République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 2 juin 2016 à 20h30
1re législature - 3e année - 5e session - 22e séance
R 806
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au point suivant de nos urgences, la R 806, en catégorie II - trente minutes. Est-ce que l'auteur de la résolution...
Une voix. Il n'est pas là.
Le président. Très bien. Madame la députée Marion Sobanek, la parole est à vous.
Mme Marion Sobanek (S), députée suppléante. Merci, Monsieur le président. Je vais juste présenter un peu cette résolution. L'arrivée soutenue des mineurs non accompagnés dans le dispositif asile doit nous faire changer nos priorités et notre vue sur l'accompagnement et le soutien à leur insertion. Actuellement, un mineur non accompagné est, avant tout, un requérant d'asile, en tout cas en matière de subventionnement fédéral. Dans le futur, le financement octroyé au canton, pour la prise en charge de ces enfants, doit relever du droit de l'enfant, celui-ci prime sur le droit et le processus d'asile. Un mineur non accompagné et requérant d'asile est, avant tout, un mineur qui mérite, par cette seule qualité, une protection spéciale. Vous êtes peut-être parents ici, imaginez-vous une seconde l'un de vos enfants sur la route de l'asile, lâché quelque part tout seul; quel traitement voudriez-vous qu'il reçoive, de la part d'un pays accueillant ? L'insertion professionnelle et donc l'intégration se basent sur la formation et la scolarisation. Vous le savez bien, une personne avec une formation rudimentaire, voire sans formation, a bien plus de chances de se retrouver au chômage, et un chômage de longue durée, qu'une personne formée. N'est-il donc pas mieux, dans cette optique, d'offrir à ces mineurs les clés nécessaires à leur insertion ? Si l'on considère ces mineurs comme des enfants orphelins en Suisse, le soutien et l'accompagnement seront autres et permettront une prise en charge plus adéquate qu'aujourd'hui.
Les mineurs arrivant en tant que requérants d'asile ne se retrouvent évidemment pas dans les mêmes problématiques que des enfants placés en foyer. En revanche, par rapport au processus migratoire, il y a tout un travail à réaliser. Certains mineurs ont peut-être acquis des compétences de survie durant leur parcours migratoire, suivies de traumatismes. Mais ici, en Suisse, ils doivent entrer dans un autre processus logique. Ceci nécessite un accompagnement spécifique et donc des moyens financiers. C'est d'autant plus important, car nous savons qu'il est fort probable que la majorité de ces enfants resteront un certain temps chez nous, voire même qu'ils feront leur vie en Suisse. Allons-nous laisser ces enfants et ces adolescents en marge d'une société exigeante en termes de formation ? Notre demande est que la Confédération considère les mineurs non accompagnés comme des enfants orphelins, avant de les considérer comme requérants d'asile et, à ce titre, qu'elle octroie aux cantons qui les reçoivent des moyens plus importants. Moyens identiques à ceux impulsés dans la prise en charge des enfants et adolescents problématiques, délinquants, ou ayant des problèmes éducatifs... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et nous avons en Suisse beaucoup d'expérience avec ce type de prise en charge, cela donne un très bon résultat. Mesdames et Messieurs les députés, nous vous prions de soutenir cette résolution, afin que les autorités fédérales soient saisies de notre demande de financement pour une prise en charge de qualité des mineurs séjournant sur notre territoire, qui seront, sans doute, la relève de demain. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Présidence de Mme Christina Meissner, première vice-présidente
La présidente. Merci, Madame la députée. Vous avez pris sur le temps de votre groupe. Je passe la parole à M. le député Christian Zaugg.
M. Christian Zaugg (EAG). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, tous les jours ou presque, des centaines de migrants tentent de quitter le Proche-Orient afin d'échapper à une guerre épouvantable et, parmi eux, on compte de nombreux enfants. C'est la conséquence du drame humain terrible qui se déroule presque sous nos yeux. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)
La présidente. Excusez-moi... (La présidente attend que le silence se fasse.)
M. Christian Zaugg. C'est bon ?
La présidente. Poursuivez.
M. Christian Zaugg. Dans ce contexte, le groupe Ensemble à Gauche soutient cette résolution qui vise à accueillir et à protéger les jeunes migrants mineurs de l'exploitation par les réseaux mafieux de la drogue, de la délinquance ou de la prostitution. Nous estimons que l'accueil d'enfants migrants en Suisse doit se faire conformément à la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant, qui a été adoptée en 1989 et que notre pays a ratifiée en 1997. Je rappelle qu'en vertu de son article 44, les Etats signataires sont tenus de remettre à l'ONU, à intervalles réguliers, un rapport indiquant les progrès accomplis, les problèmes qui subsistent et les solutions prévues pour y remédier. Je parlais de drogue, de délinquance ou de prostitution et relève, à cet égard, que l'on s'accorde à considérer que plus de 500 millions d'enfants dans le monde sont victimes d'abus sexuels. On peut d'ailleurs établir une relation entre le paradigme de cette résolution et les compétences judiciaires de notre Tribunal cantonal de protection de l'adulte et de l'enfant - le TPAE - qui prononce des mesures urgentes de protection des mineurs, d'assistance éducative ou de placement à des fins d'assistance dans un établissement spécialisé et l'instauration de curatelles. Il convient donc de prendre, sur ce modèle, toutes les dispositions utiles à cet égard afin de permettre à ces jeunes d'être bien reçus, puis d'être placés dans des familles d'accueil et de pouvoir ainsi suivre une scolarité normale et devenir citoyens de notre pays. Le groupe Ensemble à Gauche votera donc sans réserve cette résolution et vous invite à en faire de même en vue de répondre à une crise humanitaire majeure.
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Eric Stauffer, pour une minute et trente secondes.
M. Eric Stauffer (HP). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je commencerai ma brève intervention en disant que, pour la gauche, enfoncer des portes ouvertes, ça fait moins mal. J'ai été horrifié... (Commentaires.) ...j'ai été horrifié, en lisant ce texte, parce que j'ai imaginé une seule seconde que nous ne protégions pas les enfants dans notre pays. Je viens donc de prendre contact avec le conseiller d'Etat Mauro Poggia, et je viens de m'entretenir avec Mme la conseillère d'Etat en charge de l'éducation pour demander qu'on m'explique cette horreur, dans le canton de Genève, liée au fait que nous ne nous occupons pas des mineurs. Alors j'apprends qu'ils sont pris en charge, que tout est payé, qu'ils ont un hébergement - donc on parle bien des mineurs, des requérants mineurs non accompagnés - qu'ils reçoivent une éducation, sous l'égide de Mme la conseillère d'Etat, que lorsqu'ils arrivent, en tant que requérants, après le mois d'avril, ils ont des cours particuliers parce qu'ils n'intègrent pas les classes, donc tout est fait dans le respect. Reste encore ce que j'ai entendu et qui m'a horrifié, Mesdames et Messieurs les députés: la prostitution des jeunes et les trafiquants de drogue. Par conséquent, je suis allé chercher le conseiller d'Etat Pierre Maudet, mais je ne l'ai pas trouvé...
La présidente. Il vous reste trente secondes.
M. Eric Stauffer. Je conclus. Je suis certain, Mesdames et Messieurs les députés, que les mineurs sont extrêmement bien protégés en Suisse, et je dirais à M. le député Zaugg qu'il a certainement raison à propos des chiffres internationaux, mais, de grâce, ne faites pas d'affront à notre propre gouvernement genevois ou fédéral en disant que dans notre pays nous ne nous occupons pas des mineurs. C'est un non-respect des institutions et...
La présidente. C'est terminé.
M. Eric Stauffer. Je conclus, Madame la présidente. ...et cette résolution est purement démagogique ! On va la renvoyer en commission juste pour vous démontrer le non-sens de votre texte. (Quelques applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC). Cette résolution part d'un bon sentiment et tout le monde est sensible aux besoins des enfants. Mais quelle est la situation réelle ? En 2015, seulement 0,3% des requérants d'asile étaient des enfants de moins de 12 ans; pour l'immense majorité, ils étaient accompagnés de leurs parents. Les enfants jusqu'à 15 ans représentent 2,1% de l'ensemble des requérants d'asile en 2015. En revanche, le nombre d'enfants entre 15 et 18 ans est important, beaucoup plus important, et essentiellement constitué de jeunes hommes. Pour cette catégorie, le secrétariat d'Etat aux migrations reconnaît lui-même que de nombreux doutes existent sur leur âge. La plupart d'entre eux savent qu'ils possèdent beaucoup plus de chances de pouvoir rester en Suisse en tant que mineurs. Toujours selon le secrétariat d'Etat aux migrations, une petite minorité des requérants d'asile provient des pays en guerre. Toujours selon le secrétariat d'Etat aux migrations, beaucoup de ces jeunes hommes préparent leur migration et disposeraient de plusieurs centaines, voire milliers de francs. En outre, nombre d'entre eux perdent leur passeport ou titre de voyage dès qu'ils arrivent sur le sol européen. Pour terminer, les coûts des mineurs ou jeunes hommes non accompagnés sont excessivement élevés. L'écolage, l'accompagnement spécifique, l'assistance sociale, le foyer, etc., peuvent atteindre des sommes allant jusqu'à 100 000 F par année. Actuellement, seule une somme ponctuelle de 8000 F est mise à disposition par la Confédération pour l'intégration. Pour les sept premières années, la Confédération a la responsabilité des requérants d'asile mineurs et autres; elle devrait, bien entendu, assumer une plus grande part des charges et des coûts, voire la totalité. En conclusion, le groupe UDC ne soutient pas cette résolution.
Présidence de M. Jean-Marc Guinchard, président
M. Jean-Luc Forni (PDC). Bien évidemment, le parti démocrate-chrétien soutiendra sans réserve cette proposition de résolution, car ce qu'elle contient et les éléments qui y sont décrits correspondent totalement à une protection des enfants et à la vision de la famille qu'a le PDC. Il est effectivement important de donner toutes les chances et tous les moyens d'intégration à ces jeunes qui, demain, seront des futurs citoyens. J'estime que si l'on veut éviter tout ce qu'on a entendu, la prostitution, les réseaux de drogue, etc., eh bien il est extrêmement important de mettre en place tous les moyens nécessaires et peut-être encore plus que ce qui est fait actuellement, même si c'est fait avec beaucoup de bonne volonté et d'empressement - on l'a entendu et c'est vrai. Il faut quand même déployer des efforts supplémentaires pour rattraper le retard scolaire, essayer d'effacer certains traumatismes vécus durant le transport et le voyage vers nos régions, et pouvoir justement leur faire bénéficier d'un milieu familial favorable à leur épanouissement. Cette résolution est en tout cas beaucoup plus sympathique, quant à son approche, que celle que nous avons refusée tout à l'heure, car au moins, au lieu de nier le problème, on essaie de trouver des solutions. Cette vision correspond donc, comme je l'ai dit, à notre vision de la famille. Le groupe PDC acceptera sans réserve cette résolution. (Quelques applaudissements.)
Mme Nathalie Fontanet (PLR). Le parti libéral-radical est évidemment très sensible à cette résolution. La situation des mineurs qui arrivent non accompagnés dans notre canton n'est visiblement pas si bonne, même si on sait qu'ils sont pris en charge par les différents départements et qu'ils sont, autant que faire se peut, scolarisés - quoique tous ne le soient pas suivant leur date d'arrivée, je suis désolée - même si on sait, enfin, qu'ils sont tous logés dans des centres pour mineurs - supposément, car tous ne le sont pas non plus, certains sont logés à l'hôtel. Cette résolution pose donc de très bonnes questions sur le fond. En ce qui le concerne, le groupe PLR est très sensible aussi à cette question d'intégration et d'insertion: comment ? Où ? Dans quel secteur économique ? Est-ce le primaire ? Est-ce le tertiaire ? Que peut-on faire pour favoriser cette insertion ? Dans ce contexte-là, nous aurions souhaité renvoyer ce texte à la commission des affaires sociales, car nous estimons qu'il y a un vrai problème de fond. En effet, il ne s'agit pas simplement de renvoyer cette résolution au Conseil fédéral, mais véritablement de voir ce qui est déjà fait, ce qui peut être fait, de quelle façon, ce qui manque en termes de financement, car on nous a parlé d'un financement, mais on imagine bien que 8000 F ne permettent pas d'insérer et d'intégrer de façon exceptionnelle ces mineurs. Nous souhaitons donc favoriser le renvoi de cet objet à la commission des affaires sociales.
M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Je ne vais pas revenir sur les arguments humanistes, pour ne pas dire humanitaires, qui ont été donnés et que je partage. J'aimerais juste attirer votre attention sur l'enjeu qui est de permettre à cette population de s'intégrer correctement. On a tout à y gagner, eux comme nous. Qu'est-ce qui leur manque ? D'abord, une bonne partie de ces jeunes migrants n'ont pas été alphabétisés. Le département a déjà dû doubler, voire tripler - Mme la conseillère d'Etat nous le précisera - le nombre de classes d'alphabétisation. Deuxièmement, il leur manque aussi un niveau de formation qui leur permette de faire un travail qualifié. Ils ont des problèmes de langue, pour la plupart ils sont allophones. On a donc besoin de leur donner, dès le début, une formation de base dans des métiers faciles d'accès, une formation de base en langue française, de manière à leur permettre d'avoir un espoir de trouver un jour du boulot. Troisièmement, qu'est-ce qui leur manque ? Il leur manque un encadrement valable. Quand vous êtes un migrant d'une culture, d'une société... disons d'un autre continent qui a connu la guerre, quand vous arrivez quelque part avec personne de votre famille, un encadrement est nécessaire. Il faut leur expliquer quelles sont les valeurs de la société, il faut leur dire ce qu'il est permis de faire et ce qui est interdit. Il faut conduire ces jeunes. Actuellement, ce sont des assistants sociaux en nombre insuffisant qui s'en occupent dans les foyers, entre autres, au Grand-Saconnex. Il leur faudrait l'appoint d'éducateurs, et pour cela il faut effectivement des moyens supplémentaires. Le groupe des Verts rejoint donc les partisans de cette résolution. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Stéphane Florey pour cinquante secondes.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Les propos tenus par certains députés illustrent parfaitement ce que je disais. Il aura fallu moins de vingt-cinq à trente minutes pour prouver ce que je disais: vous voulez des moyens supplémentaires, alors que cette résolution est alarmiste, rien n'est vrai, puisque tout est déjà fait, tout est en place ! Les élèves, les requérants d'asile, les jeunes qui sont non accompagnés sont pris en charge, ils sont mis dans des classes spécialisées, on fait déjà tout pour les aider. Qu'est-ce que vous voulez de plus ? Vous voulez en accueillir plus, vous voulez plus de moyens, c'est uniquement ça. Vous ne faites que de la récupération politique, c'est tout ce que vous faites avec ce genre de texte. Tout est déjà en place. On en a eu la preuve, en plus, dernièrement à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Stéphane Florey. ...ainsi que des renseignements à la commission des pétitions. Je constate que ce soir, Monsieur le président...
Le président. Terminez, Monsieur le député.
M. Stéphane Florey. ...il y a des chronomètres à deux vitesses, parce que mon collègue a parlé à peine deux minutes, et ensuite vous me donnez à peine cinquante secondes de parole. (Commentaires.) Je vous remercie. (Commentaires.)
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, quelques explications, d'abord, pour une problématique qui est grave, une problématique qui concerne presque l'ensemble des départements et l'ensemble du Conseil d'Etat, puisque nous sommes plusieurs à travailler sur ce dossier. Monsieur le député de l'UDC, Monsieur Pfeffer, j'aimerais quand même vous donner quelques chiffres, car vous avez donné des statistiques pour soutenir que tout ceci est faux. Moi je n'aime pas les statistiques, j'aimerais qu'on parle de personnes. On parle ici d'individus, alors les chiffres je vous les donne: nous avions en Suisse en 2014, et vous allez voir le différentiel, 795 mineurs non accompagnés; en 2015, on est passé à 2736. Si je prends les chiffres genevois, ils sont spectaculaires - ces chiffres sont une photographie faite, chaque fois, au 31 décembre - 30 mineurs en 2011, 45 en 2012, 43 en 2013, 65 en 2014 et 200 en 2015. Nous sommes actuellement à 182, selon des chiffres du mois d'avril. Certains de ces mineurs ont eu 18 ans depuis qu'ils sont arrivés, et on en prévoit jusqu'à 400, potentiellement, d'ici à la fin de l'année scolaire prochaine. C'est une réalité dont il faut tenir compte, même si Genève n'a pas été prise de court, puisqu'il existe depuis 2013 une task force sur les mineurs non accompagnés présidée par le DIP, à laquelle participent bien sûr le DEAS, l'Hospice général, le DSE et également le DF en lien avec l'office des bâtiments, dans le but de leur apporter tout ce qui est nécessaire.
Là où je vous donne raison, c'est qu'on ne peut pas dire qu'on ne fait rien. On fait le maximum, mais j'ai envie de dire qu'on en est presque toujours à courir après des trains. On doit faire avec les moyens du bord, qui sont relativement limités. Afin que vous compreniez, quand même, l'effort qui est fait par les différents départements, je vous mentionnerai tout ce qui a été mis en place ces derniers mois. Il a été question - M. Bugnion en a parlé - du logement pour ces jeunes qui arrivaient et se trouvaient, dans un premier temps, au foyer du Grand-Saconnex, avec des adultes en partie et sans encadrement éducatif. Nous avons beaucoup travaillé avec le DEAS, et des mineurs ont pu être déplacés, il y a peu, vers le nouveau foyer de l'Etoile, à Carouge. Cela a été fait très vite - sous forme de conteneurs - et a permis l'accueil de ces mineurs dans des conditions plus décentes, avec un encadrement socio-éducatif assez important. On a trouvé également un certain nombre de familles d'accueil, mais, là aussi, elles sont assez limitées. On doit encore garder des jeunes dans des foyers d'éducation spécialisée, même s'ils n'ont rien à y faire, car ils n'ont pas de problèmes familiaux, ils arrivent avec d'autres problématiques. Huit actuellement sont dans ces foyers. On a mis en place, développé et accentué un dispositif de tutorat, avec l'association Reliance... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...pour que ces jeunes aient un lien avec l'école, qu'on les aide pour leurs devoirs, pour apprendre le français, etc. Toute une série d'animations sont proposées par la FASe, en dehors du temps scolaire, car le temps scolaire est relativement limité, et tout ceci est financé par le DIP. On a ouvert des classes d'accueil et notamment des classes d'alphabétisation supplémentaires. Un chiffre - c'est quand même impressionnant, vous vous rendez compte de ce que le département doit faire en si peu de temps - par rapport à la rentrée dernière: durant cette année scolaire, 16 classes d'accueil supplémentaires ont dû être ouvertes, dont 7 classes d'alphabétisation, plus encore une classe d'accueil qui avait déjà été prévue à la rentrée 2015. Ça veut dire qu'on doit toujours trouver, dans l'urgence, des enseignants compétents, des locaux, etc., donc ce n'est pas quelque chose de très simple. Mme Fontanet en a parlé, il est vrai que les dispositifs actuels ne prévoient plus qu'on prenne des jeunes dans les classes d'accueil à partir du mois de mars, c'est une règle. Pourquoi ? Parce qu'en règle générale, les jeunes arrivent avec des familles; si je prends historiquement les choses, dans l'asile, les personnes qui arrivent de l'étranger sont en général avec leur famille, et c'est vrai que ça n'avait pas beaucoup de sens de prendre des jeunes en fin d'année. Compte tenu de cette situation, on a organisé des prises en charge, depuis le mois de mars, avec un réseau associatif et grâce à des fonds privés. Je suis en train de réfléchir à des solutions pour l'année scolaire prochaine, car si ces jeunes arrivent sans famille, il faut bien qu'on puisse anticiper leur prise en charge. L'année prochaine, on essaiera de changer les choses. Enfin, tout le réseau a travaillé, du mieux qu'il a pu, pour faire face à cette situation d'afflux qui, malheureusement, ne devrait pas se tarir.
Indépendamment de ce qu'on a essayé de faire et de ce qu'on continue à faire, indépendamment aussi des moyens financiers que le Conseil d'Etat affectera, à la rentrée scolaire, pour pouvoir mettre en place toutes ces classes supplémentaires, j'aimerais relever un certain nombre de problématiques. Il ne suffit pas que ces jeunes apprennent le français. S'il n'y avait que ça, je dirais que c'est une question de six mois, un an, deux ans, etc. Mais lorsque vous arrivez juste avant 18 ans, à 16 ans, à 17 ans, que vous venez d'un pays en guerre - vous n'êtes peut-être plus allé à l'école depuis trois ou quatre ans - que vous venez, comme c'est le cas actuellement, d'Erythrée, ou d'Ethiopie - on a aussi beaucoup d'Afghans maintenant - vous êtes, en tant que jeunes, très peu scolarisés et quasi pas alphabétisés. Le vrai défi, ce n'est pas uniquement de leur apprendre le français, c'est aussi de leur trouver par la suite une place de travail, ce qui est éminemment compliqué. Dans un monde qui demande des compétences importantes, dans un monde où il n'y a plus de petits boulots, cela demandera une prise en charge et, je dirai aussi, une prise de conscience au niveau fédéral. C'est pourquoi cette résolution est importante. Elle est même tellement importante qu'il y a quelques jours, les différents directeurs cantonaux de l'action sociale de tous les cantons suisses ont adressé des recommandations au Conseil fédéral, lui demandant de prendre en compte cette réalité, qui est une réalité financière, qui demandera de vrais moyens, si on veut que ces jeunes - on sait que la plupart d'entre eux resteront en Suisse - ne se retrouvent pas, à 20 ans, sur le carreau et, au fond, à la charge de la société, à l'aide sociale, voire même pire, dans une situation pouvant les pousser à la délinquance. Par conséquent, cette résolution est importante.
Je vous rappelle que la Confédération octroie des fonds pour l'asile aux cantons, mais la particularité du canton de Genève est qu'il assume environ la moitié des coûts - 75 millions, me disent mes collègues - alors que d'autres cantons en tirent des bénéfices, je dirais presque. Il est donc important que la Confédération se rende compte de cette situation, qu'elle se rende compte aussi du fait qu'on a, à Genève, de nombreuses personnes qui nous sont envoyées, alors qu'on est un petit canton. On a peu de place pour construire des logements rapidement, etc. La Confédération doit prendre en considération cette situation... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...doit nous accorder des moyens, indépendamment de ceux que le Grand Conseil accorde et que le gouvernement entend vous demander pour les prochains budgets.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à adopter cette résolution. Je ne suis pas sûre que le renvoi en commission soit utile. Indépendamment de l'acceptation de cet objet, on peut parfaitement venir à la commission des affaires sociales, à la commission de l'enseignement, ou aux deux, pour vous présenter les détails de la situation, si vous le souhaitez. Mais c'est important qu'un signe soit donné. Enfin, un dernier élément: un troisième rapport sortira très prochainement à propos de la task force interdépartementale sur les mineurs non accompagnés. Par conséquent, vous aurez un état des lieux de la situation, ainsi que des propositions et des recommandations. Je vous invite donc vivement à soutenir cette résolution.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter sur le renvoi à la commission des affaires sociales, puis, cas échéant, sur l'adoption ou le refus de cette proposition de résolution.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 806 à la commission des affaires sociales est adopté par 68 oui contre 18 non et 2 abstentions.