuels 1,5 fois et les femmes hétérosexuelles 1,4 fois. Ce n'est pas assez ! Le dépistage est une question non pas de responsabilité individuelle, mais de santé publique.
J'aimerais encore dire une dernière chose avant de conclure: des associations comme le Groupe sida Genève ou PVA - personnes vivant avec - nous ont dit que le test était important, mais que ce n'était pas une priorité pour elles. Or pourquoi ont-elles dit cela, Mesdames et Messieurs ? Eh bien l'association PVA avait reçu quelques semaines avant son audition une missive lui annonçant que sa subvention allait être diminuée de 50%. Alors si elles ont un pistolet sur la tempe, il n'est pas étonnant que ces associations, qui ont l'impression qu'on va leur enlever quelque chose pour le mettre dans ce test gratuit, ne se prononcent pas en faveur de ce projet !
Pour toutes les raisons évoquées, Mesdames et Messieurs les députés, la minorité vous demande d'accepter avec détermination et enthousiasme le projet de loi accordant la gratuité du test VIH aux HUG et dans les entités subventionnées concernées. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien votera contre ce projet de loi et prendra acte du rapport M 2184-C. Pourquoi allons-nous voter contre ? Eh bien je vous pose une question: est-ce que la gratuité va permettre d'augmenter le nombre de cas de sida dépistés ? Toutes les études ont montré que non. Il peut être intéressant au début d'une épidémie, quand on ne sait pas ce qui se passe, d'instaurer la gratuité et de procéder à un dépistage massif d'une population, mais après on connaît très bien quels sont les comportements à risque, quelles sont les personnes à risque, et c'est là qu'il faut intervenir, comme l'a très bien dit le rapporteur de majorité. C'est auprès des personnes ayant des comportements à risque qu'il faut faire de la prévention et de l'information, c'est là qu'il faut investir de l'argent. Du reste, en Suisse on a quand même fait énormément de campagnes sur le sida: il y a eu des campagnes coups de poing à la radio et à la télévision qui étaient extrêmement bien faites et que beaucoup d'autres pays du monde nous ont enviées. On a parfois osé être dérangeant dans les affiches pour que les gens soient attirés et se disent qu'ils doivent faire attention lorsqu'ils ont des comportements à risque. Mais en garantissant la gratuité des tests de dépistage, vous ne changerez pas les choses, vous ne ferez pas plus de diagnostics, c'est une fausse idée de penser que ça va résoudre un quelconque problème.
Par ailleurs, il y a également un élément qui n'a pas été évoqué. Certes, vous voulez offrir la gratuité pour les tests de dépistage du sida, mais alors pourquoi ne faites-vous pas la même chose pour les hépatites ? Pourquoi ne le faites-vous pas pour d'autres maladies sexuellement transmissibles ? Pourquoi acceptez-vous cette mesure pour une maladie et pas pour d'autres ? Sachez qu'actuellement il y a plus de personnes souffrant de l'hépatite C que de personnes porteuses du sida, alors pourquoi s'arrêter au sida et ne pas offrir la gratuité pour toutes les maladies ? Et là ça a un coût, un coût qu'il faut discuter. Mais dire qu'on va le faire ponctuellement pour une maladie, ce n'est pas juste par rapport aux autres risques que l'on peut courir, d'autant qu'on sait que par des méthodes ciblées on obtient beaucoup plus de résultats, je le vois comme médecin. En effet, s'agissant de dépister tout le monde, d'abord il faut demander la permission aux patients, car on ne peut pas le faire contre leur avis, mais même si on pratique le test sur tout le monde, on n'aura pas plus de diagnostics que si on fait une bonne anamnèse et qu'on prescrit aux personnes pour lesquelles on sait qu'il y a un risque de faire le test. Ça, ça marche beaucoup mieux que de dépister tout le monde !
Enfin, il existe beaucoup d'endroits où on peut faire le test gratuitement. Il faut savoir qu'à la consultation pour les migrants, le test est gratuit, et qu'il l'est également pour les gens provenant de pays à risque. Par conséquent, il ne faut pas penser que le test est payé par tout le monde, ce n'est pas vrai ! Si vous avez un problème financier, vous pouvez trouver un endroit où pratiquer le test gratuitement, il n'y a donc pas besoin d'une loi dans un pays qui a compris comment on devait faire pour éradiquer cette maladie. Je vous remercie.
Mme Sarah Klopmann (Ve). La prévention est multifactorielle, cela a été rappelé plusieurs fois, mais ce n'est pas parce qu'elle est multifactorielle qu'il faut opposer la prévention plus ciblée à celle qui pourrait être induite par la gratuité du test. Cette gratuité offrirait surtout un accès facilité au test et aiderait les gens à faire cette démarche qui est quand même émotionnellement assez difficile. Il est trop facile de dire que les gens n'ont qu'à aller voir leur médecin et qu'il leur proposera un test s'il voit qu'ils sont à risque. En réalité, ce n'est pas de cela que parle le projet de loi en question ! Dans ce projet de loi, il s'agit justement de donner l'opportunité aux personnes qui ne font pas forcément la démarche d'aller consulter un médecin, parce qu'elles n'ont pas envie de parler de leurs pratiques éventuellement risquées, de se faire quand même tester. Si on demande aux gens d'aller uniquement voir leur médecin pour faire le test, parce que s'ils veulent par exemple obtenir un remboursement, ils doivent passer par ce dernier, eh bien ça implique qu'ils doivent raconter leur vie, expliquer leurs pratiques, faire ensuite le test, puis envoyer la facture à leur assurance pour un éventuel remboursement, sachant qu'il y a aussi la quote-part, la franchise, etc. Donc en réalité il n'y a plus l'anonymat, ni la gratuité du test, ce n'est pas vrai ! Cette gratuité permettrait pourtant simplement aux gens d'aller se faire dépister de manière simple et facile, ce qui augmenterait le nombre de tests effectués.
Par ailleurs, on peut effectivement se poser la question de savoir pourquoi on introduirait cette mesure uniquement pour le VIH et pas pour d'autres MST. Personnellement, je suis favorable à ce qu'on l'élargisse à toutes les MST ! Mais je n'ai pas envie que la personne qui explique qu'il ne faut pas instaurer la gratuité du test VIH parce que c'est trop cher nous dise maintenant que si le texte est refusé, c'est parce qu'on n'élargit pas la mesure aux autres MST ! Si vous voulez qu'on étende ce texte à toutes les MST, eh bien volontiers, mais donnez déjà un gage de bonne foi en votant celui-ci pour commencer ! Ce sera déjà pas mal. De plus, la démarche est certes difficile à faire pour certaines personnes, et on doit la faciliter, mais l'argent est également un frein, il ne faut pas l'oublier.
On a entendu des associations qui faisaient déjà un travail de prévention très ciblé et qui agissaient beaucoup dans ce domaine, ce qui est excellent, et nous voulons évidemment soutenir ce travail. C'est la raison de l'amendement des Verts, qui demande que la gratuité du test soit effectivement offerte au sein des établissements des HUG, mais pas des associations concernées pour le moment, parce que si les associations en question n'ont pas une augmentation de budget en lien avec cette nouvelle prestation, elles devront faire des choix, ce qui n'est pas souhaitable. Pourquoi pas à l'avenir prévoir une subvention adéquate allouée pour la gratuité des tests dans toutes les institutions oeuvrant dans la santé et le social ? Cela pourrait être une bonne chose, mais pour l'instant on ne parle malheureusement pas de cela. Nous voulons donc garantir que le test soit gratuit et surtout facile d'accès, ce qui n'est pas le cas tant que la gratuité du test n'est pas instaurée, il ne faut pas dire le contraire.
Enfin, vu qu'on doit aussi se prononcer sur le rapport du Conseil d'Etat concernant la motion, eh bien on va évidemment continuer à le refuser. En effet, je suis toujours un peu surprise, quand une motion est déposée et votée à une très très large majorité - si ce n'est à l'unanimité - que le Conseil d'Etat nous envoie un peu sur les roses en disant qu'il ne va rien faire, et que quand on lui renvoie à nouveau son rapport, il ait encore le culot de nous répéter qu'il ne va rien faire. Personnellement, ça me désespère un peu, et je continuerai donc à refuser ce rapport. Merci.
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Rielle pour deux minutes quatorze.
M. Jean-Charles Rielle (S). Merci, Monsieur le président. Je remercie mon collègue rapporteur de minorité qui a pour ainsi dire tout dit. Je me permettrai donc simplement d'ajouter un ou deux compléments.
Ce projet de loi me tient particulièrement à coeur. En effet, j'ai démarré ma carrière professionnelle médicale dans les années 80, aux HUG, chez le professeur Saurat, où nous participions à la prise en charge des premiers cas de personnes atteintes du sida. J'ai aussi pu bénéficier des compétences du professeur Bernard Hirschel, auquel je tiens à rendre un vibrant hommage.
Genève a toujours été le fer de lance de la lutte contre le sida, et les associations Groupe sida Genève, Première ligne, Dialogai, PVA, Boulevards - en y associant Aspasie et le Programme santé migrants des HUG qui, pour une partie de leurs activités, touchent également à ce domaine - ont accompli et accomplissent un travail exceptionnel.
La professeure Alexandra Calmy, responsable de l'unité VIH/sida aux HUG - et je lui fais entièrement confiance - est sans aucune restriction favorable à la gratuité du test. On estime que le coût de cette mesure est situé entre 200 000 F et 400 000 F. Le traitement d'une personne malade, je le rappelle, coûte 25 000 F par année et peut être évalué à 400 000 F pour toute une vie. Il suffirait donc qu'une ou deux personnes supplémentaires soient détectées grâce à l'introduction de la gratuité du test pour «rentabiliser» cette mesure. Et que dire si des personnes peuvent être détectées à temps et ainsi être rapidement soignées, se protéger et donc protéger les autres ?! Car détecter c'est aussi protéger les autres ! Les jeunes sont particulièrement exposés à des comportements à risque occasionnels lors de moments festifs, et ces derniers sont très sensibles tant à la gratuité qu'à la confidentialité du test VIH. Le dépistage est une affaire non pas de responsabilité individuelle, mais de santé publique. L'Etat doit intervenir pour atteindre les objectifs d'ONUSIDA pour 2030, c'est-à-dire avoir dépisté 90% des personnes infectées, avoir mis sous traitement 90% de ces personnes et avoir obtenu un traitement efficace chez 90% d'entre elles.
Pour toutes ces raisons, chères et chers collègues, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste vous demande d'accepter ce projet de loi accordant la gratuité du test VIH aux HUG.
M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, au départ le groupe MCG a soutenu l'idée de ce projet de loi et de cette motion, pensant qu'effectivement il y avait peut-être quelque chose à faire de bien dans ce domaine. Mais les auditions et les diverses personnes que nous avons entendues ne nous ont pas amené l'élément qui démontre la pertinence de ce projet de loi, c'est-à-dire la nécessité d'offrir la gratuité des tests HIV. En effet, on n'a pas réussi à nous démontrer qu'une personne en difficulté financière n'avait pas pu obtenir cette fameuse gratuité ou cette fameuse aide pour faire le test. Or c'est ça l'important, finalement ! Ce n'est pas de voir si on va offrir les 400 000 ou les x dizaines de milliers de tests qui sont pratiqués chaque année, mais de savoir s'il y a un seul test qui n'a pas été fait - et qui aurait dû l'être - parce que la gratuité n'avait pas pu être obtenue. C'est ça l'important ! Et en l'occurrence on n'a pas eu cet élément, on n'a pas eu cette preuve-là, parce que vous n'êtes pas capables de le prouver: aucune association ne nous a dit qu'effectivement des tas de gens n'allaient pas se faire tester pour des raisons financières. Certains ne le font pas probablement par gêne ou par honte, mais pas pour des questions financières ! Oui, c'est peut-être la honte qui les en empêche, mais la honte, malheureusement, on ne peut pas la réparer financièrement... Par conséquent, Mesdames et Messieurs, nous ne sommes pas du tout convaincus de la pertinence de ce projet de loi. De plus, comme vous le savez, le test coûte aujourd'hui entre 25 et 55 F, il est donc relativement abordable pour la plupart des gens, et pour ceux qui n'auraient pas les moyens de le faire, il existe beaucoup d'associations qui aident et qui permettent de se faire tester gratuitement. Sans oublier - et M. Frey l'a mentionné - qu'il y a également plusieurs journées par année où il est possible de faire un dépistage gratuit. Par ailleurs, on peut aussi se dire, comme l'a très bien relevé M. Buchs, que si on offre la gratuité pour le test HIV, on pourrait aussi le faire pour les autres MST, parce que finalement il n'y a pas que le HIV, il y a d'autres maladies vénériennes qui se transmettent, mais visiblement le sujet intéresse moins.
Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, nous n'allons pas soutenir ce projet de loi. En revanche, nous appuierons quand même l'amendement déposé par Mme Sarah Klopmann - qui voudrait cette gratuité uniquement au sein des Hôpitaux universitaires de Genève - afin d'évidemment minimiser cette gratuité en la restreignant aux HUG, vous l'aurez compris, si par hasard vous acceptez ce projet de loi. En effet, si ça doit se faire, c'est là-bas et pas ailleurs, pas dans les autres entités. Voilà pourquoi nous soutiendrons éventuellement l'amendement, mais nous ne voterons pas le projet de loi dans son ensemble. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Marc Falquet (UDC). C'est vrai que chacun a son opinion, et les médecins ont des avis opposés, c'est drôle ! M. Buchs a quand même expliqué que certaines catégories les plus défavorisées avaient déjà accès aux tests gratuits et, quoi qu'il en soit, c'est un test qui est très bon marché. Mais j'ai entendu une remarque très intéressante de la part de notre collègue Verte, qui a dit que certaines personnes n'allaient pas chez le médecin de peur de savoir, etc. Alors je suggère qu'on offre également la gratuité des séances chez le médecin pour inciter les gens à aller consulter ! C'est un peu la même chose... Si les gens ne vont pas se faire dépister, ce n'est pas parce que le test coûte 20 F, mais notamment parce qu'ils ne veulent pas savoir la vérité. C'est surtout ça, la question, ils ne veulent pas savoir ! Sinon ils iraient se faire dépister s'ils ont vraiment un comportement à risque. Il faut donc effectivement laisser aux gens cette liberté et cette responsabilité. Et je pense, comme le dit le docteur Buchs, que la gratuité n'apportera rien du tout dans ce cas-là, où le coût est déjà très modique, mis à part évidemment une augmentation de la dette du canton de Genève. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Riedweg pour deux minutes cinquante.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. Ce sera largement suffisant. La généralisation de la gratuité du dépistage du sida n'est pas une mesure efficace. En effet, le prix n'est pas un obstacle étant donné que plusieurs lieux permettent déjà de se faire dépister gratuitement à Genève auprès d'associations obtenant des subventions. Le canton met beaucoup en oeuvre pour soutenir les milieux qui luttent contre le VIH, soit 5 millions de francs par année. Toutes les associations actives dans le domaine offrent des tests gratuits notamment pour les homosexuels, les migrants et les toxicomanes. Il faut encore relever que le taux de positivité des tests réalisés auprès des populations à risque est faible, puisqu'il se situe à 0,5%. En outre, la gratuité demandée permettrait d'enrichir les compagnies d'assurance-maladie de 250 000 F, si l'on compte 5000 tests rapides de dépistage aux HUG à 55 F pour un adulte et 25 F pour un mineur. Enfin, à Genève, depuis cinq ans, moins de 80 cas sont découverts par année et, en 2015, on en a compté 50. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Selleger pour trois minutes quarante-deux.
M. Charles Selleger (PLR). Merci, Monsieur le président. On parle du prix du test et le projet de loi nous propose de le rendre gratuit, mais il ne sera jamais gratuit, le test ! Il faudra bien prendre l'argent quelque part, parce que les firmes pharmaceutiques qui produisent les tests et les laboratoires qui les effectuent ne travaillent pas gratuitement ! Il y a donc en réalité une erreur sémantique dans le titre de ce projet de loi: ce n'est pas pour rendre gratuit le test du sida, mais pour prendre l'argent du test dans la poche du contribuable plutôt que dans celle des personnes qui veulent se faire dépister.
Par ailleurs, on fait une deuxième erreur lorsqu'on dit que le test coûte 20 F. Oui, 20 F, c'est le prix facturé par les laboratoires, mais en fait, comme la caisse maladie prend en charge le test, la participation de la personne qui se fait dépister n'est plus que de 2 F. Alors vous me direz qu'il faut aussi tenir compte de la franchise; bien sûr, mais la franchise permet à celui qui l'utilise d'économiser de l'argent ! Et puis il y a également les frais de laboratoire, les frais fixes, qui peuvent faire monter le prix à 50 F dans le cas où on n'effectue que ce test, ce qui revient à 5 F pour celui qui veut se faire dépister. Il faut donc remettre l'église au milieu du village et reconnaître qu'en Suisse on a un système de santé qui bien heureusement prend en charge ce genre de test de dépistage.
Il faut également savoir, et on l'a dit avant moi, qu'en aucun cas le test n'est une mesure de protection; ce n'est pas une mesure préventive. Il a même un contre-effet en termes de prévention. En effet, si vous offrez le test à 1000 personnes, on va peut-être trouver deux personnes infectées, mais les 998 autres vont être faussement rassurées. Pourquoi faussement ? Parce que ce n'est pas parce qu'on est négatif un jour qu'on le sera le lendemain. Et surtout, on peut être dans une phase de séronégativité qui est faussement rassurante, parce qu'on est déjà infecté, déjà infectant, mais que la conversion sérologique n'a pas encore eu lieu. Pour toutes ces raisons, on ne peut pas parler d'un effet positif du dépistage HIV en termes de prévention.
Et je voudrais encore dire qu'il n'y a pas de raison de mettre l'accent, au niveau de la loi, sur cette prévention et ce test de dépistage plutôt que sur un test de dépistage de l'hépatite B, de l'hépatite C ou d'autres maladies qui peuvent s'avérer mortelles. Il appartient à l'Etat - et il le fait très bien - de décider, cas échéant, de lancer une campagne de gratuité. Il a été rappelé ici que cela avait été fait récemment aux HUG, et il existe aussi - certains l'ont dit tout à l'heure - d'autres moyens d'obtenir le test gratuitement pour ceux qui vraiment ne pourraient pas mettre 2 F de leur poche pour le payer.
En conclusion, comme le rapporteur de majorité l'a indiqué, le PLR ne soutiendra pas ce projet de loi et prendra acte du rapport concernant la motion. Je vous remercie.
M. Jean Batou (EAG). Chers collègues, je crois qu'on touche là à l'une des problématiques les plus importantes en matière de santé publique. En effet, s'agissant du VIH, les sociétés ont très bien réagi et ont pris un certain nombre de mesures, en comprenant que cette affection n'est pas seulement une affaire de responsabilité individuelle, mais bien une question politique et sociale, dans le sens où les campagnes de prévention, le fait de passer des tests, de prendre des précautions, toutes ces choses ont été induites par des politiques publiques. Alors quand on parle de cette mesure concernant la gratuité du test, dont le coût se situerait entre 200 000 F et 400 000 F et qui permettrait de détecter des personnes potentiellement infectées, eh bien je pense que le bon sens commande d'y souscrire, et pour une raison sur laquelle on n'insistera jamais assez, c'est qu'il ne s'agit pas seulement d'inciter la personne qui découvre sa séropositivité à se traiter, ce qu'elle fera, mais il y a aussi le fait qu'une fois traitée, cette personne ne transmettra plus la maladie; il y a donc un intérêt pour l'ensemble de la société à ce que les personnes infectées puissent connaître leur séropositivité et ainsi se faire traiter. Je crois que, de ce point de vue là, c'est l'exemple le plus patent du lien entre le comportement individuel et la prévention sociale qu'on voit à travers le VIH, et à mon sens il serait donc totalement irresponsable, même si vous êtes dans le doute quant à l'efficacité d'un test, de refuser sa gratuité, car cela constitue une incitation, pour les jeunes en particulier, à aller se faire dépister de façon gratuite et anonyme, comme l'ont dit mes préopinants. Et bien entendu, l'infirmière, l'infirmier ou le médecin qui les recevra et qui fera l'anamnèse de leur cas leur dira de revenir faire un test trois mois plus tard s'ils ont des comportements à risque, il y aura donc un suivi des personnes ayant un comportement à risque ainsi que des indications pour qu'elles réduisent cette prise de risque. Il y aura ainsi une prise en charge des personnes qui soupçonnent avoir pu contracter le VIH, et donc une économie pour l'ensemble de la société, une économie de souffrances pour les individus potentiellement infectés, mais aussi une protection pour les personnes avec lesquelles ils entretiennent des relations sexuelles.
Il ne faut donc vraiment pas jouer avec ça, et même si dans cette enceinte on a un quelconque doute sur l'efficacité de ce test gratuit, il convient de miser sur cette mesure. Comme le rappelait Jean-Charles Rielle, il suffit de détecter une seule personne pour que l'opération soit valable pour l'ensemble de la société. En définitive, je crois que la seule opposition que j'entends ici, c'est une opposition idéologique à la gratuité. C'est la seule opposition, parce que le coût est dérisoire. On se dit donc: «Ouh là là, quelque chose de gratuit est quelque chose de mauvais !» Eh bien non, en matière de santé publique, une chose gratuite peut être une chose excellente, et excellente pas seulement pour les personnes concernées, mais pour l'ensemble de la société. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Guinchard pour une minute.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, le temps qui m'est imparti suffira. Je voulais juste préciser à l'intention de M. Frey, rapporteur de minorité, que le comité du Groupe sida Genève, dont je fais partie, s'est prononcé contre la gratuité de ce test et qu'il ne s'agit pas d'une question de subvention, je le précise - pas pour le Groupe sida Genève, je suis désolé, il faut rendre à la vérité ce qui lui appartient. Ces gens-là travaillent sur le terrain et préfèrent de loin des actions de prévention et de vaccination ciblées. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Medeiros pour deux minutes.
M. Carlos Medeiros (HP). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, vous transmettrez à M. Guinchard que moi aussi je suis membre du Groupe sida Genève et que le problème, ce n'est pas qu'ils sont contre cette mesure. Le problème, c'est qu'ils ont peur qu'à cause de cette mesure il y ait un transfert d'argent et qu'il n'y ait plus assez de subvention. En effet, si on garde leur subvention, ils sont tout à fait pour ! Donc il ne faut pas tout confondre.
Mesdames et Messieurs, j'ai écouté les uns et les autres, et il est assez drôle de constater que certains médecins sont contre et d'autres pour. Personnellement, quand le député Romain de Sainte Marie m'a présenté ce texte à l'époque, je l'ai signé sans état d'âme, parce que comme disait tout à l'heure notre collègue Rielle, même si on décèle un seul - un seul ! - jeune, on aura déjà été gagnant au niveau de la société, au niveau financier et à d'autres niveaux. Certains disent: «Oui, mais de toute façon ça sert à quoi ? Ça ne va pas augmenter le dépistage !» Eh bien alors dans ce cas pourquoi on ne voterait pas cette mesure ? S'il y a peu de monde qui l'utilise, tant mieux, on dépensera peu d'argent ! Alors je ne vois pas en quoi ces arguments sont pertinents. Moi, ce que je constate, c'est que peut-être que l'âge des députés ici est très élevé et qu'ils ont sans doute perdu de vue les risques et les dangers que peuvent courir les jeunes. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) En effet, je sors énormément et quand je vais parler aux jeunes, je m'aperçois que c'est une problématique pour eux, justement: 20 F, c'est 20 F, même si on dit ici que cette somme n'est rien du tout, qu'ils peuvent très bien le faire ou qu'ils ont autrement la possibilité de passer par un médecin, etc. Mais les médecins sont des médecins de famille, et les jeunes n'oseront pas aller chez eux ! Ils veulent utiliser une voie parallèle, qui ne leur coûtera rien. Et encore une fois, si on ne l'utilise pas, tant mieux, on ne dépensera pas d'argent !
Le président. Il vous faut terminer, Monsieur le député.
M. Carlos Medeiros. Mais en termes de signal - et nous sommes là pour donner un signal fort au niveau politique, en disant qu'on a mené par exemple une politique anti-drogue, avec plusieurs paliers de prévention, etc. - eh bien je dirais que ce palier-là est indispensable pour lancer un signal politique. Merci.
Le président. Merci, Monsieur. Je passe la parole à Mme Klopmann pour trente secondes.
Mme Sarah Klopmann (Ve). Merci, Monsieur le président. D'abord, je n'ai pas dit que les gens hésitaient à aller se faire dépister chez le médecin parce qu'ils ne voulaient pas connaître la réponse ! J'ai dit qu'ils hésitaient à devoir rompre l'anonymat et raconter leur vie à leur médecin. Ensuite, j'aimerais rappeler que l'on ne parle pas ici de la question de savoir si le test est cher ou pas; on parle simplement de le rendre beaucoup plus facile, plus accessible dans la démarche, ce qui permettrait de dépister les gens plus rapidement et ainsi de faire en sorte que les contaminations se produisent moins. C'est donc un enjeu de santé publique ! On nous dit par ailleurs qu'offrir la gratuité du test coûte cher. C'est peut-être cher, mais des gens qui sont contaminés alors qu'on aurait pu l'éviter, c'est très cher aussi, également au niveau moral, éthique et de la santé, parce qu'on aurait pu éventuellement essayer de l'éviter. Et puis nous dire que des personnes déjà...
Le président. C'est terminé, Madame, merci ! Je regrette. Madame Engelberts, c'est à vous pour deux minutes.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Merci, Monsieur le président. Je voulais dire que j'ai l'impression d'assister à un débat concernant un pays d'Afrique centrale, où la question des tests gratuits et le contrôle d'autres épidémies me paraissent effectivement très importants. (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !
Mme Marie-Thérèse Engelberts. J'ai aussi envie de poser une question. J'ai lu avec intérêt le rapport de M. Christian Frey - vous lui transmettrez, Monsieur le président - et il y a quand même un point qui me semble particulier: à quelle fin veut-on aujourd'hui proposer la gratuité d'un test qui est déjà totalement accessible à l'ensemble de la population genevoise en difficulté, qu'elle soit migrante ou locale, sachant qu'en plus 50 cas ont été dépistés l'année dernière, selon le médecin cantonal ? Il y a là quelque chose dans l'équilibre qui me donne l'impression qu'on voudrait faire une campagne particulière auprès des jeunes pour leur dire: «Vous voyez, pour notre part on est vraiment pour la gratuité, mais les autres n'en ont pas envie, ils n'ont pas compris la problématique.» Eh bien si, on l'a très bien comprise, ça fait plus de trente ans qu'on la comprend. Ce que je trouve important, c'est de soutenir les associations et les groupements, parce que l'essentiel, ce n'est pas seulement le dépistage, mais l'accompagnement de la personne à partir du moment où on a décelé la maladie, et c'est ça qui peut coûter cher. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Comme disait Mme Calmy, c'est l'infirmière qui coûte cher. Voilà, je voulais simplement ajouter ces éléments avant la cloche. Merci. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Madame. Je passe la parole à M. Bläsi pour une minute quarante.
M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Monsieur le président. Je remercie mon groupe pour sa libéralité ! Je tiens à dire que je suis signataire de ce texte et que je pense que quand on centralise le planning familial au niveau de l'hôpital, c'est un outil important, parce que c'est là que tous les adolescents et toutes les adolescentes sont envoyés. Dans ce cadre-là, la gratuité du test peut ainsi être un outil intéressant. D'autre part, plus de 20% des personnes qui contaminent ne savent pas qu'elles sont porteuses du sida, et donc chaque fois qu'un test gratuit permettrait d'en détecter une, c'est évidemment une piste de contamination qui serait éliminée.
S'agissant des autres maladies et des arguments que j'ai entendus, moi je ne verrais pas de problème à ce que ces autres maladies bénéficient également d'un test gratuit. Pour ce qui est maintenant des adolescents et des fameux remboursements, suite à ce qu'a dit M. Selleger, je pense que les factures de caisse maladie des jeunes passent par leurs parents et que donc par définition ils n'auront pas recours à ce type de mesure.
Je passe enfin à la question des coûts: j'entends bien qu'il y en a, mais quand on a un hôpital cantonal qui réalise 50% de radios thoraciques inutiles ou qu'on dépense 3 millions pour faire venir des Géants à Genève, eh bien il me semble qu'à un moment donné il y a des priorités à avoir, et c'est pour cette raison que, à titre tout à fait personnel, je voterai ce texte, bien que je comprenne que mon groupe soit contre. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur. Je passe la parole à M. Conne pour vingt-six secondes.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. La majorité de la commission vous invite à refuser ce projet de loi, considérant que la gratuité du test ne permettra pas de réduire l'augmentation de la maladie et qu'aujourd'hui le plus important est de dépister les personnes à risque et de commencer à les traiter tout de suite. En effet, si on n'associe pas dépistage et traitement - en voyant, en fonction de l'évolution de la maladie, s'il faut interrompre le traitement - on ne parviendra pas à agir pour réduire l'augmentation de la maladie dans les groupes à risque. Enfin, il faut également arriver à parler de la maladie et à lutter contre l'homophobie. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Frey, il vous reste quinze secondes, mais je vous laisse quelques instants supplémentaires.
M. Christian Frey (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je voulais juste demander ceci: pourquoi les HUG organisent-ils des actions comme les tests gratuits et pourquoi ont-ils tellement de succès, comme Mme Calmy nous l'a dit ? Eh bien c'est justement grâce à l'anonymat et à la gratuité pour les jeunes. Pensez à vos enfants qui ont entre 15 et 18 ans et à ce qu'ils peuvent vivre après des expériences hasardeuses ! Ils ne vont pas aller vers leurs parents pour dire qu'ils ont un doute et demander ce qu'ils doivent faire ! Il faut qu'ils aient la possibilité d'accéder à ces tests de manière anonyme et gratuite, et de recevoir ensuite les soins nécessaires, bien sûr. (Quelques applaudissements.)
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai entendu tout à l'heure l'un de vous dire que l'opposition à la gratuité du test serait idéologique. Je vous rassure, il n'y a aucune idéologie. Par contre, je ne suis pas loin de penser que ce projet de loi résulte d'un postulat dogmatique selon lequel si on le fait gratuitement ailleurs, il n'y a pas de raison qu'on n'offre pas également cette gratuité chez nous.
Ce sont grosso modo 50 000 tests, Mesdames et Messieurs, qui sont effectués chaque année, en grande partie sur ordonnance médicale, donc avec une prise en charge par l'assurance-maladie. Dès lors, si vous votez ce texte, il aura pour conséquence que nous transférerons des charges de l'assurance-maladie de base vers l'argent des contribuables, ce qui, je pense, n'est évidemment pas le but de l'opération.
Je voudrais quand même, principalement à l'intention de celles et ceux qui nous écoutent, remettre l'église au milieu du village. On a l'impression, en vous entendant, que l'Etat se moque éperdument de cette problématique, qu'il s'agisse du VIH ou des maladies sexuellement transmissibles. Il est donc bon de rappeler que plus de 5 millions de francs sont versés chaque année aux associations actives dans ces domaines, que ce soit au niveau de la prévention, de l'information, de la prise en charge ou de l'accompagnement. Il s'agit donc véritablement d'une problématique qui est au coeur des actions de promotion de la santé et de prévention des maladies au sein de la direction générale de la santé de mon département.
Au-delà de ces informations, nous avons entendu les représentants des associations lors des auditions, et je n'ai jamais obtenu de réponse à cette simple et élémentaire question: si demain le test est gratuit, quelles sont les populations qui vont être sensibilisées à cette problématique et que vous ne touchez pas actuellement ? Il n'y en a pas ! Tout simplement parce que nous sommes suffisamment efficaces aujourd'hui, par l'intermédiaire de ce réseau associatif, pour toucher précisément toutes ces populations à risque généralement migrantes qui viennent à Genève, ville internationale, et faire en sorte qu'il n'y ait personne qui puisse un jour avoir un doute sur sa possible contamination mais qui renonce à se faire dépister pour des questions financières. D'ailleurs, à vous entendre, ce n'est même pas le coût de ce test - soit 25 F pour les jeunes et 55 F pour les adultes, je le rappelle - qui est dissuasif, mais la question de savoir s'il doit être anonyme ou non. En effet, les personnes seraient plus enclines à faire le test s'il était anonyme que s'il est nominatif. Vous êtes donc bien conscients que ce n'est pas une question de prise en charge des coûts.
On peut aussi discuter de cette prise en charge anonyme. C'est vrai qu'il y a vingt ans, faire un test HIV pouvait être stigmatisant auprès de l'assureur qui devait, le cas échéant, prendre en charge le coût de ce test. Mais s'il était payé par la personne elle-même, il n'y avait aucune stigmatisation. Aujourd'hui, de deux choses l'une: soit le test est négatif - et peut-être, on l'a dit à juste titre, faussement négatif, car je vous rappelle qu'il y a encore ce que l'on appelle une fenêtre biologique durant laquelle la personne est contaminée mais où le test ne met pas encore en évidence cette contamination, ce qui signifie qu'un test négatif ne constitue pas un blanc-seing pour avoir des relations non protégées si on a eu un comportement à risque précédemment - et à ce moment-là je ne vois pas en quoi ce serait stigmatisant, même si la facture était envoyée à l'assurance, soit il est positif, Mesdames et Messieurs, et de toute façon l'anonymat sera de courte durée, car les soins qui vont devoir être mis en route seront tellement onéreux qu'une assurance devra forcément intervenir. Alors, encore une fois, s'il s'agit dogmatiquement de se dire que Genève doit faire aussi bien qu'ailleurs, eh bien qu'ailleurs on fasse aussi bien qu'à Genève ! Qu'ailleurs on fasse aussi bien en mettant des sommes aussi importantes que celles que nous mettons ici à Genève, et depuis des décennies, pour faire en sorte de lutter contre cette terrible maladie, mais également contre les maladies sexuellement transmissibles qu'on a tendance à minimiser mais qui sont aussi graves.
Mesdames et Messieurs, je n'ai pas de problème idéologique; je voudrais simplement que l'on me démontre par un seul cas - même anonyme - qu'une personne a réellement eu des doutes sur sa situation mais qu'elle a dû renoncer à faire le test pour des questions financières, sachant que précisément les associations que nous mandatons dans ce domaine offrent régulièrement des dépistages et des conseils gratuits à destination des populations les plus à risque. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Messieurs Stauffer et consorts, vous êtes priés d'aller téléphoner dehors, s'il vous plaît ! Mesdames et Messieurs, nous allons nous prononcer sur l'entrée en matière du PL 11602.
Des voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenus ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, largement, nous passons donc au vote nominal.
Mis aux voix, le projet de loi 11602 est rejeté en premier débat par 59 non contre 32 oui (vote nominal).
Le président. Comme il semble qu'il y ait des oppositions concernant le rapport de commission M 2184-C, nous allons voter. Celles et ceux qui souhaitent la prise d'acte de ce dernier votent oui, celles et ceux qui désirent le renvoi au Conseil d'Etat votent non. Le vote est lancé.
Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission M 2184-C par 58 oui contre 31 non.