République et canton de Genève

Grand Conseil

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IN 160
Initiative populaire cantonale "Pour le remboursement des soins dentaires"
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XII des 26 et 27 janvier 2017.
IN 160-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative populaire cantonale 160 "Pour le remboursement des soins dentaires"
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XII des 26 et 27 janvier 2017.

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, pour cette initiative, nous sommes en catégorie II, trente minutes. Comme pour l'initiative précédente, je vous rappelle qu'il n'est pas indispensable que vous vous prononciez sur le fond; le renvoi à la commission de la santé est automatique à la fin du débat. (Brouhaha. Le président agite la cloche et attend un instant. Le silence revient.) Merci. Je passe la parole à M. le député Christian Frey.

M. Christian Frey (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les chiffres sont clairs: selon l'Office fédéral de la statistique - chiffres de 2014 - 5% de la population dans son ensemble renonce à des soins dentaires pour des raisons financières; 11% de la population à bas revenu y renonce aussi, et 12,5% de la population en risque de pauvreté y renonce. Les bénéficiaires des PC, des prestations complémentaires et de l'aide sociale, ne sont pas concernés, puisque leurs besoins sont pris en charge. Il s'agit donc manifestement d'un problème de santé publique. La commission de la santé étudie actuellement deux objets, la proposition de motion 2157 «pour des soins dentaires accessibles à toutes et tous» et le projet de loi constitutionnelle 11812 «Soins dentaires». Cette initiative complète les questions posées pour le moment. Il s'agit donc de la renvoyer à la commission de la santé qui pourra aborder la chose dans son ensemble. Je vous remercie.

Mme Salika Wenger (EAG). Chers collègues, je ne m'adresserai pas à vous, mais au Conseil d'Etat, pour lui dire la chose suivante...

Le président. Vous vous adressez à la présidence !

Mme Salika Wenger. Très bien, Monsieur le président, vous transmettrez donc au Conseil d'Etat. Est-il imaginable que le parti du Travail et ses... ses... ses proches, Ensemble à Gauche... (Commentaires.) ...aient réuni dix-huit mille signatures pour une initiative qui demanderait qu'on rembourse les brosses à dents et les soins buccaux ? (Commentaires.) Non ! Or, c'est ce que vous nous avez répondu. Nous venons d'entendre les chiffres: il y a de vrais problèmes. Nous parlons de soins dentaires qui seraient accessibles à toute la population, pas simplement de prévention. Nous ne sommes pas contre la prévention, et nous pensons même qu'elle est indispensable, mais il existe des pathologies qu'on doit soigner. Or, face au coût de ces soins, la population ne se trouve pas sur un pied d'égalité: pour certaines familles pauvres, il est impossible d'envisager ces soins. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) J'ai un peu regardé les documents qu'on a distribués, et je dois dire que nous avons là une page d'anthologie. Il semble que le Conseil d'Etat ne sache pas lire non plus ! On le lit très clairement, l'ancien directeur de la clinique dentaire de la jeunesse «précise que la carie est une maladie multifactorielle liée à la génétique ainsi qu'à l'environnement». Vous pensez bien qu'à mon avis, et de l'avis de tout le monde ici, conseiller de se brosser les dents régulièrement et d'arrêter de boire de la colle quand on a cinq ans, ce sont des recommandations un peu surréalistes ! Mais c'est ce qu'on nous dit ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) On nous dit qu'il ne faut pas manger de sucre, qu'il ne faut pas boire d'alcool et qu'il ne faut pas fumer. Néanmoins, il y a aussi des enfants qui ont des pathologies graves et qui - à moins que les pratiques soient différentes de ce que je connais - ne fument pas, ne boivent pas d'alcool, etc. (Brouhaha.)

Le Conseil d'Etat, dans sa réponse, se moque de la population, et pas de n'importe quelle population: il se moque de la population pour laquelle nous nous battons, celle qui n'a pas la chance de pouvoir aller chez le dentiste quand bon lui semble, parce que c'est trop cher ! L'assurance que nous demandons, que nous espérons, vise tout simplement à leur permettre de bénéficier d'une certaine égalité dans ce type de soins. Ce n'est pas un luxe, et ce n'est en tout cas pas grâce au seul brossage des dents régulier qu'on arrivera à soigner certaines pathologies qui doivent être traitées et remboursées par une assurance. Je vous remercie.

Mme Danièle Magnin (MCG). Si nous nous trouvons dans la situation de devoir trancher entre le remboursement ou non des soins dentaires, c'est parce que le Parlement fédéral ne fait pas son travail: la LAMal n'admet pas que la carie dentaire, que les maladies de la bouche sont des pathologies dont il faut prendre compte et qu'il faut absolument rembourser. C'est pour cela que nous nous trouvons dans cette situation. Lorsque nous avons étudié la M 2157, nous avons auditionné un professeur qui enseigne à l'école dentaire à Genève, qui nous a très clairement expliqué que nous avons dans la bouche un film bactérien et que ce sont ces bactéries que nous attrapons dès notre naissance, dès nos premières heures de vie, qui sont cause du fait que nous ayons des caries; nous pouvons nous brosser les dents autant que nous voudrons, nous risquons toujours d'en avoir. Une deuxième chose m'a particulièrement frappée: les foyers de maladies dentaires détectés par le bus dentaire scolaire ou d'autres moyens se situent principalement, à Genève, dans les quartiers où habite la population la plus défavorisée.

Je terminerai par une boutade. J'ai été écoeurée par les propos de M. François Hollande qui appelle les pauvres des «sans-dents». Mais ça illustre tout à fait cette problématique: les gens qui n'ont pas de moyens ne peuvent pas soigner leurs dents. Je vous invite à faire ce qu'il faudra de cette initiative.

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. le député Jean Batou pour vingt-six secondes.

M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Vingt-six secondes, c'est juste le temps de vous inviter à soutenir cette initiative et de féliciter le parti du Travail d'avoir récolté dix-huit mille signatures avec l'aide de ses partenaires. Je crois que peu de partis peuvent se flatter d'avoir fait un effort comparable sur une tâche d'utilité publique de cette importance.

Mme Sarah Klopmann (Ve). On l'a déjà dit ici, la santé bucco-dentaire touche vraiment l'ensemble de la santé et aussi la vie sociale; c'est donc une question de santé publique. Il ne faut pas oublier - on a souvent tendance à l'oublier - que les problèmes de santé bucco-dentaires sont transmissibles. Il est donc vraiment important de les soigner, non seulement pour les personnes concernées, mais aussi comme un enjeu de santé publique global. Il est complètement aberrant qu'à un moment donné, à Berne, des gens aient décidé que ces soins-là ne devaient pas être remboursés comme tout autre soin médical; je n'arrive vraiment pas à comprendre pourquoi on laisserait en place cet état de fait, en définissant apparemment les soins dentaires comme moins importants que les autres. Ce n'est pourtant vraiment pas le cas, ça n'a aucun sens. Pour l'instant, on ne peut pas changer cet état de fait. Mais finalement, ce projet est même encore meilleur que si on incluait les soins dentaires dans la LAMal: il correspond enfin à un vrai projet d'assurance sociale... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...véritablement sociale, avec un financement proportionnel aux moyens et aux revenus des gens. C'est donc un énorme pas en avant, autant pour les soins dentaires que pour le système de remboursement des soins de santé de manière générale.

Nous ne sommes évidemment pas égaux quant à la qualité de nos dents et de nos gencives; c'est dommage, mais le point essentiel est la prévention. D'aucuns disent: c'est la prévention qui compte, ça ne sert donc à rien de rembourser les soins. Mais ce n'est pas vrai ! Dans la prévention, il y a aussi une grande part qui coûte, et cher: aller chez le dentiste, faire des contrôles régulièrement, faire des détartrages - prendre soin de nos dents, pas seulement en les brossant et en mangeant bien, mais aussi avec des professionnels qui sont là pour faire ce travail correctement. Et évidemment, ça coûte aussi de faire de la prévention, et malheureusement, les gens sont obligés d'y renoncer, parce qu'ils n'ont pas les moyens, parce que c'est beaucoup trop cher, parce que même si éventuellement ils réussissent à avoir les moyens, on le sait maintenant, les études le prouvent - c'est le cas dans une grande partie du monde et en tout cas en Europe - les gens renoncent simplement à ces soins parce qu'ils n'en font pas une priorité dans leur vie; c'est dommage. En mettant en place cette assurance, on explique aussi aux gens que les soins dentaires sont une chose importante, tellement importante d'ailleurs qu'on rembourse ces soins, parce qu'ils sont aussi légitimes que les autres soins de santé et qu'il n'y a pas de raison de les traiter différemment.

Ensuite, avoir une assurance de soins dentaires obligatoire permettrait aussi d'exercer un petit contrôle sur les tarifs, qui ne sont soumis à aucune règle et qui, du coup, sont assez souvent un petit peu trop chers.

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Sarah Klopmann. Je ne comprends pas qu'on ait toujours envie de parler de la santé comme d'un marché à réguler ou ne pas réguler. Il ne s'agit pas de ça, il s'agit juste qu'une prestation de santé puisse être accessible à chacun et à chacune, c'est quelque chose d'essentiel. Donc oui à ce projet d'assurance qui propose enfin un système solidaire pour le remboursement des soins, oui à cette assurance qui permettrait aux gens de se soigner, d'avoir une meilleure santé bucco-dentaire. Et comme ça fait deux jours que je n'arrête pas de critiquer les dentistes, je voulais quand même dire que j'aime beaucoup ma dentiste ! (L'oratrice rit. Exclamations.)

Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'est plus demandée.

L'initiative 160 et le rapport du Conseil d'Etat IN 160-A sont renvoyés à la commission de la santé.