République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 26 janvier 2017 à 20h30
1re législature - 3e année - 12e session - 65e séance
IN 159 et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...nous traitons à présent l'initiative 159 et le rapport du Conseil d'Etat sur la prise en considération de cette initiative. Je donne la parole à M. le député Bernhard Riedweg.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. L'actuel article 5A de la loi d'application du code pénal suisse a pour objectif non seulement de protéger la collectivité et les professionnels de la santé ainsi que la personne condamnée de toute carence et de toute dérive en matière de transmission d'informations, mais aussi d'assurer la qualité des soins. Cet article 5A respecte en tous points le secret professionnel. Cet article portant sur le devoir d'information concerne en premier lieu les professionnels de la santé et du domaine pénitentiaire travaillant sur le terrain difficile de l'exécution des peines et des mesures. Il est dans leur intérêt, mais aussi dans celui des personnes condamnées et de la collectivité, que ces professionnels disposent du cadre législatif et procédural nécessaire à leur bonne collaboration avec les autorités pénales.
Les auteurs de l'IN 159 visent à remplacer l'actuel article 5A de la LaCP par un texte en apparence très proche, mais reformulé de sorte à exclure tout caractère obligatoire des nouvelles dispositions sur le devoir d'information. En ce qui concerne l'évaluation de la dangerosité ou les possibilités d'allégement dans l'exécution d'une peine ou d'une mesure, l'IN 159 supprime l'obligation d'informer qui incombe aux professionnels chargés de la thérapie, ce qui n'est pas admissible.
Les auteurs de l'initiative craignent une érosion du secret médical et un risque de contagion à d'autres professions, comme les avocats et les ecclésiastiques. Le canton de Genève a été très marqué par l'assassinat d'Adeline, perpétré par un condamné dangereux au bénéfice d'allégements dans le cadre de l'exécution de sa peine. C'est suite à cet événement que la législation cantonale a été adaptée par une recommandation qui préconise que les médecins, les psychologues et les intervenants thérapeutiques chargés de détenus soient libérés du secret médical et du secret de fonction afin d'éviter qu'à défaut d'informations, la sécurité de la collectivité et des professionnels en contact avec des détenus ne soit mise en danger. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Les nouvelles dispositions résultent d'un long travail d'élaboration et de compromis entre le Conseil d'Etat et le Grand Conseil, dans lequel étaient impliquées la commission de la santé, la commission des visiteurs officiels et la commission judiciaire et de la police entre 2015 et 2016. L'actuel article 5A de la LaCP reflète autant la volonté des professionnels concernés sur le terrain que celle du Conseil d'Etat et du Grand Conseil, qui ont adopté les nouvelles dispositions le 4 février 2016, la modification légale étant entrée en vigueur le 9 avril de la même année.
En acceptant l'IN 159, on restaure la situation antérieure et vide de leur portée les décisions que nous, Mesdames et Messieurs les députés, avons votées en 2016. L'Union démocratique du centre rejette l'initiative 159. Merci, Monsieur le président.
M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, chers collègues, le groupe Ensemble à Gauche tient à faire quelques remarques dans ce débat d'entrée en matière. Chacun se souvient du débat sur le secret médical et de la discussion sans concession qui avait conduit ce Grand Conseil à accepter le projet de loi 11404 du Conseil d'Etat amendé, à quelques voix près et surtout à quelques abstentions près, que nous ne sommes pas près d'oublier.
Depuis, l'Association des médecins du canton de Genève a lancé une initiative visant à modifier la loi 11404 qui avait été adoptée par notre parlement. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Elle modifie ladite loi dans son article 5A «Devoir d'information», plus précisément dans son alinéa 2 relatif à l'état de nécessité et son alinéa 3 relatif à l'évaluation de la dangerosité, où l'initiative fait une différence entre le rôle des médecins, des psychologues ou de tout autre professionnel, qui peuvent communiquer tout fait pertinent de nature à influencer la peine ou la mesure en cours, et les experts qui sont, eux, tenus d'en informer les autorités. Je rappelle à cet égard que la loi énonce que ces mêmes médecins, psychologues et professionnels doivent transmettre ces informations sur requête spécifique et motivée des autorités.
Quant à l'initiative, elle enlève l'obligation pour les professionnels de répondre impérativement à une requête de levée du secret professionnel contenue dans l'alinéa relatif à l'évaluation de la dangerosité - leur laissant ainsi un certain pouvoir d'appréciation - mais oblige ces mêmes personnes, lorsqu'elles sont mandatées en qualité d'experts, à informer lesdites autorités en cas de danger. Il n'y aurait donc plus de mélange des rôles entre les médecins, les thérapeutes ou les experts mandatés, une situation confuse que nous n'avons cessé de dénoncer.
Bien. Tout cela va dans le bon sens et j'invite d'ores et déjà le peuple genevois à rétablir le secret médical en matière carcérale, car n'oublions pas que rien ne peut garantir que nous ne nous retrouvions pas demain vous ou moi derrière les murs de Champ-Dollon ou de La Brenaz en raison, par exemple, d'une grave infraction à la LCR ou pour avoir été sanctionnés pour un état d'ébriété avancée au volant d'une voiture avec 0,8 pour mille !
Pour conclure mon propos sur l'entrée en matière, je dois dire tout de même qu'il y a quelque chose de récurrent et d'inacceptable dans la position du Conseil d'Etat figurant à la page 3 de son rapport sur la prise en considération de l'initiative. Je veux parler de l'évocation - et mon collègue Riedweg le faisait il y a un instant - à nouveau de l'affaire d'Adeline: nous savons tous et toutes que ce drame n'a rien, mais rien du tout à voir avec le secret médical ! (Commentaires.) Nous l'avons dit et répété, mais rien n'y fait, et nous savons bien que la remise en cause du secret médical est une posture politique, car personne n'est à même de nous dire que le système précédent qui permettait de rompre le secret en cas de nécessité avait pu causer le moindre des dommages. Nous le prenons donc, comme je le disais, pour une posture qui vise à rassurer la population et qui rejoint la fermeture de la Pâquerette des Champs, le gel de la sociothérapie et la remise en cause des sorties. (Brouhaha.) Ce sont des décisions qui ne vont pas dans le sens de la préparation des sorties des détenus - qui, même condamnés par le Tribunal criminel et après un passage à la Chambre pénale d'appel et de révision, sortent aux deux tiers d'une peine de vingt ans, sauf exception qui confirme la règle. (Brouhaha.) Et comment les y préparer, si la thérapie suivie oblige ces professionnels à faire part à la commission de la dangerosité de tous les fantasmes avoués des détenus, et notamment de celui qui doit être très largement partagé, celui de s'évader ? Je vous invite donc, chers collègues, à renvoyer cette initiative dans une commission. Nous serions, quant à nous, d'avis de la renvoyer à la commission judiciaire et de la police où le projet de loi y relatif avait déjà été traité.
M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe des Verts estime pour sa part qu'il est nécessaire d'envoyer ce rapport en commission, mais à la commission de la santé. Il faut effectivement réexaminer cette problématique du secret médical sous l'angle de la nouvelle répartition des soins psychiatriques en milieu pénitentiaire. Vous savez que le 7 novembre 2016, un communiqué commun entre le DSE et le DEAS nous informait qu'il y avait désormais deux services pour les soins psychiatriques: d'une part, le SMP dirigé par le professeur Wolff, qui s'occupait des détenus de Champ-Dollon, de La Brenaz, de Favra et de Frambois, établissements rattachés aux HUG, donc à la santé; d'autre part, le service dit des mesures institutionnelles, SMI, dirigé par le professeur Giannakopoulos, qui prendra en charge Curabilis ainsi que les pavillons Seran et Lilas à Belle-Idée. Ce service-là connaît le fameux double rattachement HUG-DSE.
Dès lors, une question fondamentale se pose et elle doit être tranchée: tous les détenus étant actuellement concernés par le fameux article 5A de la LaCP, comment, en termes éthiques, peut-on justifier que tout détenu - puisque c'est l'ensemble des détenus qui est concerné, y compris ceux qui sont malades sur le plan somatique - n'ait accès pour ses soins médicaux qu'à une médecine à ce moment-là de type forensique, gérée par un médecin qui est au service de l'Etat et qui se doit de transmettre des informations, contrairement aux principes déontologiques sur lesquels est fondé le serment d'Hippocrate ? Il y a là une question qu'il faut absolument trancher. Parce que derrière se cache la question fondamentale: le fait d'être emprisonné entraîne-t-il une restriction de l'accès aux soins ? Je veux dire par là, est-ce qu'un détenu aurait moins la possibilité d'avoir accès à des soins médicaux qu'un autre citoyen ? Et, dans ce cas-là, comment peut-on le justifier ?
Sans compter que l'on n'a pas encore suffisamment étudié certaines questions fondamentales. J'aimerais bien savoir - bien sûr, le département de la santé ne pourra pas forcément répondre - en quoi l'application actuelle de l'article 5A de la LaCP aurait empêché Fabrice A. de commettre son forfait. J'aimerais qu'une fois on me le démontre ! J'aimerais aussi savoir dans quelle mesure l'application de l'article 5A...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Jean-Michel Bugnion. C'est bientôt fini ! ...change la relation entre un médecin pénitentiaire et son détenu patient. Je vous remercie. (Brouhaha.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Est-ce que je dois comprendre que vous avez formellement demandé un renvoi à la commission de la santé ? (Remarque.) Bien, merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, pour rassurer certaines et certains d'entre vous, je vous rappelle que nous sommes dans un débat de trente minutes et que vous avez la possibilité de vous exprimer ou non, mais que cette initiative et le rapport du Conseil d'Etat seront de toute façon renvoyés en commission. Je passe la parole à M. le député Cyril Mizrahi pour trois minutes.
M. Cyril Mizrahi (S). Merci, Monsieur le président. Pour ma part, je serai bref et je rappellerai simplement quelques éléments. Le titre de l'initiative résume bien l'enjeu: «Garantir le secret médical pour tous protège mieux la société». L'enjeu est effectivement double, Mesdames et Messieurs: d'abord, il y a un enjeu de protection de l'institution du secret professionnel, parce qu'avec cette loi que malheureusement une très faible majorité a votée, on a affaibli le secret médical pour les détenus. On a commencé ici, mais ensuite, c'est évidemment la «Salamitaktik» qu'on connaît bien: on s'en prend aux détenus - il est facile de s'en prendre aux détenus - mais par la suite, on pourra élargir et s'en prendre à d'autres bénéficiaires du secret professionnel, et finalement, ce sont les professions médicales et les professions juridiques par exemple qui seront touchées. Parce qu'après, on pourra aussi s'attaquer au secret professionnel des avocats, et en fin de compte, on affaiblit une institution de l'Etat de droit et on entrave le bon exercice de professions où le secret professionnel joue un rôle tout à fait central. Même si je ne partage pas tout à fait le point de vue de Christian Zaugg selon lequel nous courrions tous le risque de finir derrière les barreaux, je pense en revanche que chacune et chacun court le risque d'être concerné par cet affaiblissement du secret médical... (Remarque.) ...et par cet affaiblissement du secret professionnel, Mesdames et Messieurs.
Il y a cet aspect-là et il y a aussi l'aspect de la sécurité. Pourquoi ? On l'a dit, tout simplement parce que si les personnes n'osent plus se confier, s'il existe un mélange des genres entre le médecin traitant... Parce que, on a beau être en prison, on a quand même le droit d'avoir un médecin traitant; on n'est pas privé de ses droits parce qu'on est en détention: on est alors privé de sa liberté essentielle d'aller et venir, mais on n'est pas privé du droit...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Cyril Mizrahi. Oui, j'en viens à ma conclusion, Monsieur le président. ...d'avoir un médecin traitant. Il ne faut donc pas de mélange des genres; il faut que les détenus osent se confier, tout simplement parce que c'est ainsi qu'on garantit au mieux, Mesdames et Messieurs, la sécurité de la population. D'ailleurs, les milieux professionnels ne s'y sont pas trompés, puisque, je le rappelle, non seulement l'Association des médecins à l'origine de cette initiative... (Remarque.) ...mais aussi l'Ordre des avocats...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Cyril Mizrahi. Je vais conclure, Monsieur le président. ...et même le ministère public s'étaient opposés à ce projet de loi. Il convient donc d'accepter cette initiative...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député !
M. Cyril Mizrahi. ...qui corrige, Monsieur le président...
Une voix. Stop !
M. Cyril Mizrahi. ...les principaux effets négatifs...
Le président. Merci, Monsieur le député !
M. Cyril Mizrahi. ...de la loi qu'une majorité a malheureusement votée.
Une voix. Bravo ! (Brouhaha.)
Mme Nathalie Fontanet (PLR). Le PLR se réjouit de la brièveté du préopinant. Pour notre part, Monsieur le président, nous prenons acte de la validité de cette initiative déclarée par le Conseil d'Etat et nous nous réjouissons de l'examiner en commission. Nous n'entendons pas faire le débat ici sur un ancien projet de loi adopté et sur une initiative à venir sur laquelle nous comptons travailler. Merci, Monsieur le président. (Commentaires.)
M. Vincent Maitre (PDC). Mme Nathalie Fontanet a dit l'essentiel: le PDC trouve également tout à fait hasardeux de se lancer dans un débat de fond, alors qu'une initiative vient de nous être envoyée et qu'elle a toute sa place en commission pour être étudiée de façon approfondie. Le PDC ne s'aventurera pas maintenant dans de grandes diatribes. Il se réjouit d'étudier cette initiative à la commission judiciaire et de la police, et non pas de la santé, puisque c'est typiquement un domaine qui relève des lois pénales non seulement de notre canton, mais aussi de notre Confédération. Cet objet a donc toute sa place à la commission judiciaire et de la police et non pas à la commission de la santé.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Jean Batou. (Un instant s'écoule.) Monsieur Jean Batou ?
M. Jean Batou (EAG). Je ne savais pas que j'avais encore un tout petit peu de temps. Combien me reste-t-il ?
Le président. Trois minutes ! (Commentaires.)
M. Jean Batou. Ah, trois minutes ! Merci, Monsieur le président. Je voulais simplement insister sur le fait que cette initiative permet de réparer une erreur - et c'est dans ce sens-là que cet objet est important - une erreur qui permet à chacun de réfléchir, donnant ainsi la possibilité de répondre à une préoccupation qui devrait être celle de tous, la préoccupation de mieux protéger la société. Or comment la protéger mieux qu'en permettant à des personnes qui sont incarcérées et qui sont en traitement de suivre ce traitement en pleine confiance avec leur thérapeute, et qu'en permettant à celui-ci de les mettre sur la voie d'une guérison et d'une amélioration de leur situation personnelle, mentale et psychique ? Je pense donc que cette initiative est une opportunité de revenir sur le vote que nous avons été amenés à faire au Grand Conseil - et qui a été extrêmement serré - à la lumière de la réflexion que les uns et les autres...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Jean Batou. ...ont pu mener entre-temps à ce propos. Merci, Monsieur le président. (Rires. Commentaires.)
M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, non, il n'y a pas eu d'erreur ! Monsieur Jean Batou - vous transmettrez, Monsieur le président - il n'y a pas eu d'erreur lorsque ce parlement a voté le projet de loi en question que cette initiative aimerait annuler ! En effet, une légère levée du secret médical était nécessaire pour la sécurité des citoyens. Comme cela a été dit, nous n'allons pas entrer dans le fond du sujet. Le MCG va soutenir le renvoi à la commission judiciaire et de la police afin de traiter cette initiative dans les normes. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat et votre serviteur ont le plus grand respect pour la préoccupation des initiants qui sont des médecins craignant que le secret médical dont il est question dans ce texte puisse être atteint. Nous avons évidemment le plus grand respect pour les décisions de principe; encore faut-il lire les textes, les comprendre et respecter la volonté exprimée par ce parlement. Je rappelle qu'une loi a été adoptée en février, qu'elle est entrée en vigueur, et que, pour autant que je sache, depuis le mois d'avril, moment où elle est entrée en vigueur, nous n'avons pas vécu de révolution dans ce domaine, nous n'avons pas de levée de boucliers des professionnels de la santé travaillant en milieu carcéral qui viendraient nous dire que cette nouvelle loi les empêche d'obtenir le cas échéant des confessions, ou des confidences, plus exactement, de la part de ces patients détenus. Les choses fonctionnent donc.
Il n'y a pas eu de référendum contre cette loi, et c'est une initiative qu'on dépose pour que l'on revienne sur un débat. Nous avons le sentiment de vivre un remake de ce que nous avons eu comme débat dans ce Grand Conseil, alors que nous avons expliqué à l'époque et convaincu du bien-fondé de cette loi qui vous était proposée.
Une voix. C'est faux !
M. Mauro Poggia. Je le rappelle brièvement: l'état de nécessité figure dans notre code pénal. (Brouhaha.) L'état de nécessité permet à toute personne tenue par le secret professionnel - mais il va aussi au-delà - de violer ce secret s'il s'agit de protéger la vie, la santé et la sécurité. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Quiconque peut violer le secret pour protéger la vie ou la sécurité. Nous avons simplement inscrit dans cette loi qu'on «doit» transmettre les informations. Pourquoi ? Parce que le thérapeute, le professionnel de la santé qui travaille en milieu carcéral n'est pas un professionnel de la santé comme les autres. C'est un professionnel de la santé qui a été mis en place pour faire en sorte, lorsqu'il s'agit d'exécuter des mesures, et nous le précisons une fois encore, lorsqu'il s'agit d'exécuter des mesures prononcées par le pouvoir judiciaire, que les personnes soumises à ces mesures thérapeutiques puissent être soignées et que la société soit ainsi protégée. On ne peut pas permettre à ces professionnels de la santé de décider en leur for intérieur si en présence d'un état de nécessité ils vont ou non prendre les mesures qui s'imposent pour éviter que le risque dont ils ont conscience se réalise.
En ce qui concerne l'évaluation de la dangerosité, nous le savons, nous devons évaluer la dangerosité des personnes détenues; nos médecins traitants sont d'ailleurs souvent consultés par des experts externes mandatés par des assurances notamment, et il est nécessaire que celui qui est en contact direct avec le patient puisse transmettre des informations. Ce que nous disons là, c'est tout simplement que les personnes chargées du traitement d'une personne sous mesure, en détention, doivent transmettre des informations et non pas «peuvent», comme le dit le texte de l'initiative. Si on permet au thérapeute de faire tout simplement comme bon lui semble, cela peut même aller à l'encontre de l'intérêt du détenu lui-même, qui doit pouvoir démontrer qu'il est «compliant» s'agissant des mesures mises en exécution sur le plan thérapeutique et qu'il est sur le chemin de la guérison - en tout cas, c'est le pari que nous faisons. Dire ici que le thérapeute serait transformé en expert est évidemment faux: le thérapeute lui-même n'a qu'à donner des informations sur le plan médical quant au suivi de la thérapie mise en place par la justice. (Brouhaha.)
Enfin, en ce qui concerne la levée du secret professionnel, Mesdames et Messieurs, lisez l'article actuel qui est parfaitement clair: le thérapeute, le professionnel de la santé qui traite une personne détenue, s'il doit transmettre des informations couvertes par le secret professionnel, doit obtenir l'accord de son patient détenu. On ne peut pas être plus clair; ce n'est pas une dérogation. Les initiants voudraient qu'on s'arrête là, de sorte que rien ne soit transmis si le détenu refuse que les informations soient transmises. On ne peut pas accepter ce type de situation ! Mais, une fois encore, ce n'est pas au thérapeute de faire la part des choses, de mettre en balance l'intérêt de son patient et l'intérêt de la collectivité. Il doit alors, et c'est ce que dit la loi actuelle, simplement saisir la commission du secret professionnel - cette commission existe - et celle-ci devra en toute indépendance décider ce qui prévaut entre l'intérêt du particulier détenu à ce moment-là et l'intérêt de la collectivité, à savoir dans quelle phase du traitement se trouve actuellement cette personne. Voilà les raisons pour lesquelles nous persistons dans la position exprimée. Nous regrettons de devoir refaire ce débat et nous souhaitons simplement que Genève se mette sur la même ligne que l'ensemble des cantons romands. Ce n'est pas une «genevoiserie», nous faisons exactement ce que l'on fait ailleurs, et même moins que ce que font certains cantons, où l'on a délégué au Conseil d'Etat la tâche de déterminer par voie réglementaire les conditions dans lesquelles les renseignements sont donnés.
Encore deux précisions, parce que nous avons entendu des choses qui n'ont pas lieu d'être dites. On nous demande en quoi le secret professionnel serait concerné par le drame de la Pâquerette: on vous l'a dit et redit - soyez attentifs, j'aimerais le dire pour la dernière fois - le secret professionnel n'est pas en cause dans l'affaire de la Pâquerette. Nous l'avons dit, nous vous le redisons. (Commentaires.) Mais je croyais modestement que gouverner, c'est peut-être aussi prévoir; et si, à l'occasion d'un drame, on se rend compte qu'il y a dans la législation quelque faille qu'il faudrait combler pour éviter un nouveau drame, peut-être est-il sage de la part d'un gouvernement de combler ces failles. C'est ce que nous avons fait, et venir nous dire qu'il faut attendre un nouveau drame qui serait la conséquence du problème du secret professionnel dont nous débattons ici, c'est méconnaître les tâches et les responsabilités qui sont les nôtres.
Enfin, j'ai entendu un député, avocat de surcroît, dire que c'est la porte ouverte à des modifications consécutives du secret professionnel; je pense que tout cela n'est pas sérieux. Celui qui lit ce texte avec un minimum d'attention et d'honnêteté intellectuelle voit que les circonstances sont parfaitement circonscrites et que ce n'est pas l'ouverture d'une boîte de Pandore. Tout le monde ici a parfaitement conscience que le secret professionnel doit être sauvegardé, et je pense que les initiants, qui sont des médecins, seraient aussi bien inspirés de protéger le secret médical lorsqu'il s'agit de le protéger vis-à-vis de nos assureurs: une récente enquête menée en Suisse alémanique démontre que le secret médical est violé dans 10% des cas par les médecins. Je n'ai entendu ni la FMH ni l'AMG prendre position à cet égard.
Nous reviendrons sur tout cela en commission, mais je pense qu'à un moment donné, il faudrait certainement que le bon sens prenne le dessus. Je vous remercie. (Brouhaha.)
Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je rappelle aux membres du Conseil d'Etat que, contrairement aux députés, ils ne sont pas soumis à des limites de temps de parole, mais... ! (Rires.)
Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter sur les demandes de renvoi dont nous avons été saisis, d'une part à la commission de la santé, d'autre part à la commission judiciaire et de la police. Je vous demande toute votre attention: celles et ceux qui souhaitent le renvoi à la commission de la santé votent oui, celles et ceux qui souhaitent le renvoi à la commission judiciaire et de la police votent non. Le vote est lancé.
Mis aux voix, le renvoi de l'initiative 159 et du rapport du Conseil d'Etat IN 159-A à la commission de la santé est rejeté par 60 non contre 27 oui.
L'initiative 159 et le rapport du Conseil d'Etat IN 159-A sont donc renvoyés à la commission judiciaire et de la police.