République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 4 février 2016 à 17h
1re législature - 2e année - 13e session - 89e séance
M 2254
Débat
Le président. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à l'auteur de cette proposition de motion, M. Thomas Bläsi.
M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Monsieur le président. Je pense que ce parlement va probablement devenir le meilleur spécialiste en affaires de pharmacie, qu'elle soit hospitalière, privée ou autre. Vous avez pu constater dernièrement qu'une émanation de la société civile s'est réunie en association pour défendre les intérêts des pharmaciens indépendants, l'AGPI. Cette démarche s'inscrit dans un contexte national, puisque la création d'une association suisse des pharmaciens indépendants a également eu lieu. De même que les pharmaciens indépendants suisses ne se sentent pas représentés par pharmaSuisse, les pharmaciens indépendants à Genève ne se sentent pas représentés par pharmaGenève. Ce qui est intéressant dans ce dossier c'est que le discours est très clair lorsque l'on consulte les différents acteurs, dont le département de M. Poggia. Il veut rendre service à la population, offrir un service à la population, mais ne souhaite pas un projet commercial. Si vous parlez avec le directeur des HUG, M. Levrat, il vous dira la même chose. Il veut un service à la population, mais il ne souhaite pas un service commercial. Le président du Conseil d'administration des HUG, M. Canonica, vous tiendra également le même discours. Il veut un service à la population mais toujours pas d'une pharmacie ou d'un projet commercial. Le seul intervenant dans ce dossier qui veut absolument avoir une base commerciale est pharmaGenève. Et je pense que c'est là qu'il y a un heurt entre les différentes positions que nous pouvons avoir dans ce parlement.
Notre groupe a été particulièrement sensible aux propositions suggérées par le groupe des Verts de réalisation du service tout en essayant de limiter l'intérêt commercial du projet pour en éviter, en partie, les impacts. Je ne les reprendrai pas ici, car ce sont eux qui en ont la paternité, et j'espère que nous pourrons renvoyer cette proposition à la commission de la santé pour qu'ils puissent aussi nous expliquer quel est leur projet et nous pourrons probablement les rejoindre.
Le problème posé par le projet dont nous discutons est le risque: le risque pour la proximité, le risque pour le maintien à domicile des personnes et le risque pour le chômage que cela va créer. Un certain nombre d'acteurs n'ont jamais été entendus à l'époque par la commission des pétitions, et je pense en particulier aux syndicats, notamment le syndicat des assistantes en pharmacie, des préparateurs et également, même s'ils n'ont pas encore de syndicat à l'heure actuelle, les apprentis pour lesquels se pose le problème du nombre de places d'apprentissage qui sont garanties par ces pharmacies de quartier.
Les opposants, déterminés à ce que ce projet ne se fasse pas, ont même effectué ce qu'ils demandaient au département, c'est-à-dire de procéder à des études sur les impacts économiques et sociaux, qui, au départ, étaient réduits à leur plus simple expression par le département qui nous expliquait qu'il n'y aurait aucun impact sur les pharmacies de quartier. Heureusement, les choses évoluant et les opposants étant déterminés, le département a fini par admettre que les arguments des opposants n'étaient pas farfelus. Les statistiques effectuées par les opposants montrent que la pharmacie qui sera le plus touchée par la création de cette pharmacie privée aux HUG est une pharmacie qui est située à Vernier. Elle a déjà programmé de supprimer six postes d'assistantes en pharmacie. Pas de pharmaciens... Pas de problème avec la formation des pharmaciens. Pas de problème, probablement, avec la pérennité de leur officine, parce qu'il s'agit d'une grosse officine, mais par contre il est intéressant de voir que, par rapport au cercle d'impact de ce projet, il est très éloigné de la périphérie de l'Hôpital cantonal. Cela dépend de la réception des ordonnances médicales et de l'habitude de fréquentation également des cabinets privés qui sont à l'Hôpital cantonal.
Un certain nombre de problèmes ont été circonscrits dans le projet, et d'autres non. Ceux qui n'ont pas été circonscrits sont en partie ceux que je vous ai déjà décrits, mais il y en a d'autres. Nous n'avons pas, alors que nous parlons d'une surface commerciale qui appartient à l'Etat, de business plan, nous n'avons pas de loyer, nous n'avons pas d'étude des impacts économiques et sociaux et nous n'avons aucune connaissance très claire des rétrocessions prévues hormis un hypothétique 2% sur les bénéfices. Par contre, ce qui est très déterminé c'est la répartition d'actionnariat. Ça c'est clair, c'est déjà fait. Et la structure du conseil d'administration de la future pharmacie, ça aussi c'est déjà clair. Pourquoi ? Eh bien, parce que l'on est toujours dans une logique de projet commercial. Travailler à une solution favorable à la population, nous pouvons le faire ensemble et nous pouvons le faire en commission. Nous pouvons prendre le modèle de ce qui a été réalisé au CHUV, c'est-à-dire monter cette pharmacie dans les étages et ne pas avoir une ouverture vers l'extérieur, ce qui limitera énormément les dégâts pour les pharmacies de quartier. Nous pouvons envisager un guichet avec l'un des trente pharmaciens employés par les HUG, et ainsi les coûts seraient limités et le service de nouveau rempli. Mais il faut toutefois se méfier avec ces propositions, non pas que je n'y sois pas ouvert, mais suite au refus de la pétition, l'Association des médecins de Genève s'est déjà clairement prononcée sur le fait que, si ce projet voyait le jour, ils demanderaient la propharmacie à Genève. Je sais que les proposants affirment que, sans qu'on teste cela, ce projet sera refusé et que ce n'est donc pas un problème. Peut-être ou peut-être pas... Mais ce qui est certain c'est que nous n'avons pas besoin de ce type de guerres à Genève que nous avons évitées, contrairement à nos collègues suisses allemands. A l'heure actuelle, la situation économique des pharmacies décrite dans la motion est claire. Une pharmacie sur cinq est condamnée. C'est quelque chose qui est effectif...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Thomas Bläsi. J'ai encore le temps du groupe, non ?
Le président. C'est déjà le temps du groupe.
M. Thomas Bläsi. Alors je vais conclure. Je m'adresserai en conclusion à mes collègues MCG. J'ai attentivement écouté leur dernière déclaration au Conseil municipal, à savoir que le groupe MCG défendra toujours les entrepreneurs, défendra toujours les petits commerçants, défendra toujours les artisans et le commerce de quartier. Eh bien aujourd'hui, Messieurs du MCG, et je vous parle en toute amitié, c'est un entrepreneur que vous avez devant vous. C'est une tripotée d'entrepreneurs que vous avez derrière moi. Et, en face, ce que vous avez ce sont des groupes commerciaux, comme Amavita qui représente...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Thomas Bläsi. ...600 pharmacies sur les 1600 en Suisse. Merci, Monsieur le président. Je demande le renvoi à la commission de la santé.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). J'avoue être un peu perplexe face à cette situation et face aux conclusions de la motion qui nous est présentée ce soir. Perplexe en premier lieu parce que j'ai l'impression qu'on nous demande d'arbitrer une bisbille entre les membres d'une association professionnelle reconnue - reconnue par les autorités, qui existe depuis un certain nombre d'années, qui a fait la preuve de son dynamisme depuis sa création - et une dissidence de cette association qui s'est récemment créée dans le cadre d'une nouvelle association. C'est le premier point de la perplexité.
Deuxième point: si j'ai bien compris le projet tel qu'il est prévu avec les HUG, nous avons en face de nous un contrat de collaboration avec les HUG, c'est-à-dire un partenariat entre un établissement public autonome et une association professionnelle, représentative sur le terrain puisqu'elle regroupe environ 120 pharmacies à l'heure actuelle et que, sur ces 120 pharmacies, 90 d'entre elles ont accepté, en assemblée générale, le principe de cette collaboration.
Quant à la condamnation des pharmacies qui seraient susceptibles de fermer, il est vrai que ce secteur n'a jamais fait l'objet d'une clause du besoin, comme dans d'autres secteurs. Je pense notamment aux cabinets médicaux, et il est vrai aussi que, si vous longez la rue des Eaux-Vives, vous y trouverez plus de pharmacies que de bistrots et que, dans toutes ces pharmacies, on essaie d'arriver à vendre autre chose que des médicaments afin de pouvoir survivre. Cela étant, depuis l'annonce de cette collaboration entre les HUG et pharmaGenève pour une pharmacie qui n'est pas une pharmacie publique puisqu'elle se situe à l'intérieur des locaux et qu'elle ne donne pas sur l'extérieur, il est tout de même curieux de constater que, dans ce cadre-là, quatre nouvelles pharmacies ont ouvert dans le périmètre de l'hôpital.
Dans ce contexte, je n'ai pas l'impression qu'il appartienne à notre Grand Conseil d'intervenir et d'arbitrer cela, et je fais toute confiance au département ainsi qu'aux HUG pour une collaboration efficace avec pharmaGenève, collaboration à laquelle s'ajoute également un aspect scientifique, puisqu'il y a une collaboration scientifique qui va s'instaurer entre les académiciens et les professionnels de terrain. Le groupe PDC vous recommande dès lors de rejeter cette motion.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Sarah Klopmann.
Mme Sarah Klopmann (Ve). Merci, Messieurs les présidents ! (Rires.) Monsieur le président, je ne sais pas pourquoi je vous appelle «les présidents»... (Rires.) Les Verts regrettent que cette motion n'ait pas été liée à la pétition que nous avons traitée il y a quelques mois, parce que l'on est en train de refaire exactement le même débat, et c'est ce que nous avions annoncé...
Donc, comme je l'avais déjà dit, certains éléments de ce dossier laissent les Verts un peu dubitatifs. Tout d'abord, le fonctionnement évidemment n'a pas encore été bien défini et semble plus qu'obscur. Il y a des conflits d'intérêts autour de ce projet et, surtout, les clients seront captifs lorsque cette pharmacie existera - si elle existe. Normalement, on devrait quitter l'hôpital avec une ordonnance et avec les médicaments qui nous permettent de tenir jusqu'au jour où les pharmacies vont rouvrir si c'est le week-end. Cela fait d'ailleurs partie du forfait hospitalisation. Mais avec ce projet on ne repartira ni avec notre ordonnance ni avec nos médicaments. Mais l'ordonnance pourra être directement descendue à la pharmacie des HUG et c'est donc là que les gens iront chercher leurs médicaments. Quand on sait que les HUG sont le plus grand prescripteur d'ordonnances du canton, on comprend bien la crainte de concurrence déloyale pour les autres pharmacies.
Mais, surtout, le principal problème c'est celui du prescripteur-vendeur. D'ailleurs, il y a un recours pendant au Tribunal fédéral contre l'autorisation d'exploiter la pharmacie publique qui est à la maison de la santé à Onex. Nous verrons donc quelle sera la décision du TF. Mais avec ce problème du prescripteur-vendeur, on a déjà la perte du deuxième contrôle. On diminue aussi le libre choix de sa pharmacie. On risque aussi l'extension de ce principe pour tous les médecins en Suisse romande. Une fois que cela sera réalisé aux HUG et dans de nombreux établissements publics médicaux, comment dire aux médecins qu'ils ne pourront pas prescrire et vendre des médicaments ? (Fort brouhaha.) Je vais attendre que ce monsieur se taise... Je suis désolée, mais cela me fait un retour un peu perturbant... Cela est donc très dommageable pour la santé publique et pour la liberté de choix, surtout quand on sait que dans le domaine pharmaceutique il y a de nombreux lobbies et échanges de bons procédés, ce que nous regrettons par ailleurs fortement. La tendance ira vers «prescrire plus pour vendre plus» alors qu'il faudrait plutôt gérer les médicaments de manière plus intelligente, et on sait maintenant que généralement les médicaments sont toujours prescrits de manière trop généreuse et fréquente. Nombre de personnes utilisent régulièrement plus de trois, quatre ou cinq médicaments alors qu'à partir de trois les effets ne sont plus compatibles. Voilà pour les critiques. Néanmoins, il y a aussi des avantages indéniables...
Le président. Il vous reste vingt secondes.
Mme Sarah Klopmann. ...à cette pharmacie. Déjà, c'est un service à la population quand on sort des urgences. Mais aussi, c'est bien de savoir où est la pharmacie de garde ouverte. Toutefois, nous tenterons de rectifier les problèmes dont je vous ai parlé en déposant des amendements...
Le président. Il vous faut conclure.
Mme Sarah Klopmann. ...portant sur le fait qu'il n'y ait pas de parapharmacie...
Le président. C'est terminé, Madame la députée. La parole est à M. Christian Frey.
M. Christian Frey (S). Merci, Monsieur le président. Comme ma préopinante vient de le dire, ce sujet a été débattu longtemps à la commission des pétitions, qui a pris la décision, à une confortable majorité, de déposer la pétition en question sur le bureau du Grand Conseil. La discussion que nous avons aujourd'hui semble effectivement un peu «réchauffée», mais l'argumentation n'est pas tout à fait la même. Lors du traitement de la pétition, il y avait des arguments qui allaient jusqu'à la négation de l'audition que nous avions eue de l'IMAD, qui nous avait indiqué avoir besoin de cette pharmacie pour fonctionner à 4h du matin si nécessaire, ses intervenants ne pouvant pas en plus aller chercher des médicaments ou se déplacer...
Pour les socialistes, la raison pour laquelle nous souhaitons le rejet de cette motion 2254 est l'intérêt public prépondérant. Si une maman - c'est un des exemples qui a été donné à la commission des pétitions - se présente en ambulatoire à l'hôpital à 4h du matin pour une urgence, il faut qu'elle puisse recevoir ses médicaments avant de rentrer chez elle sans se préoccuper de savoir où se trouve la pharmacie de garde... Pour notre groupe, cet intérêt public prépondérant domine, et c'est la raison pour laquelle nous vous invitons à refuser clairement cette motion, ce qui ne sera que la suite du dépôt sur le bureau du Grand Conseil de la pétition qui, avec des arguments divers, certes un peu différents, défendait exactement les mêmes intérêts. Je vous remercie.
M. Eric Stauffer (MCG). Je tiens à féliciter - vous transmettrez, Monsieur le président - le premier signataire de cette motion, M. Bläsi, pour les raisons suivantes. Il a réussi à manipuler son groupe, parce que nous savons tous qu'il aime bien titiller notre conseiller d'Etat à propos des HUG et sur d'autres sujets. Mais, en l'occurrence, il a réussi à retourner son groupe pour une histoire un peu comme les assurances-maladie où des prés carrés sont gardés. Et cela a marché puisque tout le groupe UDC va accepter cette motion évidemment contre une très large majorité de ce parlement. Alors j'aurais pu suivre, Monsieur Bläsi, si effectivement - après je vous donnerai mon point de vue - c'était l'Etat qui créait sa propre pharmacie aux HUG. Dans ce cas, on aurait pu se poser la question de la concurrence déloyale, comme l'évoquait ma préopinante Verte, à savoir que c'est celui qui émet l'ordonnance qui va vendre le médicament. Mais ce qu'a fait notre ministre de la santé, ce n'est absolument pas cela. Les HUG louent une surface commerciale et c'est l'autorité faîtière - pharmaGenève, qui représente 80% des pharmacies - qui va choisir la structure à mettre comme un locataire, à l'instar du salon de coiffure que vous avez aux HUG. Ce n'est donc pas le salon de coiffure des HUG, mais c'est une surface qui est louée, et la pharmacie aux HUG c'est exactement la même chose. Alors quand on lit dans la motion, à la page 2, que M. Bläsi - qui exploite, comme tout le monde le sait, un étal de maraîcher qui vend des salades sur les marchés - avait postulé pour avoir cette pharmacie aux HUG et que son dossier a été écarté au profit de pharmaGenève, eh bien on a bouclé la boucle, et on a compris ! Mais nous, au MCG, nous ne sommes pas rancuniers...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Eric Stauffer. Je vais conclure. ...surtout avec nos alliés, même si quelques coups de canif sont donnés de temps en temps à notre conseiller d'Etat Mauro Poggia. Mais je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de balayer sèchement la motion de l'UDC, car c'est tout ce qu'elle mérite.
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous avez raison, la rancune ce n'est pas bon. Je passe la parole à M. le député Pierre Conne.
M. Pierre Conne (PLR). Merci, Monsieur le président. Pour le groupe PLR, cette motion soulève toute une série de questions, plus qu'elle n'apporte de réponses, parce qu'évidemment l'invite qui demande de renoncer à l'ouverture de cette pharmacie hospitalière est un peu péremptoire, et nous ne pouvons pas accepter cette invite telle quelle et la renvoyer au Conseil d'Etat. Par contre, il est vrai que cet objet soulève un certain nombre de questions qui mériteraient, à notre avis, d'être traitées à la commission de la santé. Et nous allons effectivement demander le renvoi à la commission de la santé.
Les questions sont de différents ordres, notamment le processus relatif à l'ouverture d'une pharmacie hospitalière, le choix du partenaire privé, les conditions d'exercice de cette pharmacie hospitalière, etc. Tous ces éléments mériteraient d'être clarifiés, parce que demain, on pourrait tout à fait imaginer que d'autres cabinets de groupe, maisons de santé ou cliniques privées demandent, avec les mêmes arguments que les HUG, à ouvrir leur pharmacie. Donc ce point est vraiment important et mérite d'être étudié.
Nous nous sommes ralliés aux arguments des signataires de cette motion sur le point qui concerne le risque, pour des pharmacies de quartier, de devoir fermer suite à l'ouverture de cette pharmacie hospitalière. Vrai ou faux, ce point mérite aussi d'être traité, parce que nous avons la chance, à Genève, d'avoir des pharmacies de quartier qui représentent le dernier maillon de contrôle de la qualité de délivrance des médicaments, particulièrement pour les malades chroniques qui prennent beaucoup de médicaments et qui peuvent effectivement bénéficier d'un service de proximité extrêmement utile, cela d'autant plus que le département fait la promotion - et nous le soutenons - de MonDossierMedical.ch, qui fait qu'effectivement, si les médecins des hôpitaux et des cliniques utilisent ce dispositif, la prescription arrive à la pharmacie de quartier habituelle du patient avant même qu'il ne sorte de l'hôpital, et que les médicaments peuvent être livrés à domicile avant l'arrivée du malade. Je vois donc que cet élément relatif à l'accès aux médicaments pourrait être menacé par une pharmacie qui, par concurrence, ferait que des pharmacies de quartier pourraient fermer.
Un autre élément est préoccupant. Cette pharmacie des HUG, semble-t-il, est en main de grands groupes de distribution des médicaments. C'est une forme de cartellisation cantonale de la distribution des médicaments qui pourrait conduire, à terme, à une raréfaction du choix des médicaments à disposition dans le canton. Voilà donc encore un point qui mériterait d'être soigneusement étudié, à partir du moment où on touche à la distribution des médicaments. Un certain nombre d'arguments ont été avancés par notre collègue Verte Mme Klopmann s'agissant de la manière dont les patients sortant des hôpitaux, et cela pourrait être la même chose pour les cliniques...
Le président. Il vous reste quinze secondes.
M. Pierre Conne. ...pourraient bénéficier du traitement nécessaire pris dans le forfait hospitalier pour les 24 heures suivant la sortie.
Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe PLR vous demande de renvoyer cette proposition de motion à la commission de la santé. Je vous remercie.
Mme Jocelyne Haller (EAG). On nous a parlé tout à l'heure d'un intérêt public prépondérant qui serait celui - et l'exemple a été pris - d'une mère qui, au milieu de la nuit, devrait aller chercher des médicaments ailleurs. L'impression que nous donne toute cette argumentation contre cette motion c'est que c'est plutôt l'intérêt privé qui a dominé, en l'occurrence. Finalement on favorise une grande entreprise pharmaceutique de la place, elle a été nommée: pharmaGenève. On lui offre, certes contre rémunération, mais dans un endroit idéal, avec une localisation magistrale, une population captive, et finalement que se passe-t-il ? Les gens qui sortiraient de l'hôpital iraient acheter les médicaments sur place, évidemment, et n'iraient donc pas dans leur pharmacie de quartier. Ce qui nous est annoncé comme risque subséquent est effectif. Si demain vous ne voulez plus avoir de pharmacie dans votre quartier ou près de chez vous, et que vous devez retourner à la pharmacie de l'hôpital, eh bien vous verrez les conséquences que cela engendrera. Pour nous, cette motion est bienvenue. Elle pose des questions importantes. Alors soit vous l'acceptez, soit à tout le moins vous la renvoyez à la commission de la santé pour que ces aspects-là soient creusés. Mais, de grâce, ne la balayez pas, parce que privilégier les intérêts privés comme vous êtes en train de le faire maintenant, en tout cas pour certains d'entre vous, n'est pas acceptable. Et c'est la responsabilité de ce parlement de veiller à l'intérêt public, mais à l'intérêt public bien pensé. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Monsieur Lussi, vous n'avez plus de temps de parole.
M. Patrick Lussi (UDC). J'aimerais juste répondre, parce qu'on nous a attaqués en disant que le groupe UDC était manipulé...
Le président. Non, non...
M. Patrick Lussi. Je veux simplement dire que nous ne sommes pas manipulés. Certes, nous pensons différemment...
Le président. Merci, Monsieur le député...
M. Patrick Lussi. ...mais ce terme de manipulation est une erreur, et je veux...
Le président. Je passe la parole à M. Jean-Luc Forni pour dix secondes.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Monsieur le président, j'aimerais juste préciser une chose. Je suis lié par l'article 24, mais pharmaGenève n'est pas une big pharma. C'est l'association des pharmacies indépendantes et de chaînes du canton de Genève. Les chaînes ont 30 voix sur 135 membres.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole au conseiller d'Etat Mauro Poggia.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Je ressens un certain malaise, je ne vous le cache pas, en écoutant les uns et les autres ici, et si je mets en relation ce que nous venons d'entendre avec ce que nous avons entendu concernant Joli-Mont et Montana, j'ai vraiment le sentiment que l'on instrumentalise ce parlement, et vous savez à quel point je lutte contre le lobbyisme sournois et occulte au sein du Parlement fédéral, et j'ai le très net sentiment que ce lobbyisme est en train d'entrer dans ce parlement. Et certains, à l'extrême gauche, avec une bonne foi évidente, ne se rendent pas compte à quel point ils servent certains intérêts privés avec une bonne volonté tout évidente.
Je m'explique, Mesdames et Messieurs les députés. Ce matin, vous avez renvoyé en commission le projet de loi de fusion Joli-Mont - Montana avec le soutien d'un groupe politique d'où provient précisément cette motion, groupe politique dans lequel certains pharmaciens, et qui ne sont pas là pour défendre l'intérêt public, je vous l'assure, considèrent qu'effectivement c'est leur intérêt particulier qui est en jeu. Vous avez renvoyé ce projet de loi en commission. Aujourd'hui, retour d'ascenseur - nous le savons, dans le lobbyisme c'est Schindler et Otis ! - le parti qui a bénéficié de ce renvoi en commission, parti qui, à l'évidence, à en lire notre quotidien «bleu», soutient les cliniques privées qui veulent le démantèlement de nos hôpitaux universitaires de Genève, eh bien à son tour vous demande de renvoyer en commission la motion déposée par certains pharmaciens, soutenus, également avec une totale bonne foi, par un groupe politique qui est malheureusement l'innocent véhicule d'intérêts privés qui semblent le dépasser. (Rires.)
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, cette situation qui me met mal à l'aise. On vous présente pharmaGenève comme une société privée âpre aux gains alors que c'est une association dont la création a été précisément demandée pour qu'elle soit ouverte à l'ensemble des pharmaciens du canton pour la simple et bonne raison qu'il est exclu que cette surface soit mise à la disposition d'un grand groupe pharmaceutique, grand groupe pharmaceutique - j'ouvre la parenthèse - qui attend bien sûr l'occasion, en toute impunité, sans aucune motion parlementaire utile pour le freiner dans cette opération, pour ouvrir une pharmacie, en face des HUG, comme il peut le faire bien sûr et qui mangera, impunément, dans son seul intérêt personnel, l'ensemble des petits pharmaciens du quartier, en gardant pour lui tous les bénéfices et en ouvrant quand bon lui plaira. Alors que nous avons essayé ici de créer non pas la pharmacie des HUG, comme M. Stauffer l'a dit, mais une pharmacie aux HUG qui réponde à l'intérêt de la population genevoise.
Quel est l'intérêt de cette population genevoise ? C'est d'avoir des médicaments de sortie lorsqu'elle quitte les HUG, le cas échéant des préparations spécifiques, de bénéficier d'une ouverture 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 et 365 jours par année, de mettre en place des liens avec l'ensemble des pharmacies de ville pour la formation des pharmaciens. Donc une pharmacie dans laquelle pourront travailler l'ensemble des pharmaciens qui le souhaitent à tour de rôle pour assurer la formation et l'avenir de cette profession. Il est déjà prévu que la pharmacie qui est au boulevard de la Cluse, qui évidemment sera en concurrence directe, soit rachetée au juste prix, avec la reprise de l'intégralité des employés dans le cadre de la pharmacie de pharmaGenève pour qu'il n'y ait pas de destruction d'une pharmacie de quartier. Il s'agit aussi de développer tout le volet académique en lien avec la section des sciences pharmaceutiques de l'Université de Genève et de développer des partenariats avec l'ensemble des institutions qui travaillent à domicile comme, en particulier, l'IMAD. Il s'agit véritablement d'un instrument de planification sanitaire du canton que nous essayons de mettre en place pour éviter précisément, comme j'aurais pu vous le dire ce matin, que Montana et Joli-Mont ne soient rachetées par des cliniques privées qui n'attendent que cela, et précisément, ici aussi, pour éviter que de grands groupes pharmaceutiques, qui essaient de vous convaincre que c'est l'intérêt public qui doit guider votre action dans ce domaine, ne s'installent, eux seuls, pour prendre le marché à cet endroit-là.
Vous pouvez bien sûr renvoyer cette proposition de motion en commission, mais ne soyez pas dupes. Vous êtes, Mesdames et Messieurs, instrumentalisés pour des intérêts privés. Je vous remercie.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vais donc vous faire voter... Il n'y a plus de temps de parole, Monsieur Lussi. (Exclamations.)
Plusieurs voix. Nous avons été mis en cause...
Une autre voix. Je ne parlerai pas de la motion...
M. Patrick Lussi (UDC). Nous sommes dans une assemblée politique. Dans une assemblée politique, nous exprimons certes des conceptions, des projets de lois, mais je trouve paradoxal, malvenu et pas correct qu'un conseiller d'Etat s'attaque pareillement à un député qui a quand même une fonction et qui représente quelque chose. C'est la seule chose que je voulais dire, et je vous remercie, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)
Le président. Je vais donc vous faire voter le renvoi à la commission de la santé de cette proposition de motion.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2254 à la commission de la santé est adopté par 48 oui contre 35 non et 7 abstentions.