République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 18 décembre 2015 à 14h
1re législature - 2e année - 12e session - 78e séance
P 1950-A
Débat
Le président. C'est le tour de la P 1950-A. Le rapport est de M. Pascal Spuhler, et je lui passe la parole.
M. Pascal Spuhler (MCG), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des pétitions a déjà entendu un certain nombre de réclamations en ce qui concerne les nuisances nocturnes, notamment dans le cadre d'une autre pétition sur le même problème provenant du même secteur, des mêmes habitants, du même quartier. Cette pétition avait été traitée il y a environ deux ans et renvoyée au Conseil d'Etat avec l'espoir qu'il donne satisfaction; comme vous pouvez le constater en lisant le rapport, ça n'a pas - ou en tout cas très peu - été le cas, et c'est pour cette raison que les habitants ont redéposé leur pétition.
Vous connaissez tous l'histoire de la rue de l'Ecole-de-Médecine, une rue qui a évolué, qui a été sollicitée par notre jeunesse - et d'autres, d'ailleurs - où les établissements publics se sont multipliés, et c'est devenu un véritable calvaire pour les habitants qui, eux, sont là depuis bien plus longtemps que les bars en question. Des aménagements divers et variés ont été inventés au fur et à mesure du temps: on a déplacé les terrasses contre le mur, au bord de la route, au milieu du trottoir, on les a circonscrites avec des barrières... Bref, on a essayé de trouver des solutions mais sans succès, ce n'était satisfaisant pour personne. Pour l'instant, la seule solution est celle de la répression, c'est-à-dire envoyer la police pour qu'elle intervienne sur place afin de calmer les ardeurs du public qui fréquente ces terrasses et faire diminuer le bruit.
Ces demandes sont tout à fait légitimes, Mesdames et Messieurs, et ne concernent pas seulement la rue de l'Ecole-de-Médecine: on a bien compris que d'autres rues de Genève sont touchées par cette problématique, comme la rue Blanvalet, d'autres rues des Pâquis où il y a une multitude d'établissements, et la problématique reste la même. Nous espérons, ça a été relevé lors les débats, que la nouvelle LRDBHD permettra de résoudre ou en tout cas de diminuer ces nuisances pour les habitants, qui méritent de pouvoir profiter de leur nuit de sommeil. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Un autre élément a été relevé, et le Conseil d'Etat l'a reconnu, c'est qu'il y a eu des problèmes d'organisation au sein du SCom, notamment lorsqu'il était nécessaire d'intervenir auprès de ces établissements publics et de sévir. Le Conseil d'Etat espère maintenant avoir remis de l'ordre dans son service.
Nous avons estimé, vu que la première pétition n'a pas eu le résultat escompté et que la demande est la même sur le fond, que nous devions renvoyer cette pétition-ci au Conseil d'Etat parce que les nuisances sont vraiment très fortes et pénibles à supporter pour les habitants - nous savons toutes les conséquences qu'elles peuvent avoir sur le caractère, le sommeil, la santé même, et nous pensons qu'il est important d'agir. Pour revenir à la pétition que nous avons traitée à l'instant, ces deux textes sont peut-être contradictoires, mais ils sont aussi complémentaires. En effet, si nous voulons intervenir à la rue de l'Ecole-de-Médecine, qui est très fréquentée par notre jeunesse, il faut également pouvoir lui fournir d'autres endroits auxquels se rendre, des lieux pour pouvoir s'éclater, parce que nous connaissons tous l'importance de boire un verre entre amis, de s'amuser et faire la fête, ceci dans le respect du voisinage et des gens autour de nous. Ainsi, Monsieur le président, nous espérons que le Conseil d'Etat trouvera les bonnes solutions. Je vous remercie.
M. Raymond Wicky (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, dans le prolongement de la pétition précédente, le PLR a été assez sensible aux auditions effectuées et au constat transmis par les habitants du quartier. La problématique n'est peut-être pas directement liée à ces établissements mais plutôt à leur extension sur le domaine public qu'opère le public qui les fréquente: il se l'approprie, ce qui fait qu'on se retrouve avec une rue qui festoie dans son ensemble. Il nous paraît important qu'on se saisisse du problème car certains témoignages que nous avons entendus montraient que ces habitants se trouvaient dans des situations vraiment peu enviables. C'est pourquoi nous recommandons également le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Merci.
Mme Sarah Klopmann (Ve). Nous, les Verts, comprenons que la situation soit difficile à supporter pour les habitants de la rue de l'Ecole-de-Médecine; effectivement, il y a du bruit, on ne peut pas le nier. Néanmoins, les pétitionnaires ont des demandes vraiment très dures et surtout contre-productives ! Comme vient de le dire M. Wicky, le problème, c'est aussi le bruit dans la rue. Or en fermant les établissements à minuit, ce problème s'accroît, ce qui a d'ailleurs déjà été le cas lors de tentatives de fermer les établissements nocturnes de la rue de l'Ecole-de-Médecine plus tôt, et les habitants eux-mêmes avaient admis, autant à la commission de l'économie qu'à celle des pétitions, que ça générait finalement encore plus de problèmes car les gens restaient dans la rue, sans lieu où se retrouver, sans établissement où se rendre et sans aucun encadrement. Aussi, «retirer immédiatement l'autorisation d'exploiter ces établissements après minuit [...]» n'est pas la solution, ça a été démontré.
La seconde demande, c'est de «faire appliquer les lois et sanctions, notamment concernant la tranquillité publique [...]». La nouvelle LRDBHD entrera en vigueur le 1er janvier 2016, elle a été largement durcie sur toutes les questions relatives aux nuisances, et ce travail va donc être fait, nous savons très bien la volonté du magistrat de réduire les nuisances et lui faisons confiance sur ce point-là - en tout cas sur celui-là, peut-être un peu moins sur les autres ! (L'oratrice rit.) Par contre, nous regrettons toujours un peu de constater que la tranquillité publique reste une notion dont les limites n'ont pas été clairement définies. A de nombreuses reprises, on a demandé qu'il soit déterminé dans quels secteurs la tranquillité devait régner afin de pouvoir considérer qu'il y avait un manque de respect de celle-ci, mais sans jamais obtenir de réponse claire à ce sujet. Et on va maintenant demander aux exploitants de cafés-restaurants de faire la police devant leur établissement, là aussi dans un périmètre qui reste non défini ! Cela nous semble une mesure extrêmement dangereuse. Pour ces raisons-là, nous préférons les solutions actuellement mises en place, qui consistent en des discussions entre les autorités communales et cantonales, les propriétaires des bistrots et les habitants. Avec cela, nous trouverons une réelle solution. Je le répète: la solution demandée ici, soit la fermeture des bars à minuit, est contre-productive, même les habitants l'ont admis. Merci.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Mesdames et Messieurs les députés, tout comme les Verts, le parti socialiste a tout à fait entendu et compris les besoins des habitantes et des habitants de la rue de l'Ecole-de-Médecine. Nous ne remettons absolument pas en question le droit qu'ils ont, comme tout un chacun, à pouvoir dormir en paix. Toutefois, nous relevons que dans les invites, il est explicitement fait mention de retirer l'autorisation d'exploiter ces établissements après minuit; or, on l'a dit tout à l'heure, la LRDBHD donne la possibilité d'exploiter et, en cela, la loi s'applique.
De la même façon, il est demandé de faire appliquer lois et sanctions; et bien, lors de l'audition de M. Maudet, en charge du département, nous avons été rassurés par ses propositions: il a clairement mentionné que pendant longtemps, il est vrai, la loi n'avait pas été appliquée de manière exemplaire mais qu'aujourd'hui une collaboration avec la police municipale de la Ville de Genève et donc avec le magistrat Guillaume Barazzone donnait des résultats plutôt heureux, qu'il allait appliquer une nouvelle sanction permise par la LRDBHD, soit de pouvoir fermer, même de manière temporaire, des lieux publics qui ne respectent pas strictement les conditions d'exploitation, dont celle de préserver le calme pour les riverains, et qu'il n'hésiterait pas à faire appliquer ces sanctions qui auraient alors valeur d'exemplarité et un effet dissuasif sur les autres tenanciers.
Concernant les mesures pouvant être prises par des temps plus cléments, notamment en été, il nous a été fait mention d'une expérience qui allait être menée avec une entreprise privée, laquelle pourrait mesurer les seuils de bruit et déclencher une sorte d'alarme auprès des tenanciers lorsque ces seuils seraient dépassés. Toute une série d'autres mesures accompagnent donc celles déjà existantes, en conséquence de quoi on ne peut pas dire que la loi n'est pas appliquée. C'est la raison pour laquelle le parti socialiste a demandé le dépôt de cette pétition.
M. Jean-Luc Forni (PDC). J'aimerais élargir un peu le débat à un problème de santé publique. En effet, le bruit et les nuisances empêchent les habitants de dormir, avec les conséquences que l'on sait sur la santé, notamment en termes de dépression - bon, je ne veux pas vous dépeindre un tableau trop apocalyptique. Mais je voudrais aussi qu'on élargisse la réflexion à ce qui se passe à l'intérieur de certains établissements, toujours en matière de santé publique, surtout quand on lit par exemple dans la «Tribune de Genève» d'aujourd'hui que tous les établissements pourfendent la loi sur l'interdiction de fumer et qu'on peut fumer librement à partir de minuit dans les établissements sans que le SCom, qui est chargé de faire respecter la loi, intervienne - il semble que les inspecteurs vont se coucher tôt dans ce service ! Je pense qu'il y a là un problème manifeste de santé publique, on bafoue la loi telle qu'elle a été votée et acceptée à trois reprises par les citoyens genevois. Aussi bien le bruit à l'extérieur que les nuisances à l'intérieur, notamment à cause de certaines consommations, peuvent être problématiques, et je pense que le Conseil d'Etat doit s'en occuper en urgence. Voilà pourquoi nous soutiendrons le renvoi de cette pétition, élargie aux problèmes évoqués à l'instant, au Conseil d'Etat.
Mme Salika Wenger (EAG). Je vais vous annoncer une chose que vous n'avez probablement jamais envisagée, j'en suis certaine: dans les villes, il y a du bruit...
Une voix. Non !?
Mme Salika Wenger. ...il y en a toujours eu, et je n'ose pas penser au bruit qu'il devait y avoir au XIXe siècle, par exemple, avec les métiers portes ouvertes, le bruit des chevaux, ces nuisances devaient être un enfer à ce moment-là. Or ça n'a pas empêché notre ville de se développer tout à fait normalement ! Pour ceux qui s'imaginent pouvoir vivre en ville comme à la campagne, je leur dis que ce n'est pas possible ! En ville, il y a du bruit, il y a des bistrots, et heureusement ! Nous sommes l'une des villes les moins attrayantes de toute la Suisse romande la nuit. Si nous allons à Lausanne, si nous allons n'importe où ailleurs, les nuits sont passionnantes, avec des endroits où on peut se rencontrer, où on peut écouter de la musique, où on peut vivre. Ce n'est pas le cas à Genève, où le peu que nous avons est extrêmement cher.
Dans cette rue de l'Ecole-de-Médecine, il est vrai qu'il y a des bistrots, des terrasses; bien.
Une voix. Et des locataires !
Mme Salika Wenger. Et des locataires, oui. Je comprends qu'ils aient parfois quelque problème pour dormir; très bien. Mais devons-nous pour autant cesser et empêcher la vie nocturne, le peu de vie nocturne dont Genève bénéficie ? En l'occurrence, il s'agit de terrasses, qui ne sont là que l'été - et j'ai envie de dire que c'est tant mieux. C'est tant mieux ! Encore une fois, qu'on renvoie cette pétition au Conseil d'Etat, très bien ! Mais il y a encore une autre chose qu'il faut souligner, c'est que, comme dans toutes les villes, les espaces de loisirs sont fluctuants: actuellement, c'est la rue de l'Ecole-de-Médecine, mais nous savons que ça peut changer d'un moment à l'autre, et nous avons tous fréquenté d'autres quartiers avec des bistrots et les mêmes problèmes. Alors se focaliser ainsi sur la rue de l'Ecole-de-Médecine... J'ai envie de dire que dans deux ans, ce ne sera plus à la mode !
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Chers collègues, vous êtes priés de voter sur les conclusions du rapport, à savoir le renvoi au Conseil d'Etat.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1950 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 51 oui contre 19 non.