République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 7 avril 2017 à 18h
1re législature - 4e année - 2e session - 10e séance
M 2385 et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons la M 2385 et la R 825 qui seront traitées ensemble en catégorie II, quarante minutes. Je laisse la parole à M. Christian Flury.
M. Christian Flury (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, quand on fait faux, on corrige. De 2005 à 2015, Billag, l'agent de perception des redevances de réception radio et télévision de l'OFCOM, a prélevé à tort de la TVA sur les factures émises. Tous les ménages, toutes les entreprises de notre pays figurent au rang des assujettis, de même que les services sociaux de tous les cantons et communes lorsqu'ils prennent en charge ces prestations pour leurs ayants droit. L'OFCOM a été débouté par le Tribunal administratif fédéral, qui a estimé que cette perception était constitutive d'un enrichissement illégal. Cette juridiction a contraint l'OFCOM à rembourser les recourants. Considérant cette sanction judiciaire, le remboursement doit absolument être étendu à tous les assujettis, sans qu'ils doivent spécifiquement faire valoir leurs droits. Il est question, Mesdames et Messieurs, de 3 millions de ménages, de 110 000 entreprises et d'un montant illégalement perçu de l'ordre de 300 millions de francs, à raison d'environ 155 F par assujetti, intérêts compris. Pris individuellement, il s'agit d'un montant tout à fait modeste, mais qui correspond cependant à l'équivalent d'une journée de travail pour une personne à faible revenu. Vu l'ampleur de la tâche, il est à craindre que l'administration fédérale puisse être tentée de tout faire pour éviter de rembourser. Ainsi, l'enrichissement illégal persisterait, ce qui est insoutenable de la part d'une autorité fédérale.
Nous demandons, par la proposition de résolution 825 du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale, que tous les assujettis de notre pays soient remboursés de manière automatique et sans qu'ils aient de démarche à effectuer. Quant au prétexte de la difficulté de remboursement, nous allons recevoir cet été, vous et moi, une facture Billag de l'ordre de 450 F. Si les 150 F y sont déjà déduits, eh bien on sera déjà remboursés ! C'est extrêmement compliqué, je le conçois, il faut juste changer une ligne de code dans l'informatique de facturation ! Ensuite, par notre proposition de motion 2385, nous demandons que le Conseil d'Etat de notre république informe chaque ménage, chaque entreprise, chaque service social du canton de la possibilité de recouvrer ces montants qu'ils n'auraient pas dû verser. Nous insistons sur la nécessité d'aviser tous les assujettis pour que cette information ne touche pas seulement ceux qui lisent les journaux ou sont membres d'associations de défense des consommateurs, mais bel et bien chaque ménage, chaque entreprise genevoise qui a payé cette TVA à tort. Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un bon accueil à nos revendications et vous suggérons de les voter sur le siège. J'en ai terminé, je vous remercie, Monsieur le président.
M. Bernhard Riedweg (UDC). C'est suite à une procédure introduite par un auditeur et téléspectateur bernois que le Tribunal fédéral a annulé une décision du Tribunal administratif fédéral, qui avait débouté cet habitant du canton de Berne. Ce dernier se battait depuis 2011 pour qu'un montant de 11 F soit retranché de sa redevance annuelle facturée par Billag, qui assure les bases du service public. Dans son arrêt du 29 avril 2015, le Tribunal fédéral a promulgué la suppression de la TVA sur les redevances de radio et de télévision, ce qui s'est confirmé sur les factures du 1er septembre 2015 adressées par Billag aux auditeurs et téléspectateurs de Suisse. La TVA est un impôt qui suppose l'échange d'une prestation et d'une contre-prestation. Or, la redevance radio-TV ne peut pas être considérée comme une contre-prestation due en échange de services rendus par la Confédération et que celle-ci perçoit pour pouvoir soutenir financièrement la SSR à l'époque. Comme il n'y a pas d'échange direct d'une prestation et d'une contre-prestation, la taxe radio-TV ne peut être soumise à la TVA. Cette taxe n'aurait pas dû être facturée dès 2005, et l'Office fédéral de la communication a dû se résigner à tenir compte de la décision du Tribunal fédéral à son encontre. Cette TVA est considérée comme un enrichissement illégal; il s'agit d'une erreur des services de l'administration fédérale. Cette proposition de motion demande que le Conseil d'Etat s'investisse dans cette procédure en informant tous les consommateurs de radio et télévision du canton - et non seulement les recourants - de leur droit et de leur possibilité de se faire rembourser la TVA indûment perçue. Il est évident que cette procédure de remboursement irrite l'Office fédéral de la communication. On estime à 300 millions le montant du remboursement de la TVA perçue entre 2005 et 2014 dans toute la Suisse, auxquels s'ajoutent les coûts induits qui sont substantiels. Un délai d'un an depuis le rendu du jugement du Tribunal fédéral a été fixé pour le dépôt des demandes de remboursement, délai qui est dépassé. La proposition de résolution demande que l'OFCOM rembourse les consommateurs sans qu'ils aient à faire de démarche. Pour les assujettis à la redevance, ce remboursement signifierait une épargne bienvenue qui pourrait profiter à l'économie locale pour des achats de biens de consommation. Pour l'Etat, le remboursement de ces montants cumulés de TVA signifierait une augmentation de ses moyens financiers, car les services sociaux du canton et des communes ont payé les redevances aux bénéficiaires des prestations sociales ou complémentaires. L'Union démocratique du centre vous demande de réserver un bon accueil à la motion, ainsi qu'à la résolution qui sera renvoyée à l'Assemblée fédérale. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. (Brouhaha.) Monsieur Bläsi, s'il vous plaît ! La parole est à M. Pierre Vanek.
M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. Je serai d'une brièveté exceptionnelle: si de l'argent a été perçu indûment, il faut le rendre. Il n'y a pas de problème, nous soutiendrons ces deux objets.
Le président. Je suis étonné ! (Le président rit.)
M. Pierre Vanek. Eh !
Le président. Merci, Monsieur le député. (Le président rit.) La parole est à M. Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Le parti démocrate-chrétien ne va pas voter la proposition de motion mais va soutenir la proposition de résolution. Pourquoi ? Il est clair qu'il faut rendre l'argent pris d'une façon indue. Il faut juste savoir qu'il y a eu des recours, il y a des recours pendants devant le Tribunal fédéral de la part de la Confédération et de l'office concerné, ce n'est donc pas encore chose jugée et il faudra attendre l'issue de ces recours. Maintenant, pour nous ce n'est pas au Conseil d'Etat de faire office de caisse de résonance. Je pense que la Fédération romande des consommateurs l'a déjà fait, on peut s'inscrire auprès de cette fédération pour pouvoir obtenir le remboursement de cet argent. Nous pensons donc que c'est à la société civile de faire de la publicité pour que les gens sachent à qui s'adresser, et non au Conseil d'Etat. Ce n'est pas son rôle ! Mais il est important aussi qu'on agisse au niveau de la Confédération et qu'on proteste à ce niveau-là par le biais de cette résolution. Nous soutiendrons donc la résolution mais pas la motion. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. (Brouhaha.) S'il vous plaît, devant ! S'il vous plaît !
Une voix. Hou hou !
Le président. Merci, Monsieur. C'est difficile pour nous d'entendre si vous parlez juste sous notre nez. Merci. La parole est à M. Romain de Sainte Marie.
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président, je serai également bref. Les socialistes ne sont bien évidemment pas contre ces deux objets, toutefois nous pensons qu'il pourrait être utile de les renvoyer à la commission fiscale pour apporter la meilleure réponse possible à cela. Si le renvoi - je vais être honnête - si le renvoi devait être refusé, nous soutiendrons quand même ces deux objets.
Le président. Vous demandez le renvoi des deux objets à la commission fiscale ?
M. Romain de Sainte Marie. Si je ne me trompe pas, il y en a déjà un qui a été renvoyé automatiquement en commission, non ?
Des voix. Non.
M. Romain de Sainte Marie. C'est peut-être la motion ?
Le président. Non, nous traitons actuellement les urgences.
M. Romain de Sainte Marie. D'accord. Alors oui, les deux en effet, puisqu'il est logique de lier les deux objets.
Le président. Nous voterons donc tout à l'heure sur le renvoi en commission de ces deux objets. Je passe la parole à M. Cyril Aellen.
M. Cyril Aellen (PLR). Merci, Monsieur le président. Le groupe PLR est du même avis que le groupe PDC: il soutiendra donc la proposition de résolution, mais votera non à la proposition de motion. (Remarque de Mme Anne Marie von Arx-Vernon.) Merci de me laisser parler, Madame von Arx. Le groupe PLR remercie M. Christian Flury d'avoir déposé ces deux textes, mais regrette que des termes comme «frauduleusement» aient été utilisés alors qu'«indûment» aurait peut-être été plus objectif et aurait fait plus honneur à un texte destiné à aller à Berne, du moins pour la résolution. Sous cette réserve-là, le groupe PLR remercie M. Christian Flury de l'avoir déposée. Il s'interroge par contre sur la nécessité de voter cette motion, qui part certes d'un bon sentiment, mais qui deviendrait inutile et assez coûteuse bureaucratiquement parlant si le projet de résolution était voté, alors que ces informations sont déjà largement répandues et ont effectivement fait l'objet d'une information via la presse par la FRC. Je souhaiterais donc que l'on prenne d'abord position sur la résolution et, si celle-ci est acceptée, que les gens puissent voter ensuite sur la motion, même si, du point de vue du groupe PLR, elle n'aurait plus beaucoup de sens. Le groupe PLR ne voit pas l'intérêt de renvoyer ces objets en commission dès lors que le sujet est assez simple, qu'il a été bien présenté et peut être tranché très rapidement.
M. Patrick Dimier (MCG), député suppléant. Lorsque l'on commet un acte illicite et que ça touche à l'argent, vous m'excuserez, c'est une fraude, donc le terme «frauduleusement» est placé tout à fait correctement. Et c'est encore mieux si ça va à Berne, puisque comme ça ils sauront traduire ce mot ! Pour ce qui est de la demande du groupe socialiste, elle n'a à mon avis pas de sens: en politique il n'y a rien de pire que la procrastination, et nous ne pouvons pas accepter de renvoyer un texte en commission alors qu'il est justifié de l'examiner sur-le-champ. Sur la motion, en un mot, nous avons utilisé les deux voies parce que si nous avions opté pour une, on nous aurait dit que c'était l'autre qu'il aurait fallu adopter. Nous avons donc été précautionneux et avons utilisé les deux voies, étant entendu que la plus rapide est celle de la résolution. Nous remercions les groupes qui soutiennent cette voie-là.
Une voix. Bravo !
M. François Baertschi (MCG). Sans vouloir trop rallonger le débat, je voudrais quand même insister sur un élément que l'on oublie parfois: c'est le poids, gigantesque pour les tout petits budgets, de cette redevance radio-TV qui est élevée. Je regrette également que l'on n'ait pas toujours le retour qu'il faudrait, quand il s'agit par exemple de financer l'OSR, notre grand orchestre symphonique genevois. Nous attendrions là de notre Radio Télévision Suisse qu'elle mette davantage de moyens pour aider les activités culturelles importantes de notre ville. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous allons passer au vote. Je vous demande tout d'abord de vous prononcer sur le renvoi à la commission fiscale de ces deux textes.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2385 à la commission fiscale est rejeté par 65 non contre 19 oui.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 825 à la commission fiscale est rejeté par 55 non contre 24 oui.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, est-ce que vous êtes d'accord de voter en premier lieu sur la R 825 ?
Une voix. Oui !
Le président. Vous êtes d'accord, ça vous va ? Bon, peu importe. Je vous demande donc de vous prononcer en premier lieu sur le renvoi à l'Assemblée fédérale de la R 825. Nous passerons ensuite à la M 2385.
Mise aux voix, la résolution 825 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 82 oui contre 2 abstentions.
Mise aux voix, la motion 2385 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 34 oui contre 31 non et 15 abstentions.
Une voix. Bravo !
Des voix. Oui ! (Applaudissements à l'annonce du résultat.)