République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 1 juin 2017 à 20h30
1re législature - 4e année - 4e session - 17e séance
R 829
Débat
Le président. Nous passons à notre première urgence, la R 829, qui sera traitée en catégorie II, trente minutes. La parole est à Mme Nathalie Fontanet.
Mme Nathalie Fontanet (PLR). Merci, Monsieur le président. Monsieur le président, chers collègues, c'est avec beaucoup de fierté que le groupe PLR a appris que Beatriz de Candolle était appelée à recevoir la distinction de l'ordre du Rio Branco brésilien. Dès qu'elle en a été informée, Beatriz de Candolle a immédiatement communiqué l'information au secrétariat général du Grand Conseil et lui a envoyé son courrier qui figure dans l'exposé des motifs de la présente proposition de résolution. La remise de cette distinction est prévue le 16 juin; Beatriz a donc parfaitement respecté la procédure, à savoir requérir l'autorisation avant d'accepter la distinction. Beatriz de Candolle, de nationalité suisse, a conservé sa nationalité brésilienne d'origine. Son intégration a été remarquable; nul doute qu'elle est un exemple pour de nombreux arrivants dans notre pays. Engagée en politique depuis près de vingt ans - au niveau municipal d'abord puis au Grand Conseil et au sein de l'exécutif de la commune de Chêne-Bourg - Beatriz de Candolle s'est mise au service des citoyens et a largement démontré son attachement à notre pays, à notre canton, à sa commune ainsi qu'à nos institutions.
Parallèlement à ses mandats politiques, Beatriz de Candolle s'est engagée dans les milieux associatifs, oeuvrant notamment pour l'intégration des handicapés, mais aussi - et c'est ce qui lui vaut l'honneur de recevoir cette distinction - pour l'intégration de la communauté brésilienne. Beatriz de Candolle est présidente de l'Association Raízes, reconnue d'intérêt public, qui bénéficie de l'appui des autorités cantonales et travaille en partenariat avec elles, en particulier dans le cadre de cours de français pour adultes lusophones. Dans ce contexte, elle a aussi été l'initiatrice du développement dans notre canton de l'apprentissage de la langue d'origine pour les enfants d'ascendance brésilienne. La contribution d'un tel apprentissage à une meilleure intégration est unanimement reconnue. L'engagement de Beatriz de Candolle pour la communauté brésilienne est ainsi intrinsèquement lié à son engagement pour notre canton. Et puis, chères collègues féminines, en ce jour où notre quotidien genevois souligne le faible pourcentage de représentation féminine dans notre hémicycle, nous devrions également nous réjouir qu'une des nôtres soit honorée et remerciée pour son engagement sans faille. Pour ces motifs, le groupe PLR vous recommande d'autoriser Beatriz de Candolle à accepter la distinction de l'ordre du Rio Branco brésilien. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Il y a peu de temps, nous avons eu un débat relativement nourri sur l'attribution d'une médaille par la Russie à M. Mettan. C'est vrai que cela pose des problèmes, des problèmes fondamentaux, des problèmes également d'évolution des mentalités. Il fut une époque où il n'était pas concevable de recevoir une médaille ou la moindre des décorations d'un quelconque pays étranger. Les temps ont changé et notre Grand Conseil permet d'ailleurs actuellement des dérogations à la règle qui indique que nous ne devons pas recevoir ce genre de médailles; cette possibilité dérogatoire est donc tout à fait utilisée. Pour le groupe MCG, le Brésil est certainement un beau pays, un pays que nous apprécions - comme beaucoup d'autres d'ailleurs ! Et Beatriz de Candolle est une personne de qualité que nous apprécions également. Pour une question de principe, le groupe MCG a néanmoins décidé de laisser la liberté de vote à ses membres, chacun pouvant ainsi décider en son âme et conscience s'il accepte ou non cette dérogation. Merci, Monsieur le président.
M. Pierre Vanek (EAG). Quand nous avions discuté des problèmes de médailles...
Une voix. Ce sont des médailles pour les chiens ?!
M. Pierre Vanek. ...liés à l'attribution d'une décoration russe à monsieur...
Le président. Mettan.
M. Pierre Vanek. ...à M. Mettan, le PDC s'était élevé en disant: «Nous reviendrons avec des propositions pour régler ce problème, parce qu'en effet il y a un problème.» Et c'est vrai; c'était M. Buchs qui s'était exprimé, je crois. Quant à l'objet dont nous sommes maintenant saisis, j'ai bien sûr de l'amitié pour la députée concernée et du respect pour son activité décrite ici. Mais je suis, sur le principe, pour qu'on applique dans cette enceinte les mêmes dispositions qu'à l'Assemblée fédérale: les députés ne reçoivent simplement pas de décorations d'Etats étrangers ! D'Etats étrangers respectables comme d'Etats étrangers qui le sont moins, de régimes démocratiques intéressants et sympathiques ou de régimes qui le sont moins. On règle cette question pour éviter précisément d'avoir tous ces débats ad hoc, de cas en cas ! On règle ce débat par une interdiction générale, et les Etats étrangers qui veulent décorer des députés peuvent attendre la fin de leur mandat pour le faire ! Ainsi, je ne voterai pour ma part pas cette exception, parce qu'il n'y a pas de raison ! On va commencer à voter tous les mois des exceptions et à débattre des mérites des uns et des autres, à tenter de savoir s'il est plus respectable de recevoir cette médaille brésilienne que celle décernée par Poutine à notre collègue. C'est sans doute le cas, mais ce n'est quand même pas un débat que nous devrions avoir ici ! Comme le PDC n'a donc pas déposé de proposition législative sur cette question, je vous annonce, Mesdames et Messieurs, que nous le ferons en reprenant simplement les termes de l'interdiction générale faite aux députés, à l'Assemblée fédérale, de recevoir des décorations étrangères. Et dans la ligne de cette position, je voterai pour ma part contre cette résolution.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien va soutenir avec plaisir cette résolution. C'est une grande fierté pour notre parlement, pensons-nous, qu'une de nos collègues soit décorée pour des qualités que Genève se targue justement de promouvoir ici et dans le monde entier, à savoir une politique d'ouverture, une politique humanitaire et une politique d'intégration. Je pense donc que l'exemple de Mme de Candolle est parfaitement représentatif de cet esprit de Genève.
Concernant maintenant mes propos sur l'attribution de la médaille de M. Mettan, nous avions relevé que la Constitution fédérale avait considérablement assoupli les dispositions en matière de décorations étrangères: elle a supprimé l'interdiction concernant les élus cantonaux et laisse la liberté aux cantons de légiférer dans ce domaine. Nous avions aussi relevé que notre règlement était un petit peu poussiéreux et que nous ferions en temps voulu des propositions. Eh bien c'est vrai que nous ne l'avons pas fait, peut-être parce que nous ne prévoyions pas que le rythme d'attribution de ces décorations allait s'accélérer. Nous resterons de toute façon vigilants quant au projet que va présenter Ensemble à Gauche, et le cas échéant nous apporterons aussi notre pierre à l'édifice en proposant des amendements ! Mesdames et Messieurs, le groupe démocrate-chrétien est très fier de compter une femme décorée parmi les rangs de notre parlement et, comme je l'ai déjà dit, il soutiendra sans réserve cette résolution. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à Mme Christina Meissner pour une minute trente.
Mme Christina Meissner (HP). Merci, Monsieur le président. Mais, Messieurs du groupe Ensemble à Gauche et du MCG qui avez parlé précédemment, ce parlement a déjà pris sa décision quant à l'attribution ou non de médailles d'origine étrangère ! Il l'a fait en acceptant l'attribution par la Russie de la médaille de M. Mettan. Il n'y a donc aucune raison... Nous ne pouvons pas ne pas aller dans le même sens pour Mme de Candolle, ne serait-ce que par équité. Cela étant, Mme la cheffe de groupe PLR l'a dit: nous devons être fiers, nous devons même être fières en tant que femmes - c'est un hasard si je porte cette couleur aujourd'hui (L'oratrice porte une veste rose.) - je suis effectivement très fière, en tant que femme, qu'une autre femme soit reconnue. Et cessons d'être hypocrites, nous sommes nombreux à être double-nationaux; tous ceux qui peuvent contribuer par cette double nationalité à créer des liens et à être les ambassadeurs de Genève dans des oeuvres caritatives à l'étranger... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...font simplement rayonner l'esprit de Genève ! Merci beaucoup. (Quelques applaudissements.)
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste est divisé et ses membres auront la liberté de vote. Il est tiraillé sur différents principes d'une part parce que Genève, la Genève internationale, est, pourrait-on dire, la capitale pour la Suisse, un pays neutre, en matière de représentation au niveau mondial. Dès lors, Genève - cette Genève internationale - doit garder un principe de neutralité vis-à-vis du reste du monde, et il est par conséquent difficile de se prononcer au cas par cas et de devoir juger dans notre parlement s'il est possible ou non d'attribuer une médaille selon, on va dire, le climat politique, selon que tel ou tel pays est une démocratie ou une dictature. Certains pensent par ailleurs que ce n'est pas à nous de décider, en tant que députés, de l'acceptation ou non d'une médaille par l'un de nos confrères ou l'une de nos consoeurs, mais que ce doit être aux électeurs et électrices de décider, de juger après coup s'il y a eu conflit d'intérêts, si le député ou la députée a bien fait d'accepter une médaille. Et finalement, certaines et certains membres du groupe socialiste pensent qu'on peut en effet juger au cas par cas. C'était particulièrement sensible concernant la médaille qu'a acceptée M. Mettan de la part de la Russie, pays qui a quand même, on le sait, de sérieux problèmes en matière de politique intérieure et de démocratie, alors qu'il apparaît pour plusieurs membres de notre groupe que le Brésil n'est pas dans la même situation. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste aura par conséquent la liberté de vote car il a, comme vous pouvez le voir, une pluralité de points de vue concernant... (Un bruit.)
Des voix. Olé !
M. Romain de Sainte Marie. Mon Dieu ! ...concernant ces objets relatifs à l'acceptation ou non de médailles...
Une voix. C'est l'esprit du Rio Branco !
M. Romain de Sainte Marie. Je pense que c'est l'esprit du Rio Grande ou du Rio je ne sais plus quoi qui s'agite derrière moi !
Une voix. Branco !
M. Romain de Sainte Marie. Branco ! Merci ! (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci. La parole est à M. Pierre Vanek pour cinquante-sept secondes.
M. Pierre Vanek (EAG). Il m'en faudra même moins ! Merci, Monsieur le président. Je voudrais simplement revenir sur ce qu'a dit Mme Meissner qui en a appelé à l'égalité de traitement avec Guy Mettan. Non, non, Madame Meissner: ce n'est pas la même chose ! Et vous ne rendez pas service à Mme Beatriz de Candolle en assimilant à la médaille de Guy Mettan la médaille qu'elle reçoit, pour des motifs autrement honorables... (Protestations.) ...d'un régime qui n'a rien à voir avec celui de Vladimir Poutine ! Mais à part ça, le raisonnement est idiot parce que le règlement permet des exceptions... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...et ces exceptions doivent évidemment être traitées de cas en cas; c'est à ça qu'il faut mettre un terme. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur. Monsieur Zaugg, il vous reste vingt secondes.
M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, chers collègues, cette situation nous met franchement dans un cas très difficile. Que feriez-vous demain si l'un de nos collègues recevait une médaille de la Corée du Nord ou de... (Protestations.) Mais qu'en savez-vous ? Nous voilà amenés à porter des jugements... (Protestations et commentaires persistants.)
Le président. Il faut terminer, Monsieur.
M. Christian Zaugg. ...sur des politiques extérieures !
Le président. Merci. La parole est à M. Marc Falquet.
M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Peu importe le pays à l'origine de la distinction; qu'il s'agisse d'un pays autoritaire ou pas, je ne vois pas le rapport ! C'est l'action des gens - l'action humanitaire - qui compte et non pas le pays; je ne vois pas le rapport.
Des voix. Bravo.
Le président. Merci, Monsieur. La parole n'étant plus demandée, nous allons voter sur cette proposition de résolution 829.
Mise aux voix, la résolution 829 est adoptée par 61 oui contre 7 non et 11 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Nous félicitons Mme de Candolle.