République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 2 mars 2017 à 14h
1re législature - 3e année - 13e session - 76e séance
PL 11607-A
Premier débat
Le président. Nous traitons à présent le PL 11607-A en catégorie II, quarante minutes. Je laisse la parole à Mme la rapporteure de majorité Caroline Marti.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est somme toute relativement simple: il vise d'une part à mettre en conformité la zone avec son affectation actuelle - il s'agit en effet d'une zone villas... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...alors que ce sont principalement des routes et de la zone boisée qui se trouvent sur ce périmètre - d'autre part à créer une zone de développement 3 afin d'y construire des logements et des locaux commerciaux.
En préambule, il serait peut-être intéressant de rappeler la particularité géographique de ce secteur de même que la commune sur laquelle il se situe, c'est-à-dire celle de Thônex qui est coupée en deux par la route Blanche. S'il est difficile de faire abstraction de cet état de fait, la municipalité a démontré une volonté de changer les choses en amorçant un processus d'aménagement de manière à réaliser une couture ou du moins à atténuer cette coupure causée par la route Blanche entre les deux parties de son territoire. Certes, on ne peut pas dire que ce projet de loi va effectivement accomplir cette couture... (Brouhaha. Le président agite la cloche. Un instant s'écoule.)
Le président. Poursuivez, Madame.
Mme Caroline Marti. Je vous remercie. On ne peut pas dire que ce projet permettra effectivement de créer une couture entre les deux côtés de la commune, mais il constitue incontestablement une étape nécessaire à un réaménagement urbanistique consistant en une densification de part et d'autre de la route Blanche de manière à pouvoir ensuite relier les deux parties par le dessus.
Pour la majorité de la commission, ce projet de déclassement va dans le bon sens car il propose de densifier des quartiers se trouvant à proximité d'axes de transport importants. Je rappelle que le bus 5 - ligne très efficace qui desservirait les futures habitations - circule actuellement sur cet axe, tandis qu'un arrêt du tram 12 est situé à quelques centaines de mètres. Alors oui, je dois reconnaître - et une partie de la majorité avec moi - que ce projet de loi n'est pas forcément la panacée, mais il permettra toutefois la construction d'un immeuble à usage mixte - avec du logement et des locaux commerciaux - tout en projetant de futurs ouvrages au sud de la route Blanche. La majorité de la commission vous propose donc d'accepter ce déclassement, certes sans grand enthousiasme et avec quelques réserves notamment quant à la délimitation de la zone sud, qui aurait pu ou dû être plus ambitieuse; il s'agit aujourd'hui d'envoyer un signal positif à la commune de Thônex qui souhaite densifier certaines de ses parcelles, en attendant mieux. Je vous remercie.
Mme Christina Meissner (HP), rapporteuse de minorité. Dans les faits, le périmètre concerné n'apportera pas ou alors très peu de logements. En effet, une seule parcelle est constructible en l'état car cette zone villas est composée de deux stations-service de part et d'autre de la route Blanche, d'un P+R, de la route Blanche - qui, à cet endroit, a la largeur d'une autoroute - de la sortie qui relie l'avenue Adrien-Jeandin à la plateforme douanière de Thônex-Vallard, d'une zone des bois et forêts, d'un centre médico-pédagogique et de cinq villas dont aucun propriétaire n'est manifestement vendeur. L'unique immeuble projeté sur l'unique parcelle constructible, du fait des nuisances sonores, comportera deux tiers d'activités. Quant à l'argument avancé, toujours le même, pour justifier le déclassement des zones villas, à savoir la nécessaire conformité au plan directeur, le département lui-même a indiqué que ce secteur ne faisait pas partie des 11% de zones villas devant muter par modification de zone. C'est donc la volonté d'un seul propriétaire de construire un seul immeuble sur une seule parcelle qui a déclenché le processus.
Prétendre que l'objectif est de permettre de relier les parties nord et sud de la commune de Thônex, aujourd'hui séparées par la cicatrice autoroutière, ne tient pas la route ! En effet, ce projet de barre d'immeuble est situé dans l'axe de la route Blanche, il ne l'enjambe pas, donc on ne voit pas comment il pourrait jouer un rôle de liaison; d'ailleurs, dans la demande de renseignement, il porte le nom révélateur d'immeuble «mur». Parmi d'autres projets plus anciens, qui auraient certainement mieux réussi à réduire la coupure autoroutière, il y avait la proposition de Gaillard, commune française voisine de Thônex elle aussi coupée en deux par l'autoroute, de réaliser un parking relais au-dessus de la route Blanche, à la hauteur de la plateforme douanière. Y a-t-il eu un travail de concertation entre les parties françaises et genevoises sur un projet cohérent ? Le département reconnaît que le projet existe, mais ne dispose pas d'informations de la part de la direction générale des transports, et il n'y a donc aucune étude en cours. Pourtant, avant de procéder à une modification de zone, ne conviendrait-il pas d'en fixer les objectifs avec tous les partenaires concernés ?
Par ailleurs, l'implantation de cet immeuble risque carrément de prétériter la traversée lacustre puisque, sur la rive gauche, le raccordement de cette dernière au réseau autoroutier suisse ne pourrait être réalisé qu'à cet endroit ! Et quand bien même le bouclement de la ceinture routière autour de Genève serait abandonné ou qu'il n'y aurait pas de raccordement à cet emplacement, la parcelle pourrait être mieux utilisée. A l'heure actuelle, en effet, la sortie d'autoroute en direction de l'avenue Adrien-Jeandin passe par là; autoriser le projet d'immeuble maintiendrait cette sortie extrêmement dangereuse, et il serait plus judicieux d'utiliser ce périmètre pour améliorer la sortie autoroutière ainsi que la circulation.
Mesdames et Messieurs, qu'il s'agisse d'enjeux locaux ou régionaux, l'emplacement de cette parcelle est stratégique, et on ne peut que s'inquiéter de constater qu'aucune analyse n'a prévalu ou accompagné le dépôt de ce projet de loi. Le département reconnaît ne pas avoir les moyens de mener une étude cohérente du secteur, il admet donc implicitement qu'il bouche son propre horizon temporel en permettant, via ce projet de modification de zone, l'implantation prématurée d'un immeuble. Il y a un manque total de vision urbanistique à terme dans ce secteur ! L'argument selon lequel on évitera la construction de villas afin de favoriser celle de logements ne tient pas: aucune demande de renseignement s'agissant de villas n'a été déposée, et on se demande bien où une villa pourrait encore être conçue dans ce secteur.
Ce qui a suscité ce projet est une demande de renseignement pour un immeuble comportant aux deux tiers des activités; ainsi, la modification de zone permettra la construction d'un bâtiment mal situé et mal orienté. Le parlement n'est pas là pour faire du clientélisme, mais pour donner au département les moyens de réaliser un aménagement du territoire cohérent tant en matière d'intérêt public, de construction de logements que de mobilité. Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs, nous vous demandons de refuser ce projet loi qui défie toute vision urbanistique logique.
M. François Lefort (Ve). Au-delà de cet aspect mineur - le clientélisme supposé dénoncé par la rapporteure de minorité - il faut voir que ce projet de loi de modification de zone est conforme à l'esprit du plan directeur cantonal 2030, en l'occurrence à sa fiche A03 intitulée «Etendre la densification de la zone villas par modification de zone». Certes, cette parcelle n'a peut-être pas été identifiée parmi les 11% de zone villas à densifier et donc à modifier, mais vous n'avez de cesse de retirer les zones vouées au déclassement - c'était le cas encore récemment - alors on ne va pas se plaindre que, pour une fois, la mairie de Thônex nous propose de déclasser un petit bout de zone villas ! Pour en faire quoi, qui plus est ? Une zone de développement 3 et une zone 4B ordinaire - tiens, de la zone ordinaire, cela devrait ne pas déplaire à certains !
Bon, globalement, ce n'est pas uniquement pour ce bâtiment que nous déclassons, mais surtout pour libérer 5,3 hectares en zone de développement 3 en vue d'y construire d'autres immeubles de logements et d'activités dans un secteur déjà très urbanisé. Nous allons soutenir ce projet de développement urbain. Pourquoi ? Parce que c'est un bon projet, que le périmètre en question se situe dans une zone urbaine à proximité des transports publics et qu'il réunit donc toutes les qualités pour être densifié dans la perspective de futurs logements et activités. Les Verts voteront ce projet de loi de modification de zone.
M. André Pfeffer (UDC). Apparemment, un propriétaire privé est intéressé par une modification de zone afin d'y construire un immeuble «mur» dans l'axe de l'autoroute Blanche, à la hauteur de la douane, dans une zone très bruyante et polluée par l'intense trafic de part et d'autre du bien-fonds. Le périmètre concerné par ce projet de loi ne se prêtera à la construction que de très peu de logements vu la configuration étriquée de cette zone et la proximité de l'autoroute et d'une route communale. Ainsi, deux tiers de la surface de l'immeuble prévu seront consacrés à des activités artisanales, industrielles ou récréatives.
Dans ce secteur, rien ne ressemble à une zone dite villas: on y trouve une sortie d'autoroute à une seule voie, deux stations essence érigées de part et d'autre de l'autoroute - qui comporte six voies à cet endroit - et une importante plateforme douanière. Les communes de Thônex et Chêne-Bourg sont coupées en deux par l'autoroute à cet emplacement, certes, mais on pourrait remédier à cette situation en construisant au-dessus de l'autoroute. Faut-il préciser que cette parcelle ne fait pas partie des 13% de zones villas devant muter par la modification de zone ? Enfin, l'implantation de cet immeuble risque de prétériter la traversée du lac puisque le raccordement au réseau autoroutier suisse ne pourrait être réalisé qu'à cet endroit. L'UDC n'acceptera pas ce projet. Je vous remercie de votre attention.
M. Christian Dandrès (S). Je vous l'accorde, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas là le projet phare du plan directeur cantonal 2030, mais pour pouvoir atteindre les objectifs visés par celui-ci, il nous faut travailler d'arrache-pied, parcelle par parcelle, secteur par secteur. Il s'agit ici d'un périmètre qui permettra de construire des logements - des logements bienvenus, surtout sur la rive gauche. En effet, on relève dans le plan directeur cantonal un déficit de construction dans ce secteur-là, et il serait donc opportun que notre Grand Conseil accepte de valider cette modification de zone. Nous savons construire avec des contraintes: il y a quelques mois, nous avons voté le déclassement du quartier de l'Etang, où les contraintes sont éminemment plus problématiques que celles de cette parcelle, et je suis persuadé que les communes et le Conseil d'Etat parviendront à dépasser les difficultés soulevées par Mme la rapporteure de minorité.
Quant à la question de la traversée du lac, la situation budgétaire décriée depuis de nombreuses années nous amène à penser que nous aurons le temps de construire quelques autres logements avant que le projet voie le jour, et ce seront autant de personnes qui pourront bénéficier d'un toit pendant cette période, c'est quelque chose qu'il faut saluer. Enfin, rappelons qu'il y a une nécessité absolue puisque 1000 logements sont en instance d'être perdus aux Corbillettes en raison d'une volonté jusqu'au-boutiste de préserver la zone villas. Ici, il s'agit d'une zone villas, mais aucun propriétaire de villa ne sera touché ! C'est l'endroit idéal, il faut déclasser. Si vous souhaitez préserver les zones villas ou en tout cas les personnes qui y vivent, Madame la rapporteure de minorité, alors acceptez ce déclassement !
Mme Geneviève Arnold (PDC). Le PDC soutiendra volontiers la demande des communes - une fois de plus, nous retenons leur préavis favorable. Nous entendons trop souvent ici qu'on ne construit pas assez de logements; eh bien, tout nouveau logement est bienvenu ! Ainsi, dans la perspective de créer une couture de rassemblement entre les quartiers de Thônex, le PDC soutiendra ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à la rapporteure de majorité, Mme Caroline Marti, pour une minute treize.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Je vais très rapidement répondre à deux arguments évoqués par la minorité, en commençant par celui selon lequel on ne devrait pas déclasser parce que certains propriétaires ne veulent pas vendre: cet argument n'est ni recevable ni pertinent, faute de quoi on ne construirait absolument rien à Genève ! Je souhaite tout de même rappeler que les 50 000 logements prévus par le plan directeur cantonal ne se feront pas tout seuls. D'ailleurs, certains d'entre eux sont menacés en raison de réserves émises par la Confédération, donc on doit dans certains cas proposer des déclassements malgré l'absence d'un large consensus.
Le deuxième point concerne l'aménagement urbanistique de la commune et cette fameuse couture qu'elle essaie de créer entre ses deux parties de territoire: comme je l'ai rappelé, ce projet ne va pas créer la couture, mais il permettra d'y procéder par la suite. En effet, il est nécessaire d'urbaniser d'abord les deux côtés de la voie de circulation avant de pouvoir ensuite créer un pont entre les deux.
Le président. Je vous remercie et passe la parole à la rapporteure de minorité. Il vous reste quarante secondes, Madame Meissner.
Mme Christina Meissner (HP), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Je voulais juste, moi aussi, répondre à certains arguments. Je comprends qu'il soit intéressant pour certains de bloquer définitivement tout raccordement de la traversée du lac à cet endroit mais, de grâce, n'évoquez pas du logement pour un immeuble qui abritera pour deux tiers des activités en raison des nuisances dans le secteur ! L'objectif n'est pas de créer de mauvaises conditions de vie pour les gens, donc je maintiens qu'il ne faut pas accepter des modifications de zones ne proposant aucune vision urbanistique planifiée.
Le président. Je vous remercie, Madame la rapporteure de minorité. Mesdames et Messieurs, c'est le moment de voter sur ce texte.
Mis aux voix, le projet de loi 11607 est adopté en premier débat par 64 oui contre 23 non.
La loi 11607 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11607 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 62 oui contre 27 non.