République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 24 février 2017 à 16h
1re législature - 3e année - 13e session - 72e séance
PL 11961-A
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous poursuivons le traitement de nos urgences avec le PL 11961-A, qui est classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. Alexandre de Senarclens, à qui je donne la parole.
M. Alexandre de Senarclens (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi propose de transférer, en collaboration avec les maîtres de classe, la responsabilité de la préparation au choix scolaire et professionnel, que l'on appelle l'IOSP - soit l'information et l'orientation scolaire et professionnelle - à l'office pour l'orientation, la formation professionnelle et continue - l'OFPC. Ce projet de loi a principalement été motivé par le rapport no 83 de la Cour des comptes, qui a dressé un constat sévère de la mise en oeuvre du concept d'IOSP. En particulier, il est mis en évidence que les enseignants ont beaucoup de difficultés à assurer les tâches d'IOSP, que les maîtres de classe qui ont la responsabilité de cette tâche se plaignent souvent du manque de temps à consacrer à cet objet et que ces enseignants n'ont aucune formation spécifique liée à l'information et l'orientation scolaire et professionnelle, puisqu'ils disposent seulement de quelques heures de sensibilisation, ce qui est jugé très insuffisant.
Plus généralement, il est fait le constat que le chômage des jeunes est important à Genève en comparaison nationale et que cette comparaison montre que les cantons qui délivrent une orientation professionnelle tenant mieux compte des possibilités du marché de l'emploi connaissent le taux de chômage des jeunes le plus bas. Enfin, le canton de Genève rencontre manifestement des problèmes dans le domaine de l'orientation à la sortie du cycle, dès lors que près d'un tiers des élèves échouent à la fin de la première année du collège et s'orientent ensuite vers d'autres filières. Cela a évidemment pour conséquences une utilisation non optimale des ressources publiques, des pertes de temps et des frustrations tant pour les jeunes que pour les parents.
En substance, Genève a besoin de professionnels correctement orientés et compétents pour apporter à notre économie la main-d'oeuvre nécessaire, prévenir le chômage et éviter d'aller chercher à l'étranger des ressources dont nous avons besoin ici.
Mesdames et Messieurs les députés, personne ne s'est opposé à ce projet de loi, et comme la conseillère d'Etat chargée du département de l'instruction publique est également en accord avec celui-ci, je vous recommande de suivre la majorité de la commission. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Salima Moyard (S). Mesdames et Messieurs les députés, essayer de résoudre un problème en en créant plusieurs autres en cascade, voilà ce que va produire ce projet de loi. Le but idéal poursuivi est bon, selon le parti socialiste, puisqu'il s'agit de valoriser la formation professionnelle pour casser l'image de la voie unique de la maturité gymnasiale. Là où le bât blesse, en revanche, c'est dans la mise en oeuvre. Alors oui, la formule actuelle de l'information et de l'orientation scolaire et professionnelle - l'IOSP - n'est pas parfaite. Le temps à disposition - comme vous l'avez dit, Monsieur le rapporteur - est aujourd'hui insuffisant dans les heures de maîtrise de classe, car il y a bien d'autres choses indispensables à faire pour les élèves. Et effectivement, la formation actuelle des maîtres de classe qui délivrent l'IOSP n'est pas suffisante: elle est moins bonne qu'auparavant, car il y avait des maîtres mieux formés en ISP qui l'enseignaient. La faute à la foire d'empoigne qui a eu lieu notamment ici, au moment de la création du nouveau cycle d'orientation, au sujet des différentes heures d'enseignement que tout le monde se disputait. Alors certes, la formule actuelle n'est pas satisfaisante, mais le DIP s'en occupe en ce moment dans le cadre de l'analyse du nouveau cycle, et la situation est en cours d'ajustement. Le problème est donc déjà connu, il l'était bien avant ce projet de loi et, surtout, celui-ci posera bien d'autres difficultés qu'il n'en réglera.
En premier lieu, chacun son métier: un enseignant enseigne et un conseiller conseille. Croire que le conseiller en orientation qu'on aura mis dans les classes va régler à lui tout seul les problèmes de perte de repères des élèves et d'orientation au 12e degré est un peu facile, et d'autre part il aura énormément de peine à tenir les classes en question, car il n'est pas du tout formé pour faire de l'enseignement. M. Evéquoz, le directeur général de l'OFPC - cela figure à la page 4 de votre rapport, Monsieur le rapporteur - ne disait pas autre chose. Ensuite, croire que le CIF - le Conseil interprofessionnel pour la formation - pourra d'une quelconque manière avoir un contrôle permanent et garantir ce qui se fait dans les classes, avec un joli petit rapport destiné à la commission de l'enseignement du Grand Conseil, c'est sympathique, c'est mignon, mais en l'occurrence ça ne servira absolument à rien, et en tout cas pas à obtenir une quelconque efficacité ou pertinence dans les faits.
Mais surtout - le clou, pour le parti de la prétendue orthodoxie budgétaire - il y a l'aberration du coût. Il est indiqué dans le projet de loi initial que le coût sera neutre et qu'il suffira d'opérer un transfert entre des heures d'enseignants et des heures de conseillers en orientation. Quelle méconnaissance du système qu'on prétend réformer ! Vu que l'heure de maîtrise de classe devra impérativement être maintenue, il faudra ajouter une nouvelle heure, il faudra la payer...
Le président. Il vous reste trente secondes !
Mme Salima Moyard. Ce sera suffisant, merci, Monsieur le président ! ...et le projet de loi coûtera même encore davantage dans sa version amendée en commission, puisqu'il y aura deux personnes - ce qui est bien au niveau pédagogique - présentes en même temps face aux élèves, l'enseignant et le conseiller. Enfin, les conseillers en orientation n'auront plus le temps de faire ce qu'ils doivent, c'est-à-dire des entretiens individuels avec les élèves.
En conclusion, oui, il faut valoriser la formation professionnelle; oui, il faut retravailler l'IOSP, mais non...
Le président. C'est terminé, Madame la députée.
Mme Salima Moyard. ...la solution n'est pas ce projet de loi: il rate sa cible et coûtera extrêmement cher. Laissons le DIP faire son travail ! C'est pour toutes ces raisons que le parti socialiste s'abstiendra. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté partait d'un constat concernant le taux de chômage des jeunes, comme l'a rappelé le rapporteur, un taux qui approchait les 5,6% à Genève en 2015 et qui était donc bien supérieur à la moyenne nationale, qui se situait à 3,3% cette même année. Il relève également que la réforme du cycle d'orientation est entrée en vigueur et qu'elle n'a pas tenu toutes ses promesses quant à la revalorisation de la formation professionnelle. La Cour des comptes, dans un bilan concernant la formation, a en outre dressé un constat sévère et accablant au sujet précisément de la mise en oeuvre du concept d'IOSP, c'est-à-dire de l'information et de l'orientation scolaire et professionnelle. Ces constats sont également corroborés par des témoignages d'enseignants et de formateurs indiquant que le portfolio mis à disposition des enseignants comme des élèves afin de pouvoir éventuellement mieux orienter est absolument inadéquat et peu utilisé. Les maîtres de classe n'atteignent pas le but souhaité par ceux qui ont mis en place cette réforme du cycle d'orientation.
Suite aux travaux de commission, le MCG soutiendra ce projet de loi qui a été amendé, parce qu'il devrait améliorer la situation. En effet, il institue par exemple une meilleure collaboration entre le maître de classe chargé de l'IOSP et l'office pour l'orientation, la formation professionnelle et continue, et il invite également le Bureau du Conseil interprofessionnel pour la formation - le CIF - à assurer un suivi et à en rendre compte régulièrement, soit en tout cas annuellement, à la commission de l'enseignement.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Jean-François Girardet. Merci, Monsieur le président ! Contrairement à ce qui a été dit, nous pensons que la commission pourra garder un oeil sur l'évolution de la situation, et le MCG se réjouit de constater que la formation duale pour les apprentissages est une véritable alternative pour les jeunes qu'il faut promouvoir.
M. Stéphane Florey (UDC). Il est vrai que la situation actuelle n'est de loin pas satisfaisante, et à ce sujet j'aurais du reste une question à poser à Mme la conseillère d'Etat - vous transmettrez, Monsieur le président. En effet, un détail m'a quand même échappé lors de nos travaux de commission et ma question vise à savoir si le cours d'IOSP est réellement appliqué, ne serait-ce que pour les 9e, puisque ma fille, qui est actuellement en 9e année, m'a demandé ce que c'était et de quoi je parlais lorsque je lui ai posé deux ou trois questions à la suite de nos débats en commission. J'ai donc été interpellé, et je me suis dit dans un premier temps que l'IOSP ne s'adressait en fait qu'aux 11e; puis, en relisant le rapport, je me suis aperçu que ce n'était pas le cas et que, sur les quatre heures de maîtrise de classe, il y en avait une qui devrait - je dis bien «qui devrait» ! - justement être dévolue à l'information professionnelle. On voit donc bien qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans le système actuel ! Alors je réitère ma question: est-ce que l'heure dévolue à l'information professionnelle est réellement appliquée avec assiduité par tous les enseignants, en tout cas pour les 9e ? Ce n'est apparemment vraiment pas le cas !
Maintenant sur le projet de loi, il est clair qu'il faut trouver des solutions pour améliorer cette information concernant la formation professionnelle. Ce que l'UDC espère, c'est qu'il va réellement se passer quelque chose et qu'il y aura une vraie amélioration, de façon que ce sujet ne soit pas mis en quelque sorte aux oubliettes avec les années qui passent, comme ça se fait habituellement au département de l'instruction publique. Nous gardons donc tous nos espoirs concernant ce projet de loi et espérons que ça améliorera vraiment la situation. Je vous remercie.
M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, il faut préciser qu'au début ce projet de loi visait à confier toute la responsabilité de l'enseignement même de l'IOSP à l'office pour l'orientation, la formation professionnelle et continue, c'est-à-dire qu'il visait à enlever cette tâche dont les maîtres d'IOSP étaient chargés. Nous sommes donc quand même arrivés, à force de négociations, à un partage des responsabilités plutôt qu'à un transfert.
Deuxièmement, il faut également souligner que tous les auditionnés du DIP ont d'une part reconnu le déficit d'information scolaire et professionnelle au sein du cycle, mais ont d'autre part mis en avant les nouveaux projets qui se mettaient en place, lesquels étaient tous marqués par la collaboration entre les deux organes, soit les maîtres d'un côté et les conseillers en IOSP de l'autre.
Troisièmement, je suis tout à fait d'accord avec ma collègue Mme Moyard: un enseignant enseigne et un conseiller conseille ! Il n'est pas question que les conseillers en IOSP supportent les profs dans cette collaboration ! Il est question, par exemple, qu'ils fassent ce qu'ils font au mieux en tant qu'experts, c'est-à-dire un panorama général de toutes les formations en classe. Cela ne veut pas dire qu'ils vont enseigner l'IOSP.
Enfin, le dernier point que je tenais à souligner par rapport à ce projet de loi qui, après négociations, me paraît tout à fait acceptable - il sera d'ailleurs accepté par les Verts - c'est qu'on a toujours peur du contrôle exercé sur l'enseignement. Mais le fait qu'un rapport annuel soit rédigé par le CIP et transmis à une commission du Grand Conseil peut aussi avoir un effet bénéfique, dans le sens où ça peut aussi stimuler la préoccupation en matière d'ISP dans les différents établissements et promouvoir la culture de la formation professionnelle, qui alors doit être développée.
Le président. Il vous reste trente secondes !
M. Jean-Michel Bugnion. J'ai terminé, Monsieur le président, je vous remercie !
M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, au départ ce projet de loi visait à ce que l'OFPC - l'office pour l'orientation, la formation professionnelle et continue - délivre des prestations dans les classes. C'est donc assez légitimement que les collègues enseignants du secondaire ont fait part de leur opposition, notamment lorsqu'on a auditionné la FAMCO, ou l'Union du corps enseignant secondaire genevois, sauf erreur. Non, il s'agissait de la FAMCO, je me reprends. J'ai confondu: l'Union du corps enseignant secondaire n'a pas été auditionnée à ce sujet.
Cela dit, et je crois que c'est important - du reste mes préopinants l'ont souligné - ce projet de loi a été fortement amendé; il n'est plus question de transfert ou même de prestations directes en l'absence d'un titulaire dans une classe du cycle d'orientation. L'OFPC doit collaborer avec le maître d'IOSP - soit d'information et d'orientation scolaire et professionnelle - et en ce sens nous pourrions dire que ce projet de loi amendé est acceptable.
J'aimerais aussi relever un point en tant que président de cette commission. M. de Senarclens a indiqué qu'il y aurait eu sept séances sur ce sujet. Personnellement, j'en ai compté même un peu plus, huit ou neuf, je crois: c'est dire si la commission, pour une fois - et je l'apprécie, parce que ce n'est pas toujours le cas avec les autres projets de lois, par exemple quand ils sont signés par le groupe Ensemble à Gauche - a vraiment pris le temps d'étudier la question et d'écouter tout le monde. J'aurais donc tendance à dire qu'il s'agit d'un bon compromis. Cela dit, je partage la réserve émise par le parti socialiste, parce qu'on en revient toujours à cet élément; il est clair que cela coûtera plus cher ! Je n'ai personnellement aucun problème concernant un co-enseignement ou une collaboration dans le cadre de laquelle il y aurait deux enseignants face aux classes. Je pense que c'est une bonne chose. L'OFPC n'est quand même pas un organisme secret ou privé, sorti d'on ne sait où ! Non, il appartient au département de l'instruction publique, et il est tout à fait honorable de pouvoir collaborer. Tous les jours, les écoles collaborent avec d'autres instances, d'autres organismes - le service de santé de l'enfance et de la jeunesse, par exemple. On fait cela au mieux, mais c'est une collaboration nécessaire, interne au département. Néanmoins, cela va coûter plus cher et, pour cette raison, parce qu'en général on vote certaines choses mais qu'après les moyens ne suivent jamais, le groupe Ensemble à Gauche partage les réserves - j'allais dire de la FAMCO - de Mme Moyard...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Olivier Baud. ...et du parti socialiste, et donc il s'abstiendra. Je vous remercie.
M. Gabriel Barrillier (PLR). Monsieur le président, chers collègues, c'est de moi que vient tout le mal, dans cette affaire.
Des voix. Ouh !
M. Gabriel Barrillier. Si je suis le premier signataire de ce projet de loi, c'est parce que depuis des décennies on constate un mauvais fonctionnement du cycle d'orientation. C'est un cycle d'orientation, précisément ! Je ne vais pas remonter trop loin, mais simplement vous rappeler qu'on a réformé ce cycle en 2011. En 2010-2011, votre parlement a voté une réforme du nouveau cycle, la population l'a ensuite acceptée très largement, et elle est donc entrée en vigueur en 2011. Si je rappelle ce fait, c'est parce que la présidente du département va peut-être nous dire: «Mais on va s'atteler à cela ! On va réformer, on va corriger !» Eh bien non, ça ne se passe jamais comme cela, et c'est le rapport de la Cour des comptes qui m'a fâché, Mesdames et Messieurs. J'ai piqué une rogne, comme on dit en bon français. C'est la raison pour laquelle j'ai dit: «Maintenant ça suffit, il faut faire quelque chose, il faut le faire !» Alors s'il faut le faire et qu'il faut voter une modification de la loi, pourquoi pas. Effectivement, il est vrai que le projet de loi que j'avais déposé avec mon groupe était assez excessif. Il s'agissait de décharger, d'enlever aux enseignants la responsabilité de l'IOSP. Mais après négociations, je l'admets - et je constate que M. Baud reconnaît que notre système politique peut aboutir à des compromis qui, je l'espère, seront efficaces - on a trouvé un juste milieu: les maîtres de classe seront dans leurs classes et les représentants de l'information professionnelle viendront éclairer et présenter l'éventail des métiers ainsi que des formations que l'on offre à Genève, et cela durant les trois ans du cycle. En effet, c'était aussi ça, la nouveauté en 2011: cette information professionnelle allait se faire sur trois ans et non pas la dernière année comme avant. Je vous rappelle quand même que le but principal, un des buts principaux de cette réforme de 2011, consistait à valoriser la formation professionnelle par la mise en oeuvre d'un concept, et je reprends le texte...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Gabriel Barrillier. Je peux prendre sur le temps de mon groupe ou il est épuisé ? (Rires. Commentaires.) Enfin bref ! Le but était bien de rééquilibrer et de permettre à ces cohortes de jeunes d'éviter d'aller au collège de Genève et de se casser la figure - je suis désolé de le dire comme ça - pour ensuite tomber dans la précarité et choisir des formations beaucoup plus tard. Parce que dans nos entreprises on voit de plus en plus des jeunes de plus de 20 ans frapper à la porte pour chercher un apprentissage. Vous trouvez que c'est normal ? Ça, c'est un échec de cette orientation.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Gabriel Barrillier. Alors pour conclure, nous avons trouvé un compromis, le PLR l'acceptera, et je vous enjoins de faire de même. Merci !
Une voix. Bravo !
M. Guy Mettan (PDC). J'aimerais formuler deux petites remarques pour commencer. Tout d'abord, je précise que la commission a étudié ce projet de loi avec attention, puisqu'elle y a consacré sept séances; le travail a donc été très bien effectué, tant sur le fond que sur la forme. Ensuite, je voudrais rappeler que ce projet de loi fait aussi suite à une demande de la Cour des comptes, qui avait constaté un trop grand éloignement entre l'information et l'orientation scolaire et professionnelle d'une part, et l'OFPC d'autre part. Il s'agissait donc de corriger cet écart, puisqu'on avait observé que les deux choses évoluaient de façon parallèle mais pas toujours coordonnée.
Effectivement, la première solution - on l'a rappelé - consistait à transférer totalement cette tâche à l'OFPC, ce qui a suscité d'abondantes discussions et auditions, au terme desquelles, grâce aux efforts de mon collègue Jean-Michel Bugnion et du PLR, une solution de compromis tout à fait acceptable a pu être trouvée, laquelle a rencontré l'adhésion de la totalité des membres de la commission. Je crois donc que la solution qui se dégage maintenant doit avoir sa chance, doit être mise à l'épreuve du feu, et je suis sûr qu'il s'ensuivra une meilleure efficacité de l'information professionnelle de nos jeunes apprentis. Je vous remercie dès lors de bien vouloir voter ce projet de loi tel qu'il est ressorti de commission.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole au rapporteur, M. Alexandre de Senarclens, pour une minute dix.
M. Alexandre de Senarclens (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Je souhaiterais juste réagir à la question des coûts. Il faut simplement préciser que l'OFPC est un office du département de l'instruction publique, qu'il existe d'ores et déjà et qu'il n'y a donc pas quelque chose à créer. Si cette nouvelle action au sein des cycles devait générer plus d'heures, ce serait bien sûr au DIP de fixer ses priorités mais, de toute évidence, une mauvaise orientation - on parle d'un tiers des élèves du collège qui échouent en première année - a un coût, et c'est aussi une façon de faire des économies que de mieux orienter au stade du cycle d'orientation. Merci, Monsieur le président.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs, le fait que certains d'entre vous n'aient pas eu suffisamment de temps pour s'exprimer montre l'importance que vous accordez toutes et tous à la formation professionnelle et à la qualité de l'orientation dans notre canton. Concernant toutes celles et ceux qui étaient opposés au projet de loi initial, je partage avec vous ces mêmes préoccupations, et j'aimerais rassurer M. Barrillier sur un point: c'est le département qui a demandé à la Cour des comptes de se pencher sur le nouveau cycle d'orientation, c'est dire si nous souhaitions avoir un regard extérieur, un regard qui n'était pas uniquement celui que nous avions à l'interne. J'aimerais aussi vous rassurer sur un autre point: les enseignants eux-mêmes, notamment la FAMCO, m'ont dit qu'ils avaient un problème avec l'enseignement de l'IOSP lors des premières rencontres que j'ai eues dès le début de mon mandat. Vous voyez donc que c'est une question qui est partagée. Et pourquoi y a-t-il un problème ? Eh bien je dirais qu'il ne s'agissait pas tant de savoir qui doit donner cette IOSP; le problème venait surtout du fait qu'il n'y a pas eu réellement d'heures dédiées à l'IOSP, puisqu'elle est dispensée par les maîtres de classe, mais avec une double mission: celle d'orienter les élèves, d'effectuer tout ce travail important, mais également d'accomplir tout le travail administratif et de suivi avec les élèves et leur famille qui est lui aussi extrêmement important. De fait, les enseignants sont parfois face à une telle quantité de choses à faire que l'IOSP n'a peut-être pas le temps d'être dispensée suffisamment bien. Le problème réside donc sans doute moins dans la question de savoir qui doit la donner que dans le fait qu'il n'y avait pas réellement d'heures dédiées à cette tâche. C'est un point que nous corrigerons dès que la nouvelle grille horaire du cycle sera mise en vigueur, c'est-à-dire probablement à l'horizon 2019 - ou éventuellement en 2018, si on y arrive, mais sinon en 2019. Pourquoi pas avant ? Parce qu'il n'y a pas que l'IOSP qui doit être revue: des réflexions sont menées sur d'autres disciplines - notamment celles qui sont liées à l'instauration du mercredi matin - on a introduit l'anglais suite aux heures ajoutées le mercredi matin, il y a plus d'allemand, plus de français, on doit donc revoir l'ensemble de la grille horaire. C'est pour cette raison que rien n'avait changé, si vous voulez, dans l'immédiat.
Maintenant, sur le fond du projet de loi, je crois que le résultat auquel la commission a abouti est bon, parce qu'il met en évidence un point qui me tient à coeur, de même qu'à vous tous, à savoir que l'orientation est un travail partagé. C'est bien évidemment le travail des enseignants et des directions d'établissement, qui connaissent les élèves, c'est également le travail des personnes qui s'occupent de l'orientation, mais c'est aussi - et c'est capital - le travail des milieux professionnels. C'est pour ça que, dans la nouvelle loi sur l'instruction publique, nous avions introduit un article qui donnait également la possibilité aux milieux professionnels d'être partie prenante. Du reste, Monsieur le député Barrillier, Mesdames et Messieurs les députés, vous allez très prochainement être partie prenante d'un groupe de travail qui va plancher sur l'OSP, groupe de travail dans lequel il y aura des représentants des enseignants, de l'orientation professionnelle, mais aussi des milieux professionnels et des parents, parce qu'on ne fait pas de bonne orientation sans avoir les parents avec nous. Ce qui m'amène à rappeler que l'un des problèmes essentiels réside aussi dans le fait que, du côté des familles, on fait souvent le choix d'aller plutôt vers des études à plein temps, des études longues, et pas forcément vers des études professionnelles.
J'en viens à présent aux prémisses de ce projet de loi, à savoir la question du taux de chômage. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, le DIP n'est pas responsable du chômage des jeunes ! Je crois qu'on est dans un canton où les exigences du marché du travail sont telles qu'il faut être réaliste: il y a une partie de nos jeunes qui a beaucoup de mal à trouver, à la sortie du cycle d'orientation, une place d'apprentissage. Actuellement, nous avons des élèves - 10 à 15% environ - qui sortent du système scolaire sans titre professionnel. Et quel est en général le profil de ces élèves, qui n'ont pas de certification, qui ne peuvent pas continuer, qui n'ont pas réussi d'apprentissage, etc. ? Ce sont souvent des jeunes qui ont été en échec tout au long de leur parcours scolaire, qui sont entrés dans une structure de transition - le Centre de la transition professionnelle, par exemple - à la sortie du cycle et qui n'ont pas trouvé d'emploi par la suite. Dès lors, le vrai défi auquel nous sommes confrontés et que nous devons partager ensemble consiste à chercher comment trouver une solution pour les jeunes qui ont beaucoup de mal à entrer dans le marché du travail. J'ai d'ailleurs fait, avec le reste du département, une priorité de cette question-là. Elle se réglera en partie avec la formation obligatoire jusqu'à 18 ans, mais un travail est aussi en cours dans le cadre du plan d'action en faveur de l'apprentissage que nous avons mis en route. Et l'une des mesures - ou l'un des axes, plus exactement - de ce plan, c'est de renforcer l'orientation au cycle. Il y a du reste une mesure très concrète que nous avons mise en oeuvre depuis l'année dernière dans quatre cycles d'orientation; il s'agit du projet Go-Apprentissage, qui a le soutien de la Confédération et qui vise à avoir un suivi extrêmement précis, extrêmement personnalisé d'un certain nombre d'élèves, notamment les élèves les moins scolaires, ceux qui ont le moins de chances de trouver une place d'apprentissage. Eh bien dans les cycles en question, nous avons réussi à doubler le nombre d'élèves qui sortent du cycle et qui trouvent directement une place d'apprentissage. Alors certes, le taux est trop bas, puisque nous sommes passés de 3 à 6%, c'est beaucoup trop bas, mais ce qui est intéressant, c'est que ça démontre que quand on se donne les moyens de suivre ces élèves-là, on leur donne une chance d'arriver sur le marché du travail. Mais il faut que ce même marché nous aide ! Quand j'ai commencé à enseigner il y a quelques lustres, en 1978, j'étais à l'école de commerce, et on disait à l'époque qu'il fallait avoir accompli une année d'école de commerce avant de pouvoir entrer en apprentissage dans une banque ou une assurance. Maintenant, Mesdames et Messieurs les députés, pour entrer dans une banque ou une assurance, il faut avoir terminé l'ECG avec un certificat, il faut avoir fait trois années de collège ou autre, parce qu'on n'entre pas en apprentissage dans le commerce avant 18 ans en général. Pourquoi ? Parce que les besoins sur le marché du travail sont tels, le monde est tellement concurrentiel qu'on en demande toujours plus, si bien que certains jeunes sont largués. Elle est là, la réalité, aujourd'hui.
Je crois donc que le phénomène est extrêmement complexe: il y a la question de l'orientation au cycle, la question du marché du travail, la question des emplois qu'on doit trouver pour certains élèves qui ont beaucoup de mal à y parvenir, et tout ça demande que nous travaillions ensemble; c'est ce vers quoi le département se dirige, avec vous, je le souhaite, et avec votre soutien. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11961 est adopté en premier débat par 67 oui et 23 abstentions.
La loi 11961 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11961 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 64 oui et 21 abstentions.