République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 22 avril 2016 à 15h45
1re législature - 3e année - 3e session - 14e séance
PL 11339-A
Premier débat
La présidente. Nous abordons à présent le PL 11339-A. Le rapporteur de majorité, M. Roger Deneys, est remplacé par... (Un instant s'écoule.) ...M. Alberto Velasco ! Merci ! Vous avez la parole, Monsieur.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité ad interim. Madame la présidente, c'est normalement M. Deneys qui aurait dû présenter son rapport, mais je le remplace. J'aimerais dire que nous avons étudié ce projet de loi en commission et qu'il s'est avéré qu'à l'heure actuelle, par une directive du président du Conseil d'Etat François Longchamp, il est justement conseillé aux services de l'administration de s'adresser en principe d'abord à l'office cantonal de l'emploi et de veiller à ce que les emplois de l'administration soient pourvus à travers ce moyen.
Par ailleurs, ce qu'on a pu aussi apprendre lors de nos travaux, c'est que si on légiférait de la sorte, il y aurait un recours de la part de l'Union européenne, étant donné les relations économiques entre la Suisse et l'Union européenne, de même que les accords bilatéraux, lesquels feraient que ce projet de loi serait automatiquement attaqué. En revanche, il semble qu'une directive telle que l'a proposée le président du Conseil d'Etat n'est quant à elle pas attaquable, et l'administration nous a donc conseillé de ne pas légiférer en la matière et d'appuyer plutôt la politique que mène aujourd'hui le Conseil d'Etat dans ce domaine.
Il nous est également apparu pendant les travaux que si l'on adoptait le projet de loi de nos amis, de nos collègues - lequel, on le veut bien, part d'un excellent état d'esprit, puisqu'il vise à essayer d'employer les chômeurs qui sont ici, en utilisant donc la main-d'oeuvre déjà sur place - eh bien pour l'administration, pour les syndicats, pour les partis, il serait aujourd'hui assez difficile de l'appliquer, parce que ça supposerait une administration assez importante, et que l'efficacité n'y serait pas. Ce qu'on a donc pu comprendre, c'est que l'application même de ce que nous proposent nos collègues serait difficile aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, mon groupe ainsi que la majorité de la commission vous recommandent de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi, tout en considérant que l'esprit dans lequel il a été déposé pourrait être salué. J'en ai terminé, Madame la présidente.
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, concrètement, de quoi s'agit-il ? Pour clarifier le débat qui nous occupe actuellement, ce projet de loi demande que, dans l'administration publique, il n'y ait que des résidents qui puissent être engagés. Clairement, c'est de cela qu'il s'agit. Cette pratique d'engagement pour des postes à responsabilité dans la fonction publique ou au service de la population est un principe qui est également adopté dans la plupart des pays. En France ou en Italie, par exemple, vous ne verrez jamais des gens engager des personnes qui n'habitent pas le pays. Concrètement, ce projet de loi demande donc qu'on donne la priorité à nos résidents dans le domaine de l'engagement et qu'on arrête également d'engager des frontaliers pour des postes clés. Prenons l'exemple tout bête de Monaco: à Monaco, c'est clair, si vous voulez travailler dans l'administration monégasque, eh bien il vous faut être monégasque, tout simplement. On peut aussi citer l'exemple du Tessin, qui a fait voter récemment une initiative populaire. Tout le monde a décrié cette initiative populaire, en indiquant qu'il était interdit de favoriser l'engagement des résidents, et bien sûr des arguments un peu futiles ont été utilisés pour éviter que cette initiative n'aboutisse. Eh bien, résultat des courses, le tribunal tessinois a tranché, validant le principe de la priorité de l'emploi pour les résidents. Alors si dans le canton du Tessin le système fonctionne très bien, le MCG n'arrive pas à comprendre pourquoi ce qui marche bien dans d'autres cantons ne pourrait pas fonctionner et s'appliquer à Genève.
Par ailleurs, Genève reste quand même l'un des cantons possédant le taux de chômage le plus élevé. Genève, c'est le canton de Suisse dans lequel il y a passablement, voire beaucoup trop de frontaliers qui travaillent, et nous avons également de nombreuses personnes qui sont à la recherche d'un emploi. Ce projet de loi demande donc tout simplement de remettre les pendules à l'heure, de favoriser l'emploi pour nos jeunes en leur donnant la possibilité de trouver une place lorsqu'ils sortent de formation, et de privilégier bien sûr les résidents dans l'administration publique. Ça s'appelle du bon sens, Mesdames et Messieurs les députés, et je vous encourage à soutenir ce projet de loi qui est rempli de bon sens, qui n'est pas du tout illégal et qui de toute façon ne pourra pas faire l'objet d'un recours de la part de la Communauté européenne, comme voudrait le faire entendre notre député socialiste.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous incite donc à appuyer ce projet de loi, qui découle du bon sens. Je le répète, ce projet demande tout simplement que, dans l'administration publique, on engage des résidents. Ils peuvent être au bénéfice d'un permis C, d'un permis B, suisses, genevois, mais nous demandons que l'on n'engage que des résidents dans l'administration publique. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, je vous encourage à soutenir notre projet de loi, celui du MCG. (Exclamations. Quelques applaudissements.)
M. Christo Ivanov (UDC). Le PL 11339 présente effectivement l'avantage d'apporter une réponse à une problématique reconnue par tous, y compris par le Conseil d'Etat, puisque ce projet de loi reprend les directives du Conseil d'Etat concernant l'engagement de ses employés. Le problème est que cette pratique est apparemment discriminatoire, même s'il faut constater que l'amendement proposé réduit cette discrimination. Le texte qui nous est soumis vise à privilégier d'engager 50% de ressortissants étrangers, puisqu'ils représentent cette proportion de personnes au chômage. Finalement, on continue donc à discriminer des ressortissants suisses, qu'ils soient à Genève ou ailleurs.
Au sein de l'office cantonal de l'emploi, il existe le label «1+ pour tous» pour les chômeurs de longue durée, que j'ai d'ailleurs appliqué et utilisé dans mon entreprise. Il convient donc d'encourager le programme «1+ pour tous» mis en place par l'OCE.
Le groupe UDC pense que cette problématique doit être abordée au moment de la nécessaire réforme des AIMP. A ce moment-là, il faudra fixer des conditions-cadres pour qu'il y ait une certaine équité vis-à-vis de tous ceux et de toutes celles qui postulent pour un emploi. Notre groupe est très sceptique quant à l'impact de ce projet de loi, qui reste discriminatoire principalement envers les Suisses. En conclusion, le groupe UDC s'était abstenu en commission, mais refusera ce projet de loi pour les raisons indiquées précédemment.
M. Gabriel Barrillier (PLR). Madame la présidente de séance, chers collègues, il a déjà été signalé et rappelé que depuis 2006 dans un département, et depuis exactement février 2013 dans les autres, une directive transversale interdépartementale précise très clairement la priorité à donner aux chômeurs du canton lors de l'engagement de fonctionnaires. Cette directive de 2013 - j'ai vérifié, et la commission également - a encore été précisée dans son détail en 2014. Elle contient une procédure extrêmement détaillée, incitative, inquisitrice pour obliger les départements du petit Etat, et subséquemment du grand Etat, à donner la priorité aux chômeurs genevois et habitant Genève. Et ce que demande ce projet de loi, c'est de remonter la directive dans une loi.
Le PLR est très sensible à cette problématique de l'engagement de travailleurs et de fonctionnaires en donnant d'abord une certaine priorité à nos collègues et aux habitants du canton. Nous y sommes sensibles, bien sûr que nous y sommes sensibles, chers collègues, mais j'attire votre attention sur le fait que, suite à l'acceptation de l'initiative sur l'immigration de masse, cette problématique de l'emploi en Suisse est évolutive: nous ne savons pas encore maintenant comment cette initiative va être appliquée. Il va y avoir des évolutions, des changements, et c'est la raison pour laquelle nous pensons que ce projet de loi est prématuré, Mesdames et Messieurs les députés. Il est préférable de maintenir la directive interdépartementale, d'en assurer le contrôle - et je pense que le département ou les départements font en sorte, Monsieur le conseiller d'Etat, qu'elle soit appliquée avec exactitude - avant de changer la loi, au risque, suivant ce qui se passera sur le plan fédéral, de devoir revenir en arrière ou de devoir modifier la législation genevoise. Donc oui, c'est un sujet extrêmement important, et on doit y être attentif. Cela dit, il me semble qu'en commission on nous avait indiqué - j'ai un chiffre en tête - qu'à Genève le nombre de frontaliers dans l'administration, dans la fonction publique au sens large, se situe globalement entre 3 et 3,5%. Peut-être est-ce trop, mais en tout cas cela me paraît être un chiffre qui ne doit pas non plus nous permettre de peindre le diable sur la muraille. Nous sommes donc opposés à ce projet de loi, en attendant de savoir comment l'initiative sur l'immigration de masse sera appliquée en Suisse dans les mois qui viennent, puisque les solutions doivent nous être proposées d'ici à la fin de l'année ou au début de l'année prochaine.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs, notre groupe a refusé ce projet de loi en commission et il continuera évidemment dans cette voie. Les motifs qui nous y conduisent sont nombreux. J'aimerais tout d'abord dire que ce projet arrive de manière inopportune et qu'il est superflu, notamment parce que la directive cantonale existe déjà, comme cela a été mentionné. Mais plus encore, ce projet de loi prévoit des dispositions qui risquent fort d'être invalidées par le Tribunal fédéral, ce qui est quand même plutôt inquiétant, avec par ailleurs des dispositifs tellement lourds qu'ils s'apparenteraient plus à des usines à gaz qu'à autre chose.
L'un des éléments qui a été présenté et invoqué par les auteurs de ce projet de loi était notamment le fait d'assortir la directive cantonale d'un aspect de développement de la formation, voire éventuellement de reclassements professionnels. Mais à ce moment-là, on serait tenté de leur demander pourquoi avoir modifié la LPAC, la loi relative au personnel de l'administration publique, plutôt que la loi sur les mesures cantonales, qui aurait été, elle, mieux adaptée à une intention de ce type-là. Eh bien notre hypothèse est qu'en réalité il ne s'agit pas de développer la formation ou le reclassement professionnel: il s'agit surtout de fermer les frontières et d'instaurer une forme de discrimination entre les travailleurs résidents et frontaliers...
Une voix. Oui ! Oui !
Mme Jocelyne Haller. ...d'ailleurs certains ne s'en cachent pas. (Commentaires.) Pour nous, ce type de discrimination n'est pas admissible, et vouloir donner force de loi à un concept aussi discutable, pour le moins révulsif, dirais-je, ou qui n'a rien d'enviable - je ne trouve pas le mot ! - que la préférence cantonale n'est pas acceptable à nos yeux. A plus forte raison quand il s'agit finalement de nier la réalité économique de ce canton ou bien de ne vouloir qu'une forme d'isolationnisme, ou simplement des rapports économiques totalement unilatéraux, dans lesquels les avantages sont uniquement pour nous et les désavantages uniquement pour les autres. Je vous rappelle que Genève exporte une bonne partie de son chômage, de même qu'une bonne partie de ses problèmes de logement, alors vouloir mettre des frontières comme cela sans admettre qu'il puisse y avoir des contreparties et qu'il existe effectivement un jeu économique qui peut être profitable des deux côtés est simplement un non-sens, auquel nous ne pouvons souscrire. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Présidence de M. Jean-Marc Guinchard, président
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, ce que j'entends m'inquiète profondément et je crois qu'il faudrait peut-être remettre un peu l'église au milieu du village, comme on dit. D'abord, c'est vrai que la première version de la directive avait été mise en place par M. Longchamp, puis elle a été complétée, améliorée et étendue à tout l'Etat, y compris le grand Etat, par notre magistrat du MCG, M. Poggia, et on l'en remercie. Par ailleurs, je confirme qu'il est effectivement extrêmement difficile de la faire appliquer jusqu'au bout. Certes, des efforts sont faits, mais on constate aussi qu'un certain nombre d'entités ne respectent pas cette directive et continuent la politique qu'elles ont menée précédemment, à savoir des engagements de frontaliers alors qu'il y avait des candidats du cru qualifiés pour le poste. On a du reste un exemple - mais je ne vais pas le citer - qui va probablement conduire M. Poggia à demander le licenciement de la personne en question, pour pouvoir engager le candidat qui aurait été pressenti et qui était du cru. Alors finalement je pense que si on en arrive à ce point, c'est qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans cette république. A Genève, on a le taux de chômage le plus élevé de Suisse, on ne fait pas vraiment d'efforts, en tout cas pas suffisamment, et si on n'est pas derrière les entités, derrière les services qui engagent, eh bien cette directive est diversement appliquée ! C'est la raison pour laquelle on voulait l'introduire dans la loi. Et moi je m'inscris en faux contre ceux qui disent qu'il ne faut surtout pas la faire figurer dans la loi, parce que le Groupement des frontaliers va déposer un recours à la Cour européenne. Eh bien qu'il dépose un recours ! De toute façon je crois qu'il en a déjà déposé un contre la directive, alors au point où on en est, ça ne changera pas grand-chose. Qu'il le fasse, ça m'indiffère totalement, c'est son problème !
D'autre part, quand on voit tout le débat qui a lieu au niveau fédéral - Monsieur le président, vous transmettrez à M. Barrillier pour son information, même s'il doit le savoir, mais il l'a omis - eh bien l'une des discussions actuelles consiste évidemment à savoir comment appliquer l'initiative du 9 février, et aujourd'hui le Conseil fédéral est soutenu pratiquement par tous les partis aux Chambres fédérales. En effet, même le PLR indique finalement la préférence nationale comme étant une option, le PDC, par la voix de son président, M. Darbellay, l'avait déjà déclaré, et même le parti socialiste, par la voix de son chef de groupe et de son président, a dit que dans le fond ça pouvait être une option. Et je crois que cela va même plus loin, puisqu'on parle là de préférence nationale. Alors voyez-vous, Mesdames et Messieurs, je pense qu'on doit faire cet effort, on doit être exemplaire dans l'administration, car il y a une valeur d'exemplarité par rapport à tout le secteur privé qui, lui, ne fait pas cet effort, ou ne le fait que très partiellement. Certains jouent le jeu, d'autres non, et je crois qu'on doit y veiller.
Par ailleurs, Mesdames et Messieurs, moi je suis atterré de voir finalement l'UDC rejoindre Ensemble à Gauche ! Allez, on ouvre les frontières et on ne s'occupe plus de ça ! Ils vont même refuser le projet de loi qui va dans leur direction. (Commentaires.) Mais bon, les temps changent, visiblement, et je crois que... (Brouhaha.)
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Daniel Sormanni. Oui, je termine ! Je crois que finalement on n'est pas dans le bon trend. Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il est temps d'effectuer un changement de cap. Aujourd'hui, il y a entre 90 000 et 100 000 frontaliers dans le canton de Genève, pour 240 000 emplois. Alors c'est vrai que des emplois ont été créés, on continue d'en créer, mais ils bénéficient aux frontaliers et non pas à nos chômeurs. En conséquence, Mesdames et Messieurs, il vous faut absolument voter ce projet de loi...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député !
M. Daniel Sormanni. ...qui est empreint de bon sens et qui permettra très certainement de leur donner du travail et de les faire sortir de l'assistance publique.
M. Christian Dandrès (S). La lutte contre le chômage de longue durée est une bataille fondamentale, et je pense que cette bataille-là mérite mieux que les réponses qui sont données par le MCG avec ce projet de loi. On se dédouane un peu à bon compte avec le hochet de la préférence cantonale ou nationale, lequel est malheureusement repris par le PLR qui, de ce point de vue, est assez décevant. En effet, un accord politique a été signé en mars de l'année dernière dans lequel tous les partis, y compris le PLR et l'UDC, au niveau fédéral, ont soutenu le principe de la préférence nationale, ce qui à mon avis est un problème de taille.
Je pense que pour avoir une politique efficace en la matière, il faut quand même s'interroger sur les causes du chômage de longue durée. On a certes connu un développement économique important du canton, ce qui est effectivement à saluer, mais on doit voir que ce développement s'est fait sur la base d'une politique économique axée sur le tertiaire et que cette politique-là a notamment eu comme impact de diminuer l'importance du secteur primaire. Si vous consultez les données statistiques publiées par le canton, vous verrez qu'en l'espace de quinze ans, on a perdu presque 4% dans le secteur primaire. Et je vous assure que les personnes qui ont été licenciées dans ce secteur-là n'ont pas trouvé de travail dans le secteur tertiaire. Ce ne sont pas les mêmes personnes, et ce sont ces chômeurs-là qui vont devenir des chômeurs de longue durée, qu'il ne sera pas possible de «recycler», entre guillemets, ou de réemployer dans le cadre du petit Etat ou du grand Etat. En effet, si vous consultez sur le site internet de l'Etat le bulletin des places vacantes, qui est public, vous verrez que les postes qui s'ouvrent aujourd'hui - j'ai regardé tout à l'heure - sont des postes d'architecte-urbaniste, de médecin, de greffier-juriste ou autre, métiers qui ne me semblent pas être actuellement ceux des chômeurs de longue durée du canton. C'est pour cette raison que je parle de hochet pour enfants sages - ou pas sages, en l'occurrence, venant du MCG - avec la préférence cantonale, car à mon avis ça n'aura aucun impact sur la durée du chômage et sur le fait que des personnes vont rester sur le carreau.
Je pense qu'il faut développer une véritable réflexion sur une économie diversifiée qui permette de garantir, sur le long terme, des emplois pour plusieurs générations. Et cette économie mérite un débat de fond; elle mérite mieux que celui que nous avons au sein du Grand Conseil et que la politique menée par le Conseil d'Etat depuis plus de vingt ans, qui consiste à dire: jouons exclusivement sur la question de la concurrence fiscale et développons le secteur tertiaire, avec effectivement un impact sur la dimension foncière également, qui peut aussi tuer l'artisanat et la construction. Je crois qu'on doit garder ces aspects à l'esprit et qu'il n'y a pas de solution toute faite, c'est pourquoi je trouve regrettable qu'on arrive avec une solution à l'emporte-pièce comme celle de la préférence cantonale, ce d'autant que le canton de Genève sait aussi très largement piocher dans la région frontalière quand il le souhaite, et qu'il le fait également au détriment du contribuable français, qui participe à l'effort de financement et de formation de collaborateurs qui, par la suite, sont engagés dans le tertiaire. Je pense donc qu'il faut avoir une approche globale, dialectique et intelligente sur cette problématique, et ne pas voter des projets tels que celui-ci, même si effectivement la dimension symbolique peut avoir un certain impact. (Applaudissements.)
Mme Frédérique Perler (Ve). Chers collègues, le groupe des Verts persistera dans le refus de ce projet de loi pour toutes les raisons qui ont été évoquées, dans la mesure où le fait d'inscrire dans la loi les principes énoncés dans la directive cantonale qui est actuellement appliquée très largement pose un problème au niveau du droit fédéral et international... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et qu'il ne fait pas l'ombre d'un doute que cette disposition-là serait invalidée par le Tribunal fédéral.
Au final, après huit auditions et un long travail en commission, qui a été développé ici par les uns et les autres, il ressort que ce projet de loi rate sa cible dans son objectif, certes louable, de réinsérer les chômeurs sur le marché du travail. Mais cette problématique de réinsertion, on l'a entendu, relève plutôt de l'amélioration du fonctionnement du traitement du chômage à Genève, et cette problématique doit être contextualisée sur un plan plus économique afin de trouver des réponses adéquates. J'en veux pour preuve que le récent rapport de la Cour des comptes... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...a pointé un certain nombre de difficultés dans le fonctionnement de l'office cantonal de l'emploi et donc de la réinsertion des chômeurs, et qu'il a énoncé plusieurs améliorations à apporter. Tout cela pour vous dire, Mesdames et Messieurs, qu'on ne trouvera dans ce rapport de la Cour des comptes aucune trace concernant le moindre regret quant au fait que la Suisse ait signé des conventions bilatérales. C'est bien dire que le remède est inapproprié dans ce contexte-là, et je m'étonne que les signataires de ce projet de loi persistent dans cette voie. En conclusion, je le répète, le remède n'est pas approprié en l'état, et le groupe des Verts vous invite donc à refuser ce projet de loi.
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, on l'a dit, ce projet de loi vise à inscrire la préférence cantonale dans la loi, en ce qui concerne l'administration cantonale, certes, mais aussi les autres établissements soumis à la LPAC, à savoir notamment les HUG. Aujourd'hui - on l'a également rappelé - cette préférence cantonale existe sous la forme d'une directive, qui est déjà assez contraignante comme ça; dès lors, l'inscrire dans la loi et risquer, comme l'ont très bien dit certains de mes préopinants, de la faire annuler par le TF serait quand même pour le moins piquant, car ça risquerait bel et bien d'enterrer cette préférence cantonale plutôt que de la figer dans le marbre, comme le voudrait le MCG.
Si le PDC peut partager le souci des auteurs de ce projet de loi de diminuer le chômage et de préserver l'emploi à Genève, le parti démocrate-chrétien est en revanche convaincu, à l'instar d'autres groupes qui ont déjà exprimé leurs doutes à ce sujet, que ce projet de loi n'aura pas la moindre influence bénéfique soit sur le chômage, soit sur le maintien de l'emploi à Genève.
J'aimerais à présent m'arrêter un instant sur les HUG, puisqu'il a beaucoup été question d'administration. Imaginons simplement, Mesdames et Messieurs, ce qu'impliquera l'engagement de chaque frontalier, qui devra être soumis à l'attestation d'une commission composée de le-la directeur-trice du service de la main-d'oeuvre étrangère au sein de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail, d'un-e représentant-e du service employeur de l'OCE, d'un-e représentant-e de l'office cantonal de la population et d'un-e représentant-e de l'office pour l'orientation, la formation professionnelle et continue... Cela s'appelle une usine à gaz ! Pour ceux qui peuvent déjà se représenter, au niveau de l'hôpital, la taille du département RH et le tournus qu'il y a dans cette institution, eh bien sachant qu'aujourd'hui - cela a été dit et confirmé par le directeur des ressources humaines des HUG, M. Hertzschuch - 42% du personnel permanent des HUG est frontalier... (Remarque.) ...vous pouvez juste imaginer l'augmentation de la bureaucratie que cela représenterait ! Et par là même, en termes de qualité des soins, ça veut simplement dire aussi l'engagement de temporaires, l'engagement de journaliers, qui - ne vous inquiétez pas - viennent aussi de l'autre côté de la frontière. Donc ce qu'il y a de sûr, c'est que ce n'est un plus ni pour l'emploi, ni pour le fonctionnement de nos institutions. Le PDC vous encourage dès lors à refuser ce projet de loi. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à Mme Danièle Magnin.
Mme Danièle Magnin (MCG). De combien de temps est-ce que je dispose, Monsieur le président ? (Un instant s'écoule.)
Le président. Vous n'avez plus de temps de parole, je suis désolé !
Mme Danièle Magnin. C'est ce que je pensais ! Merci ! (Rires. Commentaires.)
Le président. Je suis navré ! Je passe donc la parole au rapporteur de minorité Sandro Pistis, pour cinquante-deux secondes.
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais tout d'abord revenir sur le terme «discriminatoire». Ce n'est pas vrai, cette loi n'est pas discriminatoire. Je pense qu'aujourd'hui, si on doit parler de discrimination, eh bien la discrimination est subie par les Genevois qui se voient licenciés. On a tout récemment évoqué le cas d'un EMS dans lequel plus de sept personnes habitant le canton de Genève ont été licenciées - cela a fait la une de la «Tribune de Genève» - et où, en lieu et place, ce sont des frontaliers qui ont été engagés.
Par ailleurs, j'ai entendu certains députés s'exprimer, mais je pense qu'il s'agissait plutôt de langue de bois face à un vrai problème que notre canton connaît aujourd'hui. A Genève, quasiment la moitié des travailleurs sont des frontaliers, on ne peut plus continuer à aller dans ce sens-là !
Enfin, je suis quand même surpris de l'attitude d'un groupe qui, sur le plan fédéral, soutient à juste titre une initiative pour limiter...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Sandro Pistis. ...l'immigration de masse et qui, lorsqu'il faut voter sur le plan cantonal pour la priorité de l'emploi aux résidents, fait volte-face. Je trouve ça quand même scandaleux.
Le président. C'est terminé, Monsieur le député, je vous remercie. La parole est au rapporteur de majorité Alberto Velasco, pour une minute dix-huit.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, ce projet de loi soulève un problème qui dépasse très largement le territoire genevois. C'est la mondialisation libérale, mes amis ! On pensait que cette mondialisation libérale allait permettre aux pays du Sud de récolter les emplois qu'ici on diminuait, mais le résultat est tout le contraire, ce sont des rapports au niveau européen et mondial qui le disent ! Non, Mesdames et Messieurs, il n'y a pas d'emplois dans le Sud, et ces gens viennent ici concurrencer les travailleurs autochtones, effectivement. Malheureusement, cette libéralisation qui n'a pas été accompagnée des cautèles sociales fait qu'aujourd'hui les travailleurs doivent s'arracher les emplois, ce qui est dramatique. Mais, chers collègues du MCG...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Alberto Velasco. Oui, Monsieur le président ! ...votre projet de loi n'amène aucune solution, malheureusement, car le problème n'est pas là. C'est avec des réformes sociales importantes qu'il faut aujourd'hui une solidarité au niveau européen mais, encore une fois, l'Europe s'est construite avec un statut libéral, le monde est entré dans une libéralisation à outrance, et les conséquences, c'est ça, chers collègues. C'est ça ! Et, vous voyez, nous-mêmes ici dans ce parlement nous sommes démunis face à ça, Mesdames et Messieurs, voilà le drame auquel nous sommes soumis...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Alberto Velasco. ...et auquel d'autres parlements sont soumis. Je regrette, mais pour les raisons techniques que j'ai exposées précédemment, on ne pourra pas entrer en matière sur ce projet de loi.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi vise à inscrire dans la loi précisément ce qui se fait aujourd'hui - et qui fonctionne très bien - au niveau des directives, lesquelles ont été renforcées au cours de ces cinq dernières années. On a donc cette obligation d'annonce des postes vacants à l'office cantonal de l'emploi dix jours avant que ceux-ci ne soient rendus publics, et ça marche extrêmement bien; dès lors, il y a réellement une préférence qui est donnée aux demandeurs d'emploi. Cette pratique a été étendue au grand Etat, enfin aux établissements de droit public - aux principaux, du moins - et depuis mai 2014 on a renforcé ce privilège, si on peut dire, ou en tout cas cette priorité pour les demandeurs d'emploi en faisant en sorte qu'ils soient obligatoirement reçus par les recruteurs dans les services. Donc véritablement ce système fonctionne, Mesdames et Messieurs, et il fonctionne parce qu'il est aujourd'hui inscrit de manière souple dans les directives. En revanche, s'il était inscrit dans la loi, il pourrait réellement être attaqué et il serait attaquable.
J'aimerais encore ajouter que, d'après les chiffres de 2012 que je possède, ce dispositif a permis à l'Etat - petit et grand Etat - d'engager près de 500 personnes; 500 personnes, Mesdames et Messieurs ! C'est donc dire que le dispositif fonctionne parfaitement et qu'il n'y a absolument aucune raison d'ancrer cela dans la loi. Je vous invite par conséquent, au nom du Conseil d'Etat, à bien évidemment refuser ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant... (Remarque.) Monsieur Pistis ?
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de minorité. J'aimerais juste demander le vote nominal, s'il vous plaît !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Manifestement oui. Nous allons donc nous prononcer sur l'entrée en matière de ce projet de loi au vote nominal.
Mis aux voix, le projet de loi 11339 est rejeté en premier débat par 71 non contre 17 oui et 2 abstentions (vote nominal).