République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 13 mai 2016 à 16h
1re législature - 3e année - 4e session - 19e séance
PL 11736-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons les points suivants de notre ordre du jour. (Brouhaha.) Un peu de silence, s'il vous plaît, votre attention est requise. Nous abordons en même temps les PL 11736-A, PL 11770-A et PL 11771-A, en catégorie II, quarante minutes pour l'ensemble des trois objets. Je passe la parole au rapporteur de majorité ad interim, M. Cyril Aellen.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Il m'appartient en effet de reprendre les rapports de majorité rédigés par notre collègue Frédéric Hohl, d'abord sur un projet de loi déposé par le MCG, soit, pour lui, M. Baertschi, selon des méthodes à peu près identiques à celles utilisées pour l'objet que nous venons de traiter: on affirme, on ne prouve rien et on essaie ensuite de se placer en victime. La première chose qu'on propose dans ce PL 11736 est une baisse du traitement des conseillers d'Etat, au motif qu'ils bénéficient de nombreux avantages défiscalisés. En commission, on a demandé quels étaient les avantages défiscalisés auxquels les auteurs du projet pensaient - au passage, nous noterons que le but n'est pas de supprimer les avantages par hypothèse défiscalisés, mais de baisser ce qui est fiscalisé; c'est là une logique qui appartient au MCG. On pose donc la question, la réponse est: «M. Baertschi ne répond pas aux procès d'intention et il maintient ce qu'il a écrit; il peut fournir, mais pas nécessairement à l'instant, réponse aux questions des commissaires.» Il s'est passé quelques mois depuis lors, et nous n'avons toujours pas de réponse, le rapport de minorité ne comprend rien à ce sujet. Passons !
L'objet suivant est un texte des socialistes, socialistes qui au cours du traitement, le même jour, du précédent projet de loi, avaient dit dans un éclair de lucidité: «Par contre, dans le contexte actuel, c'est la fonction de conseiller d'Etat qui est touchée et qui est mise à la vindicte populaire.» Ils avaient refusé le projet de loi du MCG. Immédiatement après, dans la demi-heure, ils ont déposé un projet de loi qui affecte différemment le revenu des conseillers d'Etat - comme quoi on oublie très vite des déclarations qu'on a faites précédemment - et prévoit qu'on traite de la même façon les conseillers d'Etat que les autres employés de la fonction publique - si tant est que la fonction de conseiller d'Etat soit équivalente à celle d'un employé de la fonction publique, c'est à discuter - en réduisant leur salaire au motif que l'annuité n'a pas été versée. Deux observations: d'abord, je souligne que le non-versement de l'annuité ne représente pas une diminution du salaire, alors que ce qui est proposé est bien une diminution du salaire des conseillers d'Etat. Ensuite, on alléguait aussi que ce serait peut-être réversible; on a posé la question à l'auteur du texte, M. Deneys, qui a répondu: «Oui, c'est une bonne question, il faut vraiment qu'on l'examine !» Aucune proposition dans ce sens n'a suivi. Nous avons demandé si finalement, comme c'était le Grand Conseil qui avait supprimé l'annuité, il ne fallait pas réduire les revenus des députés: alors ça, non, on ne peut pas le faire, c'est trop demander aux auteurs du projet de loi. J'ai lu le rapport de minorité, c'est ce qui a été proposé à la commission des finances.
Il est plus intéressant d'aller voir ce qui a été dit; en particulier, que ces attaques vengeresses - il faut appeler les choses par leur nom - visent à toucher les hauts salaires, y compris ceux de la fonction publique, vous irez lire le rapport à la page 5 et les déclarations qui disent vouloir attaquer en premier lieu les revenus dans la fonction publique, en particulier ceux des serviteurs de l'Etat qui sont chargés de hautes fonctions.
Enfin, le dernier projet de loi, plus anecdotique, propose de supprimer l'indemnité pour la présidence du Conseil d'Etat, au motif qu'aujourd'hui...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député, après quoi vous parlez sur le temps du groupe.
M. Cyril Aellen. Merci, Monsieur le président, je n'en aurai plus pour longtemps, probablement que je reprendrai la parole ensuite sur le temps du groupe. ...au motif que le président n'a pas de département et qu'il n'y a pas lieu de lui verser une indemnité supplémentaire. Nous avons relevé que cette organisation existe pour cette législature, n'est pas pérenne, et que cela ne change rien. Cela n'a malheureusement pas convaincu ceux qui ont pour seul objectif de se venger sur le Conseil d'Etat au motif qu'ils n'obtiennent pas gain de cause dans ce parlement.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Je passe la parole au rapporteur de minorité sur le PL 11736, M. François Baertschi.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. D'abord, entre parenthèses, sur ce qu'a dit le rapporteur de majorité de manière très désobligeante: il agit comme un jésuite, c'est-à-dire qu'il ne traite pas du sujet mais de détails. Il faut dire, Monsieur le président, qu'à la commission des finances, les commissaires de son groupe se sont comportés un peu comme des sales gosses, qui parlaient, empêchaient les gens de s'exprimer, posaient des questions tout à fait hors sujet; bon, c'est une technique parlementaire qu'on peut accepter, d'autres personnes l'utilisent malheureusement, mais je le déplore, Monsieur le président, d'autant plus quand ensuite on vient donner des leçons au modeste rapporteur de minorité que je suis.
Venons-en au sujet, puisque nous avons peu de temps, les minutes nous sont comptées. Je vais être le plus rapide possible, Monsieur le président. Le problème que concerne le projet de loi déposé est très simple: le Conseil d'Etat venait nous dire que l'annuité des fonctionnaires n'était pas un problème. D'accord, alors soyons cohérents: cela veut dire que ce n'est pas un problème pour le Conseil d'Etat, qui bénéficie de l'annuité maximale, qu'on la lui enlève. Dans la manière dont on calcule le salaire des conseillers d'Etat, on peut tout à fait appliquer le procédé habituel, qui tient compte du nombre d'années d'expériences ou d'autres choses. C'est juste une interrogation, parce que je pense qu'en toute chose il faut faire preuve de logique. Si pour la fonction publique l'annuité n'est pas importante - on peut la sucrer, pour ainsi dire, deux années de suite, comme ça - elle ne doit pas l'être non plus pour le Conseil d'Etat. Ce projet de loi était avant tout une interrogation. Voilà ce qui s'est passé. Je regrette qu'on n'ait pas pu examiner ce texte plus longuement, en raison, notamment, d'une vision un peu arrogante de certains groupes qu'on connaît bien, en raison d'une façon de faire que je déplore, que je ne trouve pas très démocratique - mais chacun en tirera les conséquences qu'il veut.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole au rapporteur de minorité pour les PL 11770 et 11771, M. Roger Deneys.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens d'abord à regretter et à déplorer le temps de parole extrêmement limité consacré à ces trois projets de lois. Cela signifie qu'il y aura comme conséquence que nous devrons en reparler à une autre occasion dans tous les cas. Il n'empêche: s'agissant du projet de loi 11770 qui vise à supprimer l'indemnité du Conseil d'Etat qui se monte aujourd'hui à 4,5% en plus de la classe 33, échelle maximale de la rémunération de la fonction publique, nous voulons réduire cette indemnité à 0,5%. Ce projet de loi a en effet été déposé dans la foulée de la décision du Conseil d'Etat, de façon franchement peu respectueuse de notre Grand Conseil, de réinstituer un quatorzième salaire pour sept collaborateurs du seul département des finances. Ça, je crois que c'est vraiment problématique; quelque part, c'était une volonté du Conseil d'Etat de ne pas respecter le vote de ce Grand Conseil, de ne pas accepter une décision et de la contourner, par des dispositions certes légales, mais franchement peu élégantes et peu respectueuses des autres hauts fonctionnaires. D'ailleurs, comme je l'ai fait figurer dans mon rapport à la page 12, un «député PLR comprend [le] courroux, mais le Conseil d'Etat n'a rien fait d'illégal». Il n'empêche que fondamentalement, on peut se demander ce qu'on fait d'un Conseil d'Etat qui ne respecte pas l'esprit des lois votées par notre Grand Conseil. Eh bien je pense que la première chose que nous pouvons attendre de notre Conseil d'Etat est qu'au moins il soit exemplaire quand il prône des mesures d'austérité. Et quand il demande à la fonction publique de ne pas toucher d'annuité, parce qu'on n'a pas les moyens de la verser, il me semble que le Conseil d'Etat devrait lui aussi réduire ses propres indemnités pour montrer l'exemple. C'est la base de la crédibilité dans une démocratie: que ceux qui demandent quelque chose aux autres le fassent d'abord eux-mêmes. C'est pour cela que le projet de loi 11770 propose de réduire l'indemnité des conseillers d'Etat et, je l'ai dit, cela peut ne se passer que quand il propose à la fonction publique de se priver de l'annuité, parce qu'ainsi, au moins, il montrerait l'exemple.
Autre chose que j'aimerais dire - sans avoir le temps de la développer: sur le fond, on peut se poser la question de savoir si les conseillers d'Etat, qui gagnent plus de 200 000 F par an, se rendent bien compte de ce que vivent les Genevoises et les Genevois qui sont au salaire minimum, qui sont à l'assistance; ils ne se rendent pas compte de la précarité dans notre canton. Je pense, Mesdames et Messieurs les députés, qu'on devrait se demander, à un moment, si, pour se rendre compte de la réalité à Genève aujourd'hui, les conseillers d'Etat ne devraient pas être payés au salaire moyen genevois. Peut-être qu'ils comprendraient ce que cela veut dire que de supprimer 20 F d'indemnité d'assurance-maladie, peut-être qu'ils comprendraient ce que cela signifie que de voir des augmentations partout, et peut-être qu'ils comprendraient ce que signifient des baisses d'impôt qui reviennent au bout du compte à des conditions de vie plus difficiles à Genève. Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...même si ce projet de loi sera probablement rejeté par une majorité, je vous invite dans tous les cas, après les interventions des uns et des autres - mais je peux déjà le dire maintenant - à renvoyer en commission ces trois projets de lois.
M. Eric Leyvraz (UDC). On peut facilement résumer ces trois projets de lois: les conseillers d'Etat sont de méchantes gens qui veulent réduire la masse salariale de l'Etat de 5%. Alors qu'ils montrent l'exemple: il faut baisser leur salaire en conséquence, limiter tout autre revenu supplémentaire par des primes ou rémunérations accessoires. Mais ces textes mélangent tout: le Conseil d'Etat n'a jamais parlé de baisser les salaires des fonctionnaires, il veut réaliser des économies avec une meilleure gestion des départements, une transversalité dans les postes, une définition optimale des tâches qui sont du ressort de l'Etat. On lui fait un mauvais procès, il s'agit d'un geste de mauvaise humeur à son encontre. Les conseillers d'Etat sont-ils trop payés ? Ils administrent un budget de 8 milliards et touchent de 50% à 100% de moins que les directeurs des grandes régies, TPG, HUG, aéroport et SIG. A vous de juger ! L'UDC veut des économies, mais pas de bouts de chandelles. (Remarque.) Taisez-vous, Monsieur, s'il vous plaît ! L'UDC refuse par principe tout changement dans les salaires tant que SCORE ne sera pas mis en place, même si cela ne concerne pas directement le Conseil d'Etat. SCORE, promis depuis le 1er janvier 2014, grille salariale nouvelle assurant l'égalité de traitement, la transparence et l'adaptation à la modernité, est présenté comme indispensable. On commence à désespérer, Monsieur le conseiller d'Etat: vous nous dites que les négociations avancent lentement. A ce rythme, ce n'est plus la fable du lièvre et de la tortue, mais une nouvelle fable qu'il faut inventer, «Le Paralytique et l'Escargot». Notons aussi que les conseillers d'Etat, s'ils sont bien payés par la collectivité, ne jouissent d'aucune garantie de travail, contrairement aux fonctionnaires.
Revenons rapidement au PL 11771, qui veut que le président du Conseil d'Etat ne touche pas les 6% en plus du traitement annuel car il n'a pas la responsabilité d'un département. Il s'agit là d'un choix du Conseil d'Etat qui pourra très bien changer cette décision s'il le désire. Pour nous, le président doit être au courant des dossiers de ses collègues afin de favoriser la transversalité entre les départements; c'est un gros travail, et assurer la représentation de la république pendant cinq ans, eh bien, bon courage ! Cela mérite une différence de traitement.
De façon générale, ces projets de lois sont à l'image de ce parlement: comme disent les Anglais, «penny wise, pound foolish» ! On claque l'argent dans des projets pharaoniques: En Chardon, 330 millions, le plus grand chantier de dépôt de tram d'Europe, pour notre collectivité urbaine qui n'est que la soixantième du continent... (Remarque de M. Roger Deneys.) Monsieur, vous n'êtes pas obligé de tout le temps m'interrompre, soyez poli, pour une fois, s'il vous plaît ! (Remarque.)
Le président. Monsieur Deneys, s'il vous plaît !
M. Eric Leyvraz. Le CEVA, manipulation génétique hasardeuse entre train et métro, vendu en 2008 à 900 millions, va coûter le double avec une inflation nulle; et voici que notre ministre spécialiste du troisième débat veut 500 millions de plus pour les prisons. D'un autre côté, on joue les Harpagons pour économiser quelques milliers de francs sur le dos des conseillers d'Etat. Quand on demande quelques millions pour refaire cette salle où les accoudoirs nous restent entre les mains, où les cendriers remplacent les prises électriques, où les fauteuils - voyez la salle Nicolas-Bogueret - sont dans un tel état qu'on n'arriverait même pas à les refourguer au Centre social protestant, eh bien on nous dit: «Ah, mais c'est trop cher !» (Commentaires.) Bon, revenons à nos moutons, si vous voulez bien. Vous l'aurez compris, l'UDC refusera l'entrée en matière sur ces trois projets de lois qui sont vains, puérils, revanchards et mesquins, et vous demande de faire de même, merci. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Jean Batou (EAG). Chers collègues, évidemment, ce débat sur les salaires des conseillers d'Etat est légitime; il est probablement mal engagé, puisque trois projets arrivent sur nos tables. Il faudra à mon avis renvoyer ces trois projets en commission. Il n'y a pas de raison que discuter des salaires des conseillers d'Etat forme un tabou dans ce canton. Quels sont-ils en réalité ? Un conseiller d'Etat se trouve au sommet de la classe 33. Si mes renseignements sont exacts, il gagne 253 850 F par an; avec les 4,5% de plus qui lui sont dus, il gagne 265 273 F par an, et le président, 281 189 F, plus sans doute des indemnités dont on ne connaît pas exactement la nature. Il s'agit donc d'un salaire entre 250 000 F et 300 000 F par an. Bien évidemment, ce sont de hauts revenus, qui, aux yeux de la population, sont très largement supérieurs à ce que reçoivent l'essentiel des salariés de ce canton. Je comprends évidemment que sur les bancs du PLR, ces salaires paraissent un peu misérables... (Remarque.) ...par rapport aux 5000 personnes qui déclarent à Genève des revenus bien supérieurs à ceux de nos conseillers d'Etat. Pour certains d'entre nous, pour certains milieux de ce canton, c'est un sacrifice que de devenir conseiller d'Etat et de se satisfaire d'un salaire aussi modeste. Nous ne parlons évidemment pas de cette petite catégorie privilégiée, mais de nos conseillers d'Etat.
Dans les propositions qui nous sont faites, on trouve une réduction légère de l'indemnité de 4,5% qui s'ajoute au maximum de la classe 33, qui tomberait alors à 0,5%. Ce n'est quand même pas tout à fait misérable ! Cette situation laisserait à nos conseillers d'Etat 255 119 F, soit une baisse de 10 000 F par an, avec l'indication qu'«aucune prime ou rémunération accessoire, aucun avantage en nature ni aucune autre forme de prise en charge de frais complémentaires qui permettraient de dépasser ce traitement ne sont autorisés». Voilà une proposition. Selon l'autre proposition, il faudrait une évaluation par l'office du personnel de l'Etat de l'annuité à laquelle les conseillers d'Etat auraient droit au moment où ils entrent dans leur fonction, évaluation qui les rendrait sensibles au phénomène des annuités. La troisième nous propose de supprimer le supplément quand même assez exceptionnel de 6% pour un département présidentiel qui n'assume pas véritablement pleinement de politique publique. Tout cela se discute, ce sont de petites choses, mais aux yeux de ceux qui nous écoutent, ce sont quand même des choses importantes qu'il faut prendre au sérieux. Le groupe Ensemble à Gauche sera donc favorable au renvoi de ces trois projets de lois en commission pour y avoir une discussion de fond sur le traitement des conseillers d'Etat.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Jean Batou. Je vais en finir. Malgré tout, ces 15 000 F qui tomberaient dans l'escarcelle de l'Etat par la réduction de 6% de l'indemnité présidentielle, ces 10 000 F multipliés par sept, qui tomberaient dans l'escarcelle de l'Etat si on réduisait l'indemnité de 4,5% à 0,5%...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Jean Batou. ...paieraient le Passeport-Vacances que le PLR nous a fait voter à raison, qui avait été supprimé par erreur par le département de l'instruction publique.
Le président. C'est terminé, Monsieur le député, je vous remercie. Vous avez parlé d'un renvoi en commission. M. le député Roger Deneys a également demandé le renvoi, mais avant le vote d'entrée en matière. Est-ce que vous le rejoignez sur ce point ?
M. Jean Batou. Oui.
Le président. Je vous remercie. La parole est à Mme la députée Lydia Schneider Hausser.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, quand toutes les politiques publiques sont passées au peigne fin pour trouver des économies, c'est en effet dommage de ne pas y inclure le Conseil d'Etat et sa rémunération. Minime, bien sûr, est la portée du projet de loi 11771, mais il représente une adaptation en termes financiers de la suppression de l'ancien système de répartition des charges au sein du Conseil d'Etat, à propos de la charge de président. Précédemment, la présidence du Conseil d'Etat changeait chaque année; en plus de son département qu'il devait continuer à gérer, le conseiller d'Etat nommé président prenait, durant une année, la représentation, la responsabilité de la présidence, et devait faire preuve d'une disponibilité beaucoup plus grande, nécessaire, inhérente à la charge de président. De ce fait-là, recevoir une rémunération supplémentaire - elle se montait à 6%, mais peu importe - était logique. Avec la nouvelle constitution, on a créé un département présidentiel. Vous me direz que ça peut changer, mais pour l'instant, en l'état, nous avons un département présidentiel pensé dès le début de la législature; dans ce département et son cahier des charges, il y a bien sûr une part de politiques publiques - la Genève internationale, etc. - qu'on ne va pas dénier, mais dans le cahier des charges même devrait déjà être comprise cette fonction de représentation, cette responsabilité de gérer le Conseil d'Etat qui incombe au président. On peut toujours accepter un cadeau supplémentaire, mais de ce fait, ces 6% n'ont plus la logique qu'ils avaient dans l'ancienne composition et organisation du Conseil d'Etat. Il nous semble assez logique, même si la portée financière est minime, de réfléchir et d'imaginer que les conseillers d'Etat le sont à parts égales, avec des cahiers des charges pour chacun, y compris le président, déterminés à l'avance, c'est-à-dire depuis le début de la législature. On peut penser à propos de l'indemnité liée à la charge de président, disposition particulière qui est une réminiscence du passé, qu'elle est susceptible d'évoluer, c'est-à-dire qu'on peut l'abroger. Nous vous demandons donc de soutenir le projet de loi 11771 qui, sur le principe, est logique.
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts ne soutiendront pas les deux premiers projets de lois, que l'on peut qualifier d'un peu vexatoires, voire franchement mal étayés pour le premier d'entre eux. Les Verts sont critiques vis-à-vis de l'action du Conseil d'Etat, notamment sur l'affaire du quatorzième salaire, ou encore les coupes proposées dans le projet de budget 2016 mais finalement pas votées, donc non applicables. Nous pensons cependant qu'il est plus pertinent de combattre ces actions sur le terrain politique qu'en réduisant le salaire de nos ministres dans un esprit «oeil pour oeil, dent pour dent».
En revanche, nous entrerons en matière et voterons le troisième projet de loi. En effet, la pratique consistant à octroyer une indemnité au président du Conseil d'Etat date d'une époque où le président, outre sa charge, dirigeait un département de même taille que celui de ses collègues, avec un système de tournus. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas, et l'indemnité ne se justifie plus. Certes, le rapporteur de majorité a rappelé que cette pratique, cette organisation pouvait être changée à chaque législature par le Conseil d'Etat. Si le prochain gouvernement décidait de s'organiser différemment, en choisissant le modèle vaudois - sept départements dont un avec à sa tête, entre guillemets, un «super-conseiller d'Etat» président - nous serions les premiers ravis et réintégrerions avec plaisir cette indemnité dans la loi. Je vous invite donc à refuser l'entrée en matière sur les deux premiers projets de lois et à voter le troisième.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Patrick Lussi pour quarante secondes.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Il est difficile d'ajouter quelque chose de plus concret à ce qu'a dit mon préopinant, M. Eric Leyvraz. J'aimerais simplement suggérer à l'assemblée, plutôt que de toujours vouloir être revanchard, de jeter un oeil sur le rapport n° 82 d'octobre 2014 de la Cour des comptes, soit un audit de légalité. Vous serez stupéfaits de voir que non seulement les directeurs des offices, mais l'équipe de direction, ont des salaires équivalents pour le moins, ou supérieurs à ce que gagne un conseiller d'Etat. Je pense qu'à un moment donné, il faut savoir ce que l'on fait. Commençons donc à faire le ménage salarial...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Patrick Lussi. ...auprès des subordonnés, et après on s'occupera de notre Conseil d'Etat...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député !
M. Patrick Lussi. ...parce que même si très souvent je suis en désaccord avec lui, il a quand même une fonction que l'on doit respecter, et qui mérite un salaire. Merci, Monsieur le président, nous reprendrons... (Le micro de l'orateur est coupé.)
Le président. C'est terminé, Monsieur le député, merci. Je passe la parole à Mme la députée Béatrice Hirsch.
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, M. Leyvraz a très bien résumé ces trois projets de lois. Pour ma part, j'aimerais ajouter aux raisons qui ont présidé à leur dépôt jalousie, rancoeur, geste de mauvaise humeur, populisme. Pour les auteurs de ces projets de lois, la question n'est pas de savoir quelle est la juste rémunération des conseillers d'Etat, il s'agit simplement de dire qu'il faut les payer moins. D'ailleurs, le rapporteur de minorité l'a dit, ils devraient recevoir probablement encore moins que les personnes qui touchent l'aide sociale. Pour eux, la question n'est pas de savoir quelle est leur responsabilité, le travail qu'ils ont à fournir, le nombre de collaborateurs qu'ils ont en charge, qu'il n'y a aucune garantie d'emploi au-delà de la législature - d'ailleurs, si on faisait un descriptif anonyme du poste, les socialistes ne seraient certainement pas pour baisser le salaire de ces gens-là. Mais il s'agit des conseillers d'Etat, et donc de diminuer leur rémunération. Mme Flamand-Lew l'a très bien dit, on peut ne pas être d'accord avec le Conseil d'Etat, on peut s'opposer à son action politique, on peut être d'accord avec lui, avec un certain nombre de projets, un certain nombre de positionnements; ici, il s'agit de débattre de son salaire. Qui sommes-nous pour décider ici du salaire des conseillers d'Etat et dire simplement: «Nous ne sommes pas d'accord avec eux, alors nous aimerions réduire leur salaire» ? Non, ce n'est pas une manière de faire, Mesdames et Messieurs les députés. Si nous regardons sur les échelles salariales, à nouveau, j'aimerais le dire, en parlant de responsabilités, du nombre de collaborateurs à charge, je pense que le salaire des conseillers d'Etat est juste. Le parti démocrate-chrétien n'entrera en matière sur aucun de ces projets de lois. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le MCG soutiendra bien sûr le projet de loi dont il est l'initiateur. François Baertschi, notre rapporteur de minorité, en a expliqué les tenants et aboutissants. S'il devait être renvoyé en commission, nous continuerions de le soutenir, c'est bien entendu. Les deux autres textes qui nous sont soumis ont vraiment retenu notre attention lors du caucus. Ce qui a surtout intrigué les députés MCG, c'est l'annonce qu'on voulait faire avec ces textes de la pédagogie par l'exemple. Est-ce vraiment pédagogique de créer une loi pour imposer au Conseil d'Etat un exemple dans sa manière de gérer les affaires de l'Etat ? Nous avons trouvé une majorité et sommes pratiquement unanimes pour dire qu'on ne peut pas décréter la générosité ni du Conseil d'Etat ni de ce parlement ni de quiconque; la générosité ne se décrète pas, et surtout pas par une loi. On peut éventuellement proposer une résolution, mais c'est le Grand Conseil qui prend les résolutions pour lui-même, il ne peut pas prendre de bonne résolution pour quelqu'un d'autre, encore moins pour le Conseil d'Etat. Dans ces conditions, nous soutiendrons le renvoi en commission de ces trois objets, mais refuserons, pour les raisons évoquées, les deux projets de lois suivants.
M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi de revenir plus particulièrement sur le projet de loi 11770 intitulé «Pour une rémunération économe, appropriée et conforme aux objectifs énoncés des conseillers d'Etat - pédagogie par l'exemple». Le premier signataire appréciera vraisemblablement la pédagogie sur les rémunérations par son propre exemple: lorsqu'on est membre de la commission des finances, de l'économie, de l'énergie, des visiteurs, et de la CEP, Monsieur Deneys, j'imagine - vous transmettrez, Monsieur le président - que le montant de la rémunération doit osciller en tout cas entre les 100 000 F et 150 000 F. J'apprécie les leçons de morale, mais je crois que le premier signataire doit plutôt les appliquer à lui-même, ou alors redistribuer comme bon lui semble.
Je conseille en outre à son groupe, parti gouvernemental, de ne pas tomber dans ces projets «deneysiens», revanchards, qui mettent à mal les institutions. Chaque fois que le député Deneys n'est pas d'accord avec une décision, il dépose un projet de loi revanchard. Je reviens avec un exemple: sous la précédente législature, M. le député Deneys voulait sortir les policiers de ce parlement. Non, cessons de travailler comme ça ! Respectez les institutions et arrêtez, s'il vous plaît, de déposer des textes pareils, et surtout, d'entraîner votre groupe dans une discussion de bas étage.
Enfin, j'aurais encore une petite interrogation par rapport aux propos de M. Batou: le PLR peut être dubitatif sur une rémunération, mais la même question peut être posée à vos membres, à Ensemble à Gauche, quand on sait que le salaire d'un professeur de l'Université de Lausanne est entre 160 000 F et 200 000 F par an. J'imagine que la base a un peu de la peine à s'identifier à ces rémunérations. Merci, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, je vais passer la parole aux trois rapporteurs, en leur demandant de s'exprimer en particulier sur le renvoi en commission demandé par les députés Jean Batou et Roger Deneys. La parole est à M. le rapporteur de minorité François Baertschi pour deux minutes.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Nous devons d'abord nous prononcer sur le renvoi en commission, ou ensuite ? (Remarque.) Notre minorité est favorable à un renvoi en commission des trois projets de lois, parce que je pense qu'il y a beaucoup à en dire. Malheureusement, l'examen en commission a eu lieu de manière très dissipée, c'est le moins qu'on puisse dire: on se serait cru dans une cour de récréation, pour ne rien vous cacher. Ce n'était pas vraiment digne du travail sérieux que nous aurions pu faire. Je comprends bien qu'une partie de la commission était gênée, dérangée qu'on puisse poser ce genre de question, je l'admets; néanmoins, un travail parlementaire devrait se faire avec un peu de calme, et éventuellement certaines auditions demandées alors. Ce serait tout à fait salutaire de faire ce travail.
J'aimerais revenir sur une question importante posée par une députée: qui sommes-nous pour décider des salaires, nous, en tant que députés ? Le rôle du député est quand même d'examiner les lois, d'une certaine manière; or il existe la loi concernant le traitement et la retraite des conseillers d'Etat et du chancelier d'Etat, qui figure d'ailleurs dans le rapport. Nous avons la possibilité d'examiner cet élément, nous ne sommes pas hors sujet. Après, c'est vrai, chacun peut juger que telle façon de faire est adéquate ou ne l'est pas. On entend des noms d'oiseaux, c'est normal, c'est la vie parlementaire, certains aiment bien se mettre en valeur en traitant les autres d'idiots. (Protestations.)
Le président. Vous passez sur le temps du groupe, Monsieur le député.
M. François Baertschi. Je vous remercie. On peut tout à fait comprendre que ce soit une manière de faire; je pense que ce n'est pas la meilleure, il faut aller droit au but. Un autre point est important: on parle de rémunération, d'annuité, d'éléments divers; un élément n'a pas été traité - il n'est pas directement lié: la retraite des conseillers d'Etat, il ne faut pas l'oublier. En catimini - ou peut-être que le parlement n'a pas été assez vigilant quand la chose s'est passée - alors que les conseillers d'Etat auraient théoriquement dû être rattachés à la CPEG - c'était le projet - on a conservé le système antérieur, avec, quelque part, une retraite à vie au bout d'un certain temps, selon certaines conditions, je ne veux pas entrer dans les détails. Il faut quand même savoir qu'aux comptes 2015, on a dépensé 2,5 millions de francs pour cela - 2,5 millions de francs ! C'est de l'argent investi l'année dernière pour la retraite de sept conseillers d'Etat plus la chancelière d'Etat, alors qu'on se retrouve pour certaines dépenses - pour les annuités, et on a vraiment fait tout un foin avec cette histoire - à une somme presque équivalente, à quelques centaines de milliers de francs près. On est donc à 2,5 millions de francs, et je n'ai pas en mémoire la somme prévue, mais elle était loin de celle-ci, c'est ce qui nous a été présenté en tout cas à la commission des finances. Je me réjouis d'ailleurs d'examiner la chose de manière plus précise. Il ne faut pas gémir sur la condition du Conseil d'Etat. (Exclamation.) J'ai le plus grand respect pour les conseillers d'Etat, pour cette institution, seulement il faut que le respect soit réciproque, qu'il existe aussi envers la fonction publique, et qu'on montre un respect des engagements, notamment les engagements pris en décembre, dont certains, malheureusement, ne sont pas tenus. Il s'agit de questions de principes. Excusez-moi, j'ai encore la naïveté de croire à certains principes; je sais que beaucoup ne sont plus dans cette logique-là, pour ma part, j'y reste. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est à M. Roger Deneys, sur les projets de lois 11770 et 11771, pour cinquante-six secondes.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je remercie d'abord M. Hiltpold de m'avoir dit combien je gagnerais si j'étais député PLR dans ces commissions, mais ce n'est pas la même chose chez les socialistes, je peux vous le dire - mais ce n'est pas grave, ça me va très bien !
Ces projets de lois n'ont rien de tabou: discuter de la rémunération des députés, on l'a fait lors de la précédente législature; en l'occurrence, c'est le PLR qui a refusé que ce soit le Grand Conseil qui se prononce sur cela. On peut aussi parler sans problème de la rémunération des conseillers d'Etat, notamment lorsqu'ils proposent le gel de l'annuité: pourquoi le Conseil d'Etat ne serait-il pas aussi exemplaire en faisant un petit effort ? Concernant l'indemnité présidentielle, on peut estimer que c'est une scorie de la précédente constitution qui n'a pas été corrigée aujourd'hui, et on pourrait imaginer une entrée en vigueur pour la prochaine législature: il ne s'agit pas de faire des cas personnels. Je pense donc qu'on pourrait en discuter pragmatiquement en commission et essayer d'élever un peu le débat, ça ne ferait pas de mal, il n'y a pas de tabou, on peut parler de toutes les rémunérations au sein de l'Etat quand on est député.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le rapporteur de majorité pour une minute cinquante.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président, ça me suffira. Il faut dire les choses comme elles sont: à Genève, le coût de la vie est le plus élevé - cela nous est sans arrêt rappelé par la gauche de ce parlement; si on fait des comparaisons intercantonales, les salaires des conseillers d'Etat sont déjà exemplaires. (Remarque.) Je suis désolé, c'est comme ça, c'est un fait. Si l'on compare avec des fonctions du même type dans le secteur public non élu, les conseillers d'Etat font, de loin, des concessions importantes sur leurs rémunérations; sans parler de rémunérations dans le privé. Un dernier point: 110 F augmenté de 25%, fois 42 heures, fois 48 semaines par an, c'est ce que vous êtes susceptibles de gagner, Mesdames et Messieurs les députés: 277 200 F par an. On me rétorquera qu'une partie de cette somme va au parti, mais je crois que les conseillers d'Etat financent aussi leur parti. J'aimerais juste vous rappeler aussi que normalement, cette situation-là devait être différente; vous avez voté, vous, une rémunération des partis à concurrence de 100 000 F par an plus 7000 F par député, précisément pour éviter ce mécanisme-là.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, je vais d'abord vous faire voter sur...
Une voix. La sonnette !
Le président. C'est fait, la sonnette ! Merci. Je vais d'abord vous faire voter sur les renvois en commission qui nous ont été demandés par les députés Jean Batou et Roger Deneys.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11736 à la commission des finances est rejeté par 52 non contre 34 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11770 à la commission des finances est rejeté par 52 non contre 35 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11771 à la commission des finances est adopté par 44 oui contre 42 non et 1 abstention.
Le président. Nous votons maintenant sur l'entrée en matière des deux projets de lois pour lesquels le renvoi en commission a été rejeté, et tout d'abord sur le PL 11736.
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Largement, nous passons donc au vote nominal.
Mis aux voix, le projet de loi 11736 est rejeté en premier débat par 53 non contre 34 oui (vote nominal).
Mis aux voix, le projet de loi 11770 est rejeté en premier débat par 54 non contre 35 oui (vote nominal).
Le président. Monsieur Gander, vous avez demandé la parole ? (Remarque.) C'est une erreur, très bien. Madame Orsini ? (Remarque.) C'est aussi une erreur, merci.