République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 1 juin 2017 à 20h30
1re législature - 4e année - 4e session - 17e séance
GR 534-A
Le président. Je prie M. Dandrès de bien vouloir s'installer à la table des rapporteurs pour nous présenter le dossier de grâce de M. M. C.
M. Christian Dandrès (S), rapporteur. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de rappeler les faits pour lesquels M. C. a été condamné, puis les motifs qui l'amènent à solliciter la grâce, et enfin le préavis de la commission.
M. C. a été condamné pour avoir organisé un brigandage commis dans la nuit des 18 et 19 avril 2008, au préjudice de l'ami de sa soeur. Ce fut une agression particulièrement violente, puisque la victime a été passée à tabac, puis contrainte de donner les codes de ses cartes de crédit sous la menace d'un pistolet, avant d'être abandonnée pieds et mains liés dans un véhicule sur un parking, où elle fut retrouvée par la police le lendemain matin. Lors de cette agression, la soeur de M. C. a également été passablement violentée.
Quatre mois plus tard, dans la nuit du 11 au 12 août 2008, M. C. a cambriolé avec des comparses la maison d'une personne, qu'il a ensuite menacée de rendre publiques des informations compromettantes qu'il aurait trouvées lors du cambriolage si elle n'acceptait pas en contrepartie de verser la somme de 10 millions d'euros. M. C. a également proféré des menaces contre la santé et la famille de la personne qui avait été cambriolée.
Pour ces faits, M. C. a été jugé coupable et condamné à une peine privative de liberté de quatre ans. Je pense qu'il est également important de préciser que M. C. avait des antécédents judiciaires, puisqu'il avait été condamné en 2004 pour voies de fait, en 2007 pour violation grave des règles de la circulation routière et en mai 2008 pour lésions corporelles simples. M. C. est allé en appel auprès de la Chambre pénale d'appel et de révision, qui a rejeté sa requête, puis en avril 2016 il a déposé une demande de révision auprès de la même juridiction, en invoquant le fait qu'il aurait agi sous la pression et la menace des personnes avec lesquelles il avait organisé le brigandage en avril 2008. Cette demande de révision a été écartée par la Chambre d'appel, puis M. C. a été incarcéré le 30 novembre 2015. Il purge sa peine aujourd'hui encore.
Il faut également préciser qu'en 2010, après avoir commis les infractions qui lui étaient reprochées et pour lesquelles il a été condamné, M. C. s'est installé en République dominicaine et n'a donc pas été présent aux audiences devant le Tribunal correctionnel et devant la Cour de justice lorsque son appel a été rejeté.
J'en viens maintenant aux motivations de sa demande de grâce. M. C. invoque plusieurs motifs, que je passerai en revue en les synthétisant. Tout d'abord, il considère qu'il a été empêché d'assister à son procès à la suite du décès de l'un de ses enfants en République dominicaine et estime que s'il avait été en mesure d'exposer de vive voix sa situation aux juges, la peine aurait été plus clémente que les quatre ans dont il a écopé. Deuxièmement, il relève que l'intérêt de sa famille, soit celui de son épouse et de ses deux enfants, commande qu'il puisse vivre auprès d'eux. Il a précisé - et je crois que l'on doit mentionner que c'est un fait établi - entretenir des relations étroites, malgré le régime de détention: des visites régulières sont effectuées, à des fréquences hebdomadaires. M. C. invoque également qu'il s'est efforcé de travailler pendant sa détention, afin d'être en mesure de s'acquitter non seulement des frais de justice, mais aussi des indemnités dues aux victimes des infractions, et de pourvoir en partie à l'entretien de la famille. Il considère donc qu'il a fait preuve de responsabilité en prison. Il fait de plus valoir qu'il n'est plus la même personne que celle qui avait commis les infractions pour lesquelles il a été condamné, notamment depuis sa conversion à la religion chrétienne. A ce propos, je dois rappeler que l'aumônier des prisons a attesté de cette conversion dans un courrier, et je me permets de vous en citer une phrase qui me semblait importante: «M. C. possède une éthique personnelle solide et bien construite, qui lui donne une capacité de discernement quant à ses choix relationnels ainsi qu'à ses comportements.» (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît !
M. Christian Dandrès. Je vous remercie. Dans le même ordre d'idées, M. C. a également communiqué au Grand Conseil plusieurs attestations de personnes et d'associations témoignant de sa conversion et de sa bonne conduite en République dominicaine, et il relève en outre qu'il a adopté une conduite irréprochable depuis le début de son incarcération. M. C. invoque par ailleurs l'éloignement de sa famille et le fait que cet éloignement génère un état anxio-dépressif difficile à supporter, malgré le suivi thérapeutique qui lui est offert en prison. Il conclut en relevant que, à sa sortie de prison, il pourra se réinsérer dans la société en travaillant. Il a en effet produit une promesse d'engagement de la part d'un employeur comme chauffeur-livreur, poste qui l'attend à sa sortie de prison.
S'agissant du préavis de la commission de grâce, la commission a décidé à la majorité de ses membres de préaviser négativement cette demande de grâce, pour deux aspects. Le premier a trait à la gravité des infractions commises et à l'existence de victimes qui ont également été gravement lésées par le comportement passé de M. C. Pour ce qui est du deuxième aspect, la commission de grâce a fondé son préavis sur le fait que M. C. pourra très vraisemblablement obtenir une libération conditionnelle aux deux tiers de sa peine, soit à partir de février 2018. Pour ces motifs, la commission de grâce vous invite à refuser la demande de grâce de M. C.
J'évoquerai encore un point: lors de l'examen de ce dossier de grâce, les commissaires se sont montrés assez sensibles à une remarque formulée par M. C., qui se plaignait - sans doute à juste titre - de ne pas avoir pu obtenir dans un délai raisonnable une réponse à sa demande de congé destinée à passer quelques heures auprès de sa famille hors du pénitencier. Les commissaires recommandent donc au département de traiter ces demandes avec diligence, de façon que les détenus puissent obtenir une réponse, positive ou non, dans un délai raisonnable. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député, pour votre rapport très clair. Mesdames et Messieurs, nous allons voter en deux temps. Ecoutez bien ! Nous allons d'abord nous prononcer sur le premier préavis de la commission, c'est-à-dire le rejet de la grâce totale.
Mis aux voix, le préavis de la commission de grâce (rejet de la grâce totale) est adopté par 76 oui contre 2 non et 9 abstentions.
Le président. Nous allons maintenant voter sur le deuxième préavis de la commission, à savoir le rejet de la grâce partielle.
Mis aux voix, le préavis de la commission de grâce (rejet de la grâce partielle) est adopté par 69 oui contre 2 non et 14 abstentions.