République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 2 mars 2017 à 17h
1re législature - 3e année - 13e session - 77e séance
M 2316-A
Débat
La présidente. L'ordre du jour appelle le traitement de la M 2316-A et je passe la parole à Mme Geneviève Arnold, rapporteure de majorité.
Mme Geneviève Arnold (PDC), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente de séance. Cette motion, traitée par la commission d'aménagement lors de trois séances, a déclenché des prises de parole remplies de sensibilités diverses... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ...en relation avec la réalisation du projet d'accueil de réfugiés dans des constructions modulaires, au centre de la cité d'Onex, sur un espace de verdure apprécié d'habitants riverains de ce fameux Morillon-Parc. Effectivement, le «village de réfugiés», comme il est nommé, prévu sur l'un des espaces de verdure de la commune, a entraîné le dépôt d'une pétition signée par 2000 habitants s'opposant à cette installation dans un quartier d'immeubles. La projection de construction d'une quarantaine d'appartements, en procédure accélérée, a surpris la population onésienne qui, consultée précédemment dans le cadre du plan directeur communal, avait manifesté son souhait de maintenir le parc en l'état de promenade pour chiens et de zone arborée. L'auteure de la motion a expliqué sa crainte quant au caractère provisoire de la construction prévue sur la commune. Elle relève de plus les processus différenciés en matière de construction des logements, montrant que l'urgence ne convainc pas forcément dans ce cadre-là.
Des auditions ont bien sûr été prévues, et nous avons pu recevoir le Conseil administratif de la commune d'Onex, qui nous a indiqué que cette parcelle relevait effectivement de la seule réserve foncière de la commune et qu'il s'agissait pour cette dernière d'un potentiel à bâtir qui se devait d'être conservé. Ce Conseil administratif a également rappelé que la commune d'Onex bénéficiait de nombreux espaces de verdure et de parcs, et qu'en l'occurrence il préférait envisager ici un espace d'accueil, en imaginant pouvoir concrétiser par la suite d'autres types de logements dans le futur, notamment dans un développement à but culturel. Nous avons naturellement pu auditionner l'auteure de la pétition elle-même, qui était - évidemment, dirais-je presque - une riveraine de ce parc et qui cherchait avant tout à préserver son cadre de vie ainsi que sa vue sur les montagnes, en particulier le Salève. Il y avait donc effectivement à ce niveau-là une opposition farouche à l'idée d'être lésé suite à une construction à cet endroit. Mais, on l'a bien compris, n'importe quel type de construction aurait dérangé et n'importe quel type de construction aurait donné lieu à une pétition. Nous avons en outre entendu le conseiller d'Etat en charge, M. Mauro Poggia, qui a pu parler des conditions d'accueil des réfugiés, tout comme nous avons auditionné le directeur de l'Hospice général, M. Girod.
D'une manière générale, le projet d'Onex nous a été présenté comme un projet limité à l'accueil de 170 personnes, et il nous a été dit que la densité d'Onex permettait malgré tout de concevoir cette approche d'accueil temporaire. Enfin, j'ai envie de rappeler qu'il ne s'agit pas, comme le titre de cette motion l'indique, d'opposer la construction de logements pour réfugiés et la préservation des espaces verts. Nous avons bien compris que les riverains du Morillon-Parc étaient prêts à refuser tout projet s'inscrivant dans ce périmètre et, forte de ces conclusions, la commission a refusé à une grande majorité cette proposition de motion.
La présidente. Merci, Madame la députée. Je signale que vous avez pris un peu de temps sur celui de votre groupe. Je passe la parole au rapporteur de minorité André Pfeffer.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Madame la présidente de séance. Ce périmètre, appelé Morillon-Parc, est l'un des très très rares espaces de verdure au milieu de grands immeubles, et la construction de logements pour migrants à cet endroit est totalement inadaptée. L'une des habitantes indique que de son logement au 8e étage, l'unique dégagement, l'unique vision qu'elle a donne sur les immeubles voisins, excepté la petite prairie de ce Morillon-Parc. On ne parle donc pas ici de préserver une vue sur le Salève !
La cité d'Onex a une densité de 25 000 habitants au km2. C'est le double de celle de la ville de Genève. De plus, une pétition signée par 1900 opposants, dont la quasi-totalité sont des habitants des immeubles voisins, a été déposée. Je précise encore que le Conseil municipal d'Onex n'a accepté ce projet qu'à une toute petite et unique voix. Le PLR, le PDC et le MCG s'y sont opposés. Le plan directeur 2015 de la commune d'Onex prévoit d'ailleurs que ce périmètre soit destiné à un parc. Enfin, d'autres emplacements existent: le parc des Evaux, notamment, serait bien plus favorable pour une telle construction. En conclusion, je vous prie d'accepter cette motion et vous en remercie.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, nous en avons discuté ce matin, à Genève nous manquons aujourd'hui cruellement de places pour héberger les requérants d'asile, alors si je salue l'adoption de la résolution proposant d'utiliser la caserne des Vernets afin d'offrir des places supplémentaires pour l'accueil des requérants d'asile, ce qui est très bien, c'est malheureusement insuffisant, car il y a actuellement des requérants qui croupissent - hélas, il n'y a pas d'autre terme - sous terre, dans des abris de protection civile, depuis des mois ou des années, et ce n'est pas une situation acceptable. D'ailleurs, les promesses du Conseil d'Etat de fermer ces abris PC à la fin de l'année 2016 n'ont pas été tenues, et nous devrions donc ici, Mesdames et Messieurs les députés, saluer l'initiative de cette commune, saluer son engagement qui permet de mettre à disposition pour l'accueil des requérants d'asile le seul terrain qu'il reste en sa possession. Au demeurant, s'agissant de ce terrain, la commune a le projet d'en faire à terme - parce qu'on espère qu'il ne sera pas utilisé sur une très longue période pour l'accueil des requérants d'asile - un centre dédié soit à la culture, soit à la vie associative communale. Or si on déclasse ce terrain, eh bien il ne sera plus possible de construire quoi que ce soit, en particulier - à une échéance un tout petit peu plus lointaine - les bâtiments nécessaires à ces projets d'offre culturelle et associative. C'est pour toutes ces raisons que le groupe socialiste vous recommande de rejeter cette proposition de motion.
M. François Baertschi (MCG). En effet, ces constructions modulaires au Morillon-Parc, qui est en fait une sorte de cour au milieu d'immeubles, dans un endroit très dense, posent de nombreux problèmes. D'ailleurs, cet espace en lui-même pose de nombreux problèmes, on l'a vu encore tout récemment, parce qu'une pataugeoire se trouve là et qu'après les débats en commission il y a eu la volonté de supprimer cette pataugeoire appréciée par les habitants d'Onex. Ces derniers vont donc devoir se prononcer sur la question de savoir s'il faut garder ou non cette pataugeoire lors des prochaines votations qui auront lieu fin mai ou début juin, mais le MCG, principalement, ainsi que l'UDC et une partie du PLR - en tout cas la majorité des conseillers municipaux PLR - se sont opposés à la destruction de cette pataugeoire.
En quoi cela a-t-il un rapport avec la motion que nous traitons aujourd'hui ? Eh bien le fait de vouloir surdensifier cette région pose une quantité de problèmes. Il est certain que le maintien de la pataugeoire entraînerait quelques difficultés pour l'installation de migrants, c'est aussi l'une des difficultés que nous avons, selon les catégories de migrants qui se trouvent là, mais c'est vrai qu'on a un sentiment de promiscuité qui n'est pas bon non plus. Je pense donc qu'il faut écouter les habitants d'Onex: il est temps de leur prêter l'oreille et de ne pas écouter seulement le Conseil administratif ou l'Hospice général. Il faut les écouter, leur offrir davantage la parole et en tout cas donner une certaine suite à cette motion. C'est vrai que l'intitulé de cette dernière est très général: c'est sans doute sa qualité, mais ça crée aussi en quelque sorte une difficulté au niveau de la compréhension, et je m'en excuse, Madame la présidente de séance.
Au sein du groupe MCG, nous laisserons la liberté de vote sur cette motion, mais nous attirons l'attention de tous sur le fait de ne pas maltraiter les communes suburbaines, comme certaines de nos institutions ont tendance à le faire. En effet, certaines régions sont parfois déjà très denses, et il faut faire en sorte que l'intégration se passe bien. Or si on veut que celle-ci se passe bien, il faut qu'elle se fasse sans secousse, c'est-à-dire de la manière la plus équilibrée possible, sans brusquer les habitants de tel ou tel quartier. Je crois que c'est sans doute la leçon que nous devons tirer: nous devons respecter les habitants, chacun le fera en son âme et conscience, mais respectons les habitants. Merci, Madame la présidente.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Patrick Lussi. (Un instant s'écoule.) Monsieur Lussi ?
Une voix. Patrick !
M. Patrick Lussi. Oh, excusez-moi !
La présidente. C'est une erreur ? (Remarque de M. Patrick Lussi.) Très bien. Je cède donc le micro à M. Jean-Luc Forni.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Merci, Madame la présidente. Le parti démocrate-chrétien va lui aussi s'opposer à cette proposition, parce qu'il s'est toujours révélé disposé à accueillir dans les meilleures conditions possible les requérants d'asile. Alors évidemment, on l'a entendu, ce n'est jamais judicieux, il n'y a aucune commune, semble-t-il, qui soit prête à accepter de gaieté de coeur ce type de population, et je pense que si les représentants de l'Hospice général et du département étaient là, ils pourraient le confirmer. C'est aussi pour ça que le Conseil d'Etat a modifié - on en a parlé la semaine dernière - la loi d'application sur l'asile, qui permet désormais au Conseil d'Etat, et plus particulièrement à l'Hospice général, d'occuper des bâtiments et des terrains communaux ou de fondations dont le conseil de fondation est majoritairement composé de représentants de l'Etat. Il est donc clair, Mesdames et Messieurs, que le problème de l'intégration est important; il faut savoir si on veut continuer d'accueillir les gens dans des conditions précaires ou si on veut essayer au contraire de les intégrer d'une manière ou d'une autre, et pour cela il faut commencer par les loger dans des habitations à peu près décentes. Je rappelle qu'il s'agit de constructions modulaires et que finalement ce n'est certainement qu'un accueil provisoire, en attendant de trouver mieux. Aussi, Mesdames et Messieurs, je vous invite à refuser cette motion.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Michel Baud pour trois minutes. (Remarque.) C'est une erreur ? Excusez-moi, il s'agit de M. Gilbert Catelain. Vous avez la parole, Monsieur.
M. Gilbert Catelain (UDC), député suppléant. Merci, Madame la vice-présidente. Cette motion date de plusieurs mois et, entre-temps, la situation sur le front de l'asile, à en croire les autorités fédérales, s'est considérablement améliorée: on assiste en effet à une forte baisse des demandes, de sorte qu'on peut se poser la question de savoir si ce projet d'aménagement de logements sur la commune d'Onex est encore d'actualité. J'imagine que le Conseil d'Etat va pouvoir souffler un peu, trouver d'autres solutions et laisser en paix les habitants d'Onex. Moi je suis d'accord avec certains préopinants, notamment PDC, qui se soucient du bien-être de populations qu'il s'agit d'intégrer, mais j'aimerais bien qu'on se préoccupe aussi de nos ressortissants. Je vous cite l'exemple de ma fille qui rentre d'Espagne après avoir fait un stage linguistique à 400 euros par mois pour 35 heures de travail par semaine, qui veut revenir à Genève, et à qui on a dit ceci: «Il vous faut attendre trois ans, Madame, trois ans, si vous voulez un logement.» Mettons donc les priorités là où elles devraient être ! Puisqu'il y a une baisse de la pression sur l'asile, ce projet d'aménagement n'est plus d'actualité, et je vous propose par conséquent d'entrer en matière sur cette motion. Merci.
Mme Geneviève Arnold (PDC), rapporteuse de majorité. Suite aux propos que nous venons d'entendre, je voudrais revenir sur le discours accueillant et proactif d'Onex en matière d'accueil, en insistant bien sûr sur le principe d'intégration, qui ici aurait l'avantage de se faire dans une centralité...
La présidente. Il vous reste trente secondes.
Mme Geneviève Arnold. ...car accueillir des personnes et les placer à l'extérieur le plus loin possible, ce n'est pas parler d'intégration. Or dans la zone qui est située là, il y a la possibilité de mener un travail entre les services de l'action sociale communale et la population concernée en vue de cet accueil, et Onex sait très très bien réaliser ce genre de processus. Je vous recommande donc vivement de refuser cette motion.
La présidente. Merci, Madame la rapporteure. Je passe la parole à M. André Pfeffer, rapporteur de minorité, pour une minute quarante.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Madame la présidente. Pour terminer, j'aimerais juste répéter que cet emplacement est un véritable trou entouré d'immeubles. Les futurs habitants n'auront aucun dégagement de vue, à l'exception de celui sur les immeubles voisins. L'emplacement est donc vraiment totalement inadapté. Au sujet de la raison de construire des bâtiments provisoires pour réfugiés, j'aimerais citer deux éléments. Le premier, c'est l'avis d'un ministre socialiste suédois, qui dit que 80 à 90% des requérants d'asile n'ont aucun lien avec l'asile. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Le deuxième, c'est l'exemple du canton des Grisons qui, afin d'éviter l'attractivité pour les migrants économiques, n'accorde pas de logements individuels avant que les requérants soient indépendants et cessent de bénéficier de l'assistance publique. Je pense donc que Genève devrait aussi un peu regarder ce qui se passe aux alentours. Merci. (Brouhaha.)
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Eric Stauffer pour une minute trente.
M. Eric Stauffer (HP). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, je n'ai pas besoin de vous rappeler que je suis un ancien magistrat d'une des plus belles communes du canton de Genève - la Ville d'Onex - que j'ai eu l'extrême privilège d'en être le maire et que je connais très bien l'espace appelé Morillon-Parc. Eh bien je trouve extrêmement dangereux, extrêmement insatisfaisant pour notre population de mettre des réfugiés à cet endroit-là, dans des préfabriqués modulables ou je ne sais quel type de constructions. Je pense qu'il y a d'autres endroits moins urbanisés dans le canton de Genève où placer les réfugiés dans de bonnes conditions. Le magistrat chargé de l'accueil des réfugiés...
La présidente. Il vous reste trente secondes !
M. Eric Stauffer. Oui, trente secondes ! Ce n'est pas grave, de toute façon, c'est ce que je dis depuis ce matin, les réfugiés, tout le monde s'en fout... (Exclamations. Commentaires.) ...donc pourquoi en parler ! Mettre des réfugiés à côté d'une école, à côté d'une piscine, à côté d'une pataugeoire, au milieu d'une zone fortement urbanisée, dans l'une des communes les plus pauvres du canton, ce qui va amener encore un peu plus de désespoir...
La présidente. Merci, Monsieur le député. C'est terminé.
M. Eric Stauffer. ...je le dis, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas raisonnable.
Mme Nathalie Fontanet (PLR). J'aimerais simplement préciser ici que le groupe PLR est divisé sur cet objet sensible, dès lors qu'il concerne des réfugiés et la possibilité de faire en sorte qu'ils se retrouvent au milieu d'une zone extrêmement habitée, dans une commune qui n'est pas l'une des plus privilégiées du canton. Je rappelle en outre que le groupe PLR du Conseil municipal d'Onex s'est fermement opposé à ce projet à l'unanimité, raison pour laquelle notre groupe de députés aura la liberté de vote sur cette motion. Merci, Madame la présidente.
La présidente. Merci, Madame la députée. La parole n'étant plus demandée, nous allons voter sur cette proposition de motion.
M. Eric Stauffer. Vote nominal !
La présidente. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent. Commentaires.) Oui, vous l'êtes, nous passons donc au vote nominal.
Mise aux voix, la proposition de motion 2316 est rejetée par 50 non contre 16 oui et 19 abstentions (vote nominal).