République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 2 mars 2017 à 8h
1re législature - 3e année - 13e session - 74e séance
R 787
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous revenons à notre ordre du jour ordinaire avec la proposition de résolution 787. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et je cède la parole à M. le député Boris Calame.
M. Boris Calame (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, il ne faut pas confondre objectif et scénario, qu'ils soient singuliers ou pluriels. L'Aéroport international de Genève ambitionne de se développer pour accueillir 25 millions de passagers et près de 240 000 mouvements d'avions à l'horizon 2030. En 2014, les chiffres étaient de... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Monsieur le député, je ne peux pas vous laisser parler dans ce brouhaha. (Un instant s'écoule. Le silence se rétablit.) Poursuivez.
M. Boris Calame. Merci, Monsieur le président. En 2014, donc, les chiffres étaient de 15,2 millions de passagers et 187 596 mouvements; en 2016, ils étaient de 16,5 millions de passagers et 189 840 mouvements. Cela représente une augmentation de 2300 mouvements et de 1,3 million de passagers en deux ans et un doublement du nombre de passagers et de mouvements en dix ans ! Les objectifs de l'AIG pour 2030 expriment une fuite en avant qui se fait et se fera toujours plus au détriment de Genève et de ses habitants.
Cette ambition se voit confortée par une étude à un seul volet réalisée par le bureau allemand Intraplan sur mandat de l'Office fédéral de l'aviation civile. Nous savons depuis longtemps qu'il y a entente voire collusion entre l'AIG et l'OFAC pour défendre d'une même voix l'ambition de développement de l'infrastructure aéroportuaire sise sur le territoire de la République et canton de Genève. Les aveugles diront que ces propos sont diffamatoires, les plus lucides admettront qu'à ce jour, les rapports intimes développés entre ces deux instances sont réalité. J'en veux pour preuve que l'AIG avait annoncé ses ambitions de développement il y a déjà plusieurs années, soit bien avant que le mandat ne soit donné à la société spécialisée Intraplan; il est tout de même surprenant qu'une étude qui se devrait d'être multicritères et multiscénarios puisse apporter comme conclusion le miroir exact des objectifs annoncés précédemment par la direction de notre aéroport. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Des voix. Chut !
M. Boris Calame. Il faut rappeler que l'AIG est un établissement public autonome et que, de ce fait, il participe au financement du canton au travers d'une ponction sur son bénéfice; à contrario, il ne paie pas d'impôts communaux. Le développement de l'AIG, ses investissements, la dette liée et son remboursement doivent correspondre à la réalité du potentiel d'utilisation de la plateforme aéroportuaire et non à des ambitions partisanes. Un développement qui ne répondrait pas à cette réalité créerait une perte de revenus drastique voire une charge complémentaire pour le canton. Les investissements de l'ordre de 150 millions de francs par an annoncés la semaine passée par le directeur de l'AIG se feront obligatoirement au détriment de son bénéfice et donc du revenu de l'Etat. Investir autant d'argent oblige à vérifier si les scénarios proposés sont bien réalistes. L'étude de Noé21, dont vous avez tous et toutes reçu copie, démontre que les prérequis de l'étude d'Intraplan sont biaisés, que la méthodologie scientifique peu développée...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Boris Calame. ...est sujette à caution et, par conséquent, que les résultats sont probablement erronés. Le débat que nous menons ici n'est pas pour ou contre l'aéroport mais porte bien sur l'impact financier potentiel de son développement. Cette année, le PSIA, soit le plan sectoriel de l'infrastructure aéronautique, devrait être mis en consultation. Il s'agit de la mission - signée par le Conseil fédéral - confiée par la Confédération à notre aéroport. Il n'est économiquement pas concevable que ce plan soit élaboré uniquement...
Le président. C'est terminé.
M. Boris Calame. ...en fonction des objectifs quantitatifs de l'AIG et en refusant l'étude de différents scénarios de développement notamment économique et géopolitique.
Le président. C'est terminé, Monsieur le député !
M. Boris Calame. Une dernière chose...
Le président. Non, Monsieur le député...
M. Boris Calame. ...le groupe des Verts vous encourage à voter cette résolution... (Commentaires.) ...afin que les projets d'investissements de l'AIG soient réalistes et économiquement... (Le micro de l'orateur est coupé. Commentaires.)
M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs, le parti de gauche qui a mandaté la société Néo21...
Une voix. Noé21 !
M. André Pfeffer. ...afin qu'elle élabore une contre-étude à la politique aéronautique présentée par Intraplan à l'horizon 2030 n'a pour objectif que de la critiquer, d'où cette proposition de résolution. C'est l'Office fédéral de l'aviation civile qui a mandaté Intraplan; cette analyse faite en 2005 concerne le développement de l'Aéroport international de Genève. Une fois adoptée par le Conseil fédéral, la fiche PSIA... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...s'imposera aux autorités cantonales et communales ainsi qu'à l'aéroport, mais il faut préciser que ce n'est pas un diktat: le canton de Genève, Skyguide et notre aéroport ont été impliqués dans cette étude. Pour le Conseil d'Etat... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, ça ne va pas ! Il est impossible de travailler dans ces conditions, nous avons de la peine à entendre les orateurs, même depuis ici, alors un peu de silence, s'il vous plaît - et ce que je dis est valable aussi pour les bancs du gouvernement ! (Le silence se rétablit.) Merci. Poursuivez, Monsieur le député.
M. André Pfeffer. Merci. Pour le Conseil d'Etat, cette étude constitue la base pour identifier les infrastructures aéroportuaires nécessaires devant être développées d'ici 2030 et ainsi répondre à l'augmentation du trafic en accord avec les principes du développement durable. Evidemment, ces prévisions auront des conséquences directes sur les investissements à venir, mais seuls les investissements possibles financièrement parlant seront effectivement réalisés suite aux décisions politiques des autorités genevoises. Sont prévus des investissements à hauteur de 1,4 milliard pour réaliser les infrastructures.
N'oublions pas qu'une croissance économique forte augmente les recettes fiscales dont notre canton a bien besoin pour assurer ses prestations, notamment sociales. En 1996, l'aéroport enregistrait environ 15 000 mouvements d'avions contre 170 000 en 2015, soit une augmentation de 15%; en vingt ans, le nombre de passagers est passé de 6 à 16 millions, ce qui équivaut à une hausse de 160%. Cela peut être mis en corrélation avec le PIB genevois qui, durant les vingt dernières années, a considérablement augmenté, passant de 15 à 48 milliards. La prospérité de notre canton a progressé de trois fois en vingt ans, exactement comme le nombre de passagers de notre aéroport.
L'évolution de l'aéroport serait bénéfique tant pour les citoyens que pour les finances de notre Etat, bien entendu. Selon les tendances, les avions seront à l'avenir plus grands, moins brillants et moins polluants. Les excellentes perspectives économiques pour notre aéroport comme celles s'agissant de la diminution des nuisances devraient réjouir tout le monde. L'Union démocratique du centre vous demande de ne pas soutenir cette résolution qui ne présente que peu de logique au regard des prévisions actuelles. Je vous remercie de votre attention.
M. Edouard Cuendet (PLR). C'est tout à fait clair: cette proposition de résolution s'inscrit dans une stratégie visant à déstabiliser l'aéroport et à porter atteinte à son développement. Faut-il rappeler que notre aéroport est une infrastructure vitale pour l'économie genevoise ? Que la plateforme aéroportuaire emploie 10 000 personnes, héberge 200 entreprises et reverse la moitié de son bénéfice à l'Etat de Genève ? Cette contribution a représenté environ 217 millions pour les caisses publiques entre 2010 et 2015.
Pour revenir plus précisément à la proposition de résolution dont on parle ici, son but principal - elle ne s'en cache pas - est de jeter le discrédit sur l'étude d'Intraplan relative à l'évolution de la demande à l'horizon 2030. Dans cette opération de sabotage, la résolution fait grand cas de l'étude commanditée par les Verts auprès du groupe Noé21, qui est son bras armé - ce terme n'est pas choisi au hasard puisque le grand animateur de Noé21 n'est autre que M. Chaïm Nissim, dont on connaît l'amour des bazookas ! (Commentaires.) Dire que l'association Noé21 n'est pas vraiment indépendante et que ses conclusions sont erronées est un euphémisme parce que son étude pseudo-scientifique table sur une croissance à 17 millions de passagers à l'horizon 2030 alors que ce seuil sera déjà atteint en 2017. Par conséquent, elle n'a aucune crédibilité.
Rappelons encore que Noé21, dans sa grande impartialité, s'était opposée à l'extension de l'aile est de l'aéroport sous prétexte que les avions low cost avaient conduit à la suppression des trains de nuit; c'est complètement abracadabrant ! Dire que cette association est projetée vers l'avenir est également un euphémisme...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Edouard Cuendet. Cette proposition de résolution vise à freiner les investissements de l'aéroport, qui sont pourtant indispensables pour le remettre au goût du jour et que nous soyons compétitifs avec d'autres plateformes aéroportuaires au niveau mondial; il ne faut pas entrer dans ce jeu-là. Voilà pourquoi le PLR vous demande de rejeter cette résolution extrêmement irresponsable. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Patrick Lussi pour trente secondes.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Je m'exprimerai, mais ne voterai pas. Rappelons que cette proposition de résolution est ancienne, que la situation a évolué depuis, que l'Etat a fort intelligemment établi une convention d'objectifs avec l'Aéroport international de Genève, donc bien des choses se sont passées. Il y a un élément important, Monsieur le président, que les gens doivent comprendre. Quand on entend les Verts, on croirait que l'Aéroport international de Genève met tout en oeuvre pour augmenter son envergure. Non, Mesdames et Messieurs: nous subissons une demande, nous ne la créons pas.
Pour conclure, je raconterai une anecdote dont il faut se souvenir. Pendant la saison hivernale, tout le monde se plaint des arrivées massives de skieurs. Mesdames et Messieurs les députés, nous essayons de voir ce qu'on peut faire... Je vous rappelle qu'en 1968, sous le général de Gaulle, on avait créé l'aéroport de Grenoble-Saint-Geoirs, actuellement baptisé Grenoble-Isère, spécialement pour l'ouverture des Jeux olympiques d'hiver. Pourquoi est-ce que les compagnies d'aviation ne se rendent pas dans cet aéroport, qui peut pourtant recevoir des Boeing 747...
Le président. C'est terminé...
M. Patrick Lussi. ...et était destiné à accueillir tout le tourisme de la Tarentaise ?
Le président. C'est terminé, Monsieur le député !
M. Patrick Lussi. Parce que le personnel est toujours en grève ! Il faut avoir le courage de le dire et... (Le micro de l'orateur est coupé.)
M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce qu'on peut entendre sur les bancs d'en face, si tant est qu'on entende quelque chose, c'est: pas touche à mon aéroport ! On est vraiment en mode pilotage automatique, on a les yeux fermés dans le cockpit et, si on continue comme ça, Mesdames et Messieurs, on risque clairement le crash !
En dix ans - les chiffres ont déjà été cités - le nombre de passagers à l'Aéroport international de Genève a quasiment doublé: on en comptait 9,4 millions en 2005, il y en a 16,5 millions aujourd'hui et, selon la seule étude dont nous disposons - qui fait d'ailleurs l'objet de cette proposition de résolution - si on ne fait rien, on atteindra les 25 millions de passagers en 2030. Oui, 25 millions de passagers: ça représente une augmentation de 56% de la fréquentation de l'aéroport, de 30% des mouvements d'avions ainsi qu'un vol - de l'atterrissage au décollage - toutes les 90 secondes, dix-huit heures par jour ! Et tout au détriment de qui, de quoi ? De la population, des riverains, parce que ça pose des problèmes extraordinaires de nuisances, de bruit nocturne - tous ceux qui habitent aux alentours de l'aéroport n'arrivent plus à dormir - de santé publique, de pollution de l'air, mais également d'aménagement du territoire, parce que ça remet en cause la construction de milliers de logements prévus sur la courbe du bruit.
Aujourd'hui, nous devons nous demander quel développement nous voulons pour notre plateforme aéroportuaire. Oui, l'aéroport représente environ 10 000 emplois, il est important pour l'économie, le tourisme, la Genève internationale, les Genevois qui aiment bien voyager et s'octroyer des week-ends low cost - parce que c'est aussi là-dessus qu'est basé son développement - mais nous devons nous poser des questions quant au genre de développement que nous voulons: ne souhaitons-nous pas un développement plus équilibré ? Je vous rappelle qu'une coordination d'associations environnementales et de riverains a lancé une initiative pour un pilotage démocratique de l'aéroport et récolté 14 000 signatures... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Je finirai, pour vous convaincre - si tant est qu'il soit possible de vous convaincre - par vous citer les propos du nouveau directeur de l'Aéroport international de Genève, M. André Schneider, à propos de ces 14 000 signataires qui exigent un développement plus équilibré. Il est en effet intéressant de découvrir son point de vue...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Thomas Wenger. ...vu qu'il est nouveau: «[...] je m'efforce de favoriser un développement qualitatif. Il faut accepter la croissance, mais pas à n'importe quel prix.» Il ajoute: «Je souscris pleinement au constat qui est à l'origine de cette démarche.» Nous devons, Mesdames et Messieurs, dans le cadre des négociations sur le PSIA entre la Confédération...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Thomas Wenger. Je termine, Monsieur le président ! ...le canton, les communes et les différents partenaires, réfléchir à un développement plus équilibré et plus durable...
Le président. C'est terminé.
M. Thomas Wenger. ...de notre aéroport. Merci beaucoup.
M. Boris Calame (Ve). Je me permettrai de terminer mon intervention de tout à l'heure, Monsieur le président, merci. Les Verts ne disent pas qu'il faut fermer l'aéroport mais que l'engagement financier relatif au développement envisagé de notre plateforme aéroportuaire mérite au moins la réalisation d'une étude prospective qui permette, au travers de différents scénarios, d'objectiver la situation actuelle et future. Nous ne sommes pas dans un débat pour ou contre l'aéroport, il s'agit de discuter de l'impact économique potentiel de son développement.
Depuis un certain temps, nous constatons un réel problème de gestion des grands projets à l'Aéroport international de Genève. Il y a encore peu, la Cour des comptes a mené un audit sur l'AIG, notamment sur le pilotage et la construction de l'aile est; autant dire que ses conclusions n'étaient pas des plus rassurantes. Nous savons toutes et tous que nous devrons à un moment donné, notamment pour nos enfants, limiter notre développement mais aussi objectiver nos ambitions et nos engagements financiers. C'est aujourd'hui que ça se passe !
Ne ratons pas l'occasion de vérifier si les objectifs de l'AIG sont bien en phase avec la réalité, exigeons de l'Office fédéral de l'aviation civile une étude multifacteurs avec différents scénarios de développement de l'aéroport, rappelons-nous enfin que la situation financière du canton de Genève ne lui permet pas d'envisager de se priver de la part des bénéfices de l'aéroport qui lui revient, soit 30 à 45 millions ces dernières années, mais aussi que ce n'est pas aux générations futures de payer pour des infrastructures qui auraient été mal dimensionnées. A nouveau, le groupe des Verts vous encourage à voter cette résolution afin que les projets d'investissements de l'AIG soient réalistes et économiquement supportables. Je vous remercie.
M. Pierre Vanek (EAG). M. Cuendet ironisait tout à l'heure sur les moyens inappropriés que Chaïm Nissim ou quelqu'un d'autre a cru devoir ou pouvoir employer contre la centrale nucléaire de Creys-Malville; je lui ferai remarquer - par votre entremise, Monsieur le président - que nous avons su employer d'autres moyens démocratiques pour mettre un terme à cette menace considérable pour l'ensemble de la région, sa qualité de vie et l'existence même de ses habitants. Le moyen en question était une initiative populaire qui a fait inscrire l'opposition au nucléaire dans notre constitution ! A ce propos, Thomas Wenger a évoqué à juste titre les 14 000 signatures de l'initiative ô combien modérée et délicate - à tel point, a-t-il dit, que le directeur de l'aéroport est d'accord avec celle-ci - qu'on entend utiliser pour brider un tant soit peu le développement délirant de l'aéroport.
Vous avez avancé, Monsieur Cuendet - enfin, Monsieur le président, vous lui ferez dire... (Rires.) - que tout cela constituait un moyen pour freiner le développement de l'aéroport et vous avez évoqué avec ironie les conclusions du rapport de Noé21 selon lesquelles le développement massif de l'AIG et du trafic low cost contribuait à la disparition des trains de nuit. Mais bien sûr ! Oui, oui, oui, vous avez raison, le problème est là ! Certaines options en matière de transport sont insoutenables et délirantes, et il faut y mettre une bride, pour ne pas dire un terme. Quand on entend, Mesdames et Messieurs, que selon une projection de l'étude d'Intraplan, il y aura 10 millions de passagers supplémentaires d'ici 2030 et un vol toutes les 90 secondes...! C'est évidemment insoutenable pour Genève sur le plan de la qualité de vie et de la pollution, ces perspectives sont un cul-de-sac et une impasse auxquels il faut évidemment renoncer.
Maintenant, M. Lussi a eu le mot juste, comme souvent - mais pas comme toujours... (Rires.) Que ça ne vous monte pas à la tête, Monsieur Lussi ! Il a dit que nous subissions le développement de cet aéroport. Bien entendu que nous le subissons ! Or Edouard Cuendet soutient qu'il faut continuer à le subir; ce que nous sommes un certain nombre à dire ici, c'est non ! Nous ne voulons plus subir ce développement incontrôlé, nous voulons justement le contrôler de manière démocratique et nous voulons développer des alternatives infiniment meilleures en termes de qualité de vie des gens et de respect de l'environnement. C'est de ça qu'il retourne aujourd'hui, et nous voterons naturellement cette résolution. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Content de voir que vous avez conservé votre chemise ! Je passe la parole à M. le député François Baertschi.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. La problématique de l'aéroport est tout à la fois économique, environnementale et liée au développement de Genève. Au fil des années, on a réduit par exemple les vols de nuit, qui sont la cause de beaucoup de nuisances pour les habitants proches de l'aéroport. Il faut se poser les bonnes questions, notamment la suivante: comment trouver un équilibre entre les diverses contraintes à la fois économiques et d'ordre international ? D'une part, en effet, nos organisations internationales ne pourraient pas exister sans plateforme aéroportuaire - je crois qu'il faut souligner cet aspect - mais, d'autre part, si de nombreux riverains se font très bien aux nuisances, d'autres s'en plaignent et souhaiteraient les voir réduites. Nous devons ainsi entrer dans une phase de dialogue.
De quoi parle-t-on dans cette proposition de résolution ? D'une étude commandée auprès d'un bureau allemand qui se voit contestée par l'association Noé21 que mon collègue Edouard Cuendet - vous transmettrez, Monsieur le président - apprécie particulièrement. En effet, il suffit qu'on évoque cet organe pour qu'il saute au plafond ! Cela dit, il est vrai que Noé21 est une association militante; on ne lui en veut pas pour ça, c'est sa raison d'être, mais qu'elle ne se prenne pas pour un groupe scientifique, parce que la science se doit de faire preuve d'impartialité et s'en référer uniquement aux faits. Noé21 a une visée idéologique, sachons-le; ce n'est critiquable d'aucune manière, mais je crois qu'il ne faut pas avancer à mots couverts, il faut véritablement afficher la couleur.
Cette proposition de résolution conteste l'étude réalisée par le bureau indépendant Intraplan, remet en cause sa méthodologie; d'accord, tout est possible, la critique est une bonne chose. Mais quant à demander au Conseil fédéral de refaire une étude sur le sujet... Si on acceptait cette résolution, je pense que Genève se ridiculiserait une fois de plus avec une demande qui n'est pas du tout en adéquation avec certaines réalités, et il vaut mieux éviter d'emprunter cette direction sans issue.
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. François Baertschi. Merci, Monsieur le président. C'est pourquoi il faut refuser cette résolution et plutôt investir notre énergie à résoudre les problèmes de l'aéroport, qui sont à la fois techniques, technologiques, environnementaux, économiques et relatifs au rayonnement de Genève. Voilà le véritable enjeu pour l'avenir de Genève, ce n'est pas ce type de polémique qui nous fait perdre du temps et nous mène dans une impasse. Le groupe MCG vous encourage donc, Mesdames et Messieurs, à rejeter cette résolution.
M. Vincent Maitre (PDC). A l'évidence, le sujet qui nous occupe pose une question fondamentale au sujet du développement de ce magnifique outil qu'est l'aéroport: doit-il être qualitatif ou plutôt quantitatif ? Il s'agit tout simplement d'une question de vision politique à long terme. Etant donné les avis divergeant sur le sujet, le PDC propose le renvoi de cette proposition de résolution à la commission de l'économie afin qu'une discussion saine et sereine puisse s'y faire.
Une voix. Bravo, c'était brillant.
Le président. Merci, Monsieur le député. J'ai pris bonne note de votre demande de renvoi en commission, que je mettrai aux voix tout à l'heure. Monsieur Stauffer, vous avez la parole pour une minute trente.
M. Eric Stauffer (HP). Merci, Monsieur le président. C'est gentil de me donner la parole parce que vous avez fauté lors de la dernière séance, et vous le savez ! Je vais profiter de cette minute et demie de parole pour vous dire ce que je pense de cette proposition de résolution des Verts. Bien que j'aie une fibre écologique, tout le monde le sait, je dois dire que ce texte n'a rien à voir avec l'écologie; non, ce texte est doctrinaire, et c'est bien là l'apanage des Verts qui veulent évidemment fermer cet aéroport pour le transformer en champ de culture biologique, ce n'est pas un secret.
Mesdames et Messieurs, l'Aéroport international de Genève, dont je suis l'un des administrateurs - pour votre compte, c'est vous qui m'avez élu à cette fonction - constitue un pilier de l'économie genevoise, sans cesse attaqué par les Verts et leurs voisins de droite, c'est-à-dire les socialistes. La coupe est pleine ! Il est temps que ce Grand Conseil prenne ses responsabilités et renvoie cette résolution à l'endroit qu'elle n'aurait jamais dû quitter, c'est-à-dire la poubelle. Merci.
M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de résolution amène le Conseil d'Etat à devoir préciser certaines choses s'agissant des démarches fédérales ou cantonales en lien avec notre aéroport. Le plan sectoriel de l'infrastructure aéronautique, plus connu sous son acronyme PSIA, est une démarche fédérale, non pas cantonale: il s'applique à l'ensemble des aéroports nationaux sis sur le territoire de la Confédération, qui sont au nombre de sept.
Pour pouvoir planifier le développement des infrastructures aéroportuaires en intégrant tous les éléments indiqués jusqu'ici, il faut se baser sur des études solides, dans lesquelles il s'agit de consacrer non pas des objectifs - ce n'est pas le but de la démarche PSIA - mais des prévisions de trafic. Ainsi sera-t-il possible, le cas échéant, de prendre des mesures à l'endroit des riverains en lien avec la réalisation de certains investissements.
La démarche PSIA - qui est, je le répète, fédérale - doit donc s'appuyer sur ces études; or ce que demande cette résolution, c'est d'effectuer des contre-études. Le premier de ses effets, si par hypothèse la Confédération venait à donner suite à cette requête, serait de prolonger la démarche PSIA et donc de retarder les différentes mesures que certains d'entre vous appellent pourtant de leurs voeux. Deuxièmement, dans la mesure où cette étude est une prévision et non un objectif, il s'agit de faire appel à un mandataire de qualité afin d'être en mesure de prendre les bonnes décisions. Je ne veux pas ironiser, parce que le temps a passé depuis le dépôt de cette résolution il y a un an et demi, mais jetons tout de même un oeil sur les annexes de Noé21, qui nous prédisent à l'horizon 2030 un seuil de trafic aérien qui est déjà atteint aujourd'hui !
Mesdames et Messieurs, il n'est pas sérieux de demander à la Confédération de se baser, pour établir le PSIA, sur des études qui confondent prévisions et objectifs. D'aucuns parmi vous ont même qualifié ces objectifs de militants: ce n'est pas comme ça qu'on peut envisager cette démarche. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat vous demande de bien vouloir refuser cette résolution.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le président du Conseil d'Etat, et lance d'abord le vote sur la proposition de renvoi à la commission de l'économie. En cas de refus, Mesdames et Messieurs, vous serez priés de vous exprimer sur la prise en considération de ce texte.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 787 à la commission de l'économie est rejeté par 43 non contre 39 oui.
Mise aux voix, la proposition de résolution 787 est rejetée par 47 non contre 32 oui et 4 abstentions.