République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 22 septembre 2017 à 14h
1re législature - 4e année - 6e session - 33e séance
P 1966-A
Débat
Le président. Nous passons au dernier point de cette séance, soit la P 1966-A. Le rapport est de M. Barbey, à qui je donne la parole.
M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi de dire quelques mots sur cette pétition, dont le traitement a quand même été assez intéressant et qui surtout, selon moi, est exemplaire de la démocratie suisse, puisqu'elle a été portée par une seule personne. Ce n'est pas qu'elle ne comportait qu'une signature, mais un signataire a réussi à la porter, à savoir en l'occurrence un employé d'une école de la Ville de Genève. (Remarque.) Son souci, c'était essentiellement la surcharge des enfants: il prône donc le retour au système du mercredi matin de congé et à une semaine de quatre jours, tout en craignant également pour l'organisation du parascolaire les mercredis matin.
Lors des auditions, en particulier celle de Mme Emery-Torracinta, les raisons de ce changement d'organisation du travail scolaire et de la réintroduction du mercredi matin à l'école nous ont été rappelées, à savoir que les petits Genevois avaient moins de minutes de cours que tous les autres élèves suisses, qu'ils obtenaient des résultats relativement mauvais aux tests PISA et autres, et qu'il était donc nécessaire de rehausser le niveau genevois par une augmentation du nombre d'heures, consacrées en particulier aux langues. Ce changement a été accepté par le peuple par environ deux tiers des voix, ce qui méritait quand même qu'on respecte la volonté populaire - même si elle mérite de toute façon qu'on la respecte, je tiens à le préciser !
Mme Emery-Torracinta nous a également dit qu'un rapport intermédiaire faisait part d'un meilleur enseignement et de meilleurs résultats des élèves, en particulier au niveau de la lecture, ce qui est déjà satisfaisant, mais qu'il s'agissait d'attendre que les élèves aient accompli un cycle de quatre ans dans ce nouveau système pour qu'on puisse réellement l'évaluer et voir ce qu'il en est. De plus, étant donné tout ce que cela implique pour le DIP en termes organisationnels, on ne peut pas changer de système d'une année à l'autre en essayant de voir ce qui va le mieux convenir à tout le monde; il faut garder une certaine ligne. Mais la bonne nouvelle, c'est que Genève est maintenant en tête du nombre d'heures enseignées chez les petits enfants et que ces résultats sont en voie d'augmentation. On verra comment les choses évolueront au cours des prochaines années, mais c'est forte de ces constatations que la commission vous propose de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil par 10 oui contre 4 non et 1 abstention. Je vous remercie.
M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette pétition vient effectivement peut-être un peu tôt. En effet, on n'a pas vraiment eu le temps de faire le bilan de la réintroduction du mercredi matin à l'école primaire, mais ce qu'on peut déjà dire - et cela part de ce constat - c'est que les élèves de l'école primaire sont soumis à un horaire plus long que les élèves du cycle d'orientation. C'est une anomalie qu'on a pu observer et à laquelle la cheffe du département a dit qu'elle voulait apporter une modification, éventuellement en augmentant le nombre d'heures de présence des élèves au cycle d'orientation pour se mettre en conformité avec la logique qui voudrait qu'un élève plus âgé soit plus sollicité en termes d'heures de présence au cycle d'orientation.
Je me suis opposé au constat de la commission en proposant de renvoyer cette problématique au Conseil d'Etat, à la conseillère d'Etat, parce que j'estimais que le bilan n'avait pas été totalement fait. Il y a eu un bilan intermédiaire, bien sûr, les enseignants ont été partiellement sollicités pour obtenir des résultats suite à cette réintroduction, et même les spécialistes - notamment les médecins - ont alerté la cheffe du département au sujet de l'état de santé et de la sollicitation des élèves de l'école primaire. Pour toutes ces raisons, je m'abstiendrai lors du vote sur la proposition de la commission, parce que j'aurais souhaité que ce soit la cheffe du département qui soit interpellée sur cette pétition. Je vous remercie.
Mme Sarah Klopmann (Ve). Au moment de la votation sur le mercredi matin à l'école, les Verts étaient déjà très partagés, et il semble que ce soit toujours le cas. A un moment donné, les élèves genevois ont eu d'assez mauvais résultats aux tests PISA, on a paniqué, et on s'est dit que la solution miracle était de les faire aller plus longtemps à l'école et de leur enlever un matin de libre. Eh bien je ne suis pas sûre que ce soit vraiment la meilleure solution. J'aurais préféré qu'on réfléchisse à réorganiser un peu la manière dont on fait l'école ici. Des pays nordiques sont en train de tester des styles de formation complètement innovants et qui apparemment marchent super bien, mais ça implique un système peut-être un peu moins carré, un peu moins discipliné. Il suffirait de s'inspirer de ce genre de méthodes et d'essayer d'inventer quelque chose de nouveau pour peut-être faire progresser un peu nos élèves dans de meilleures conditions. J'aurais préféré cela ! J'aurais également préféré qu'on admette que, pour que les élèves puissent mieux apprendre à l'école, il faut aussi qu'ils soient dans de meilleures dispositions. Ça veut dire réorganiser les choses, mais aussi leur laisser le temps d'avoir des loisirs, ce qui finalement est assez rare maintenant pour les enfants, ce que je trouve vraiment dommage. Il faudrait également leur laisser le temps de se reposer, ce qui ne semble pas toujours acquis non plus, et on a du reste apparemment remarqué - ce n'est pas moi qui le dis, mais les pétitionnaires et les quelques études qui ont été menées - que les élèves sont effectivement beaucoup plus fatigués depuis la réintroduction de ce mercredi matin à l'école, ce qui est vraiment dommage.
D'une manière générale, et je l'ai déjà dit ici au sujet de beaucoup d'autres pétitions, je pense qu'il faut qu'on arrête d'avoir une société qui veut toujours faire croire qu'on arrivera mieux si on travaille plus, si on se fatigue plus, si on s'épuise plus. Parce que si on a une vie plus agréable, on parvient mieux à tout gérer ! J'aimerais une vie qui comporte aussi un profit intellectuel, émotionnel, et qu'on laisse un peu aux gens le temps de vivre.
Par contre, évidemment, s'il n'y a plus l'école le mercredi matin, il faut qu'il existe des solutions pour les élèves qui n'ont malheureusement pas l'opportunité d'avoir des activités intéressantes s'ils le souhaitent ou d'être gardés comme il se doit. C'est pour cela que si le mercredi matin est supprimé à l'école, il est très important qu'on veille à ce que soient mises en place diverses activités parascolaires, évidemment gratuites, accessibles pour chacun des élèves. Les Verts auront donc la liberté de vote, et j'espère que bientôt les élèves pourront profiter un peu de la vie aussi.
M. Christian Frey (S). Le groupe socialiste est en faveur du dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil pour une raison très simple, c'est que nous n'avons pas le recul nécessaire pour faire une évaluation de l'introduction du mercredi matin à l'école. Nous ne l'avons pas ! On nous l'a dit clairement - Mme Emery-Torracinta l'a indiqué, ainsi que les personnes qui l'ont accompagnée - cette évaluation doit se faire, pour toutes les bonnes raisons qui ont été évoquées par Mme Klopmann - vous lui transmettrez, Monsieur le président - mais il s'agit maintenant d'attendre au minimum quatre ans pour procéder à cette évaluation dans de bonnes conditions et pouvoir vérifier ce qui s'est passé avec les élèves, y compris d'ailleurs au niveau de leur fatigue. Entre parenthèses, il ne s'agit pas de s'apitoyer sur cette fatigue: d'autres élèves en Suisse ont des heures comparables et ils ne sont pas totalement déprimés et fatigués en fin de semaine. Je vous remercie.
M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, lorsque Charles Beer a accepté sa charge de conseiller d'Etat en 2003, il caressait déjà l'idée d'introduire le mercredi matin d'école pour corriger ce que sa prédécesseure, Martine Brunschwig Graf, avait fait avec la semaine 2+2, à savoir lundi-mardi et jeudi-vendredi. Il lui a fallu onze ans pour mettre cela en place, et je crois que d'une certaine manière le débat a eu lieu, mais il a surtout été sanctionné par une votation populaire le 11 mars 2012: le peuple a accepté l'idée du mercredi matin, avec aussi un certain nombre de postes pour le cycle élémentaire. Alors je ne suis pas de ceux qui disent: «Le débat a eu lieu, circulez, il n'y a plus rien à voir», mais j'aimerais revenir à notre objet, et ce n'est pas cette petite pétition - je suis désolé de l'appeler ainsi - qui va rouvrir le débat sur l'école, l'horaire scolaire, l'horaire continu, le mercredi matin ou non, etc. C'est un sujet tellement complexe qu'il faudra sûrement rouvrir le débat sur l'horaire scolaire, l'horaire des écoliers, les biorythmes et tout ce qu'on veut, mais ce n'est pas le moment. Non seulement parce que le bilan n'a pas été effectué - comme l'a rappelé par exemple Christian Frey, ancien président de la commission des pétitions - mais aussi parce que - et là c'est un peu de manière désolée que je suis obligé de le dire - le mercredi matin d'école accepté en votation populaire en 2012 et entré en vigueur à la rentrée 2014 n'est pas encore effectif pour tous les élèves du cycle moyen de 8 à 12 ans, comme cela devrait être le cas, et en particulier pour les élèves de l'enseignement spécialisé. Cela est anormal et, Mesdames et Messieurs de la majorité, vous devriez en prendre acte, c'est faute de moyens, faute de voter les budgets nécessaires ! Les postes manquent pour assurer ce travail et donc actuellement, je l'ai dit et je le redirai chaque fois, des élèves ne peuvent pas bénéficier - et j'emploie volontairement le verbe «bénéficier» - de ces mercredis matin d'école, ce qui est totalement anormal.
M. Jean Romain (PLR). On ne va pas refaire ici tout le débat sur le mercredi matin qui a duré fort longtemps. Le rapporteur - l'unique rapporteur - a avancé un argument, à savoir que les élèves du primaire genevois suivent moins de cours que ceux des autres cantons et qu'on se demande s'il faut y voir la raison pour laquelle ils ont de moins bons résultats qu'ailleurs. Je ne veux pas revenir là-dessus, mais les recettes proposées par Mme Klopmann ne sont évidemment pas celles que nous devrions raisonnablement adopter. Je ne suis pas non plus opposé au fait de remettre en question des mesures prises concernant l'école. Ça fait longtemps que je demande des bilans ! Nous avons subi durant les vingt dernières années des réformes en rafale - un peu moins depuis quelques années - or jamais à aucun moment ces réformes n'ont fait l'objet d'un bilan qui soit crédible, qui soit celui que nous pourrions comprendre. On nous a présenté ces réformes, et il est évident que je suis aussi pour tirer un bilan de la réforme du mercredi matin et, cas échéant, revenir sur ce que nous aurions pu faire faux. Mais il faut laisser passer un peu de temps - tout le monde ou presque l'a dit dans cet hémicycle - et ne pas précipiter les choses. Il faut laisser passer en tout cas quatre ans - ce qui me semble relativement peu - ou éventuellement un peu plus pour savoir ce qu'il en est, et peut-être faudra-t-il, je le conçois parfaitement, revenir sur cette réforme que nous avons mise en place à grands frais, c'est vrai aussi.
Maintenant, il est tout simplement raisonnable de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, comme le demande la majorité de la commission, et c'est ce que nous devrions faire afin de nous donner un peu de temps pour tirer ce bilan plus tard. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Girardet pour une minute et cinq secondes.
M. Jean-François Girardet (MCG). Merci, Monsieur le président. Je voulais juste apporter une petite précision assez importante. M. Barbey nous dit dans son rapport que cette pétition n'a été portée que par un pétitionnaire, or contrairement à ce qu'il a affirmé, cette dernière a été signée par 1331 personnes. Je trouve que ça méritait d'être rectifié, par respect pour ceux qui se sont donné la peine de présenter cette pétition. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous allons voter sur les conclusions du rapport, à savoir le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1966 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 53 oui contre 19 non et 3 abstentions.