République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 24 février 2017 à 16h
1re législature - 3e année - 13e session - 72e séance
PL 11662-B
Troisième débat
Le président. Mesdames et Messieurs, l'ordre du jour appelle le traitement du PL 11662-B qui est classé en catégorie II, quarante minutes. Je vous rappelle que nous sommes en troisième débat et que trois amendements ont été déposés par la minorité, le premier modifiant le titre et dont voici la teneur:
«Titre (nouvelle teneur)
Projet de loi sur le convoyage, le transport et la surveillance des détenus hors des établissements pénitentiaires»
Je passe la parole au rapporteur de minorité, M. Raymond Wicky.
M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, je voudrais juste dire que ces différents amendements, celui-ci le premier, n'ont pas vocation à aller à l'encontre de la décision démocratique prise en date du 3 novembre dernier, mais visent tout simplement à clarifier un certain nombre de points afin que l'office cantonal de la détention et la brigade de sécurité et des audiences puissent travailler de manière harmonieuse. A notre avis, en effet, quelques éléments ont été introduits dans le projet de loi que nous examinons ici qui, d'un point de vue juridique, sont sources de confusion. J'ai terminé, Monsieur le président, merci.
M. Cyril Mizrahi (S), rapporteur de majorité. Au nom de la majorité de la commission, je vais brièvement m'exprimer sur ce premier amendement. Nous prenons acte du fait que la minorité semble enfin avoir accepté la volonté de notre majorité de maintenir en mains publiques les tâches de convoyage et de surveillance des détenus. Je précise simplement qu'il s'agit d'une assez longue histoire et que ça fait un bon moment déjà qu'on nous balade. En effet, si les sous-traitances ont été très sévèrement cadrées dans la loi sur la police, le magistrat s'est finalement assis sur cette loi et a procédé à une privatisation de l'ensemble du secteur du convoyage...
Le président. Exprimez-vous sur l'amendement, Monsieur le rapporteur.
M. Cyril Mizrahi. J'estime qu'il est important, Monsieur le président, de rappeler ces faits. Maintenant, chat échaudé craint l'eau froide, comme on dit, et nous sommes d'avis que le projet de loi issu de commission est parfaitement clair. Je vous invite donc, au nom de la majorité, à refuser chacun des amendements présentés.
S'agissant du premier amendement sur le titre, nous souhaitons pour notre part que ce projet de loi garde une vocation claire et générale. Toute tâche de surveillance, qu'il s'agisse de transport, de convoyage, de contrôle externe ou interne des établissements, doit rester en mains publiques. Par conséquent, nous n'admettons pas qu'on essaie à nouveau d'introduire des nuances par la petite porte afin de pouvoir ensuite s'en servir pour contourner la volonté de la majorité de ce parlement. Je vous remercie de votre attention.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le fond est tranché, le parlement a décidé: avec la loi sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires votée au mois de novembre dernier, vous avez concrétisé votre volonté de laisser en mains exclusivement publiques le convoyage des détenus. Cette loi va déployer ses effets dès le 1er mars - cela démarre dans quelques jours - donc nous n'avons même pas besoin de celle-ci puisque nous devons déjà, dans un délai de cinq ans, mettre en place la solution publique - je rappelle que, précédemment publique et privée, elle ne sera dorénavant plus que publique.
Ce n'est pas de cela qu'il est question avec ce projet de loi qui arrive comme la grêle après les vendanges et dont j'avais obtenu - je vous en remercie encore - qu'il soit renvoyé en commission dans la mesure où il avait été écrit sur un coin de table. Malheureusement, la commission n'a pas souhaité m'auditionner, ce que je regrette parce que le problème, avec cette loi telle que formulée actuellement, c'est qu'elle induit des biais qui vont par exemple nous empêcher, dans le cadre de l'office cantonal de la détention, d'engager des ASP3 pour effectuer des tâches de surveillance. Il ne faut pas des policiers ni des gardiens de prison, avez-vous dit, mais du personnel public. De fait, cette loi est non seulement inutile mais également dangereuse puisqu'elle introduit des biais qui vont me forcer à employer à ces tâches des policiers - ils sont évidemment formés pour ça, mais pas spécifiquement - respectivement des gardiens de prison; c'est un peu du gaspillage !
C'est la raison pour laquelle nous vous invitons a minima à voter les amendements légistiques qui ne changent rien au fond mais permettent à tout le moins, dans le cadre du personnel public, de faire appel aux bonnes personnes - payées correctement - pour assurer cette mission, voire carrément à rejeter ce projet de loi.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, je vous prie maintenant de voter sur ce premier amendement modifiant le titre du projet de loi.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 45 non contre 36 oui et 2 abstentions.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. A l'article 1, nous sommes saisis d'un deuxième amendement que je vous lis:
«Art. 1 Convoyage, transport et surveillance des détenus hors des établissements pénitentiaires (nouvelle teneur de la note) et al. 1 (nouvelle teneur)
1 Les tâches de convoyage, de transport et de surveillance des détenus hors des établissements pénitentiaires sont effectuées par des membres du personnel de l'Etat subordonnés à la direction générale de l'office cantonal de la détention ou par du personnel de police assermenté et soumis à la loi sur la police, du 9 septembre 2014.»
Monsieur Wicky, vous avez la parole.
M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Ecoutez, Mesdames et Messieurs, je ne veux pas allonger la sauce, si vous me permettez l'expression, mais juste dire, en réaction aux propos du rapporteur de majorité, qu'il ne s'agit en aucun cas d'un détricotage de la loi ou de quelconques pirouettes; comme je l'ai déjà indiqué, il s'agit tout simplement de clarifier la situation afin que cette loi soit adaptée au terrain. Merci.
M. Christian Dandrès (S). Je serai très bref, je souhaite juste réagir aux déclarations faites tout à l'heure par le magistrat, qui a reproché à ce projet d'arriver comme la grêle après les vendanges. Ce projet de loi, antérieur à la modification de la LOPP - laquelle entrera effectivement en vigueur le 1er mars 2017 - constitue en quelque sorte le service après-vente de l'article 19 de la loi sur la police que nous avons voté et qui a pour vocation de veiller à ce que les tâches dont il est question ici ne puissent pas être externalisées.
Entre-temps, la LOPP a été adoptée, mais je pense que ce projet demeure d'actualité parce qu'il est important que les conditions qu'il vise à garantir, à savoir la lutte contre le dumping et l'assurance de la meilleure sécurité possible pour les magistrats, les détenus et les citoyens, puissent être conservées si d'aventure le Conseil d'Etat devait décider de modifier à nouveau l'organisation de l'administration et confier lesdites tâches à d'autres services de l'Etat.
M. François Baertschi (MCG). Je voudrais juste rectifier quelque chose. On nous a dit qu'il était inutile de voter ce projet de loi tel quel; il faut quand même dire une chose importante - elle l'est en tout cas pour le MCG - c'est qu'il y a un nombre excessif de frontaliers... (Exclamations.) ...dans les entreprises privées, c'est problématique pour l'emploi.
Le second élément fondamental, c'est la sécurité. On sait très bien qu'il n'est pas possible d'assurer une sécurité suffisante avec du personnel constitué de frontaliers engagés par les entreprises, on sait qu'il est difficile... Parlons des fichés S, par exemple - je ne veux pas être trop hors sujet, Monsieur le président, et je m'excuse par avance si je le suis, mais malheureusement tout est un peu lié: ces fichés S, c'est un monstre foutoir, m'a-t-on rapporté...
Le président. Sur l'amendement uniquement, Monsieur le député.
M. François Baertschi. Oui, ça concerne l'amendement ! J'y reviens très rapidement: on n'a aucune garantie de sécurité quant à l'information sur la dangerosité du personnel, c'est un élément important sur lequel il faut à tout prix insister, voilà pourquoi je me permets de l'évoquer, Monsieur le président, et je vous remercie de m'avoir laissé le faire.
M. Cyril Mizrahi (S), rapporteur de majorité. Au nom de la majorité, j'aimerais vous dire la chose suivante, Mesdames et Messieurs: ce que vise cet amendement entre guillemets «technique» de la entre guillemets «minorité», c'est que n'importe quel employé de l'OCD puisse effectuer des conduites ou de la surveillance extérieure, et on nous cite notamment le cas des éducateurs. A mon avis, ça sonne un petit peu bizarrement, surtout après ce qui s'est passé avec l'affaire Adeline.
Pour notre part, nous souhaitons que les tâches de convoyage et de surveillance des détenus soient accomplies par du personnel assermenté. Or la seule base légale qu'on trouve aujourd'hui sur les ASP d'une part et l'assermentation d'autre part figure dans la LPol. Maintenant, que ces ASP soient rattachés à l'OCD, très bien; mais, en attendant, la seule base légale se trouve dans la LPol. Nous voulons que du personnel assermenté soit affecté au convoyage et à la surveillance, et pas n'importe quel employé de l'OCD, par hypothèse non assermenté et non formé à ces tâches; il en va de la sécurité publique. C'est pourquoi nous maintenons la version telle qu'issue de commission. Je vous remercie.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Très brièvement, de nouveau: je suis navré, Monsieur le président, de faire ici le débat de commission, j'aurais volontiers répondu à ces questions si elles m'avaient été posées au sein du cénacle restreint que représente la commission judiciaire et de la police.
La réalité du terrain, c'est que la conduite de détenus se fait très fréquemment par du personnel de convoyage spécialement affecté à cet effet tandis que, potentiellement, l'accompagnement - il n'y a pas que des détenus très ou moyennement dangereux et, à mon avis, vous citiez totalement à tort le drame de la Pâquerette - peut se faire par des éducateurs. Ce que nous voulons, c'est simplement ne pas nous priver de cette possibilité-là, qui est une réalité à l'heure actuelle. Vous faites la démonstration, Monsieur le rapporteur de majorité, que ce projet de loi tombe à côté du but qu'il vise.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix cet amendement à l'article 1 qui vous a été lu et qui figure à la page 17 du rapport.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 32 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 1 est adopté.
Le président. Le troisième et dernier amendement concerne l'article 2, alinéa 2, et est libellé comme suit:
«Art. 2, al. 2 (nouvelle teneur)
2 En dérogation de l'article 1, les contrats existants au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi, conclus entre le département et les prestataires privés et portant sur les conduites de détenus, les conduites médicales et les surveillances hospitalières, ainsi que sur la surveillance externe et interne des établissements pénitentiaires, peuvent être exécutés jusqu'à leur terme prévu, mais ne peuvent pas être reconduits par le département. Au plus tard cinq ans après l'entrée en vigueur de la présente loi, ces tâches seront exercées par des agents publics.»
Je donne la parole à M. Cyril Mizrahi.
M. Cyril Mizrahi (S), rapporteur de majorité. Je serai très rapide, Monsieur le président. Avec cet amendement, la minorité tente d'élargir le spectre des possibilités en ajoutant des exceptions au principe ancré plus haut, ce qui nous semble inutile. Encore une fois, nous souhaitons en rester à la version issue de commission. Merci.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur de majorité, et ouvre le scrutin sur cet amendement.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 49 non contre 44 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 2 est adopté.
Mise aux voix, la loi 11662 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 59 oui contre 32 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)