République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 11 mai 2017 à 17h
1re législature - 4e année - 3e session - 12e séance
PL 12043-A
Premier débat
Le président. Nous abordons maintenant le PL 12043-A... (Brouhaha.) S'il vous plaît ! Madame Wenger, s'il vous plaît ! C'est un débat de catégorie II, quarante minutes. La parole est à M. Valentin, rapporteur de majorité.
M. Francisco Valentin (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, la commission de l'environnement et de l'agriculture s'est réunie pour connaître et comprendre la nécessité de cette commission consultative de régulation de la faune, dont les deux membres siègent également à la commission consultative de la diversité biologique - CCDB. Suite aux entretiens que nous avons menés avec les personnes auditionnées, l'ensemble de la commission de l'environnement a décidé d'accepter le principe de la dissolution de la commission consultative de régulation de la faune, sans pour autant donner un permis de tirer à tout-va. C'est ce qui nous a été dit. Maintenant j'attends un peu la suite ! J'ai reçu quelques informations, je me réserve donc le droit de reprendre la parole plus tard. Merci.
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi vise effectivement à supprimer purement et simplement la commission consultative de régulation de la faune. Les signataires nous ont expliqué que ce n'était pas du tout uniquement pour la supprimer, mais parce que les compétences de cette commission doublonneraient avec celles de la commission consultative de la diversité biologique, qui elle-même possède une sous-commission de la faune. Pendant les travaux de commission, on a essayé de nous montrer qu'il s'agissait d'un projet de loi relevant simplement du domaine administratif, que l'idée consistait à éviter les doublons, que ce texte - et certains collègues PLR se reconnaîtront - avait été déposé sans malice aucune, sans arrière-pensée, et que le vote de ce projet de loi était vraiment une formalité. Mais plus on nous a dit cela, plus cela nous a mis la puce à l'oreille, si bien que nous nous sommes demandé ce qu'il y avait derrière la volonté de supprimer cette commission consultative de régulation de la faune.
Eh bien, Mesdames et Messieurs, c'est vrai que quand on regarde la liste des signataires, on peut déjà un peu s'étonner. En effet, si c'était une formalité administrative, il n'y aurait peut-être pas 18 signataires PLR - 18 signataires PLR ! - et aucun autre signataire d'aucun autre groupe. On se dit donc déjà qu'il est un peu bizarre qu'un petit projet de loi administratif comporte 18 signatures du PLR et aucune des autres groupes. Et quand on creuse, ce dont on se rend compte - j'y reviendrai plus tard - c'est qu'un préavis peut être donné par la commission consultative de la diversité biologique, un autre par la commission consultative de régulation de la faune, que ce projet de loi vise à supprimer, et que ces deux préavis ne sont parfois pas les mêmes.
Nous avons auditionné les représentants de la commission consultative de régulation de la faune et l'une de ces personnes nous a expliqué qu'elle avait des craintes légitimes que la suppression de cette commission consultative ait pour effet que la commission consultative de la diversité biologique noie en quelque sorte les compétences et l'influence que peut avoir, via son préavis, la commission consultative de régulation de la faune. Qu'est-ce qui se passe, concrètement ? Les préavis qui sont délivrés concernent notamment le tir de la faune, et là on peut se poser la question de savoir pourquoi le PLR et le DETA, vu ce qui nous a été dit en commission, souhaitent la suppression de la commission consultative de régulation de la faune. Eh bien c'est parce que depuis février 2017 - je crois que vous avez tous reçu un courrier à ce sujet - un groupe de bénévoles a été mis sur pied, chargé d'épauler les gardes de l'environnement du DETA dans certaines tâches. Ce sont donc des chasseurs genevois bénévoles qui vont appuyer les gardes de l'environnement, notamment en matière de tir des animaux, afin de leur donner un coup de main, si on peut dire ça comme ça. Or aujourd'hui les seuls qui peuvent s'y opposer, ce sont les membres de la commission consultative de régulation de la faune. Je vous rappelle d'ailleurs que la chasse est interdite à Genève depuis quarante ans, et je vous cite à ce propos l'article 162 de la constitution: «La chasse aux mammifères et aux oiseaux est interdite. Les mesures officielles de régulation de la faune sont réservées.» Et comment ces mesures sont-elles organisées administrativement ? Eh bien via cette fameuse loi et via les préavis liants de la commission consultative de régulation de la faune. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
On se rend donc compte que ce n'est pas du tout un projet de loi qui a été déposé sans malice et qui relève en quelque sorte du domaine administratif: pour nous, la minorité, il s'agit d'un projet de loi fondamental, parce que pour notre part nous voulons que la commission consultative de régulation de la faune puisse délivrer ses préavis, qui sont liants, accomplir son travail et s'opposer aujourd'hui à la volonté de certains - y compris peut-être même du conseiller d'Etat - de faire revenir la chasse dans nos forêts genevoises. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Maendly. (Commentaires.)
Une voix. Il y a le silence !
Une autre voix. Un chasseur va parler !
M. Norbert Maendly (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, l'ancrage constitutionnel qu'avait la commission consultative de régulation de la faune a disparu lors de l'entrée en vigueur de la nouvelle constitution genevoise en 2013, et ce projet de loi a pour objectif de régler ce problème légistique. Certains y voient à tort une intention de modifier la procédure de régulation de la faune en y incluant la chasse. Pour les rassurer, il est donc important de préciser qu'en la matière les tirs de régulation ne sont autorisés que lorsque aucune autre solution n'a pu être trouvée.
En ce qui concerne la commission consultative de régulation de la faune, il faut savoir que l'intégralité de ses membres siègent également de plein droit dans la commission consultative de la diversité biologique et peuvent s'y exprimer pleinement. L'avis d'une commission n'étant pas prépondérant par rapport à celui de l'autre, leur existence commune constitue un doublon auquel il s'agit de mettre fin par ce projet de loi. L'UDC, soucieuse d'économiser les deniers publics, vous demande donc d'accepter ce texte. (Quelques applaudissements.)
Une voix. Très bien !
Mme Christina Meissner (HP). Mesdames et Messieurs les députés, l'ancrage constitutionnel a certes peut-être disparu, mais en tout cas pas la volonté du peuple. Or la volonté du peuple, quand nous avons voté en 1974 l'arrêt de la chasse, introduisait également cette commission constitutionnelle avec un préavis liant. Le projet de loi proposé par le PLR supprime ce caractère liant, et c'est un vrai problème. En effet, ça signifie qu'ensuite les directives pourront être faites par l'Etat, le Conseil d'Etat, dans son coin, sans qu'il y ait ce caractère contraignant voulu par le peuple. Du reste, nous avons tous reçu en tant que députés par le biais d'un tiers une directive de tir pour les tirs autorisés, or je suis membre de la commission consultative de la diversité biologique, et je peux vous garantir que cette directive autorisant les chasseurs... (Remarque.) ...puisqu'en fait seuls des détenteurs de permis de chasse pourront tirer des bêtes dans le cadre de la régulation, aurait dû passer par la commission consultative de la diversité biologique afin de pouvoir être discutée. Eh bien elle ne l'a jamais été ! C'est un vrai problème, et il y en a un autre: évidemment, si seuls des chasseurs peuvent faire ce travail, cela pose problème par rapport à la réintroduction de la chasse... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Nous avons tous naïvement pensé jusqu'à présent que les auxiliaires aideraient les gardes-faune, mais qu'ils ne feraient pas le travail à leur place, et surtout qu'ils ne prendraient pas le fusil à leur place. Dès lors, dans la mesure où la commission qui a auditionné le président de la CCDB n'avait pas connaissance de cette directive et que le président de la CCDB ne l'avait pas non plus...
Le président. C'est terminé, Madame la députée.
Mme Christina Meissner. ...je demande, Monsieur le président, le renvoi en commission de cet objet, pour que l'information pleine et entière soit donnée aux commissaires.
Le président. Merci, Madame la députée. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi en commission. Il s'agit de la commission de l'environnement et de l'agriculture, j'imagine ? (Remarque.) Très bien. Je passe la parole aux rapporteurs, en commençant par le député représentant la minorité.
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je crois qu'il serait vraiment sage que nous puissions retourner en commission avec ce projet de loi. Comme je l'ai dit, je pense qu'il a été rédigé avec un peu plus de malice que ce que ses auteurs ont bien voulu dire, et nous avons reçu entre la fin des travaux en commission et notre débat en plénière d'aujourd'hui un certain nombre d'éléments vraiment intéressants, qui pourraient vous faire changer d'avis au sujet de la suppression de cette commission consultative de régulation de la faune. La minorité soutient donc ce retour en commission pour que nous puissions, de manière apaisée, débattre et prendre une décision avec les éléments que nous avons reçus dernièrement. Merci beaucoup.
M. Francisco Valentin (MCG), rapporteur de majorité. J'aimerais juste faire une petite correction concernant ce qui a été dit tout à l'heure par mon préopinant: il n'y a jamais eu de contradiction entre les deux commissions consultatives; ce n'est jamais arrivé. En plus, comme je l'ai indiqué précédemment, les membres de la commission consultative de régulation de la faune font partie de la commission consultative de la diversité biologique, ils pourraient donc exprimer leur opposition. (Brouhaha.) D'autre part, je ne suis absolument pas convaincu qu'il y ait une malice quelconque là-dessous, mais au vu de ce règlement dont nous n'avons effectivement pas eu connaissance avant, je ne serai pas opposé au retour en commission.
Enfin, si vous le permettez, Monsieur le président, je trouve que la virulence de la personne qui nous a fait parvenir ce papier, avec une jetée en pâture du nom de tous les députés et de leur adresse e-mail...
Le président. Monsieur le député, nous discutons maintenant du renvoi en commission, je vous remercie. La parole est à M. Luc Barthassat.
M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est vrai que le Conseil d'Etat avait commencé un travail pour rendre plus efficientes toutes ces commissions, que nous avons en quelque sorte découvertes quand nous sommes arrivés dans les différents départements. On a éliminé certaines commissions, on en a fait fusionner d'autres, mais en tout cas pour ma part et dans le département, on n'était pas venu pour s'attaquer à celle-ci. Le PLR a trouvé bon, dans cette continuité, de revoir un peu plus loin le travail d'efficience en résorbant encore les tâches des commissions. En ce qui nous concerne, nous n'y étions pas vraiment opposés, nous n'y étions pas vraiment favorables, et la seule chose que nous avons dite en commission, en tant que département, c'est qu'il fallait faire attention. Pourquoi ? Parce qu'on donne quand même l'image de minimiser la position et le travail des milieux de la nature, alors que c'est vrai que si cette commission consultative de régulation de la faune disparaissait avec ses deux membres, elle serait reprise par la commission consultative de la diversité biologique, dont ces deux personnes font aussi partie.
Etant donné toutes les interprétations et les interrogations que certains se posent, je pense que la solution consistant à renvoyer cet objet en commission n'est pas mauvaise, parce que comme l'a dit M. Wenger - et même le rapporteur de majorité - il y a des faits nouveaux. Certains ont des suspicions, mais je pense que là-dessus il n'y en a vraiment pas, surtout quand on parle du travail des «volontaires nature» que j'ai tenu à mettre en place autour des gardes-faune. Vous savez qu'on a les sociétés ornithologiques, Pro Natura, les milieux de protection de la nature et des animaux, et aussi, c'est vrai, les chasseurs. On a pris tout ce beau monde et on les a réunis pour qu'ils travaillent ensemble, qu'ils donnent un coup de main aux gardes-faune, toujours dans l'esprit de rationaliser, d'obtenir une efficience au sein du département et surtout de mettre les gens ensemble pour qu'ils puissent travailler. Aujourd'hui, il existe des possibilités de comptage d'animaux et les chasseurs en font partie, avec les milieux de protection des oiseaux ou d'autres animaux. Ils effectuent des comptages, ils regardent où il faut mettre des barrières, ils aident nos gardes, parfois même sur le terrain, et je pense que c'est une bonne chose. C'est vrai qu'il y a une demande des chasseurs de pouvoir aider les gardes-faune à tirer entre autres des sangliers quand se posent des problèmes de régulation. Celle-ci se fait depuis des décennies, puisque c'était surtout sous l'égide de M. Cramer qu'avait été mise en place cette régulation des sangliers qui pullulaient dans notre région et qui nous coûtaient extrêmement cher en raison de dégâts très importants dans l'agriculture. Aujourd'hui, il n'est pas question que les chasseurs tirent un coup de feu; ils n'en ont pas tiré un seul. Ce sont des sujets qui viendront sûrement sur la table au moment où ces gens auront bien travaillé ensemble et se connaîtront un peu mieux, mais pour le moment ce n'est pas à l'ordre du jour. Renvoyons donc à nouveau cet objet en commission, car je crois qu'il y a des faits nouveaux qui valent la peine d'être éclaircis par rapport à toutes les questions qui sont posées. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes en procédure de vote...
Mme Christina Meissner. Je voudrais demander le vote nominal !
Le président. Très bien. Etes-vous soutenue ? (Plusieurs mains se lèvent.) Largement. (Commentaires.) Oui, je vais attendre quelques instants avant de lancer le vote nominal sur cette demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12043 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est adopté par 58 oui contre 27 non et 5 abstentions (vote nominal).