République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 22 septembre 2017 à 18h05
1re législature - 4e année - 6e session - 35e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 18h05, sous la présidence de M. Eric Leyvraz, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Mauro Poggia, Anne Emery-Torracinta et Luc Barthassat, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Pierre Maudet, Serge Dal Busco et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat Julian Alder, Geneviève Arnold, Irène Buche, Roger Deneys, Nathalie Fontanet, Pierre Gauthier, Sandra Golay, Lionel Halpérin, Delphine Klopfenstein Broggini, Carlos Medeiros, Francisco Valentin et Yvan Zweifel, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Maria Casares, Jean Fontaine, Nathalie Hardyn, Antoine Maulini, Ana Roch, Pascal Uehlinger et Céline Zuber-Roy.
Annonces et dépôts
Néant.
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous abordons... Monsieur Lefort ?
M. François Lefort. Je m'inscris pour cet objet, Monsieur le président !
Le président. Vous êtes tellement rapide que j'ai été surpris. Je n'ai même pas dit quel était ce point, vous ne savez pas lequel c'est, en fin de compte ! Ça pourrait être un autre ! (Le président rit.) Nous sommes donc en catégorie II, trente minutes, pour... suspense... le point 111 de notre ordre du jour, la proposition de motion 2411. Monsieur Mettan, je vous passe la parole.
M. Guy Mettan (PDC). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, c'est un sujet assez difficile que nous abordons, parce que comme politiques, nous avons souvent à nous plaindre des journaux, en particulier de la «Tribune de Genève»: on trouve toujours que les journaux sont trop critiques à notre égard ou ne parlent pas assez de nos partis, de ce que nous faisons, etc. On a donc toujours des reproches à leur faire, et peut-être que certains parmi vous peuvent penser que puisqu'on est mal servi, il vaudrait mieux que les journaux crèvent à petit feu ou alors rapidement, comme cela est proposé avec le démantèlement de la «Tribune» actuellement en cours. C'est aussi un problème difficile parce que les éditeurs tendent à justifier leurs opérations de restructuration, de licenciements, de réduction des rédactions ou de transfert - à Lausanne comme c'est ici le cas - au nom de la rationalité économique, des bénéfices à faire pour pérenniser leur activité; mais ceci est faux, tout simplement faux ! Pourquoi ? Parce que le groupe Tamedia, actuellement propriétaire de la «Tribune de Genève», a fait 37% de bénéfice au premier semestre 2017, soit 77 millions de francs: les bénéfices sont bien là. On ne peut donc pas justifier les licenciements par le prétexte de faire des bénéfices alors que ces bénéfices ne font que croître.
En fait, la vraie question qui nous est posée ce soir est celle de l'avenir de notre canton. Ce n'est même pas l'avenir de la «Tribune de Genève», c'est l'avenir de notre canton. La question est de savoir si, après avoir accepté la disparition de «La Suisse» sans réagir, après avoir accepté la disparition du «Journal de Genève» sans réagir, on va accepter la disparition à petit feu de la «Tribune de Genève» sans réagir non plus. C'est ça, la vraie question ! Ce qui est en jeu - et je pense à ceux qui se soucient de l'économie de notre canton - c'est précisément cette économie: s'il n'y a plus de journal pour défendre notre économie... (Rire.) ...qui va le faire ? C'est ça, la vraie question ! Monsieur Cuendet rigole. Mais pour défendre la place financière genevoise, on ne peut pas compter sur la place financière zurichoise... (Remarque.) ...qui, elle, édite le journal qui s'appelle Tamedia ! Pour défendre notre place financière, il faut avoir des journaux qui soient sur place, qui comprennent les enjeux de notre canton, de notre économie, et cela, jusqu'à nouvel ordre, c'est la «Tribune de Genève» qui le fait le mieux.
Cela a probablement échappé à ceux qui trouvent cette proposition de motion non justifiée, mais ce qui est en cours, ce qui est proposé, c'est un démantèlement de la «Tribune», c'est le transfert à Lausanne de quatre des rubriques les plus importantes. Mais ce n'est pas là encore le vrai problème: il s'agit du transfert du pouvoir de décision, puisque la rédaction en chef finale sera à Lausanne ! Ce sera depuis le canton de Vaud qu'on pourra décider quels articles pourront être publiés ! C'est ça qui est en cause. Ça veut dire qu'il n'y a plus du tout d'autonomie quant aux décisions finales à Genève, mais que tout se passera à Lausanne puisqu'il y aura là-bas des super rédacteurs en chef qui vont coiffer la rédaction en chef genevoise, à laquelle on continuera de décerner ce nom mais qui n'aura plus aucun pouvoir de décision si on accepte ce démantèlement sans réagir.
J'aimerais en outre souligner que Genève, c'est aussi la Genève internationale. Mais comment imaginer que ce seront des Vaudois... (Remarque.) ...ou des personnes qui iront à Lausanne, avec des éditeurs zurichois, qui vont prendre la défense de la Genève internationale et décider quels articles il faut publier ? C'est aussi ça qui est en cause !
Le président. Vous prenez sur le temps de votre groupe.
M. Guy Mettan. Je prends sur mon groupe, oui ! Si on veut brader tout ça, il n'y a pas de problème, il faut accepter le démantèlement et ne pas discuter, point final. Si on veut accepter que la place financière ne soit plus défendue, il faut aussi accepter ce genre de transfert sans discuter. On parle aussi là de toutes nos PME: qui va les défendre ? Qui va défendre le tissu économique, ainsi que les ONG, les associations, si quelqu'un décide depuis Lausanne ou Zurich ce qu'il faut mettre dans ce journal ? C'est tout ça qui est en cause et que peut-être certains parmi nous n'ont pas encore compris par rapport à tout ce qui va se passer.
J'aimerais souligner par ailleurs que les Fribourgeois, Fribourg, un canton trois fois plus petit, en termes économiques, que Genève... (Remarque.) Justement, les Fribourgeois ont très bien compris qu'il était vital de défendre leur propre presse, et qui investit dans «La Liberté» ? Une banque et une société, celle des services industriels de Fribourg. Ils ont compris que si on voulait défendre Fribourg sur la scène suisse, il faut un journal fort. Qui va défendre M. Maudet contre Mme Moret si ce sont des Vaudois qui décident pour quel candidat au Conseil fédéral il faut travailler ? (Commentaires.) C'est ça qui est en jeu, et que vous n'avez pas compris ! Puisque le centre de décision sera là-bas ! Il faut bien se rendre compte de ce à quoi on assiste, ce n'est pas du tout de la rigolade qu'on peut prendre à la légère, Monsieur Cuendet - je suis désolé, je vous entends rire jusqu'ici.
Les Valaisans - une économie cinq fois inférieure à la nôtre - ont un journal qui s'appelle «Le Nouvelliste», qui marche très bien, qui gagne de l'argent. Pourquoi ? Parce qu'ils n'ont pas d'éditeurs qui ont tout taillé, qui ont mis dans des sociétés séparées tout ce qui rapportait de l'argent pour isoler le seul journal. C'est exactement ce qui est en train de se passer avec la «Tribune» au sein du groupe Tamedia - c'est la même chose d'ailleurs pour Ringier. Une économie cinq fois inférieure à la nôtre peut soutenir un journal qui marche très bien, pourquoi nous, les Genevois, nous serions les seuls à devoir brader notre presse, brader les derniers instruments qui servent à nous défendre, à nous faire exister sur la scène nationale et régionale... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...parce qu'on manque totalement de vision, on manque de sens des responsabilités, on manque au soutien à notre propre économie ? C'est de cela qu'il s'agit. Je vous recommande donc d'accepter cette motion telle quelle, sans amendement, parce que nous devons montrer un geste fort, une certaine détermination; c'est aussi à nous, politiques, de prendre le relais quand l'économie fait défaut. Je rappelle que quand l'UBS était au bord de la faillite...
Le président. C'est terminé !
M. Guy Mettan. ...c'est M. Couchepin, libéral, qui a volé à son secours, donc... (Le micro de l'orateur est coupé. Applaudissements.)
Le président. Eh bien maintenant, c'est M. Lefort qui va prendre la parole.
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Voilà donc une benoîte motion déposée par notre collègue Guy Mettan, directeur du Club suisse de la presse, club lourdement subventionné par le Grand Conseil, qui vient nous appeler à la révolte contre les ravages du libéralisme, à la levée de fourches contre les magnats de la presse suisses allemands, dans une aimable gesticulation qui ne leur fera pas peur et qui ne va pas les déranger dans leur maximisation des profits. D'ailleurs, on apprend juste maintenant que la «NZZ» vient de délocaliser ses services de relecture en Bosnie !
On invite donc le Conseil d'Etat «à condamner fermement ce démantèlement de la "Tribune de Genève"», Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, à obtenir des «garanties» de Tamedia «sur le maintien de l'autonomie rédactionnelle» et sur «le non-licenciement» des journalistes. Avouons que ces garanties ne pourront jamais être obtenues, parce que c'est exactement le contraire que vient de faire Tamedia. Enfin, on invite les partenaires économiques à soutenir les médias locaux et à créer un fonds de soutien en faveur de ces médias. Cela ne manque pas de piquant: les flibustiers de Tamedia maximisent les profits, annoncent 20% de bénéfice, liquident les journalistes, et la solution serait de financer Tamedia. Nous, les Verts, nous avons de la peine à comprendre le raisonnement et la méthode. Ce que nous comprenons, par contre, c'est le désarroi des professionnels des médias, de tous les médias, radio, télévision et journaux, face à ces injustices. Leur travail exemplaire est nécessaire à la diffusion d'une information diverse, libre et critique, et visiblement, le travail porte ses fruits, cela fonctionne aussi à satisfaction des propriétaires de ces médias; et pourtant, ces mêmes propriétaires licencient à tour de bras chez Tamedia et dans d'autres groupes.
La vraie question que devrait poser cette proposition de motion, finalement, c'est celle des conditions-cadre de la presse, une question principalement nationale, ainsi que celle du subventionnement public des médias pour la formation citoyenne; mais un subventionnement public inconditionnel et non mandaté, sinon on se retrouvera avec des publi-reportages politiques à la gloire de ceux qui tiennent les cordons de la bourse - généralement, ce ne sont pas les Verts ! Le problème des médias est le même partout en Europe: c'est la chute des recettes par le transfert des publicités sur les supports numériques. Cela peut et doit se traiter au niveau national. Pourquoi ? Pour relocaliser une partie de ces profits publicitaires en Suisse, à l'instar de ce que les pays européens étudient en ce moment. Cela signifie taxer les entreprises étrangères qui ont des activités numériques en Suisse, taxer la publicité en ligne, taxer les transactions numériques, c'est-à-dire l'e-commerce qui ravage notre économie de détail bien plus que les achats transfrontaliers. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Voilà donc les pistes: un subventionnement public, mais inconditionnel, de tous les médias et pas seulement de certains, la taxation des entreprises étrangères qui ont des activités numériques en Suisse. Tout cela relève surtout des compétences de l'Assemblée fédérale, et pour une très faible marge, de notre compétence cantonale. Pour nous faire une idée de cette faible marge d'action cantonale, nous demandons le renvoi de ce texte à la commission de l'économie.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Tamedia, qui est le plus grand groupe de médias privés de Suisse, et qui emploie 3400 collaborateurs dans huit pays, a enregistré un recul de 12% des recettes de la publicité imprimée, ce qui a une incidence directe sur son chiffre d'affaires de 475 millions, qui a baissé de 5,7%, pour un bénéfice de 76 millions. Tamedia est un groupe coté à la bourse suisse. Dans ce cadre, il a l'obligation de rendre des comptes à ses actionnaires et, sous la pression de la rentabilité de ses prestations, il décide ce qui peut être rationalisé. Les besoins et les services à la clientèle locale sont des paramètres que Tamedia analyse dans la durée sous leur aspect financier, et il est logique, du point de vue économique, que les charges couvrent les recettes pour chaque produit. Ces quatre dernières années, alors que le nombre de lecteurs des marques payantes imprimées et digitales de Tamedia était en augmentation, les journaux ont perdu un quart de leurs recettes publicitaires.
Les plateformes digitales, les quotidiens, les hebdomadaires et les magazines de Tamedia offrent une vue d'ensemble rationnelle et sélective de l'actualité. Tamedia a décidé une nouvelle organisation des rédactions de journaux pour atteindre une meilleure croissance dans le journalisme digital. Le but de la réorganisation est de garantir l'indépendance économique et rédactionnelle des douze quotidiens et des deux journaux dominicaux payants en Suisse. Dès le 1er janvier 2018, deux nouvelles rédactions - soit une en Suisse romande et une en Suisse alémanique - produiront les contenus des rubriques Suisse, monde, économie et sport, et des centres de compétences sont prévus à Lausanne, Berne et Zurich. Regrouper les ressources permet - contrairement à ce qui est le cas avec plusieurs petites rédactions - de constituer des équipes performantes plus compétentes.
Le nombre de licenciements prévus initialement à la «Tribune de Genève» et à «24 heures» a été diminué de moitié, soit de vingt personnes, puis, dans un deuxième temps, a encore été réduit à douze personnes; cela a été possible suite à des départs volontaires et à des réductions de temps de travail, grâce à un dialogue social appuyé.
La nostalgie va-t-elle triompher de la réalité économique ? Le futur proche nous le dira ! Le canton peut toujours essayer de raisonner la direction de Tamedia, qui est une société privée sur laquelle le système politique n'a qu'une influence limitée. Une solution de maintien des médias dans le giron genevois serait d'adapter les prix des produits aux coûts qu'ils engendrent - ce qui devrait déplaire aux consommateurs - mais cette décision appartient à Tamedia. Merci, Monsieur le président.
Mme Salika Wenger (EAG). Chers collègues, j'ai un copain américain qui est venu passer le week-end à la maison. Il se baladait en Europe. Nous avons eu une discussion très amusante. Il m'a dit: «Est-ce que tu te rends compte que nous avons 250 marques de dentifrice et que nous n'avons que deux partis ?» Je lui ai dit que c'était en effet intéressant, mais qu'ici aussi, il y avait quelque chose d'intéressant: nous n'avons qu'un seul journal et sept partis. Un seul journal, pourquoi ? Parce que «20 minutes», c'est celui des frontaliers; «Le Matin», c'est celui des travailleurs dans les bistrots; la «Tribune de Genève», c'est celui des classes moyennes. La «Tribune» avait cet avantage d'être un journal rédigé un minimum, ce qui n'est pas le cas, nous le savons, pour quelque chose comme «20 minutes». Aujourd'hui, tout à coup, on nous prive d'une chose plus importante que les bénéfices de Tamedia: on nous prive d'informations ! J'aurais adoré que l'information soit multiple à Genève, mais ce n'est pas le cas. Néanmoins, la «Tribune» a un rôle extrêmement important, en tout cas pour les classes moyennes - «Le Temps» est un journal que ne lisent pas les gens que je défends. La «Tribune» a cet avantage que les articles y sont un minimum rédigés. Je ne suis pas certaine qu'elle soit complètement neutre, mais ce n'est pas ce qu'on lui demande. Donc aujourd'hui, le droit à l'information est bafoué; la diversité des points de vue est bafouée. Que Tamedia fasse ou non des bénéfices, qu'ils s'occupent de l'économie ou de je ne sais quoi d'autre, c'est comme pour les 250 marques de dentifrice: au bout d'un moment, on n'en achète qu'une seule. Nous resterons sept partis avec un seul journal, et celui-là sera plus pauvre que ce qu'il est aujourd'hui, c'est pourquoi je vous invite à voter cette motion d'urgence en disant que nous ne voulons pas être prisonniers des bénéfices de Tamedia.
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, nous assistons à une destruction de la presse à petit feu. Année après année, les deux grands groupes, Ringier et Tamedia, suppriment des emplois. C'est donc un secteur - qu'on pourrait qualifier de secteur économique en raison des emplois, même si, je le dirai ensuite, il ne l'est pas nécessairement, et ce n'est pas son but - qui subit un véritable massacre à petit feu. Aujourd'hui, il est essentiel de préserver la diversité de la presse. Il est essentiel de préserver une proximité avec les cantons, une approche fédérale, je dirais. Je suis un peu surpris du discours de l'UDC, parti qui me semblait défendre ces valeurs de notre pays, qui a une approche fédéraliste. En tant que cantons, nous devons garantir cette approche. Nous ne voulons pas assister à une destruction de la presse cantonale au profit d'un regroupement par grandes régions linguistiques; nous devons garder ces spécificités, non pas pour encourager M. Maudet face à Mme Moret dans une élection au Conseil fédéral, ce n'est pas ça le but de la presse; le but de la presse est de garantir l'information et le débat - à Genève, nous aimons le débat: on dit que nous avons des grandes gueules, et c'est vrai, on le sait; au Grand Conseil, nous aimons aussi ce débat. Nous devons le garantir dans la presse et nous ne pouvons pas laisser une telle uniformité s'installer à petit feu.
Mesdames et Messieurs, ce n'est pas un soutien à l'économie que de soutenir la presse, ce n'est pas pour soutenir les entreprises qu'il faut avoir une presse efficace et diversifiée. Non, c'est pour faire avancer les idées ! C'est la presse, de tout temps, qui a fait avancer les idées, c'est elle qui a apporté les débats, et c'est elle qui fait grandir le pays et la région, en l'occurrence le canton de Genève. Ici, la «Tribune de Genève», c'est symboliquement la goutte d'eau qui fait déborder le vase, puisque le transfert à Lausanne de rubriques telles que l'internationale est un non-sens absolu par rapport à une certaine proximité: la Genève internationale, c'est bien ici !
Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste va évidemment soutenir ce texte. Il est partagé - vous le verrez dans son vote - entre un renvoi à la commission de l'économie et un soutien immédiat. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Les invites sont en effet justes quant à une action immédiate concernant le groupe Tamedia envers qui le Conseil d'Etat doit intervenir de façon active et forte pour éviter un maximum de licenciements et pour le maintien des rubriques au niveau local; mais il doit aussi y avoir une véritable réflexion sur la presse et le financement d'une presse qui ne soit pas à la recherche du profit, qui doit garantir l'information, qui, si elle est financée par des fonds publics comme les médias radio et télévisés, doit offrir la possibilité de débats. Cette réflexion ne peut pas se faire seulement par ce débat, aujourd'hui, dans l'enceinte du Grand Conseil...
Le président. C'est terminé, Monsieur.
M. Romain de Sainte Marie. ...mais doit avoir lieu en commission également. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Vanek pour cinquante et une secondes.
M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. Je soutiendrai le renvoi en commission de cette proposition de motion que j'ai cosignée. Beaucoup d'insanités ont été dites par Guy Mettan; il a notamment dit qu'on a laissé partir «La Suisse» sans réagir: c'est faux ! C'est faux ! Dans cette salle, nous avons bataillé et défendu une initiative populaire cantonale législative déposée par l'Union des syndicats du canton de Genève... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...intitulée: «Initiative populaire dite "La Suisse" pour la pluralité de la presse et le soutien de l'emploi». Cette initiative demandait: «En application de l'article 8 de la constitution genevoise consacrant la liberté de la presse» - condition indispensable de la démocratie - «les autorités doivent prendre des mesures garantissant la diversité de la presse et veiller, conformément au droit fédéral, à ce que des situations de monopole ne se créent pas dans le secteur de la presse.» C'est nous, avec les syndicats derrière nous, qui avons défendu dans cette salle...
Le président. C'est terminé, cher Monsieur.
M. Pierre Vanek. ...cette initiative...
Le président. Merci, camarade !
M. Pierre Vanek. ...et ce sont vos bancs qui ont torpillé cette initiative populaire...
Le président. C'est terminé ! Merci beaucoup !
M. Pierre Vanek. ...dont on voit aujourd'hui...
Le président. Bravo, Monsieur ! (Le président rit.)
M. Pierre Vanek. ...qu'elle était in-dis-pen-sa-ble ! (Commentaires. Exclamations. Quelques applaudissements.)
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Monsieur le président, chers collègues, ce texte traite un sujet très important, capital pour la démocratie, pour Genève. Le secteur de la presse écrite, on le sait, traverse une crise sans précédent. Si nous n'avons pas à juger ou à nous substituer au management d'une entreprise privée, il nous revient néanmoins, à nous élus, d'exprimer nos préoccupations quant à l'impact des décisions d'un groupe privé. Il en va ainsi de l'annonce récente de ce déménagement à Lausanne d'une grande partie de la rédaction de la «Tribune de Genève». Un journal doit évidemment être au contact de ses lecteurs et de celles et ceux qui composent le tissu politique, social et économique d'un lieu. Prétendre que ce lien privilégié pourra être maintenu à Lausanne relève d'un fantasme. La concentration des effectifs de la rubrique économique à soixante kilomètres de Genève traduit au mieux une méconnaissance totale du tissu économique genevois, au pire, un certain mépris pour le rayonnement de nos entreprises en Suisse et dans le monde entier. Il s'agit en outre d'un très mauvais signal vis-à-vis de la Genève internationale, de nos organisations internationales. Le rôle central de Genève sur la scène diplomatique et humanitaire mérite évidemment mieux qu'une équipe réduite au minimum et dont le champ d'action se limitera à la rubrique locale. Outre ce désintérêt manifeste pour la spécificité genevoise, le regroupement de l'ensemble des titres romands à Lausanne pose de sérieuses questions quant à la diversité de l'information, pilier fondamental de notre système démocratique. Pour ces motifs, le PLR est d'avis qu'il convient que le parlement fasse valoir ses inquiétudes, et invite Tamedia à reconsidérer sa décision. C'est la raison pour laquelle le PLR accepte les deux premières invites de cette proposition de motion. Cela étant, le PLR ne peut accepter l'intervention financière de l'Etat dans ce domaine, raison pour laquelle il refuse la troisième et la quatrième invites: ce n'est pas la solution, la presse papier doit se réinventer et créer les conditions de son succès et de son indépendance; l'ingérence de l'Etat sera néfaste précisément pour son indépendance. En l'état, le PLR ne pourra pas adopter ce texte, mais accepte le renvoi en commission. Merci, Monsieur le président.
M. François Baertschi (MCG). Je suis très surpris qu'aujourd'hui, exceptionnellement, nous ayons les caméras de la Télévision suisse romande. Je suis très surpris, parce que si nous avions parlé d'une entreprise ordinaire, de véritables employés ordinaires, nous n'aurions pas la Télévision suisse romande. Je trouve très déplaisant ce corporatisme. Je suis un ancien journaliste, mais je crois qu'il faut se placer en dehors de ces relations de copinage et de dépendance que le milieu politique peut avoir envers certains médias pour bénéficier de retours d'ascenseur, parce que d'un point de vue éthique, c'est inacceptable. Je pense à toutes les personnes licenciées à Genève, que l'on ignore, que l'on oublie, ce sont des gens qui ne sont pas intéressants. C'est quelque chose qui me choque profondément, et je vous le transmets, Monsieur le président.
Indépendamment de cela, c'est vrai qu'une bonne question est posée. Malheureusement, la question - et le premier signataire, M. Mettan, la connaît bien - remonte déjà aux années 1990, quand les vrais journaux genevois ont disparu, c'est-à-dire «La Suisse», le «Journal de Genève», ceux qui avaient une direction à Genève, avec laquelle on pouvait être d'accord ou pas. On s'est retrouvé avec la «Tribune», qui, déjà à cette époque, était une annexe du trust Edipresse; ce trust était bien géré, mais ce n'était déjà plus un journal genevois, il y avait déjà des synergies avec Lausanne. Il n'était plus vraiment à 100% genevois, hélas, parce que les Genevois n'ont pas su s'unir à ce moment-là, comme l'a dit M. Vanek, qui a essayé de faire, par la voie de gauche... Sur le fond, je suis d'accord avec ce qu'il a fait; mais je pense que ce n'aurait pas été la bonne manière d'agir, malheureusement. Il y avait sans doute d'autres manières de faire: des intérêts économiques auraient pu racheter ce titre, comme la place financière aurait pu défendre le «Journal de Genève», comme elle aurait dû le faire si elle avait vu un peu plus loin que le bout de son nez - malheureusement, ça n'a pas été le cas.
Voilà, nous en sommes là. Qu'est-ce qu'il faut faire ? Le groupe MCG va demander le renvoi en commission... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...en espérant qu'il soit voté, pour retravailler, parce que nous ne pouvons pas accepter des journalistes qui soient à la botte de régies publiques ou qui soient subventionnés par l'Etat de Genève - d'ailleurs, on n'en a même plus les moyens, avec une dette de 260 millions... (Commentaires.)
Des voix. Un déficit !
M. François Baertschi. Avec un déficit de 260 millions, excusez-moi. Lapsus révélateur !
Une voix. Si seulement !
M. François Baertschi. Si seulement, oui !
Le président. Il vous faut terminer, Monsieur.
M. François Baertschi. Alors ce que je vous demande...
Le président. C'est terminé, Monsieur !
M. François Baertschi. ...c'est de défendre véritablement une vraie presse genevoise... (Le micro de l'orateur est coupé.)
Le président. Merci, Monsieur, j'ai compris. Monsieur le député, au Bureau - où vous avez aussi un représentant - nous avons accepté la présence de caméras pour nous filmer; nous ne pouvions pas savoir quel objet serait traité à cinq heures. Monsieur Sormanni, le temps de votre groupe est épuisé; Monsieur Lathion, c'est aussi le cas pour le vôtre. La parole est à Mme Engelberts pour une minute trente.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Merci, Monsieur le président. Je ne parlerai pas d'économie, mais de sentiment d'appartenance. Je regardais la «Tribune» que j'avais prise avec moi hier, alors que j'étais à l'étranger; je voulais voir ce qui s'était passé. Qui parlera, par exemple, de M. Pagani et de la justice pour la droite municipale de la Ville de Genève ? Qui parlera des femmes prêtes à conquérir le Conseil fédéral ? Et qui, surtout, parlera de la culture genevoise, avec toutes les activités qu'elle propose ? Tous les jours, on peut voir au moins dix spectacles différents et en faire l'analyse. Qui parlera à l'ensemble des personnes âgées de ce canton, qui représentent 30% de la population ? Si les jeunes vont sur des tablettes, je veux bien; mais il y a des personnes qui préfèrent encore toucher du papier, et quand je vais dans un pays étranger, je demande d'emblée quel est le journal ou quels sont les journaux du pays pour bénéficier d'une diversité et lire, en Italie par exemple, aussi bien «La Stampa» que le «Corriere della sera», ou encore un autre journal. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Cette non-diversification de la presse est inadmissible; ça devient inacceptable. On nous canalise, on nous contraint à ne lire dorénavant que ce qu'un groupe privé, effectivement, nous soumet. C'est inadmissible; je pense qu'on a très bien fait de présenter cette situation ce soir. Je soutiendrai le renvoi en commission.
M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat déplore ce qui est en train de se passer dans le groupe Tamedia, qui n'est ni plus ni moins que le démantèlement sournois d'un groupe de presse par des décisions structurelles parfaitement illisibles, parfaitement incompréhensibles, par des choix rédactionnels étonnants qui consistent, Mesdames et Messieurs, dans la ville internationale mondiale, à déplacer la rubrique internationale à soixante kilomètres de distance; dans une ville qui compte un pouvoir économique sans égal par rapport aux cantons voisins, à déplacer également la rubrique économique. Quand le groupe Tamedia envisagera-t-il de déplacer la rédaction sportive chargée du ski alpin à Genève, ou la rédaction de la rubrique culinaire chargée des articles sur la longeole en Argovie ? C'est un peu ce qui transparaît dans ces choix illisibles. Celui qui vous parle a eu le privilège de diriger il y a dix-sept ans la rubrique régionale du premier et du seul quotidien transcantonal romand, «Le Temps». On ne peut pas faire fonctionner une rédaction de cette manière, on ne peut pas imaginer que la «Tribune de Genève» déploie ses effets en politique internationale, en politique économique à soixante kilomètres de distance. Le but d'un journal ne consiste pas seulement à relater des informations, mais aussi à faire partager des émotions: on ne peut pas partager des émotions si l'on ne partage pas la vie de la population à laquelle on s'adresse.
Mesdames et Messieurs, le gouvernement genevois a rencontré avec le gouvernement vaudois au mois de juin de cette année le groupe Tamedia; nous avons décidé ensemble de le rencontrer et non pas séparément. J'étais avec mon homologue président du Conseil d'Etat vaudois et avec les deux ministres de l'économie genevois et vaudois, MM. Leuba et Maudet. Le groupe Tamedia nous a assuré à ce moment-là qu'il n'envisageait pas de nouvelles mesures concernant l'emploi. Au fait et au prendre, les mesures qui nous sont proposées ne concernent pas l'emploi: il est vrai que personne ne perdra sa place, en tout cas dans un premier temps. Mais chacun aura compris que lorsque des structures aussi illisibles que celles qui sont proposées auront été constituées, la logique voudra ensuite que l'on constate qu'elles sont absolument illogiques et redondantes, et que donc on opérera à ce moment-là le démantèlement sournois dont je parlais.
J'aimerais que cette proposition de motion puisse être renvoyée à la commission de l'économie, comme vous l'avez suggéré, car ce sera l'occasion d'approfondir ce dossier et de se poser une question, celle de savoir s'il revient à un Etat de subventionner, d'aider, le cas échéant, un groupe de presse dont le bénéfice opérationnel remonte à 20% de son chiffre d'affaires et qui, l'année dernière, a déclaré 76 millions de bénéfice: ce n'est objectivement pas envisageable. Nous devrons aussi examiner ce combat en lien avec un autre combat sur lequel j'attire votre attention: l'Assemblée fédérale s'est penchée il y a quelques jours sur l'initiative «No Billag» qui vise ni plus ni moins qu'à démanteler une entreprise confédérale qui a été voulue comme un ciment de la cohésion fédérale, la SSR. Celle-ci ne survivra pas à l'initiative «No Billag» si elle est acceptée, ce qui aurait pour Genève des conséquences dramatiques, vous le savez: de toute éternité, depuis que la télévision existe, cette entreprise a été, pour sa partie francophone, localisée à Genève, elle produit ici des informations de qualité et elle a été capable jusqu'ici, par une organisation décentralisée, d'intéresser les téléspectateurs et les auditeurs genevois à l'actualité qui nous concerne tout en remplissant son rôle confédéral.
Mesdames et Messieurs, au nom du Conseil d'Etat, je vous invite à renvoyer cette proposition de motion à la commission de l'économie, afin que nous puissions faire le tour des choses. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons voter sur le renvoi de cette proposition de motion en commission.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2411 à la commission de l'économie est adopté par 84 oui (unanimité des votants).
Débat
Le président. Nous arrivons à la M 2139. Il s'agit d'un texte dont le délai de traitement est dépassé. Nous le traitons en catégorie II, trente minutes. Nous avons une demande de renvoi à la commission d'aménagement du canton. Je laisse la parole à M. Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Je voulais juste demander ce renvoi en commission, puisque cette proposition de motion est en cours de traitement. Il s'agit pour la commission d'attendre un dernier élément chiffré du département pour qu'elle puisse boucler ses travaux et rendre un rapport au Grand Conseil. Je vous remercie.
M. François Lefort (Ve). Cette proposition de motion a été traitée à quatre reprises; cela fait un an que nous ne l'avons pas traitée, elle est gelée en commission dans l'attente d'informations que le DALE devait compiler de différentes sources sur demande des auteurs. Il est donc raisonnable de la renvoyer en commission pour en finir.
Le président. Merci, Monsieur. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à voter sur cette demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi pour six mois de la proposition de motion 2139 à la commission d'aménagement du canton est adopté par 81 oui (unanimité des votants).
Un rapport doit être rendu dans les six mois (article 194 LRGC).
Débat
Le président. Nous traitons toujours les urgences. Il s'agit maintenant de la M 2241, nous en discutons en catégorie II, trente minutes. Nous avons une demande de renvoi à la commission de la santé. Monsieur Aellen, vous avez la parole.
M. Cyril Aellen (PLR). Merci, Monsieur le président. Le groupe PLR persiste dans sa demande de renvoi à la commission de la santé.
Le président. Je vous remercie. La parole n'étant plus demandée, nous pouvons voter sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi pour six mois de la proposition de motion 2241 à la commission de la santé est adopté par 72 oui contre 3 non et 5 abstentions.
Un rapport doit être rendu dans les six mois (article 194 LRGC).
Premier débat
Le président. Nous passons à la dernière urgence, que nous traitons en catégorie II, quarante minutes. Je laisse la parole au rapporteur de majorité, M. Aellen.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je suis le rapporteur de majorité qui va devenir le rapporteur de minorité, le MCG étant sensible aux petits fours servis par le Conseil administratif de la Ville de Genève, en particulier M. Sami Kanaan. Par voie de conséquence, je m'exprimerai à la fin du débat.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité. En tant que rapporteuse de minorité, j'aimerais rappeler quelques éléments au début du débat. Il a fallu les nombreuses années entre 1962 et ce jour pour construire cette scène, pour donner au Grand Théâtre la place culturelle importante qu'il a aujourd'hui à Genève, dans la région et au-delà de nos frontières. La réflexion sur la place du canton et des communes dans cette institution date de plus de dix ans. Des déclarations allant dans le sens d'une reprise du Grand Théâtre par le canton datent de 2009, lors du débat, entre autres, sur la LIPP, la réforme fiscale. Depuis l'adoption de la loi cantonale sur la culture, le Conseil d'Etat et le Conseil administratif ont signé une convention - en 2013 - pour travailler à l'entrée progressive du canton dans le fonctionnement du Grand Théâtre et sa gouvernance. Le canton devait intervenir financièrement de manière progressive de 2015 à 2017 avant de négocier un partenariat plus étendu. En effet, il s'avère que le public des abonnés du Grand Théâtre est constitué à 36% d'habitants de la ville de Genève, mais à 39% d'habitants des autres communes ainsi qu'à 19% d'habitants de la région et de la France voisine.
L'augmentation des frais fixes et la difficulté de garder une certaine qualité artistique sont aussi dans la balance s'agissant des moyens financiers. L'idée, à terme, est que ce sera la Fondation du Grand Théâtre qui gérera cette entité. Pour ce faire, des négociations sont en cours afin de déterminer entre autres un seul statut du personnel, actuellement divisé entre une partie municipalisée, pour le personnel administratif et technique, et une partie qui relève déjà de la fondation mais dont les conditions de travail sont hétérogènes - principalement le personnel artistique. Une réflexion et une négociation sont en cours à ce propos; c'est pourquoi cette réforme de la gouvernance ne peut se faire sur un claquement de doigts. La LRT, la loi-cadre sur la répartition des tâches entre les communes et le canton, est venue s'ajouter à un processus qui avait déjà commencé. Vu l'importance de cette institution, nous devons laisser du temps au temps. A Zurich, il a fallu pas moins de dix ans pour qu'un transfert puisse avoir lieu entre les communes et le canton. De plus, pour les députés qui s'offusqueraient de ce que plusieurs entités publiques sont impliquées financièrement dans le Grand Théâtre, rappelons qu'à l'article 3, alinéa 6, de la LRT, il est dit: «Les tâches conjointes sont celles qui doivent être exercées par plusieurs collectivités publiques de manière coordonnée.» Cette possibilité existe donc dans la loi de répartition des tâches entre les communes et le canton.
Nous devons voter ce projet de loi si nous voulons que le Grand Théâtre continue d'être ce qu'il est et de rassembler une multitude de personnes de tous milieux qui vont voir ses spectacles. Merci de le voter.
M. Jean Batou (EAG). Le groupe Ensemble à Gauche votera ce projet de loi. Sur le fond, il y a un problème qui va devenir lancinant dans les années qui viennent: le financement de la culture par le canton. Nous héritons d'une situation où la culture est essentiellement financée par la Ville de Genève et par d'autres communes, et où le canton a une politique culturelle extrêmement faible. Cette situation n'est pas gérable, n'est pas favorable pour l'avenir; nous devons, à travers le dossier du Grand Théâtre, élargir un peu notre perspective et considérer que la culture n'est pas un luxe que l'on confie à des financements privés ou une priorité qui peut être assumée par une seule commune. Il importe que le canton se dote d'une véritable politique culturelle, une politique culturelle qui soit à la hauteur des moyens du canton de Genève. Nous appelons vraiment à soutenir ce projet de loi quelle que soit la formule adoptée aujourd'hui - des amendements proposent un financement seulement pour l'année 2017: nous voterons aussi ces amendements, car il importe de donner le signal que le Grand Conseil soutient la politique culturelle menée actuellement de concert entre la Ville et l'Etat, malheureusement avec une très faible participation de l'Etat. Dans ce sens, il est important que nous ayons un financement pour le Grand Théâtre au moins pour l'année 2017, à hauteur de 3 millions, et que nous arrêtions cette bataille incompréhensible autour de chaque institution culturelle pour trouver des modes de financement communs entre la Ville et le canton.
Mme Françoise Sapin (MCG). La répartition des tâches entre le canton et les communes qui doit être mise en place n'est certainement pas chose facile pour les institutions concernées; encore moins quand il s'agit du Grand Théâtre. En ce qui concerne cette institution, le projet de loi dont on parle maintenant prévoit une aide financière de 3 millions pour 2017 et pour 2018. Ce que demande le MCG, c'est de payer le montant de 2017, pour trois raisons principalement. Premièrement, parce que ce montant a été inscrit au budget 2017 et a été voté par notre Grand Conseil. Deuxièmement - c'est le point le plus important - sans ce versement, la fondation se trouvera en difficulté financière à fin octobre. Troisièmement, la convention a déjà été signée par le Conseil d'Etat et la Ville de Genève.
Les trois commissaires à la commission des finances avaient voté contre ce projet de loi parce que nous n'avions pas reçu de réponses satisfaisantes aux questions que nous avions posées. Etant donné que nous ne versons de l'argent que pour 2017, il reste le montant de 2018; nous aurons certainement l'occasion d'auditionner la Ville et les entités concernées pour avoir les réponses à nos questions, puisque le montant total ne sera pas versé. Pour cela, nous viendrons avec des amendements pour modifier ce projet de loi. J'interviendrai à nouveau tout à l'heure.
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, j'ai deux regrets à exprimer. D'abord, à la commission des finances, malheureusement, l'entrée en matière n'a pas été votée, ce qui nous a empêchés de poursuivre l'étude de ce dossier du Grand Théâtre. Mon deuxième regret est qu'il y a aujourd'hui un vrai malaise entre la Ville de Genève et le Conseil d'Etat. Il se traduit à différents niveaux. Il s'est traduit cette semaine encore par un recours devant la Cour de justice, qui traite de la Fondation des parkings, pour ceux qui ne sont pas encore au courant. Oui, Mesdames et Messieurs, notre problème aujourd'hui est que le désenchevêtrement des tâches se fait très mal, à deux niveaux. On voit qu'à chaque fois qu'on essaie d'avoir une symétrie des efforts, elle est mise à plat. Regardez ce qui s'est passé pour les collèges du cycle d'orientation: nous sommes le seul canton de Suisse, Mesdames et Messieurs, le seul canton de Suisse où les communes ne prennent pas à leur charge les cycles d'orientation. Mesdames et Messieurs, cela ne peut plus continuer ! Je comprends ce malaise. Aujourd'hui, on prend en otage le Grand Théâtre, c'est fort dommage pour cette institution qui ne mérite pas cela, parce qu'elle produit des efforts relativement importants sur le plan culturel, artistique et autres vis-à-vis de notre population. Nous ne pouvons pas continuer à travailler de cette façon. Nous devons trouver une symétrie dans les efforts. Nous avons tous des efforts à faire. Par exemple, regardez aujourd'hui: le projet de budget, très déficitaire, comporte des charges. Je m'arrêterai sur l'une d'entre elles: la péréquation intercantonale nous coûte 40 millions de plus; une répartition de cette somme devrait aussi avoir lieu entre les communes et le canton. Mesdames et Messieurs, faire de la politique, c'est aussi avoir du courage. Nous devons en faire preuve. C'est pourquoi, à ce stade de la discussion, je propose un renvoi en commission de ce projet de loi. (Remarque. Commentaires.) Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur. Les rapporteurs et le Conseil d'Etat peuvent s'exprimer sur cette demande de renvoi en commission. Monsieur Aellen ?
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Le rapporteur de majorité soutient le renvoi en commission. Il rappellera simplement qu'une inscription au budget est une autorisation de dépense et que le débat sur cette problématique avait eu lieu. J'y reviendrai si le renvoi en commission n'est pas accepté. Chacun dans cette salle avait dit ne pas être renseigné: on verra si ceux qui estiment ne pas être renseignés veulent l'être ou si au contraire ils ont décidé de faire du Grand Théâtre un enjeu politique, de combat politique entre la commune et le canton, sans se soucier de son avenir.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité. L'un des orateurs a dit - c'était Mme Sapin, je pense - que nous sommes face à des échéances pour le Grand Théâtre. Je crois que chacun dans cette enceinte doit prendre ce soir ses responsabilités. Je comprends bien les propos de M. Cerutti visant au consensus, mais dans ce dossier-là, pour 2017, nous devons avoir le courage de décider ce soir, étant donné que nous sommes précisément à la fin de l'année 2017. Nous refuserons donc le renvoi en commission.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Je vous invite aussi à refuser le renvoi en commission. Je m'exprimerai tout à l'heure sur le fond. Il y a maintenant une urgence pour le Grand Théâtre s'agissant des liquidités. Le groupe MCG propose des amendements visant à verser une subvention uniquement pour l'année 2017, ce qui obligera le Conseil d'Etat à déposer un nouveau projet de loi pour l'année 2018 - nous pouvons le faire très rapidement. A ce moment-là, ce nouveau projet de loi sera renvoyé en commission et nous pourrons discuter du fond.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je lance le vote sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12123 à la commission des finances est rejeté par 49 non contre 31 oui et 5 abstentions.
Une voix. Quel courage !
Le président. Nous continuons notre débat. La parole est à Mme Flamand-Lew.
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, après discussion au sein de leur caucus, les Verts entreront en matière sur ce projet de loi et voteront les amendements proposés pour sortir de l'impasse sur la subvention pour 2017. Nous sommes en effet déjà au mois de septembre et le temps presse pour le Grand Théâtre. Cela étant, pour les prochaines années, nous aurons besoin d'en savoir plus sur l'avenir du Grand Théâtre de Genève avant de voter de nouvelles subventions. Le Conseil d'Etat doit venir très rapidement avec un nouveau projet pour 2018, mais surtout une information détaillée pour qu'on évite de se retrouver dans la même situation en septembre 2018, avec une subvention qui n'aurait pas encore été votée. Alors que le canton a engagé un processus de désenchevêtrement avec les communes, dans le cas du Grand Théâtre de Genève, on injecte des ressources cantonales dans une structure pour l'instant municipale, dans la perspective d'un transfert dont on ne connaît pour le moment ni les conditions précises ni, surtout, le calendrier. Il est même question que la Ville conserve le bâtiment, tandis que le canton paierait les frais d'exploitation de ce théâtre, ce qui laisse présager de futurs casse-tête. Au vu de la situation financière du canton, récemment exposée lors de la présentation du projet de budget 2018, où le Conseil d'Etat a dit qu'il fallait songer à transférer des charges et des compétences, on l'espère, aux communes, nous pensons que notre parlement doit se reposer la question de l'opportunité du transfert du Grand Théâtre de la Ville au canton. On a en effet fortement l'impression que l'Etat rechigne à récupérer cet opéra et que la Ville, de son côté, n'a pas tellement envie de le laisser partir. La question doit donc être reposée, mais pour sortir de l'impasse de 2017, nous voterons ces 3 millions qui figurent au budget, cela a été dit, et nous reposerons ces questions au Conseil d'Etat très rapidement, nous l'espérons. (Applaudissements.)
M. Edouard Cuendet (PLR). Monsieur le président, vous transmettrez: M. Batou parle d'une politique culturelle menée de concert - c'est de bon goût, pour la musique ! - mais en l'occurrence, c'est une véritable cacophonie. En effet, c'est intéressant, on nous a demandé en commission d'être cohérents, on nous a dit qu'il fallait respecter la parole donnée du Conseil d'Etat dans une convention, on nous a sorti des mots en latin: «pacta sunt servanda», on nous a dit toute sorte de choses. Mais au fond, si on considère la situation, la Ville et son magistrat chargé de la culture nous ont roulés dans la farine, roulés dans la farine, Mesdames et Messieurs ! On nous a promis un désenchevêtrement, et je rejoins ce que Mme Flamand-Lew a dit: on nous a promis le transfert du Grand Théâtre au canton, et ça nous a conduits - certains d'entre nous, pas moi, je vous rassure - à soutenir les 45 millions donnés gracieusement à la Nouvelle Comédie. Après, on dit: maintenant, on va faire un partenariat renforcé ! Le renforcement est assez unilatéral, puisque ce renforcement, c'est que le canton paiera 30 millions qu'on nous demande pour le fonctionnement du Grand Théâtre. On voit donc bien que c'est un marché de dupes. C'est un marché de dupes, parce qu'au fond, ce projet du Grand Théâtre s'inscrit dans un projet beaucoup plus large... Je vois Mme la conseillère d'Etat Emery-Torracinta nier les faits: elle a été bien incapable de nous proposer un projet de désenchevêtrement cohérent en matière culturelle, et d'ailleurs dans toutes les autres matières aussi, puisqu'on a vu que dans les cycles d'orientation, le désenchevêtrement est en train de sombrer lamentablement, notamment grâce aux attaques incessantes de la Ville de Genève. Comme l'a rappelé M. Cerutti à juste titre, la Ville de Genève nous attaque aussi en justice sur de multiples dossiers - c'est clochemerlesque dans l'affaire du stationnement; ça coûte des dizaines de milliers de francs en frais d'avocats, et comptez sur nous pour savoir combien ça aura coûté aux contribuables ! La Ville de Genève nous attaque en justice pour une sombre histoire de stationnement, c'est tout simplement lamentable. La Ville de Genève a montré aussi cette semaine son grand respect des droits démocratiques, puisque la brochure soutenue par M. Pagani a été déclarée absolument abusive par les tribunaux. C'est lamentable, c'est une violation crasse des droits constitutionnels. Ici, on demande au Grand Conseil de voter béatement des millions pour le Grand Théâtre, alors que la Ville ne tient pas parole, alors que nous avons une situation budgétaire absolument calamiteuse et qu'on vient hier d'aggraver le déficit du canton de plus de 30 millions, on arrive à 300 millions de déficit pour 2018. Et on doit donner 3 millions à une ville qui nous roule dans la farine ! Le PLR a toujours été cohérent dans ce dossier, il ne soutiendra de versement que si le transfert effectif se fait au canton dans le cadre du désenchevêtrement. Tout le reste est de la poudre aux yeux ! (Quelques applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Magali Orsini (EAG). Pour ce qui me concerne, je constate que le Grand Théâtre est cette année dans une situation extrêmement difficile. Chaque jour qui passe amplifie ses difficultés. L'année 2017 est déjà largement entamée, et il ne me paraît pas raisonnable de refuser d'ores et déjà la subvention dont il a un besoin vital pour continuer en 2018 à fonctionner. Il produit des spectacles magnifiques qui profitent à l'ensemble de la population, je crois que c'est la population dans toutes ses composantes sociologiques qui va actuellement au Grand Théâtre et je ne trouve pas raisonnable qu'on le rende responsable des difficultés qu'il peut y avoir par rapport au désenchevêtrement des tâches entre le canton et la Ville. Pour cette raison, je demande que cette subvention soit votée pour les deux années 2017 et 2018.
M. Marc Falquet (UDC). Comme toujours, on demande à l'Etat de verser de l'argent à l'aveugle. J'aimerais savoir si, avant de nous demander de verser de l'argent, on s'était inquiété de savoir comment était géré le Grand Théâtre, quels sont les salaires versés, quel est le salaire du directeur, s'il a un salaire modeste, etc. Il faudrait plutôt mettre la Cour des comptes sur le Grand Théâtre, parce qu'avec les subventions pharaoniques qui lui sont déjà versées, avant de donner de l'argent à l'aveugle, il faudrait déjà savoir comment l'institution est gérée. De plus, M. Kanaan a dit que 50% de la clientèle du Grand Théâtre provient du Grand Genève; je crois qu'on verse assez d'argent à la France, la question se pose donc de savoir si la France participe au financement du Grand Théâtre, puisque la moitié de la clientèle du Grand Théâtre est française ou vient d'ailleurs. Avant de donner de l'argent à l'aveugle comme toujours, il y a quelques questions à se poser. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Olivier Cerutti pour une minute trente et une.
M. Olivier Cerutti (PDC). Merci, Monsieur le président. Je me permets de réintervenir sur deux points. En démocratie, Mesdames et Messieurs, il est important d'entrer en matière pour étudier un sujet. Ça ne sert à rien de venir après coup nous dire, la bouche en coeur: on est finalement d'accord de débloquer ces 3 millions pour l'année 2017. Le parti démocrate-chrétien est aussi d'accord de débloquer ces 3 millions pour cette année. Mais le problème, c'est qu'on n'a pas étudié ce dossier en commission ! Et ça, c'est dommageable pour notre démocratie, Mesdames et Messieurs ! C'est pourquoi je vous demande un peu plus de raison. Oui, Monsieur Falquet, le salaire du directeur, c'est peut-être une chose, mais vous avez refusé l'entrée en matière !
Une voix. C'est vrai ! (Exclamation.)
M. Olivier Cerutti. Ce n'est pas comme ça qu'on étudie les choses. Et ça, c'est révoltant, excusez-moi de le dire, parce que derrière toutes ces institutions, il y a des gens qui travaillent, qui font les choses le mieux possible pour nos concitoyens. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Le parti démocrate-chrétien soutiendra malgré tout les amendements, mais demande expressément un retour très rapide de ce problème du désenchevêtrement devant la CACRI. Je vous remercie.
Une voix. Très bien !
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Batou pour cinquante-sept secondes.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Ça suffira pour répondre à mon collègue Edouard Cuendet - vous transmettrez - que Genève n'est pas qu'une place financière, c'est aussi une place culturelle... (Remarque.) ...et ensuite, à l'adresse de mon collègue Falquet, de l'UDC, que si quelques Français qui habitent donc de l'autre côté de la frontière vont en effet au Grand Théâtre, j'imagine qu'il y a aussi des ressortissants des autres communes genevoises qui y vont, et à ce titre, il me paraîtrait tout à fait normal que l'Etat assume ses responsabilités.
M. Romain de Sainte Marie (S). Je ne peux pas m'empêcher de répondre aux propos de M. Cuendet. On sent, la période électorale arrivant, le besoin du PLR d'attaquer la magistrate socialiste. Monsieur le président, je vous invite à transmettre à M. Cuendet qu'il interroge alors son conseiller d'Etat, président du Conseil d'Etat de surcroît, sur l'avancement en matière de désenchevêtrement des tâches entre le canton et les communes. Ses attaques vont tous azimuts; puisqu'on parle culture, M. Cuendet ne peut pas s'empêcher de parler également de formation, car la magistrate socialiste s'occupe en effet de la culture et de la formation. Je signalerai qu'en matière de désenchevêtrement, la Ville prend ses responsabilités et, aux dernières nouvelles, souhaite la prise en charge des collèges du cycle d'orientation. Je rappellerai autre chose, après les attaques de M. Cuendet concernant la culture et sa grande générosité pour la Nouvelle Comédie. Monsieur Cuendet, vous souhaitez le rayonnement de Genève. M. Batou l'a extrêmement bien dit, le rayonnement de Genève n'est pas qu'économique mais aussi culturel; si vous voulez connaître un rayonnement économique, il ne pourra aller sans un rayonnement culturel; il s'agit encore une fois d'infrastructures nécessaires, qui existent grâce à un financement public que nous devons assurer.
Nous devons assumer nos responsabilités concernant le Grand Théâtre. Le canton a signé une convention, nous devons participer au financement de cette institution dont l'ampleur est régionale. Cela m'étonnerait, Monsieur Falquet, qu'il attire un aussi grand public venant de l'autre côté de la frontière, que plus de 50% des spectateurs soient des frontaliers; à mon avis, c'est là faire un faux débat, tout comme c'est un faux débat que de parler de la gestion du Grand Théâtre: très sincèrement, avez-vous déjà vu, Monsieur Falquet, quelque crise ressortir du Grand Théâtre quant à son fonctionnement, à une possible mauvaise gestion ? Ce n'est absolument pas le cas, et pourtant, dans notre république, que ce soit au niveau du canton ou de la Ville de Genève, on sait qu'en cas de dysfonctionnements, ceux-ci apparaissent à la surface assez vite et sortent. C'est donc là aussi un faux débat que de parler d'une mauvaise gestion du Grand Théâtre. Il s'agit aujourd'hui d'un débat sur un engagement culturel au niveau cantonal. Nous ne parlons pas simplement ici d'un espace qui concerne la Ville de Genève: le Grand Théâtre, c'est vrai, a un rayonnement bien plus important, il a un rayonnement international aussi; par conséquent, nous devons tenir nos responsabilités et voter enfin ce financement de 3 millions pour 2017, ce alors que nous approchons déjà de la fin de l'année. Nous accepterons donc les amendements MCG, puisque mieux vaut cela que rien du tout. On peut regretter de n'aller pas plus loin dans les années et de ne pas apporter davantage de prévisibilité pour le financement du Grand Théâtre, mais c'est mieux que rien, et c'est essentiel pour notre canton. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Sormanni pour deux minutes vingt-six.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, tout à l'heure, certains ont voulu voler au secours d'une entreprise privée qui veut quitter peut-être le canton. Aujourd'hui, une institution publique se trouve en difficulté, il faut faire quelque chose. La problématique est relativement simple: il y avait une convention passée entre le Conseil d'Etat et le Conseil administratif qui prévoyait ces étapes de subvention - 500 000 F, puis 2 millions l'an dernier, 3 millions en 2017, 3 millions en 2018. C'était un accord, et en général, on essaie de respecter un accord signé entre des exécutifs. Il faut se rendre compte aussi que le budget 2017 a été voté: ces 3 millions pour 2017 sont dans le budget; je pense qu'il est assez logique de les honorer.
Pour répondre à M. Falquet - vous transmettrez, Monsieur le président - le Grand Théâtre, c'est 60 millions de budget, je vous fais grâce des virgules. La Ville de Genève en assure 40 millions, le reste est payé notamment par la subvention de l'ACG, soit 2,5 millions. Les salaires représentent 24 millions versés par la Ville de Genève; l'autre partie, les artistes et une partie des employés techniques, est payée par la fondation, parce que vous savez qu'il y a deux statuts, deux caisses de retraite; il s'agit de 19 millions. Oui, le Grand Théâtre est bien géré, oui, si l'on veut qu'il continue de rayonner en Europe, il faut pouvoir assurer son financement. Pour ma part, j'accorde beaucoup d'importance au respect de la parole donnée... (Commentaires.) ...et je crois que voter cette subvention pour 2017 est correct. Pour le reste, la discussion continue entre le Conseil d'Etat et le Conseil administratif... (Remarque.) ...dans le cadre de la répartition des tâches, ce qui nous permettra d'y voir clair en 2018.
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à Mme la rapporteuse de minorité pour une minute.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Je prendrai sur le temps du groupe, s'il en reste. La question est ici de savoir si le canton désire s'impliquer dans le Grand Théâtre ou non, que ce soit par une convention telle celle sur laquelle est basée le projet de loi, ou à travers la LRT. Jusqu'à présent, le Conseil d'Etat a montré son orientation et a choisi l'axe d'une action sur le moyen terme visant à collaborer, à partager la gouvernance, voire à reprendre plus tard cette gouvernance au niveau du canton quand tous les problèmes de statut du personnel seront réglés et que la fondation gérera l'entier du Grand Théâtre. Jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu d'opposition formelle par des projets de lois, par des motions, etc., d'une majorité de ce Grand Conseil. On commence à voir aujourd'hui des personnes refuser d'aller plus loin dans ce processus...
Le président. Il vous faudra terminer, Madame, s'il vous plaît.
Mme Lydia Schneider Hausser. ...il faut donc être clair: est-ce le Conseil d'Etat, isolé, qui a pris ces décisions, aboutissant à cette convention que nous allons soutenir, ou le Grand Conseil veut-il faire autrement, auquel cas il faut s'en donner les moyens ? Pour le moment, nous soutiendrons le Grand Théâtre.
Le président. Merci, Madame. La parole est à M. Aellen pour trois minutes.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. J'entends dire que l'institution du Grand Théâtre va mal, et j'entends dire par la même voix, celle du conseiller municipal Sormanni, qu'elle est bien gérée. En réalité, c'est une institution qui appartient entièrement à la Ville. Il est question de savoir s'il revient au canton de mettre les 3 millions dont le Grand Théâtre dit avoir besoin. Ce projet de loi révèle deux choses: d'abord l'amnésie et la naïveté de ce parlement, ensuite l'absence de cohérence et de pilotage de la part du Conseil d'Etat. L'amnésie de ce parlement, parce que c'est la deuxième fois que nous nous retrouvons face à cette problématique. On a coupé en deux un contrat de prestations et on nous a dit en 2016 qu'on ne votait alors que pour 2015 et 2016, parce qu'on allait régler les problèmes. Finalement, on n'a rien réglé, et on a redéposé un nouveau contrat de prestations qu'on a fait durer pour qu'on soit obligé de repayer pour 2017. Quand on a discuté du budget, on nous a dit: «Le budget, c'est pas grave, c'est une autorisation de dépense; on ne dépensera surtout rien s'il n'y a pas de contrat de prestations voté.» Le temps s'écoule, et on vient nous dire que comme il y a un budget voté, il faut dépenser la somme. Je vous invite à aller voir le projet de budget de 2018: il y a aussi ces 3 millions, et vous verrez, on reviendra dans douze mois vous dire qu'on a traîné pendant douze mois, qu'il faut revoter 3 millions parce que c'est trop tard et qu'ils ne savent pas quoi faire. C'est ça, le problème. Mais c'est révélateur d'un flottement total du Conseil d'Etat - je n'ai pas dit de la conseillère d'Etat, mais du Conseil d'Etat dans son ensemble - sur ce type de dossiers entre la Ville et le canton. (Applaudissements.)
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vos interventions concernent plusieurs thèmes. Il y a la question du Grand Théâtre, sur laquelle je vais revenir préalablement, et il y a la question plus large du désenchevêtrement et de la politique culturelle que les collectivités publiques doivent mener.
Sachez que l'engagement du canton dans le Grand Théâtre ne date pas de cette législature: c'est à la fin de la dernière législature que le précédent Conseil d'Etat, en accord avec la Ville de Genève, a décidé qu'il serait judicieux que le Grand Théâtre bénéficie d'une aide cantonale. Pourquoi ? Parce qu'il était déjà question du déménagement du Grand Théâtre. Vous savez que compte tenu de la rénovation du bâtiment, il a fallu déménager le théâtre dans une salle - l'opéra des Nations - où la jauge est plus petite, et où, de ce fait, les recettes de billetterie sont moins hautes. Malgré une gestion qui n'a pas changé - je dirais même que cette année, le Grand Théâtre a amélioré sa gestion, les recettes sont meilleures, les charges ont diminué, etc. - de toute façon on savait que le déménagement allait engendrer des frais. Lors de la législature précédente, il avait été question d'un engagement du canton qui s'est concrétisé dans les plans financiers quadriennaux et dans les différents budgets que vous avez reçus.
Par-dessus s'est ajoutée la question du désenchevêtrement. Je dois reconnaître, Mesdames et Messieurs les députés, que je comprends la mauvaise humeur de certains d'entre vous, parce qu'effectivement, lors des discussions sur le désenchevêtrement, la Ville de Genève, en 2015, compte tenu du blocage sur la Nouvelle Comédie - vous vous rappelez que votre parlement, en tout cas une majorité, ne voulait financer ni l'investissement ni même le fonctionnement, ou l'augmentation potentielle des frais de fonctionnement de ce nouveau théâtre - la Ville de Genève a proposé une répartition des grandes institutions: d'un côté, l'art dramatique - la future Nouvelle Comédie et tous les théâtres - à la Ville, d'un autre, l'art lyrique et symphonique - notamment le Grand Théâtre et l'OSR - au canton. Dans ce cadre-là, la convention a été signée, vous avez accepté à l'unanimité du parlement le projet de loi sur le désenchevêtrement, et notamment la partie sur la culture, et nous sommes entrés en discussion avec la Ville de Genève pour une répartition des tâches.
Cela dit, Mesdames et Messieurs les députés, même si je comprends votre mauvaise humeur, parce que les choses traînent, il faut savoir que ce n'est pas un dossier simple. Pourquoi ? Essentiellement à cause de la question du personnel. Vous savez que le personnel du Grand Théâtre a un double statut: soit il est engagé par la fondation, ce qui est dans l'absolu relativement facile à régler, soit il est engagé par la Ville de Genève et fonctionnarisé, avec des conditions meilleures du point de vue de la caisse de retraite notamment que celles du canton. L'objectif du Conseil d'Etat, qui d'ailleurs est aussi celui de la Ville de Genève dans ce dossier, est que, si le transfert se fait, il ne se fasse pas avec le statut du personnel tel qu'il existe aujourd'hui: ce serait impensable pour le canton de reprendre le Grand Théâtre avec un double statut du personnel. L'objectif pour nous est de régler cette question, mais de manière correcte: nous sommes en train d'étudier la proposition que les personnes engagées sous l'ancien statut de fonctionnaire ne perdront rien, c'est-à-dire que jusqu'à la dernière qui quittera l'institution, elles garderont leur statut, il y aura un arrangement avec le canton pour que cela puisse être assumé; par contre, toutes les nouvelles personnes engagées le seront sous un statut fondation, qui pourrait être amélioré cependant, parce qu'il y a effectivement des choses à améliorer dans ce statut-là. Or, ce ne sont pas des éléments qu'on négocie en deux temps trois mouvements ! Ça prend du temps, d'autant plus que, vous le savez, le personnel a des inquiétudes, à juste titre - il peut se demander ce qui va arriver - et nous ne voulons pas, ni du côté du canton ni du côté de la Ville, rater ces éléments-là. C'est donc vrai que ça prend du temps, c'est vrai que le canton souhaiterait pouvoir aller plus vite, c'est vrai que la Ville ne nous aide pas toujours beaucoup, mais nous avançons néanmoins. Je ne voudrais donc pas qu'on fasse le procès du Grand Théâtre à l'occasion du désenchevêtrement.
J'insiste sur le fait que le Grand Théâtre a besoin de ces liquidités pour les raisons que j'ai évoquées tout à l'heure. Vous savez aussi qu'en matière culturelle - et c'est valable pour l'art lyrique comme pour d'autres domaines - les saisons se préparent à l'avance; le travail sur les saisons suivantes est déjà largement engagé. Des frais ont été prévus, un engagement du canton a été réaffirmé au moment de la signature de la convention de 2015 sur la répartition des tâches. Nous devons aller dans ce sens-là.
Un autre point, qui est intéressant: Mesdames et Messieurs les députés, discutez avec vos collègues de partis qui siègent en Ville de Genève. Que disent-ils, tous partis confondus ? Ils disent: «Mais enfin, comment se fait-il que le canton ne donne pas un signe ? Il ne veut pas voter la subvention, etc.» On est un peu dans l'histoire de la poule et de l'oeuf: qui a tort, qui a raison ? Personne ne veut faire un effort. Ma responsabilité en tant que magistrate chargée de ce département et la responsabilité du Conseil d'Etat est de faire en sorte que cette politique culturelle là puisse se maintenir et que l'art lyrique puisse continuer à être de bonne qualité à Genève. J'aurais souhaité que vous votiez l'entier du projet de loi; je comprends parfaitement que vous souhaitiez une nouvelle fois mettre une... Comment dirais-je ? Préciser à la Ville de Genève que nous souhaitons aller de l'avant, mais qu'elle doit donner des signes. En donnant ces 3 millions pour cette année, vous donnez le signe que vous voulez avancer dans la répartition des tâches, mais il est évident qu'il nous faudra encore quelques semaines de discussion. Cela dit, en refusant d'entrer en matière sur ce projet de loi, vous n'avez pas donné l'occasion à la Ville de Genève de s'exprimer devant votre commission des finances. Je pense que ce serait utile que toutes les questions que vous avez, Monsieur Cuendet - à mon sens, vous avez raison de les poser et c'est normal que vous puissiez les poser - vous les posiez à la Ville de Genève. Je dirais que ce n'est pas au Conseil d'Etat de faire le «go-between» entre les uns et les autres.
Enfin, concernant la politique culturelle, vous nous dites, Monsieur Cuendet, qu'il n'y a pas de politique culturelle, que le désenchevêtrement n'a pas été clair. Je crois pourtant qu'il a répondu à vos attentes. Quand j'étais députée, membre de la commission des finances, je n'ai cessé d'entendre, à l'occasion de chaque projet de loi concernant une subvention culturelle, que ce n'était pas tolérable de donner des subventions quand il y avait deux princes, deux bailleurs de fonds, la Ville et le canton. Le désenchevêtrement que vous avez appelé de vos voeux - ce ne sont pas les socialistes qui l'ont souhaité, à la base - est allé exactement dans ce sens-là. Qu'avez-vous fait depuis ? Le canton reprend la politique du livre, nous déposons, au Conseil d'Etat, avec mon collègue Dal Busco notamment, un projet de loi sur la maison Rousseau et de la littérature, projet de loi qui ne coûtera rien en plus, puisqu'il y aura des réallocations: vous le refusez. Nous sommes chargés de la politique intercantonale du cinéma; pour le projet de loi sur Cinéforom - il s'agit simplement de répondre à des engagements qui datent de plusieurs années, qu'avait pris le précédent Conseil d'Etat - que se passe-t-il ? Votre parti et une majorité du parlement refusent les moyens accordés à Cinéforom. C'est comme ça pour toutes les subventions culturelles. (Remarque.) Donc, Monsieur Cuendet, Mesdames et Messieurs les députés...
Le président. Nous sommes à huit minutes, Madame.
Mme Anne Emery-Torracinta. Oui, merci, Monsieur le président. ...il faut simplement que vous soyez clairs: que voulez-vous en matière culturelle ? Voulez-vous le désenchevêtrement ou voulez-vous simplement que le canton n'ait plus de politique culturelle ? En ce qui me concerne, je souhaite une politique culturelle ambitieuse, je souhaite que le canton reste un coordinateur important, qu'il puisse continuer à faire ce qu'il fait aujourd'hui en matière de livres, en matière de lieux culturels, en matière de cinéma, et je compte bien que vous m'aidiez, vous, les députés, dans cette politique-là. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous allons voter sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12123 est adopté en premier débat par 56 oui contre 31 non et 3 abstentions.
Deuxième débat
Le président. Nous sommes saisis d'une demande d'amendements de Mme Sapin, qui s'est largement expliquée à ce sujet-là. Voulez-vous reprendre la parole ?
Mme Françoise Sapin (MCG). Très rapidement, Monsieur le président, je ne vais commenter qu'une fois les trois articles mentionnés sur la demande d'amendements. Il s'agit d'enlever l'année 2018 et de ne laisser que l'année 2017, pour les trois articles mentionnés.
Le président. Merci. Si la modification du titre est acceptée, les modifications aux trois autres articles en découleront.
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Largement, le vote sera donc nominal. Monsieur Aellen, c'est à vous.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Deux choses. Premièrement, il faut être naïf pour penser que voter pour une année ne signifie pas voter pour deux ans: il suffit d'écouter la conseillère d'Etat nous l'expliquer pour comprendre qu'il s'agit simplement d'un saucissonnage. Deuxièmement, il est important de dire que ces 3 millions ne représentent pas une subvention pour le Grand Théâtre, mais pour la Ville de Genève. En effet, l'institution appartient à la Ville de Genève, qui doit financer son théâtre tant qu'aucun transfert n'est programmé et organisé. Bien plus, un texte déposé notamment par le groupe PLR au Conseil municipal vise à accorder ces 3 millions au Grand Théâtre. Il ne s'agit donc pas de savoir, en réalité, si le Grand Théâtre va avoir 3 millions, mais de savoir qui va les payer. Dans ces conditions, surtout avec le discours du Conseil d'Etat qui veut transférer des charges aux communes - c'est même son discours phare à la présentation du budget - c'est tout à fait déraisonnable de dire maintenant: «Nous voulons juste donner un signe, donc il faut verser 3 millions» !
Le président. Merci. Madame Schneider Hausser, votre temps de parole est largement épuisé, je suis désolé. Nous allons d'abord voter la modification du titre, selon l'amendement du MCG que voici:
«Nouvel intitulé:
accordant une aide financière pour l'année 2017 à la Fondation du Grand Théâtre de Genève»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 84 oui contre 2 non et 3 abstentions (vote nominal). (Le vote nominal n'a pas pu être enregistré.)
Mis aux voix, le titre ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, le préambule est adopté, de même que l'art. 1.
Le président. Nous allons maintenant voter sur les trois autres articles dont la modification dépend de ce qui vient d'être accepté. Il s'agit d'abord de l'article 2, alinéa 1, dont voici la nouvelle teneur:
«Art. 2, al. 1 (nouvelle teneur)
1 L'Etat verse à la Fondation du Grand Théâtre de Genève un montant annuel de 3 000 000 F en 2017, sous la forme d'une aide financière monétaire d'exploitation au sens de l'article 2 de la loi sur les indemnités et les aides financières, du 15 décembre 2005.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 83 oui contre 1 non et 5 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 2 ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'art. 3 est adopté.
Le président. L'article 4 fait aussi l'objet d'un amendement qui découle de la modification du titre. En voici la teneur:
«Art. 4 Durée (nouvelle teneur)
Le versement de cette aide financière prend fin à l'échéance de l'exercice comptable 2017. L'article 8 est réservé.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 84 oui et 4 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 4 ainsi amendé est adopté.
Le président. Nous voici au dernier amendement qui découle de la modification du titre:
«Art. 5 But (nouvelle teneur)
Cette aide financière doit permettre à la Fondation du Grand Théâtre de Genève de mener à bien son projet artistique et culturel tel que défini dans le cadre de la convention de subventionnement portant sur l'année 2017.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 85 oui et 3 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 5 ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'art. 6 est adopté, de même que les art. 7 à 10.
Troisième débat
La loi 12123 est adoptée article par article en troisième débat.
Le président. Monsieur Aellen ?
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité. Monsieur le président, j'aimerais indiquer, pour le Mémorial, et à l'intention du Grand Théâtre, que l'engagement du parlement vaut pour 2017. Que le Grand Théâtre ne planifie pas, sur la base de nos discussions, 3 millions dans son budget 2018, car ils ne sont pas votés !
Le président. Merci, Monsieur. J'invite l'assemblée à se prononcer sur l'ensemble de la loi.
Mise aux voix, la loi 12123 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 56 oui contre 30 non et 3 abstentions.
Suite du premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous allons aborder le dernier sujet du jour. Je vous rappelle qu'hier, nous n'avons pas terminé le premier débat sur le projet de loi 11501. Les personnes inscrites pour prendre la parole étaient M. Zacharias, pour trois minutes, et M. Falquet, pour une minute trente. Concernant les rapporteurs, Mme Haller s'est annoncée, il lui reste cinquante secondes. La dernière personne qui peut encore parler est un député du PDC, les autres groupes ayant épuisé leur temps de parole. Le PDC a encore trois minutes quarante. La parole est à M. Zacharias pour trois minutes.
M. Ronald Zacharias (MCG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, pour financer le très ambitieux programme contenu dans ce projet de loi dont la finalité est noble, il faut bien le dire, puisqu'il s'agit de tenter de mettre un terme au chômage, le texte a implicitement recours à deux instruments de politique économique, l'un budgétaire, l'autre fiscal. La politique économique budgétaire fait appel à un concept peaufiné par la gauche depuis des années, celui de l'endettement enrichissant. Qu'est-ce que c'est ? C'est d'abord une dette publique qui n'a pas pour vocation d'être remboursée. L'obligation «j'emprunte, donc je dois» est remplacée en matière publique par «j'emprunte, donc j'ai plus». Cerise sur le gâteau, les intérêts négatifs: vous le comprendrez aisément - et en cela, il faut donner raison à la gauche - dans un contexte pareil, pourquoi maintenir un frein à l'endettement ? Ce n'est plus utile, ni même de tenter d'obtenir un équilibre budgétaire.
Le deuxième instrument est fiscal, il ressort de la doctrine de la fiscalité régénérante. Qu'est-ce que c'est ? On se souvient du conseil de Colbert à Louis XIV: en matière d'impôts, il faut plumer la volaille sans trop la faire crier. Ce projet de loi de la gauche va plus loin; après avoir écorché vif, on se rend compte qu'il y a encore de la chair et des os, en d'autres termes, il n'y a plus de limites. Forte de ces deux instruments, la gauche se propose de mettre un terme au chômage. Eh bien ce sera sans nous ! Je vous remercie.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de deuxième minorité. Je ne répondrai pas à M. Zacharias, ça n'en vaut pas la peine. J'aimerais juste dire que ce texte, outre qu'il veut lutter efficacement contre le chômage, propose de mettre de l'ordre dans le domaine de l'insertion afin qu'il cesse d'être un marché d'aubaine pour employeurs en mal de subventions ou patrons indélicats qui profitent de la détresse des demandeurs d'emploi pour abuser de leur situation et déréguler le marché du travail. Quels qu'aient été les montants qu'on aurait retenus pour ce projet de loi si l'on était entré en matière, j'aimerais dire que le véritable gouffre à millions, ce n'est pas ce projet de loi: ce texte est un investissement sur l'avenir, un investissement pour l'avenir des demandeurs d'emploi et des personnes à l'aide sociale, qu'il cherche véritablement à aider. Le véritable gouffre à millions, c'est, comme on l'a dit hier... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...la RIE III, qui revient sous de nouveaux oripeaux, la PF 17. Ne l'oublions pas, ce projet propose des cadeaux somptueux aux entreprises les plus riches de ce canton. Or nous, ce que nous voulons, c'est véritablement aider les chômeurs à sortir du chômage, permettre aux personnes de sortir de l'aide sociale, ce que vous avez généralement tendance à oublier de faire. Je vous remercie de votre attention.
M. Marc Falquet (UDC). On constate en effet que la population genevoise devient de plus en plus pauvre, mais les solutions proposées par la gauche sont extrêmement mauvaises. Ce n'est pas ça, le problème ! Le problème est qu'actuellement, à Genève, on assiste à un grand remplacement des travailleurs. Les Genevois de 50 ans et plus sont remplacés par des travailleurs de l'Union européenne de 30 ans et moins. C'est ça, le problème ! Aujourd'hui, à Genève, on a un droit au chômage, mais on n'a pas de droit à l'emploi ! Il faudrait peut-être commencer par inscrire un principe de défense des travailleurs. On ne le fera pas en favorisant des entreprises bidon qui vont encore coûter, en chargeant les entreprises, en chargeant l'Etat qui se trouve dans une situation financière catastrophique. Non ! La solution est d'inscrire un droit prioritaire au travail pour les Genevois. C'est le projet de loi de l'UDC, la priorité à l'emploi; un droit constitutionnel, un droit au travail inscrit dans la constitution. Il y a un droit au chômage où de plus en plus de personnes... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Voilà, vous avez compris le principe, merci beaucoup. Ah, j'ai encore droit à la parole ! Je continue. C'est tout simple: un droit à l'emploi inscrit dans la constitution, un droit au travail. Aujourd'hui, les syndicats feraient mieux de défendre les travailleurs genevois que de défendre n'importe quoi.
Le président. C'est terminé, Monsieur, merci.
M. Marc Falquet. Tous les jours, à l'UDC, nous avons de nouveaux membres qui sont des exclus... (Le micro de l'orateur est coupé.)
Le président. La parole est à M. Zacharias pour deux minutes.
M. Ronald Zacharias (MCG). Merci, Monsieur le président. Sur le plan systématique, il est quand même assez cocasse de relever qu'à l'article 1, si je me souviens bien, on trouve une consécration du droit au travail, immédiatement suivie des jours de congé. (Remarque.) Ensuite, on a un plan quadriennal, et finalement, bien plus loin, les dispositions qui régissent le travail lui-même. (L'orateur rit.) Je vous remercie.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Il est vrai que lorsqu'on parle du droit au travail, on se trompe: il s'agit du droit du travail, il n'existe pas de droit consacré au travail. Il est tout à fait dommageable que dans un tel texte, on parle en premier des jours fériés et des vacances. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi n'est pas réaliste et n'est pas réalisable non plus. Il va coûter 200 à 250 millions, et je reviens avec les dépenses que vous avez votées majoritairement dans ce Grand Conseil hier: nous arrivons déjà à aggraver le déficit du budget pour l'année prochaine d'une telle façon que je ne vois pas comment nous allons nous en sortir. Concernant les attaques permanentes contre les frontaliers, je rappellerai à M. Falquet - vous transmettrez, Monsieur le président - que les représentants de la CGAS auditionnés par la commission de l'économie ont démontré que ce n'est pas l'afflux des frontaliers qui provoque du chômage, mais plutôt la globalisation d'une certaine économie et la délocalisation des entreprises. Je vous encourage vivement à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur. (Remarque.) Vous n'avez plus de temps de parole, c'est fini. Madame Schneider Hausser, pour cinquante secondes. (Remarque.) Ce n'est pas pour vous, c'est pour Mme Schneider Hausser ! Vous n'avez plus de temps de parole. (Un instant s'écoule.)
Une voix. C'est pour toi !
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de première minorité ad interim. Ah ! Excusez-moi, Monsieur le président, je n'avais pas entendu mon nom. Mesdames et Messieurs les députés, vous vous offusquez de ce qu'on parle déjà à l'article 5 des jours fériés: nous avons juste suivi la loi actuelle sur le chômage, qui place les jours fériés à l'article 4 ou 5, y compris les trois jours dont quelqu'un s'offusquait hier, désignés par la loi fédérale; c'est repris tel quel. Gardez vos commentaires ou adressez-les à la Confédération ! Ensuite, tout le monde ici se montre préoccupé par la stagnation, voire l'augmentation du chômage. Quelles qu'en soient les raisons, je pense que le nombre de personnes au chômage, demandeurs d'emploi, qui vont grossir les rangs de l'aide sociale...
Le président. Il vous faut terminer, Madame.
Mme Lydia Schneider Hausser. ...nous questionne. Nous vous proposons une possibilité de travail, vous la refusez, j'espère juste que nous ne ferons pas uniquement des économies sur l'aide sociale in fine.
Le président. Merci, Madame. La parole est à M. Béné pour une minute quarante.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Oui, ce projet est très ambitieux: 200 ou 250 millions d'investissement dans des prestations supplémentaires alors que le peuple genevois y a lui-même d'ores et déjà renoncé, c'est en effet très ambitieux. C'est surtout inadmissible de soutenir ce genre de projet pour des partis gouvernementaux comme les Verts et les socialistes. Mesdames et Messieurs, j'ai relevé que la plupart des intervenants en faveur de ce texte étaient soit des fonctionnaires, soit des employés d'organismes publics subventionnés; ils ont des emplois sans contrainte commerciale, sans objectif de rendement financier, dans des entreprises qui ne sont pas privées, des organismes qui ne bénéficieront pas de la PF 17, parce qu'elles ne paient pas d'impôts. Quand on en arrive à dire, Mesdames et Messieurs... non pas Mesdames et Messieurs, mais Mesdames les rapporteurs, que dans notre monde, le travail est très valorisé par rapport à l'aide sociale, ça devient vraiment dramatique. Alors oui, nous défendons les prestations étatiques raisonnables... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...et utiles pour ceux qui en ont réellement besoin; nous défendons l'initiative privée, les entrepreneurs, les créateurs d'emplois à plus-value, et oui, nous défendrons la PF 17 parce que nous croyons à un effet de levier qui bénéficiera aussi à l'emploi. Mais non à ce projet de loi ! Comme le peuple genevois, nous ne défendrons jamais l'assistance généralisée que certains esprits rétrogrades tentent de nous imposer ! (Commentaires.)
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je ne m'attarderai pas sur la systématique discutable ou la qualité rédactionnelle douteuse de ce projet de loi. Il doit être rejeté pour d'autres raisons. Il représente une image de la société que nous ne voulons pas: nous ne voulons pas d'une société dans laquelle nous luttons contre le chômage en créant des ateliers protégés pour des personnes qui peuvent parfaitement travailler dans le monde du travail ordinaire. C'est insulter ces personnes qui ont des compétences que de leur dire que nous allons leur créer des emplois sur mesure pour les y mettre et ensuite les stabiliser après quatre ans. Je ne m'attarderai pas sur le fait, relevé par l'un d'entre vous, qu'en son article 5 déjà, cette loi parle des jours fériés, qui à mon sens ne devraient pas être la préoccupation principale quand on essaie de donner un emploi à nos chômeurs. J'en viens à l'article central, qui demande de créer des emplois avec des institutions privées ou associatives à but non lucratif, avec des buts d'intérêt collectif qui n'entreront pas en concurrence avec les entreprises privées. On veut donc, par ce texte, créer des emplois en dehors du marché du travail, en sachant très bien que ce travail-là n'est pas rentable et qu'il ne pourra qu'être subventionné par la collectivité. Ce sont 100 millions au minimum que l'on nous dit vouloir investir dans ce projet, somme qui devra augmenter année après année. Au bout de quatre ans, l'Etat devra tout simplement faire en sorte que ces emplois soient stables. Voulons-nous une société d'assistés ? Est-ce l'image que nous voulons donner de notre société ? Est-ce la dignité que nous voulons rendre à nos candidats à l'emploi qui ont pourtant des compétences et ne demandent rien de mieux que de les mettre au profit de notre économie ? Non, Mesdames et Messieurs, vous ne pouvez pas soutenir un projet de loi comme celui-ci. Le Conseil d'Etat vous demande de le rejeter.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'invite l'assemblée à se prononcer sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11501 est rejeté en premier débat par 57 non contre 19 oui et 7 abstentions.
Le président. Je vous remercie de votre travail et vous souhaite une excellente soirée.
La séance est levée à 19h45.