République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 24 juin 2016 à 18h25
1re législature - 3e année - 6e session - 33e séance
PL 11857-A
Premier débat
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons à présent au PL 11857-A. Je donne la parole à... M. Aellen ? (Commentaires.) Personne ? (Remarque de M. Cyril Aellen.) Vous voulez prendre la parole ?
M. Cyril Aellen. Non, à la fin !
La présidente. A la fin, excusez-moi ! (Remarques.) Mais il n'y a personne d'autre qui demande la parole ! (Commentaires.) Alors nous allons passer au vote de l'entrée en matière sur ce projet de loi. (Remarques.) Très bien !
Mis aux voix, le projet de loi 11857 est adopté en premier débat par 49 oui contre 26 non et 1 abstention.
La présidente. Les députés ont-ils des questions en relation avec la régularité des comptes, qu'il s'agisse des comptes de fonctionnement ou d'investissement ? Si ce n'est pas le cas, nous passons au deuxième débat. Je vous prie d'avoir un peu de tolérance à mon égard, c'est la première fois que je préside durant l'étude des états financiers individuels ! (Un instant s'écoule.) Voilà, nous passons donc au deuxième débat. (Commentaires.)
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 à 4.
Troisième débat
La présidente. Il y a maintenant des demandes de parole. Je cède le micro à... M. Cyril Aellen, rapporteur de majorité ? (Commentaires. Un instant s'écoule.) Non, d'abord les rapporteurs de minorité ? (Commentaires. Un instant s'écoule.) Très bien, je donne la parole à M. Roger Deneys, rapporteur de première minorité.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de première minorité. Merci, Madame la présidente. Je ne comprends pas très bien comment les tours de parole sont donnés pour le troisième débat, mais peu importe !
Une voix. Roh !
M. Roger Deneys. Mesdames et Messieurs les députés, sur ce projet de loi qui concerne les états financiers de l'Etat de Genève pour l'année 2015, il s'agissait effectivement de refuser l'entrée en matière pour une raison très simple: même si les chiffres sont correctement établis pour les états financiers et qu'on ne peut pas contester que les additions, les soustractions et les montants qui figurent dans les documents sont corrects, le seul problème, c'est qu'il y a une utilisation politique de ces états financiers, de par la constitution d'une provision... (Commentaires.) ...de l'ordre de 207 millions pour la caisse de pension CPEG. Cette constitution de provision pose un réel problème à notre Grand Conseil et en réalité à l'ensemble de la population genevoise: il y a quelques années, nous avons voté la création de la CPEG, nous avons été prêts à lui accorder 800 millions pour une recapitalisation et maintenant, nous nous trouvons dans une phase suivante qui consiste à dire que cette caisse de pension doit atteindre un certain nombre d'objectifs pour l'année 2030 et ensuite 2052; cet objectif pour 2030 n'étant pas atteint, le Conseil d'Etat propose de constituer une provision, après celle de l'an dernier, de plus de 200 millions. Mesdames et Messieurs les députés, on peut penser que de créer une telle provision est uniquement un instrument comptable et que cela relève donc de la seule responsabilité du Conseil d'Etat, mais ce n'est pas vrai ! En effet, le fait de constituer cette provision revient à dire que le capitaine du Titanic qui partait de Queenstown en Irlande à l'époque avait fixé le cap sur l'iceberg et qu'il n'avait tout simplement pas cherché à dévier sa trajectoire depuis son point de départ ! On a ici une échéance en 2030 et on est en train de dire que, puisqu'on va atteindre l'iceberg en 2030, on met les gilets de sauvetage aux passagers en 2016, dans les comptes 2015 ! Or mettre un gilet de sauvetage quinze ans à l'avance sans vouloir dévier du cap pour éviter l'iceberg, Mesdames et Messieurs les députés, c'est tout simplement surréaliste ! La constitution de cette provision est donc un acte...
Présidence de M. Jean-Marc Guinchard, président
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le rapporteur.
M. Roger Deneys. ...non seulement comptable, mais aussi politique et c'est pour cette raison que je vous invite à refuser les états financiers, pour que le Conseil d'Etat présente des états financiers sans cette provision et donc avec un résultat excédentaire de l'ordre de 200 millions. (Brouhaha.) Au demeurant, vous avez le projet de loi 11928 qui vise justement à ce que les provisions soient soumises à l'approbation du Grand Conseil et non pas comme aujourd'hui constituées, j'ai envie de dire, un peu à la tête du client par le Conseil d'Etat, quand ça l'arrange, au moment des comptes. (Brouhaha.)
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le rapporteur.
M. Roger Deneys. Donc, Mesdames et Messieurs les députés, il faut refuser ces états financiers ! (Brouhaha.)
Une voix. Bravo !
M. Roger Deneys. Ah, merci ! (Commentaires. Le président agite la cloche. Un instant s'écoule.)
Le président. Je passe la parole à la rapporteuse de deuxième minorité.
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, comme je l'ai écrit dans mon rapport de minorité, il est extrêmement rare que les Verts refusent les états financiers de l'Etat de Genève. En effet, depuis l'introduction des normes IPSAS, pas grand-chose n'est laissé à l'appréciation du Conseil d'Etat; ces normes sont appliquées de manière assez stricte. Un des seuls domaines dans lequel le Conseil d'Etat a encore une appréciation politique à apporter est celui des provisions, au niveau de l'évaluation des risques pour la constitution de ces provisions. Mon collègue Roger Deneys a proposé une analogie avec le Titanic qui me paraît très bonne. J'avais fait un peu le même genre de parallèle dans mon rapport, mais avec des airbags et le fait d'aller droit dans le mur. Je ne vais pas le répéter, puisque je souscris tout à fait à la métaphore de l'iceberg: on provisionne aujourd'hui en 2016 le risque maximal pour l'Etat à l'horizon 2030. L'an dernier, une provision avait déjà été constituée par rapport à la moitié du risque et les Verts s'étaient abstenus sur les comptes. Cette année, le Conseil d'Etat revient en provisionnant le risque maximal pour l'Etat. Certes le service d'audit interne - le rapporteur de majorité nous le rappellera certainement - recommande de constituer cette provision en se basant sur un raisonnement d'auditeur qui considère, toutes choses étant égales par ailleurs, que l'Etat devra verser ce montant en 2030. Ce raisonnement est parfaitement juste si on est auditeur. En revanche, il est faux si on est conseiller d'Etat ! (Commentaires.) La constitution de cette provision pour un risque maximal est un signe de fatalisme; ce faisant, on entérine le scénario selon lequel on ne fera rien jusqu'en 2030, moment où on devra sauver les meubles. On envoie ainsi un message tout d'abord à la caisse en lui disant: «Ne vous en faites pas, de toute façon, l'Etat est là pour payer les pots cassés !» On envoie ensuite un message à la fonction publique en lui signifiant qu'on va laisser couler sa caisse de pension jusqu'en 2030 sans rien faire. Enfin, on envoie ce message à la population, aux contribuables qui ont déjà participé à la recapitalisation de la caisse lors de sa création. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Rappelons que le comité de la CPEG, où les représentants de l'employeur, c'est-à-dire du Conseil d'Etat, occupent la moitié des sièges, peut prendre des mesures. L'Etat peut également prendre des mesures ! En tout cas, rien n'est pire que cet attentisme...
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la rapporteure.
Mme Emilie Flamand-Lew. ...où l'action la plus volontariste du Conseil d'Etat consiste à constituer une provision et à écrire un courrier au comité de la caisse. Cela nous a été annoncé ce matin comme un événement tout à fait exceptionnel. La vérité est que le Conseil d'Etat actuellement ne fait rien pour aider la caisse, il prend même des décisions qui vont clairement à l'encontre de ses intérêts, comme le fait de ramener les gardiens de prison au sein de la caisse de la police. Les Verts refusent cette attitude fataliste et attentiste du gouvernement. Au contraire, ils souhaitent participer à une réflexion constructive sur l'avenir de la CPEG et vous invitent, en raison de la constitution de cette provision, à refuser les états financiers 2015.
M. Jean Batou (EAG), rapporteur de troisième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, j'aimerais souligner que ces comptes contiennent deux petites erreurs qui n'ont rien à voir avec la provision de 207 millions. Je partage les objections formulées par mes préopinants sur cette question, mais j'aimerais insister sur ces deux petites erreurs, parce qu'elles ont un caractère relativement important. Il s'agit d'un revenu de 17,5 millions pour un séquestre d'avoirs criminels qui a été comptabilisé de manière erronée. Le service d'audit interne en a conclu que ce résultat de l'exercice a été faussé par cette comptabilisation de 17,5 millions dans les autres produits d'exploitation. Ensuite, il y a une deuxième petite erreur, également signalée à la commission des finances par le service d'audit interne: il s'agit d'une provision excessive de 3,8 millions pour rétrocession de TVA. Alors, faites le calcul: 17,5 millions + 3,8 millions, on arrive à 21,3 millions et c'est là que nous avons un problème, chers collègues... (Remarque.) ...parce que ces 21,3 millions font passer nos états financiers individuels en positif: nous avons 300 000 F d'excédent. C'est une bonne nouvelle, dont nous pouvons tous nous réjouir, sauf que cette bonne nouvelle a des conséquences politiques qui, même si on n'ergote pas sur les 207 millions de provision à la CPEG, auraient dû amener, par correction, le Conseil d'Etat à honorer le point 14 du protocole d'accord avec la fonction publique. Celui-ci stipulait de manière extrêmement claire qu'il fallait, sous réserve des compétences du Grand Conseil, en cas de résultats positifs des comptes 2015, verser l'annuité 2016 rétroactivement à l'ensemble du personnel soumis à la grille salariale de l'Etat de Genève. Nous nous trouvons donc dans une situation où, politiquement, nous devrions honorer cet engagement. Le Conseil d'Etat devrait honorer cet engagement, ce d'autant plus d'ailleurs que le Grand Conseil a voté une loi à ce propos.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le rapporteur.
M. Jean Batou. Eh bien, je vais utiliser le temps de mon groupe, comme le chef de groupe m'y a autorisé. (Commentaires.) Je vais poursuivre en vous disant que ce n'est pas seulement une question comptable: c'est une question politique. C'est une question politique, parce qu'à un moment donné, au premier trimestre 2015 - c'est là que je situe le moment de l'envoûtement - un député PLR à la commission des finances a dit au Conseil d'Etat: «Si le Conseil d'Etat veut garder l'objectif de pouvoir absorber la RIE III, il va devoir faire un travail plus important au niveau de la maîtrise des charges.» Nous étions au premier trimestre 2015. Le conseiller d'Etat Dal Busco lui a répondu: «Il est clair que l'objectif, au moment où la RIE III sera en vigueur - 2019 - sera d'avoir la marge de manoeuvre suffisante pour absorber cette réforme.» Et le député PLR de répondre: «Le PLR attend un signe plus marqué de la part du Conseil d'Etat au niveau de l'évolution [des charges] sur 2016-2018.» Quelques mois plus tard, on tirait le frein à main, et commençait l'emballement avec les économies engagées au dernier trimestre 2015. Vous connaissez la suite, que je vous résume en quelques mots: une catastrophe, c'est-à-dire le projet de budget 2016 annoncé de manière catastrophiste avec les 42 heures pour le personnel, les 5% de réduction des charges de personnel sur trois ans, le blocage des mécanismes salariaux, la population des travailleurs de la fonction publique et des usagers dans la rue, la grève, les manifestations... (Commentaires.) ...et enfin, cet accord du 17 décembre avec la fonction publique. A ce titre, je souligne la duplicité du Conseil d'Etat, car le même jour où nous avons voté ici au Grand Conseil la suppression des mécanismes salariaux et de leur automaticité, c'était donc le 17 décembre - évidemment, en ce qui nous concerne, nous avons voté contre cette mesure - le Conseil d'Etat avait entériné un accord où il était précisé: «sous réserve des compétences du Grand Conseil» ! Il était donc très important que le Grand Conseil s'oppose à l'automaticité et à la réintroduction des mécanismes salariaux. Toutefois, le vote du 17 décembre a été désavoué au mois de février et nous avons réintroduit l'automaticité et les annuités. Nous devons payer ces annuités 2016, ce d'autant plus que nous avons conclu nos comptes avec un excédent de 300 000 F.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le rapporteur.
M. Jean Batou. Je pense vraiment que, même si vous ne me suivez pas sur les arguments politiques, la rigueur comptable voudrait qu'on admette - et qu'on admette en bons joueurs - que nous nous sommes trompés, que nous avons un excédent de 300 000 F et que, félicitations, nous n'engageons pas de mécanisme du frein au déficit pour cette année et nous honorons nos engagements à l'égard de la fonction publique. (Commentaires.)
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité. Sur un plan politique, M. Batou fait une grande démonstration. Il oublie simplement de préciser que si le Conseil d'Etat ne verse pas l'annuité, ce n'est pas parce que le budget est déficitaire, mais parce qu'il estime que l'absence de budget l'en empêche. Mais M. Batou ne veut pas comprendre la position du Conseil d'Etat, libre à lui ! Maintenant, s'agissant de la problématique de la provision, certains discutent... (Remarque.) Dans l'hypothèse - ce n'est évidemment pas ce que je défends - où on ne constituerait pas de provision, à un moment donné, ce que personne ne conteste, c'est qu'il va falloir payer ! En réalité, ce jour-là, vous mettrez en péril soit la caisse, soit la situation financière du canton. C'est cela ! Au fond, vous oubliez le but de cette provision, à savoir garantir les retraites de la fonction publique - un jour nous aurons l'occasion d'en reparler. (Remarque.) Je ne vous ai pas interrompu, Monsieur Deneys ! (Remarque.) Non ! Est-ce qu'on peut demander à M. Deneys d'arrêter de... (Remarque.) Merci !
Maintenant, dire simplement que la situation est statique et que le Conseil d'Etat mène le Titanic droit dans l'iceberg est absolument faux ! Il vous suffit de consulter le rapport de majorité et ses annexes, en page 395, où effectivement, le SAI explique quelle est la situation aujourd'hui et quelle était la situation douze mois auparavant: en réalité, ce n'est précisément pas une situation de risque maximum statique, c'est une évolution du risque en douze mois d'une pénalité supplémentaire de 207 millions ! C'est l'accroissement de la pénalité sur douze mois ! Il est vraisemblable que l'on doive ajouter encore 200 millions ou 100 millions l'année prochaine pour ajuster la provision ! Mesdames et Messieurs, si rien n'est fait - et là je rejoins Mme Flamand-Lew, parce que je partage à 100% ses propos... Sur un plan politique, je ne souhaiterais pas constituer cette provision, parce que le signal est fondamentalement mauvais, parce que le comité de la caisse ne prend pas ses responsabilités, parce que le Conseil d'Etat est plutôt passif et parce que ce Grand Conseil ne prend pas du tout non plus ses responsabilités ! Il est urgent d'agir ! Le courrier qui sera envoyé au comité de la caisse, comme cela nous a été annoncé, sera largement insuffisant et il faut prendre des mesures. Mais, dans l'intervalle, par rapport au risque qui a été pris ces vingt-quatre derniers mois, cette provision n'est pas une option. C'est une question de rigueur et de cohérence dans un esprit de responsabilité...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le rapporteur.
M. Cyril Aellen. ...à l'égard de la fonction publique et je m'arrête là, Monsieur le président.
Mme Françoise Sapin (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, l'examen des comptes de l'Etat laisse peu de marge de manoeuvre pour les contester car, pour le faire, il faut des raisons techniques très pertinentes. En effet, en ce qui concerne les comptes, soit ils sont corrects, soit ils sont faux. Le fait de se prononcer d'une manière séparée et détaillée, une fois sur la gestion et une fois sur les comptes, ne rend pas la tâche facile mais cette manière de faire est correcte. Cependant, cela permet de sanctionner la gestion, tout en acceptant les comptes. Si l'on prend connaissance du rapport de l'organe de révision, les comptes sont exacts et peuvent être approuvés. Le MCG votera donc ces comptes, tout en ayant déjà exprimé ses critiques sur la gestion financière de l'Etat. Toujours dans ce rapport, une réserve a été émise: il s'agit d'un revenu de 17,5 millions non comptabilisé. Cette réserve est une question de divergence d'appréciation entre les services financiers du Palais de justice et le SAI. Au vu des explications reçues, nous ne nous prononcerons pas à ce sujet. Les comptes sont conformes aux normes IPSAS, sauf en ce qui concerne certaines dérogations. Les deux principales dérogations sont, d'une part, à la norme IPSAS 25, pour les engagements LPP, et d'autre part, à la norme IPSAS 19, pour la couverture du risque pour les taux, soit le degré de couverture. Si ces dérogations sont parfaitement compréhensibles, puisque en cas d'application elles péjoreraient grandement les comptes de l'Etat, le MCG va plus loin et se pose vraiment la question de savoir si les normes IPSAS doivent être appliquées pour ceux-ci. En effet, la seule raison de la présentation des comptes au niveau international pour comparaison et pour cotation des différents instituts n'est à notre avis pas suffisante: des comptes peuvent toujours être préparés et présentés selon des normes pour ce but-là. Le MCG espère vraiment qu'un débat de fond aura lieu à ce sujet, notamment à la commission des finances.
Des voix. Bravo !
M. Yvan Zweifel (PLR). Mes propos vont aller dans la même direction que ceux de ma préopinante Mme Sapin, ce qui n'est pas étonnant quand deux experts-comptables s'expriment l'un après l'autre. Je vais donc répéter la même chose, à savoir que nous sommes ici pour déterminer si ces comptes sont justes ou faux d'un point de vue non pas politique mais comptable - nous avons suffisamment exprimé notre point de vue politique depuis hier après-midi. Je reviens ainsi, Mesdames et Messieurs, sur ce point que d'aucuns estiment faux, celui de la provision à la CPEG. On nous a expliqué que c'était une faute politique, un maquignonnage, qu'il ne s'agissait pas de charges et qu'il fallait par conséquent opérer un total des charges sans tenir compte de cette provision.
Mesdames et Messieurs, posons-nous cette question fondamentale: qu'est-ce qu'une provision ? Toutes les normes comptables sans exception, qu'il s'agisse des IPSAS, des IFRS, des RPC, des US-GAAP et même du code des obligations - vous trouverez cela à son article 960e, alinéa 2 - disent exactement la même chose à ce sujet: une provision doit être constituée à charge du compte de résultat s'il y a perte d'avantages économiques dans le futur en raison d'un événement survenant lors de l'année en cours. Trois conditions doivent être réunies pour comptabiliser une provision: la première, c'est qu'elle doit être afférente à l'exercice en cours ou concerner le passé, la deuxième que son occurrence soit une probabilité certaine, c'est-à-dire au moins à 50%, et la troisième que l'on puisse l'estimer de manière fiable.
Interrogeons donc ces trois conditions s'agissant de la CPEG. Premièrement, la provision est-elle afférente à l'exercice en cours ? Nous avons constaté en 2015 une dégradation importante des rendements financiers en bourse, que ce soit au niveau des actions ou des obligations; je vous rappelle, si vous ne le savez pas, qu'il y a des intérêts négatifs, ce qui a une influence évidente sur les résultats futurs, mais actualisé au 31 décembre 2015, ça concerne bien l'exercice en cours, ainsi que M. le rapporteur de majorité l'a expliqué tout à l'heure. Deuxièmement, est-ce probable ? Ce n'est pas à moi de le dire mais à nos experts actuaires qui, en l'occurrence, le disent: la probabilité d'occurrence est largement supérieure à 50% et il ne s'agit pas, comme l'a indiqué le rapporteur de majorité, d'un risque maximum mais bel et bien du risque estimé. Enfin, cette estimation est-elle fiable ? Là encore, les experts actuaires calculent la différence relativement à ce que le peuple a voté et au risque. Selon les dégradations constatées en 2015, le total s'élève à 410 millions - c'est précis - et puisque l'on a provisionné 203 millions l'année passée...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Yvan Zweifel. ...il suffit de faire 410 moins 203, ce qui donne 207.
Mesdames et Messieurs, si l'on n'accepte pas cette provision, ces comptes seront faux, n'importe quel réviseur vous le dira. Je propose à tous ceux qui ne me croient pas - et je terminerai là-dessus, Monsieur le président - s'ils sont libres les quinze prochains lundis à 18h30, de suivre le cours D21104 à l'Ecole-club Migros: il s'agit de comptabilité pour les débutants ! (Rires. Applaudissements.)
M. Bertrand Buchs (PDC). Mon intervention sera extrêmement courte. Comme je ne suis pas comptable certifié, je ne m'avancerai pas sur le sujet mais j'ai écouté ce qui a été dit par les professionnels de la branche et je suis tout à fait de leur avis. Pour terminer, j'informe M. Batou que je tiens à sa disposition un exorciste. Je vous remercie.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais dire encore une fois un grand merci aux services du département des finances pour tout le travail réalisé durant le processus des comptes - c'est peut-être une redite mais je pense qu'il est vraiment important de le souligner. Je souhaite aussi remercier le rapporteur de majorité pour son rapport complet et très instructif - tout comme le sont les rapports de minorité, bien entendu - car retranscrire tout cela n'a pas dû être évident.
Mesdames et Messieurs, premier coup de tonnerre à la rentrée automnale: au vu des prévisions de rentrées fiscales, on décide de ne plus engager à l'Etat. Signalons tout de même que, depuis des années, les prévisions fiscales se révèlent justes à 1% ou 2% près et n'ont pour le moment jamais été démontrées comme étant exagérées d'un côté ou de l'autre. Arrivent ensuite le budget 2016 et avec lui les démarches de coupes et d'économies préconisées, puis les manifestations que nous connaissons. Dans un contexte de négociations non abouties tant en matière budgétaire que de personnel suivent alors les comptes et la constitution de cette provision. C'est un peu comme la cerise sur le gâteau: austérité, austérité et austérité !
Alors on pourra nous dire tout ce qu'on voudra en termes comptables, Mesdames et Messieurs, mais en dépit de comptes positifs et de tout ce qui s'est passé durant l'automne budgétaire, aucun geste n'a été fait en faveur des prestations et donc en faveur du personnel. Nous pouvons nous écharper sur des règles comptables, mais le message délivré par le Conseil d'Etat est mauvais parce que nous jouons notre avenir politique ensemble, dans une démocratie, sur des prestations et la couverture des besoins de la population et non pas sur des artifices comptables tout juste dimensionnés à l'aide de ce qu'il restait dans les comptes de manière à faire un petit geste. Le petit geste n'a pas été fait, ce qui est regrettable. On voit que l'austérité représente désormais la ligne principale du gouvernement et c'est dommageable pour une grande partie des gens qui travaillent à l'Etat, au sein du grand Etat...
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.
Mme Lydia Schneider Hausser. ...et dans les associations subventionnées, tout comme pour la population en termes de prestations. Merci beaucoup.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Chers collègues, en premier lieu et comme l'a fait ma préopinante, le groupe UDC aimerait remercier le rapporteur de majorité. Ceux qui ont pris la peine de parcourir la première et la seconde partie l'attesteront: son rapport a le mérite d'être complet. L'Union démocratique du centre ne serait pas correcte si elle ne remerciait pas également l'ensemble de l'équipe qui a réalisé ce travail; nos questions pertinentes - peut-être même parfois impertinentes - ont toujours trouvé une réponse satisfaisante.
Nous sommes maintenant en troisième débat afin d'approuver ces comptes. Quant à moi, relativement à tout ce que l'on entend, j'aimerais quand même rappeler que nous sommes ici en tant que députés pour adopter une vérité comptable et non politique, et je me réfère aux pages 33 à 48 du rapport de majorité qui consignent les commentaires du service d'audit interne, lequel est selon moi le seul organe habilité à critiquer le travail comptable effectué. Voyez la première phrase: «Cette année, l'intervention la plus significative était pour éviter la comptabilisation d'une provision pour dépréciation d'actifs de 20,3 millions de francs.» C'est bien ! Je terminerai en citant la dernière phrase: «Le SAI conclut toutefois en disant que le rapport de l'organe de révision au Grand Conseil sur les comptes consolidés peut être résumé par "tout va bien".»
Mesdames et Messieurs, il s'agit d'un plan comptable, nous avons déjà expliqué ce qui n'allait pas à l'échelle politique. L'Union démocratique du centre remercie tous les acteurs qui ont permis de nous forger notre opinion ainsi que d'élaborer ce rapport plus que complet sur le projet de loi 11857 et acceptera bien entendu la version technique des comptes. Je vous remercie.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, merci d'abord à celles et ceux qui ont exprimé leur reconnaissance à l'endroit de nos collaboratrices et collaborateurs; je transmettrai bien volontiers le message et me permets de partager votre avis. Ce débat en deux phases a été très long, rappelons-le. Nous avons pris acte de la position de votre Grand Conseil et du jugement qu'il porte sur la gestion du Conseil d'Etat, nous en avons discuté pendant des heures et c'était intéressant, assurément; maintenant, au terme d'un débat bien plus court, vous êtes censés approuver ces comptes en les vérifiant et en attestant de leur justesse, voilà ce dont il s'agit. J'observe qu'à la faveur de ce débat qui sanctionne une vérité comptable, on répète à l'envi les mêmes arguments; j'observe également qu'il n'a pas servi à grand-chose que des spécialistes viennent des heures - voire des jours - durant expliquer cette réalité indubitable car ce sont toujours les mêmes arguments et les mêmes doutes - et j'emploie ici l'euphémisme - qui reviennent à ce propos. Nous en prenons acte mais je voudrais quand même vous communiquer deux choses.
Premièrement, l'inscription de cette provision n'était le fruit d'aucune intention politique de la part du Conseil d'Etat, il s'agissait simplement d'une nécessité après évaluation du risque - comme les différents experts-comptables qui se sont exprimés il y a quelques instants ont déjà tout dit, je ne vais pas en ajouter davantage. Pour reprendre l'image de l'iceberg qui a été évoquée, cette provision a été constituée parce que l'iceberg en question se trouve juste en face de nous; mais si celui-ci venait à fondre, nous en ferions à peu près de même avec la provision, c'est-à-dire que nous pourrions la dissoudre selon des règles comptables clairement établies.
Deuxièmement, je m'étonne de la justification apportée par Mme Flamand-Lew au nom de son groupe pour refuser ces états financiers, à savoir que le Conseil d'Etat aurait fait preuve d'attentisme, notamment dans son approche de la situation avec la CPEG. Il est assez difficile de comprendre qu'on nous reproche d'une part de faire preuve d'attentisme et, d'autre part, de constituer une provision, ce qui est de toute évidence la plus grande manifestation qu'on puisse imaginer d'absence d'attentisme. Si j'ai généralement beaucoup de respect pour les arguments des Verts, je peine à saisir leur argumentation dans le cas présent. S'agissant de la position du Conseil d'Etat vis-à-vis de la CPEG et en particulier de son comité, je me suis exprimé ce matin à ce sujet: le Conseil d'Etat va écrire au comité de la caisse et lui rappeler ses obligations légales en la matière, et nous entendons que celui-ci s'y plie absolument. En ce qui concerne des réflexions plus stratégiques et structurelles sur la CPEG, nous reviendrons vers vous en temps opportun, probablement cet automne, avec des propositions. Mesdames et Messieurs, pour toutes ces raisons, je vous remercie au nom du Conseil d'Etat de bien vouloir apprécier ces états financiers à leur juste valeur, c'est-à-dire reconnaître leur exactitude, et les approuver. Merci d'avance.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat.
La loi 11857 est adoptée article par article en troisième débat.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote d'ensemble...
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes manifestement, alors j'ouvre la procédure de vote nominal.
Mise aux voix, la loi 11857 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 56 oui contre 27 non et 2 abstentions (vote nominal).