République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 13 novembre 2015 à 15h
1re législature - 2e année - 10e session - 65e séance
M 2166
Débat
Le président. Nous nous penchons à présent sur la proposition de motion 2166, et je passe la parole à son auteur, M. Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Avant de parler de la motion, j'aimerais juste faire une remarque au Bureau du Grand Conseil: nous traitons maintenant des motions déposées il y a plus de deux ans. Cela fait plus de deux ans que les services de M. Poggia n'ont pas été inscrits dans l'ordre du jour du Grand Conseil ! Cela pose des problèmes, car cela signifie que chaque fois qu'on dépose une motion, il faut réfléchir si l'on doit demander l'urgence ou non, sachant que certains départements attendent plus de deux ans avant que leurs objets soient traités en plénum. Cela pose de gros problèmes ! Cette motion a été déposée normalement, et on attend depuis deux ans que le département de M. Poggia prenne la parole sur ce sujet. C'est fort dommageable pour le fonctionnement du Grand Conseil.
Je reviens au sujet. Ce texte demande simplement qu'on étudie la situation des personnes âgées qui, de plus en plus, veulent rester à domicile, parce qu'elles ont de la peine à envisager d'aller dans un EMS. Les personnes âgées ont même de la peine à envisager d'aller dans des bâtiments équipés spécialement. Elles vivent dans leur quartier et aimeraient y rester. On bénéficie de dispositifs de plus en plus nombreux, et qui restent simples, permettant de protéger les personnes âgées dans leur appartement. Aux yeux du parti démocrate-chrétien, il serait donc important qu'on étudie ce qui se passe actuellement et ce que l'Etat pourrait faire pour mettre des moyens simples de surveillance à disposition des personnes âgées. Il existe déjà la montre et les systèmes de télé-alarme: les utilisateurs peuvent appuyer sur un bouton et être mis en connexion immédiate avec quelqu'un pour recevoir du secours, par exemple en cas de chute. Toutefois, il arrive que des personnes tombent et perdent connaissance, il leur est alors impossible d'appeler qui que ce soit. Comme je l'ai noté dans l'exposé des motifs, nous savons qu'il existe des systèmes, créés par des sociétés françaises, qui permettent de lancer une alerte si quelqu'un est au sol et ne bouge pas. On pourrait quand même se poser la question de savoir si on ne devrait pas promouvoir, aider et soutenir ces nouveaux moyens de protection de la personne âgée, par leur installation dans un appartement. Deuxièmement, on pourrait faire fonctionner l'éclairage la nuit, quand les personnes se lèvent pour aller aux toilettes. Les chutes surviennent souvent à cause des problèmes de vision, les personnes âgées ne sachant plus tellement où elles sont quand elles allument la lumière. Il existe des moyens simples, mais qui ne sont pas installés au moment de la construction des logements, des moyens portatifs de télé-alarme et de télé-surveillance des personnes âgées.
Je pense que promouvoir ce genre de systèmes représente l'avenir, pour les personnes âgées. Il est certain que ce n'est pas à l'Etat de payer, mais c'est quand même à l'Etat de voir s'il ne peut pas promouvoir ces systèmes; économiquement, cela peut aussi être intéressant de soutenir certaines sociétés qui pourraient se créer dans le canton de Genève pour fabriquer ce genre d'équipements. Dans vingt ou trente ans, les systèmes utilisés aujourd'hui seront complètement dépassés, on aura des systèmes fantastiques pour surveiller les personnes âgées et leur donner un peu de cette sécurité dont elles ont besoin à la maison. Souvent, elles ont peur de rester chez elles parce que seules, elles ne s'y sentent plus du tout en sécurité.
Le parti démocrate-chrétien vous demande de renvoyer cette motion à la commission de la santé; pas à la commission du logement, parce qu'il n'existe pas seulement des systèmes intégrés lors de la construction d'un logement, mais aussi des systèmes portatifs, par conséquent je ne pense pas que ce soit à la commission du logement de s'en saisir, mais à la commission de la santé.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Neuf personnes âgées sur dix souhaitent rester le plus longtemps possible à domicile, dans les lieux auxquels elles sont habituées. On serait en mesure d'atteindre cette proportion avec l'aide des nouvelles technologies numériques favorisant l'autonomie. Les technologies ont connu une évolution encourageante ces dernières années grâce à des recherches ciblées. Les avantages de ces nouvelles technologies sont d'assurer aux personnes âgées la possibilité de rester dans un environnement qu'elles connaissent: c'est bon pour leur mental et leur moral ! Comme nous le savons, à l'avenir, cette catégorie tendra à augmenter d'une manière irréversible et exponentielle à cause de l'allongement de l'espérance de vie. Cela entraîne une augmentation des malades chroniques, du nombre de personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer, de l'ordre de 1,5% en Suisse, de celles souffrant de la maladie de Parkinson et de celles présentant des troubles cognitifs, entre autres. L'objectif, en maintenant les seniors le plus longtemps possible dans leurs lieux de vie, est aussi de réaliser des économies dans la gestion du vieillissement en diminuant ou en neutralisant les coûts liés à la construction d'hôpitaux et d'établissements médicaux sociaux et à leur fonctionnement.
Les seniors sont de plus en plus à même d'utiliser les nouvelles technologies que sont les ordinateurs, les tablettes numériques et les portables. Cela peut contribuer à maintenir les capacités physiques et intellectuelles et facilite l'utilisation des nouvelles technologies dont la télé-alarme est un bon exemple. L'Etat est en mesure de jouer un rôle prépondérant dans ce processus en intégrant ces technologies dans les nouvelles constructions, mais aussi en soutenant les sociétés et les universités spécialisées dans les gérontechnologies et dans l'étude des phénomènes liés au vieillissement. Dans le cadre de l'innovation au service des missions de l'IMAD, l'une des orientations principales est le lancement - en collaboration avec l'Association vaudoise d'aide et de soins à domicile - d'une enquête qualitative sur les besoins en gérontechnologies des personnes âgées.
L'UDC vous demande aussi de renvoyer cette motion à la commission de la santé.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Garantir le maintien à domicile le plus longtemps possible et augmenter la qualité de vie des personnes âgées sont évidemment des objectifs que nous devrions tous avoir. De ce point de vue, nous partageons la préoccupation exprimée dans cette proposition de motion. Néanmoins, il nous semble que ces questions extrêmement importantes nécessitent un examen particulier. Il serait dommageable que la préoccupation du dernier cri, de la dernière technologie, aille finalement à l'encontre des intérêts des personnes. On l'a vu avec un certain nombre d'expériences où la volonté d'avoir toujours le dernier modèle a fait que l'intérêt de la personne passait parfois au second plan. Par ailleurs, la présence des nouvelles technologies dans ce domaine d'activité pose un certain nombre de questions éthiques, notamment en matière de respect de la sphère privée. Il nous semble qu'il est important qu'une interrogation, qu'une interpellation éthique, puisse être posée dans le cadre de la commission. Enfin, il serait dommageable que l'humain remplace la machine. Parfois, on sait qu'il pourrait y avoir une tentation d'opter pour le moyen le plus facile en évitant d'investir dans l'humain. C'est pourquoi nous soutiendrons la proposition de renvoi à la commission de la santé et nous espérons que ces questions pourront être reprises par la commission.
Mme Frédérique Perler (Ve). Dans notre société marquée par la longévité, si l'espérance de vie ne cesse de progresser, elle se conjugue, suivant les chances de chacune ou de chacun, à une perte d'autonomie physique et à l'apparition de troubles cognitifs ou de maladies neurodégénératives. C'est là notre condition humaine, chers collègues: nous vieillissons, nous serons de plus en plus nombreux et il s'agit de pouvoir conserver au maximum notre autonomie avec du confort et de la sécurité, comme cela a déjà été dit. Au fond, c'est de la plus haute importance dans la vie quotidienne de nos aînés.
Dans une société marquée par la longévité, les autorités politiques ont une responsabilité et un rôle à jouer s'agissant d'une prise en charge de qualité, et les nouvelles technologies dont nous parlons aujourd'hui en font partie. Il convient donc d'examiner la portée que les nouvelles technologies pourraient avoir dans le cadre du maintien à domicile en étudiant cette question à la commission de la santé, ce que le groupe des Verts vous invite à faire.
M. Christian Frey (S). Le groupe socialiste soutient aussi le renvoi à la commission de la santé. Il est vrai que nous avions un petit doute: nous nous demandions si nous pouvions renvoyer cette motion à la commission des affaires sociales, mais la commission de la santé semble bien être une des possibilités. Je ne vais pas répéter ce que mes préopinants ont dit, mais il est vrai qu'il faut commencer par favoriser tous les aménagements possibles dans le domicile privé, là où les personnes vivent toujours, avant d'envisager les autres mesures que peuvent être les immeubles à encadrement voire les EMS, sans oublier les UATR et les UATM. Je ne vais pas revenir là-dessus, mais c'est tout un faisceau de mesures qui permettra de garder à domicile le plus longtemps possible les personnes âgées ou en situation difficile. C'est la raison pour laquelle nous sommes tout à fait d'accord avec ce renvoi à la commission de la santé, pour que ces questions puissent être étudiées, évidemment aussi dans leurs aspects financiers. Parce qu'évidemment, comme le disait le député Buchs, il y a certainement un coût et il s'agira de déterminer qui paie quoi, et les modalités de ces financements.
M. Christophe Aumeunier (PLR). S'il s'agit en définitive d'améliorer les standards et d'équiper le plus grand nombre de logements possible pour que les locataires ne se déplacent plus, qu'on ait une adaptation du logement au moment où le locataire en a besoin, alors il faut renvoyer cet objet à la commission du logement, parce que c'est celle-ci qui traite de l'ensemble des logements à Genève, et c'est elle qui apprécie les surcoûts, avec l'aide du département et de ses services, et détermine comment ces surcoûts sont absorbés dans les plans financiers. Raison pour laquelle nous accueillerons favorablement cette motion et préconisons qu'elle soit renvoyée à la commission du logement.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, permettre de bien vieillir chez soi fait partie des axes stratégiques de mon département et le fait que deux années se soient écoulées depuis le dépôt de cette motion nous permet de dire aujourd'hui résolument que les gérontechnologies, comme on les appelle, ne relèvent pas de l'avenir: elles relèvent du présent. La maison de retraite du Petit-Saconnex fait partie d'un projet pilote européen dans lequel des appartements sont équipés de ces technologies. Ce ne sont donc pas uniquement des technologies liées au logement, mais aussi à la personne, bien sûr: par exemple, une tablette qui informe la personne âgée du lieu où elle a mis ses clefs, où elle a posé ses lunettes; qui récolte les données des prises de tension pour les adresser immédiatement au médecin traitant avec des signaux d'alerte le cas échéant; qui informe les proches aidants pour les rassurer, le cas échéant, sur le fait que le proche aidé est en bonne santé.
Toutes ces technologies sont déjà une réalité. Elles apportent un avantage incontestable, mais, comme on l'a dit très justement, elles ne remplacent évidemment pas la relation humaine. Il ne s'agit pas de confier la prise en charge de nos aînés à des robots de plus en plus sophistiqués. Il s'agit simplement d'apporter une valeur ajoutée pour la personne âgée, et non pas du stress avec des gadgets. Vous vous souvenez sans doute de la période où nous n'avions pas de téléphones portables: étions-nous réellement plus malheureux qu'aujourd'hui ? Pourtant, aujourd'hui, avec notre téléphone portable, nous avons forcément l'incitation de nous assurer à chaque instant que nous n'avons pas reçu le message sans lequel nous ne pourrions pas vivre...
Bref, nous devons effectivement nous intéresser à cette question et nous le faisons. Des projets sont en cours avec l'IMAD, d'ailleurs: par exemple, la création d'un centre de compétences multidisciplinaires de gérontechnologie, l'analyse des besoins en matière de gérontechnologies pour spécifier cliniquement les besoins des personnes concernées, la création d'un appartement témoin, l'étude et la mise en oeuvre de solutions d'appel à l'aide pour les proches, précisément, et d'une solution de visiophonie permettant au client - c'est ainsi que l'appelle l'IMAD - d'entrer en contact avec des personnes qui font partie du réseau de soin. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Vous le savez, «Mon dossier médical» procède aussi de cette volonté d'entourer par tous les moyens possibles la personne âgée et, surtout, de faire circuler les informations.
Voilà ce que je voulais dire brièvement. Il y a beaucoup à développer sur ce sujet, et je ne vois évidemment pas d'objection à ce que cette motion soit renvoyée en commission pour que nous puissions vous exposer ce qui se fait déjà dans ce domaine.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat, et prie les députés de bien vouloir s'exprimer sur la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2166 à la commission de la santé est adopté par 52 oui contre 19 non et 2 abstentions.
Le président. Petite information à l'attention de M. Buchs qui, je le sais, surveille assidûment le fonctionnement de notre ordre du jour: le département de M. Poggia a été traité il y a moins d'une année, soit en décembre 2014 - ce n'était donc pas il y a deux ans. Selon la pratique, le tournus entre les départements s'opérait après le traitement des projets de lois. Votre président, depuis qu'il est entré en fonction, est parvenu - j'espère que cela ne vous aura pas échappé - à changer cette façon de faire, de sorte que chaque département se voit intégralement traité au moins une fois. Vous avez donc été entendu !