République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 12 mai 2017 à 14h
1re législature - 4e année - 3e session - 14e séance
PL 12023-A
Premier débat
Le président. Nous arrivons au dernier objet de la séance, le PL 12023-A. Le rapport est de M. Christophe Aumeunier à qui je cède la parole.
M. Christophe Aumeunier (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'historique de ce projet de loi remonte à 2014, à un projet de loi présenté par le département et visant à porter le refus conservatoire de deux ans à cinq ans. Le refus conservatoire, c'est quoi ? C'est une mesure de préservation utilisée en matière d'aménagement du territoire qui, au fond, permet au département de ne pas délivrer une autorisation de construire quand bien même toutes les conditions seraient remplies. La commission a alors jugé qu'il était disproportionné d'augmenter cette durée de deux ans à cinq ans, et surtout elle a considéré que cette mesure s'appliquerait sur l'ensemble de la zone à bâtir genevoise et qu'ainsi son champ d'application était beaucoup trop large. Pour cette raison, la commission a rédigé une motion selon laquelle le Conseil d'Etat pouvait faire usage du droit fédéral; il était sous-entendu qu'il pouvait faire usage de la zone réservée prévue par l'article 27 de la LAT. Celui-ci oblige à ce qu'un territoire soit déterminé strictement et limite à cinq ans au maximum cette mesure conservatoire qui, je le répète, permet au département de ne pas délivrer d'autorisation de construire. En juin 2015, le Conseil d'Etat introduit la notion de zone réservée dans le droit genevois par l'article 10 du règlement d'application de la loi sur l'aménagement du territoire. Dans le même temps, il publie une carte sur le site internet du DALE avec onze périmètres de zones réservées, comprenant 2500 villas. Le problème, c'est que le Conseil d'Etat a agi sans arrêté d'adoption des zones réservées. En effet, le règlement émanant du Conseil d'Etat lui-même veut qu'une procédure soit suivie. Cette procédure s'apparente à l'adoption d'un plan localisé de quartier agricole, c'est-à-dire qu'elle demande à ce qu'il y ait une enquête publique. Ce faisant, sans arrêté d'adoption des zones réservées, le département a rendu publique une carte ! La question posée est la suivante: la publicité qui est faite de ces zones réservées - aux notaires, aux prêteurs hypothécaires, à tout tiers, aux tiers acquéreurs - ne prétérite-t-elle pas le propriétaire ? Parce qu'au fond, on a peut-être là une mesure anticipée d'un effet juridique qui n'a pas encore eu lieu, puisqu'il faut un arrêté du Conseil d'Etat pour que l'on soit véritablement en zone réservée. L'auteur du projet de loi, Cyril Aellen, a posé une question au Conseil d'Etat - la QUE 438 - pour savoir à quel moment le délai de cinq ans allait démarrer. Le Conseil d'Etat a répondu que le délai de cinq ans démarrera uniquement lorsque l'arrêté du Conseil d'Etat fixant les zones réservées sera en vigueur. Il était donc absolument urgent à nos yeux - et aux yeux de l'auteur - de pouvoir fixer ce départ. C'est effectivement le but de ce projet de loi qui vise à régler l'avenir, en prévoyant que le délai de départ des cinq ans de la zone réservée commence au moment où un arrêté du Conseil d'Etat entre en vigueur. Il vise également à empêcher que toute autre mesure provisionnelle du même type puisse s'appliquer avant ou après la mesure de zone réservée et donc puisse augmenter ce délai de cinq ans qui, au regard de la jurisprudence fédérale, est un délai maximal.
A la commission d'aménagement du canton, nous avons étudié la question de l'impact sur les valeurs immobilières, sans préjuger aucunement des questions juridiques ouvertes, soit la possibilité pour les propriétaires visés de tenter de faire valoir leurs droits pour indiquer que le délai a commencé à courir en juin 2015, ou l'éventualité pour ces mêmes propriétaires d'actionner l'Etat en responsabilité s'ils considèrent que la publication anticipée de la carte leur a causé un dommage. Nous avons auditionné des experts immobiliers qui nous ont indiqué que la décote sur ces parcelles touchées par les zones réservées serait de 10% à 15% environ, décote qui s'ajoute à une décote originelle, si j'ose dire, due à leur inscription au plan directeur cantonal en vue d'un déclassement. C'est donc une double peine qui touche ces propriétaires puisqu'ils subissent une première décote parce qu'ils sont visés par des déclassements, et une deuxième par cette mesure de zone réservée. Sur ce point, le département nous a fourni une note pour laquelle il faut le remercier pour toute une première partie technique et juridique, qui est tout à fait exacte et que nous ne contestons pas. S'agissant par contre de ses conclusions, tendant à dire qu'il y aurait même une valorisation des parcelles lorsqu'elles sont en zone réservée, nous devons les contester, parce que le département se borne à additionner des montants de transactions effectuées en zones réservées et hors zones réservées, il ne prend pas en compte la taille des parcelles considérées ni le bâti existant sur ces parcelles, et au fond cela ne donne aucune indication sur les valeurs. Le département n'a pas donné suite aux questions posées par un député des Verts qui souhaitait obtenir des granulations, des détails de ces chiffres pour que l'on puisse en tirer des conclusions, et cela, nous le regrettons. Mesdames et Messieurs les députés, vous l'aurez compris, la commission vous recommande d'accepter ce projet de loi et je vous en remercie.
Le président. Merci, Monsieur. La parole n'étant plus demandée, nous allons voter sur l'entrée en matière. (La procédure de vote commence. Remarque.) Oh, pardon, Monsieur le conseiller d'Etat, excusez-moi; la parole est à vous. (La procédure de vote est annulée.)
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Excusez-moi pour ce délai. J'aimerais tout d'abord vous remercier... (Le micro de l'orateur ne fonctionne pas. Ses propos sont inaudibles. Le micro s'enclenche à nouveau.) ...ce projet de loi qui, Mesdames et Messieurs, donne une base légale, une base légale qui n'était pas indispensable... (Le micro de l'orateur est à nouveau défaillant. Quelques mots sont inaudibles. Le micro s'enclenche à nouveau.) ...mais qui est bienvenue, qui vient concrétiser finalement un nouvel outil de l'aménagement du territoire: la zone réservée. La zone réservée, il faut le rappeler, porte bien son nom. Autrement dit, elle n'est pas une modification de zone, elle annonce la couleur. Et je crois que nous devons cette sincérité-là aux propriétaires, notamment aux propriétaires de villas concernés par cette zone ou par ces zones réservées, puisqu'elles servent simplement à annoncer qu'une partie du plan directeur cantonal - que ce parlement a voté - sera mis en oeuvre dans ce secteur-là dans un délai de cinq ans. Il s'agit quelque part d'éviter que des propriétaires de villas investissent de manière massive dans leur bien alors que l'Etat viendrait leur dire, par exemple trois ans après: «Ecoutez, finalement il va falloir le démolir parce que nous envisageons de construire un quartier.» La zone réservée a donc son utilité, elle permet d'informer les propriétaires de ce qui va se produire. Dans ce cadre, elle doit être bien régulée - et c'est la vertu de ce projet de loi - être d'une durée maximale de cinq ans, y compris le temps des refus conservatoires s'ils ont lieu d'être, et par conséquent un propriétaire sait à quoi s'attendre. Au bout de cinq ans, soit il y a une modification de zone - ce qui est généralement prévu - soit, si le parlement refuse par exemple cette modification de zone ou si d'une manière ou d'une autre on y renonce, la zone réservée est levée de cette propriété et le propriétaire reprend alors tous ses droits. Je crois que cette clarification est bienvenue, j'entends que M. Aumeunier reconnaît que des transactions existent au niveau de la zone réservée et je m'en réjouis, puisque le bulletin de la Chambre genevoise immobilière avait indiqué à ses membres qu'il n'y en avait plus aucune. Or son secrétaire général confirme aujourd'hui qu'il y a des transactions en zone réservée. On ne connaît effectivement pas précisément l'impact - s'il existe, d'ailleurs - de la zone réservée sur les prix de vente.
Quoi qu'il en soit, il est juste qu'en zone réservée on informe notamment les familles qui souhaitent acheter une villa et s'y installer avec des enfants en bas âge; il est juste qu'elles sachent qu'elles acquièrent par exemple une villa dans un périmètre appelé à muer dans un délai de trois ou cinq ans. Cette information fera peut-être renoncer cette famille à l'achat si elle voulait, elle, s'installer pour une vie. Par contre, cette information-là incitera peut-être un promoteur-développeur à s'intéresser, lui, à l'achat de cette parcelle parce qu'il se dira: «D'ici trois à cinq ans, il y aura un développement.» La zone réservée repositionne donc aussi quelque part le marché immobilier, et c'est bien pour cela que nous avons constaté au niveau du registre foncier qu'il existe un marché et que les propriétaires de villas en zone réservée ont pu vendre leur bien - notamment cette dernière année - et essentiellement à des promoteurs-développeurs. Merci pour cette modification législative, elle est bienvenue; l'Etat, et mon département, feront toujours un usage très modéré de cet instrument, très modéré - ils en voient l'utilité dans des cas relativement précis et déterminés. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons donc passer au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 12023 est adopté en premier débat par 63 oui (unanimité des votants).
La loi 12023 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 12023 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 72 oui (unanimité des votants).