République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 4 février 2016 à 8h
1re législature - 2e année - 13e session - 86e séance
PL 10985-A
Premier débat
Le président. Nous passons au point suivant de l'ordre du jour. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Jean-Luc Forni.
M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi a eu le mérite de mettre en lumière un problème important dans l'octroi des prestations d'aide sociale aux bénéficiaires de rentes AI et AVS. En effet, le service des prestations complémentaires, chargé d'octroyer celles-ci pour cette catégorie de bénéficiaires, prenait souvent de longs mois avant de rendre une décision, suite à la complexité des dossiers, ou parce qu'il était complètement immergé dans sa tâche première, à savoir de servir les prestations complémentaires. Cette attente laissait les plus démunis dans une situation précaire, l'aide sociale parfois nécessaire étant subsidiaire aux décisions de prestations complémentaires rendues. Un groupe de travail réunissant tous les partenaires intéressés a donc été créé à l'initiative de Mme la conseillère d'Etat Isabel Rochat à la fin de la première partie des travaux de la commission et a abouti en 2012 à la conclusion d'une convention entre l'Hospice général et le service des prestations complémentaires. A la reprise des travaux, en 2014, la commission a pu constater, rapport à l'appui, que cette convention réglait quasi l'ensemble des préoccupations soulevées par le projet de loi. Dès lors, pour le département et pour la majorité des commissaires, la situation est satisfaisante. Ainsi, depuis que cette convention existe, quelque 150 dossiers ont été traités par cette antenne, dont 8 ont fait l'objet d'avances d'aide sociale par l'Hospice général pour une période supérieure à trois mois, avant que le service des prestations complémentaires cantonales ne reprenne cette prestation une fois la décision rendue.
Les commissaires se sont ensuite penchés sur l'adéquation de l'organisation du système voulu par la LIASI et la loi sur les prestations complémentaires cantonales, afin de voir s'il y avait matière à revoir, justement, les compétences attribuées à l'Hospice général et au service des prestations complémentaires pour l'aide sociale et lesdites prestations. Un amendement socialiste proposait que toute avance au titre de prestation d'aide sociale soit distribuée par l'Hospice général et que le service des prestations complémentaires ne s'occupe justement que de celles-ci. Dans l'esprit de l'auteur de l'amendement, il s'agissait de redonner à chacun son métier, à savoir que l'Hospice s'occupe de l'accompagnement à l'aide sociale et le service des prestations complémentaires des prestations administratives. Il est cependant vite apparu que cet amendement retirait au SPC - le service des prestations complémentaires - l'intégralité de sa compétence en matière d'aide sociale AVS-AI à domicile et en EMS, ainsi que l'aide sociale en lien avec les prestations complémentaires familiales. Ce serait un changement important de compétences en matière d'aide sociale en faveur de l'Hospice général, qui impliquerait le transfert d'environ 800 dossiers du service des prestations complémentaires à l'Hospice, avec des coûts non négligeables en termes de postes de travail supplémentaires. L'Hospice général aurait ainsi une charge porte-monnaie sans réelle plus-value dans l'accompagnement social et la réinsertion, vu le profil des bénéficiaires. Les commissaires ont conclu qu'il ne fallait pas changer toute la colonne vertébrale du système mis en place par la LIASI et le déstabiliser en opérant des changements de fonctionnement importants qui en diminueraient les performances. Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, la commission des affaires sociales a décidé à une confortable majorité de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi, et elle vous invite à la suivre.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Au travers de ce projet de loi, c'est finalement une situation incongrue qu'on cherchait à corriger. Pendant près de quatre ans a eu lieu dans notre canton un déni de droit au nom d'une notion du principe de subsidiarité totalement mal comprise, puisqu'on opposait le besoin du minimum vital à celui de la subsidiarité. Avec la convention signée entre l'Hospice général et le SPC, comme l'a dit M. Forni, cette inégalité de traitement a été partiellement corrigée, et cela représentait une avancée. Cela étant, le système qui demeure aujourd'hui n'est de loin pas satisfaisant. La première question qu'on pourrait se poser est la suivante: pourquoi a-t-on confié à un service qui n'en a ni la vocation, ni les compétences, ni les ressources, ne serait-ce qu'au niveau informatique, une mission qu'il n'est pas à même d'accomplir ? Parce que finalement, confier les avances sur les prestations AVS-AI ou sur les prestations SPC au service des prestations complémentaires, c'est confier des personnes qui sont en difficulté, qui sont dans une situation transitoire demandant un certain accompagnement, de l'aide pour des démarches, à un service qui n'est pas en mesure de le leur apporter et qui ne traite leur situation que sous un angle administratif et financier. On vous dira, puisque c'est ce qui nous a été dit en commission, que la convention a été évaluée, et positivement, et que les personnes qui ont mené cette évaluation en étaient tout à fait satisfaites. Cela aurait pu peut-être nous satisfaire également, si nous n'observions pas que les personnes qui ont fait cette évaluation sont précisément les protagonistes de cette convention et le département. En revanche, ceux qui n'ont pas été entendus, ce sont les autres services sociaux: privés, communaux, qui aujourd'hui voient reporter sur eux une importante part du travail qui n'est pas fait par le SPC à la fois en termes d'accompagnement social mais aussi en termes financiers, parce qu'une inégalité devant la loi demeure. Car il faut le savoir, aujourd'hui, la LIASI n'est pas appliquée de la même manière selon qu'elle l'est par le service des prestations complémentaires ou par l'Hospice général. C'est pourquoi nous vous proposons un amendement général, parce que le projet de loi tel que présenté à l'origine par ses signataires proposait de modifier la loi sur les SPC. Malheureusement, cette manière de faire n'était pas satisfaisante. L'amendement qui vous est proposé - il figure à la page 105 du rapport - vous propose donc, d'une part, de modifier la loi sur les prestations complémentaires, pour faire en sorte que lorsque les personnes qui se trouvent en attente de prestations complémentaires AVS-AI sont en difficulté et ne peuvent subvenir à leurs besoins vitaux, elles soient réorientées sur l'Hospice général qui, lui, appliquera la LIASI ainsi que le veut sa vocation. D'autre part, l'amendement propose une modification de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle pour faire en sorte que ce qui a été modifié en 2011 lors de vos travaux et qui donnait cette compétence au SPC soit corrigé et qu'on revienne à la version «ante», celle de 2006, qui dit clairement que le SPC est en charge de toutes les situations d'aide sociale pour les personnes en EMS ou celles au bénéfice d'une convention; mais qu'en ce qui concerne les personnes qui doivent recevoir une aide à domicile et qui sont dans l'attente de prestations complémentaires à l'AVS, elles soient suivies par l'Hospice général. En faisant cela, vous serez en conformité avec votre rôle de législateur pour qui une loi doit s'appliquer de la même manière pour tous. Je vous remercie de votre attention.
M. Christian Frey (S). Ce projet de loi a été déposé à un moment où les délais d'attente pour des personnes qui avaient besoin de prestations sociales ou d'avances, plutôt, sur les prestations du SPC, étaient tout simplement trop longs. A partir de là, comme il est bien décrit dans le rapport, un groupe de travail s'est créé, des solutions ont été trouvées pour remplacer cette action des services sociaux privés, qui n'étaient pas du tout prêts - enfin, ils l'étaient puisqu'ils le faisaient, de manière obligée, mais n'avaient pas les moyens de faire face pour systématiquement dépanner des gens puisque les services de l'Etat avaient des délais beaucoup trop longs. Ensuite, cette solution de l'antenne SPC a été mise en place, en effet. Elle a certainement amené une amélioration, et cela n'est pas contesté. Mais c'est un emplâtre sur une jambe de bois: au fond, on bricole. Concrètement, qu'est-ce que cela veut dire ? La plupart des demandes d'avances sur des prestations sociales - 65% - venaient en fait des centres sociaux de l'Hospice général. A ce moment-là, une personne s'adresse à l'Hospice général, qui est le service social prêt à délivrer ces avances, avec accompagnement social, au moment où elles sont nécessaires car correspondant à un besoin vital, mais ce service ne peut pas agir et est obligé de la renvoyer à une antenne spécialisée qui se trouvait, si je ne m'abuse, aux Eaux-Vives, et ensuite, une fois que ces prestations ont pu être données, on retourne la situation au SPC. Tout cela est très compliqué et ne correspond pas à la mission première de ces deux services, le SPC et l'Hospice général. C'est celui-ci qui a les moyens de faire un accompagnement social, de répondre à des besoins de première nécessité, ce n'est pas le SPC, et la direction du SPC le dit d'ailleurs très clairement. Le fait que le SPC ne fasse que des démarches administratives se reflète d'ailleurs aussi dans le prix moyen que coûtent les dossiers: on ne va pas entrer dans ces considérations-là, mais c'est vrai que si un accompagnement social par des assistants sociaux de l'Hospice général lié à ces avances coûte plus cher, il a aussi des effets immédiats et répond à des demandes claires.
Au cours de ces longs travaux - ils durent depuis 2012 - une clarification à travers l'amendement général que la rapporteuse de minorité a mentionné a pu être établie; tous ces aspects - on parle de x centaines de dossiers qui devraient aller d'un endroit à un autre, on parle de la colonne vertébrale qui serait remise en question - toutes ces choses qui empêchaient ou rendaient plus compliquée la répartition des tâches entre le SPC et l'Hospice général ont été clarifiées via cet amendement général que nous vous proposerons bien sûr d'accepter dans la mesure où vous entrez en matière sur ce projet de loi. Cet amendement général...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Christian Frey. ...permet de rendre à chacun le sens de son travail: à un service social le sens de son propre travail, et au SPC, qui est un service administratif, le sien. C'est dans cet esprit que le groupe socialiste vous demande d'entrer en matière sur ce projet de loi et de tenir compte ensuite de l'amendement général proposé. Je vous remercie.
Mme Frédérique Perler (Ve). Je crois que les explications ont été données quant aux objectifs de ce projet de loi, qui en effet a été déposé en 2012, et est toujours d'une actualité brûlante. Malgré les efforts fournis dans l'intervalle par le Conseil d'Etat et l'Hospice général, on est toujours dans une situation compliquée, difficile pour la population genevoise qui doit bénéficier de ces prestations. Je ne vais pas rappeler les objectifs du projet de loi ni réexpliquer l'amendement général, mais simplement attirer votre attention, Mesdames et Messieurs les députés, sur deux ou trois éléments. Le système actuel n'est pas satisfaisant, loin de là: il y a à remédier à ses lacunes, et l'amendement général le propose d'une manière assez limitée, mais c'est quand même une proposition tout à fait valable et qui permettra à ce Grand Conseil de réfléchir à la question de manière plus approfondie. Deuxième élément: la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle n'est pas appliquée. Ça, c'est beaucoup plus grave ! Surtout si on le fait de manière consciente. Refuser cet amendement général, c'est donc nier les difficultés qui prévalent au sein de la population genevoise, et je peux en témoigner, je peux vous dire que tout le monde n'arrive pas à avoir accès à ces prestations; c'est donc nier la problématique; et c'est délibérément limiter l'accès aux prestations d'aide sociale auxquelles, pourtant, un certain nombre de personnes ont droit en attendant des décisions du service des prestations complémentaires. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs, à voter l'amendement général, qui nous permettra d'amortir quelque peu les difficultés actuelles. Je vous remercie.
M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord saluer le travail fourni et complet qu'a établi le rapporteur de majorité Jean-Luc Forni. C'est en effet un dossier que nous avons traité sur plus de deux années, et deux législatures, à la commission des affaires sociales. Je remercie aussi les services de l'Etat - pour l'établissement de la convention entre le service des prestations complémentaires et l'Hospice général - qui ont fait leur travail sur ce point de manière très efficiente.
Je souhaite recadrer le débat. De quoi parlons-nous ? De 8 personnes qui ont bénéficié d'avances d'aide sociale, sur 150 dossiers. J'aimerais donc simplement amener un peu de bon sens dans ce parlement. On veut toujours faire mieux, faire différemment, valoriser plus, à Genève; mais je crois que les réponses sont assez parlantes: on parle de 8 dossiers. Je vais me concentrer sur l'amendement général, qui en fait émane des socialistes et avait été proposé en commission. Je vous cite un extrait du rapport de M. Forni, parce qu'il en a été débattu en commission: «Il est cependant vite apparu que cet amendement retirerait au SPC l'intégralité de sa compétence en matière d'aide sociale AVS/AI à domicile et en établissement - EMS - ainsi que l'aide sociale en lien avec les prestations complémentaires familiales. Ce serait un changement important de compétence en matière d'aide sociale en faveur de l'HG qui impliquerait le transfert d'environ 800 dossiers du SPC à l'HG avec des coûts non négligeables en termes de postes de travail supplémentaires. L'HG aurait aussi une charge porte-monnaie sans réelle plus-value dans l'accompagnement social et la réinsertion vu le profil des bénéficiaires.» Entendre cela, c'est répondre à la question de manière simple; il faut refuser l'amendement général.
M. François Baertschi (MCG). Soyons clairs, ce projet de loi pose de bonnes questions et a amené un débat intéressant, certaines modifications aussi, entre-temps. Certes, je comprends tout à fait les auteurs de ce texte: il y a eu de gros problèmes avec les prestations complémentaires pour aider les personnes en difficulté de manière concrète et précise. Leur intention était d'agir à travers une loi. C'est vrai qu'il y a un peu un sentiment de méfiance vis-à-vis de l'administration, d'ailleurs dû à des éléments objectifs, réels, qui se sont passés, comme certaines erreurs commises. Il nous semble néanmoins qu'une proposition de motion ou de résolution aurait été plus adéquate, parce que cela permet davantage de souplesse. On est actuellement dans une politique de répartition différente des tâches entre le canton et les communes; une partie de certaines tâches va éventuellement être attribuée aux communes, d'autres vont revenir aux cantons. Ce débat de fond a lieu en ce moment. Il est donc mauvais, même au sein des institutions, de geler une situation actuellement. Alors il y a diverses philosophies: certaines consistent à laisser beaucoup de poids à l'Hospice, d'autres à en laisser moins; il y a tout un jeu inter-institutionnel qui se trouve derrière toute cette réflexion, et je vous épargnerai tous ces détails, car ce n'est à mon avis pas le lieu d'en parler maintenant. Bien évidemment, nous sommes pour une amélioration du service rendu aux allocataires. Mais il est un peu dommage qu'on doive l'inscrire dans une loi; cela devrait presque être naturel - vous me direz, peut-être que je rêve, que je suis un peu optimiste sur ces éléments-là, je suis d'accord, mais d'une certaine manière, vouloir figer, si cela donne des garanties - et encore faut-il que l'allocataire fasse les recours suffisants, utilise les éléments de lois et de droit qui sont quand même assez lourds - je pense que ce n'est quand même pas la bonne méthode pour une amélioration. Un certain nombre d'améliorations ont tout de même été apportées ces derniers temps, peut-être pas suffisamment. C'est la raison pour laquelle nous ne voulons pas figer le système, nous ne suivrons pas ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Marc Falquet (UDC). Il y a quelques années, il y avait en effet des délais entre le dépôt du dossier et le moment où les prestations étaient versées, mais ce problème a été réglé, je crois, depuis la signature de la nouvelle convention entre l'Hospice et le SPC. Je ne pense donc pas que ce soit le moment de créer une nouvelle usine à gaz pour rien. Pour l'Hospice général, le véritable problème est le nombre des assistés qui s'y retrouvent: 22 000 personnes à l'assistance publique ! Il faudrait que les assistants sociaux travaillent comme tels au lieu qu'on fasse de ceux-ci des comptables sociaux, qui ne font que verser de l'argent; il faudrait en faire plutôt des coachs pour essayer de réinsérer ces gens. C'est ça, le véritable problème, ce n'est pas de créer un nouveau truc qui ne sert à rien: il faut vraiment faire travailler à nouveau les gens qui sont à l'assistance publique.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Monsieur Frey, vous n'avez plus de temps de parole. Je passe la parole à Mme la rapporteure de minorité.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Je suis un peu étonnée: d'un côté, on nous dit qu'il ne faudrait pas de comptables sociaux, mais des coachs, et ce qu'on est en train d'entériner en refusant ce projet de loi, c'est précisément un traitement purement administratif et financier de dossiers relativement sensibles. Ensuite, on nous parle de 800 dossiers: c'est faux, d'après la convention, il s'agit de 8 dossiers par mois, pas de 8 dossiers en tout et pour tout. 8 dossiers par mois à l'époque où la convention a été établie: entre-temps, ce chiffre s'est sans doute modifié, mais il reste probablement dans cet ordre de grandeur.
Finalement, en refusant cet objet et son amendement général, que fait ce parlement ? Il entérine simplement une inégalité devant une même loi. Soyez conscients que c'est cela que vous voterez en refusant ce projet de loi et son amendement. Parce que, comme on l'a dit, la convention a amélioré une situation auparavant inacceptable et qui pourtant a été tolérée durant quatre ans. La convention pose encore un certain nombre de problèmes. On l'a vu: pas d'accompagnement social; des prestations circonstancielles auxquelles les gens devraient avoir droit mais qui ne sont pas octroyées; un CASI octroyé selon le quotient familial et non pas par personne et en fonction des projets de la personne. Une erreur; pourquoi ? nous a-t-on dit. Parce qu'ils n'ont pas le logiciel informatique correspondant. Une fois encore, le SPC est chargé d'une tâche qu'il n'a pas les moyens d'appliquer. On nous dit encore qu'un certain nombre de problèmes subsiste; oui. Et qui en atteste ? Simplement les gens des services sociaux qui en pâtissent quotidiennement. Et j'aimerais quand même relever cette incongruité: on nous sert un bilan satisfaisant de cette convention alors que le bilan a été fait par ceux qui sont directement concernés, il s'agit en fait d'une auto-évaluation, sur laquelle vous vous appuyez pour justifier une inégalité de traitement. C'est un scandale.
Nous avons entendu les services sociaux privés, qui disent à quel point ils sont submergés et par le nombre de demandes, et par l'aide financière qu'ils doivent octroyer à la place de la LIASI. Cela n'est pas acceptable, d'une part parce que la LIASI est violée, qu'elle ne remplit pas sa vocation, d'autre part parce qu'on surcharge les services sociaux privés qui ont, eux, d'autres vocations qu'ils ne sont plus en mesure d'assumer correctement, parce qu'une partie de leurs ressources sont détournées de leur destination première. Je vous appelle donc vraiment à voter cet amendement général; il ne s'agit pas d'une usine à gaz, contrairement à ce qui a été affirmé: il s'agit simplement de revenir à la situation qui prévalait avant 2008, date à laquelle on a soudain décidé que c'était le SPC qui devait procéder à ces avances sans aucune base légale - et il l'a fait de travers, non pas que les gens ne soient pas compétents au SPC, mais ils n'ont simplement ni les moyens ni la formation adéquate pour assumer cette fonction. Aussi, je vous appelle véritablement à voter ce projet de loi. Il n'est pas extrêmement coûteux, quoi que vous en pensiez, mais il rétablit l'égalité de traitement, et surtout, il redonne à ce parlement une certaine dignité au sens où les objets votés dans cette enceinte doivent respecter les autres lois et garantir l'égalité de tous devant la loi. (Applaudissements.)
M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de majorité. La majorité de ce parlement mentionnée dans mon rapport vous invite à refuser l'amendement général. Il modifierait profondément les compétences actuelles de l'Hospice général et du service des prestations complémentaires. Mon collègue Hiltpold l'a rappelé avec force: même si la situation actuelle, cette antenne SPC-Hospice général qu'on a créée, n'est pas totalement satisfaisante, elle résout la majeure partie des problèmes, et, on l'a aussi dit, cet amendement général ne formerait finalement qu'un rafistolage supplémentaire. Si on veut absolument revoir tout le système, il faut le faire dans le cadre d'un nouveau projet de loi qui reprenne à la fois la LIASI et les compétences du service des prestations complémentaires; mais ce n'est pas le cadre du débat d'aujourd'hui. Aussi, nous vous invitons à refuser d'entrer en matière sur ce projet de loi.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous demande de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je rappelle que le 4 juin 2012, lorsque ce texte a été déposé, il visait dans sa formulation initiale à introduire une obligation pour le SPC de prendre des décisions d'aide sociale dans un délai de dix jours. La problématique visée par ce texte était celle du délai d'attente imposé aux personnes qui faisaient appel à ce service et devaient, pour pouvoir faire face à leurs besoins durant cette période intermédiaire, douloureuse, avoir recours à des institutions privées comme Pro Infirmis ou Pro Senectute. La problématique est devenue aiguë lorsque ces deux institutions, croulant sous les demandes, ont dû renoncer à intervenir, ce qui plaçait évidemment ces personnes en attente de prestations dans une situation particulièrement difficile. Après avoir procédé aux auditions nécessaires, la commission a suspendu ce projet de loi en invitant le département - c'était sous la législature précédente - à mettre en place un système pratique, praticable, pour permettre justement de pallier cet inconvénient. C'est ainsi qu'un groupe de travail a été mis sur pied, réunissant l'Hospice général, le service des prestations complémentaires ainsi que des partenaires externes comme Pro Infirmis et Pro Senectute. Finalement, en janvier 2013, une convention a été adoptée, valable jusqu'en juin 2014 - période d'essai d'un an et demi - liant le service des prestations complémentaires et l'Hospice général et faisant en sorte que celui-ci assume ces prestations transitoires le temps que le service des prestations complémentaires puisse rendre ses décisions. C'est ainsi que l'examen de ce projet de loi a été repris en mai 2014, et que la commission a pu se convaincre, par l'audition des divers partenaires, que le système fonctionne, raison pour laquelle cette convention a été pérennisée à partir du mois de juin 2014. Aujourd'hui, le système fonctionne.
Alors évidemment, il suffit d'entendre Mme le rapporteur de minorité pour se rendre compte que le débat mené ici dépasse largement l'objet qui vous est soumis; c'est un combat que je qualifierais de militant, respectable, bien sûr, mais qui évidemment n'a pas à conduire les réflexions au sein de ce parlement. Voyant que la situation est désormais réglée à la satisfaction de chacun, on a changé son fusil d'épaule en disant: «Il faut maintenant prendre en charge ces personnes - des personnes âgées, notamment - non pas seulement financièrement, il faut qu'il y ait un accompagnement social.» A quoi je réponds qu'il faut bien sûr qu'il y ait aussi un tel accompagnement; mais vous nous dites qu'il faut que celui-ci soit effectué par l'Hospice général sur la base de la LIASI, et du coup, il faut que l'Hospice général assume également les prestations financières. On est donc en train de déstructurer le système pour, au fond, enlever des prestations au SPC et les transmettre à l'Hospice général, Hospice général qui croule déjà sous le travail non seulement pour l'aide sociale, avec une hausse des bénéficiaires entre 2014 et 2015 - je vous le donne en primeur - de 8%; nous sommes en train d'examiner les causes de cette explosion du nombre de bénéficiaires. La hausse entre 2013 et 2014 était de 4%, ce qui était déjà énorme. Je ne parle même pas des tâches de l'Hospice général dans le domaine de l'asile, qui atteignent des sphères astronomiques; et on dit: «Il faut donner des tâches supplémentaires à l'Hospice général», ces tâches précisément que le canton veut transférer aux communes avec leur accord, ce qui fait partie du premier train de lois soumis à la commission des affaires communales, dans lequel il est prévu que l'accompagnement social de proximité pour les personnes âgées soit pris en charge par les communes.
Je vous en conjure, Mesdames et Messieurs les députés, ne construisons pas une usine à gaz, comme cela vient d'être dit, alors que nous avons un système qui fonctionne. Travaillons avec les éléments que nous avons; aujourd'hui, il n'y a personne qui ne reçoit pas de prestations pendant des périodes d'attente. Madame Haller, je sais que vous me trouverez toujours le cas particulier qui en effet a attendu dix jours de plus: eh bien, vous viendrez avec ce cas particulier jusqu'à mon bureau et je le réglerai dans les vingt-quatre heures; mais on ne change pas des lois pour des cas particuliers, nous avons aujourd'hui une loi qui fonctionne, je vous demande de la maintenir telle quelle.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. J'invite l'assemblée à se prononcer sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 10985 est rejeté en premier débat par 56 non contre 32 oui.