République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 8 mai 2015 à 15h
1re législature - 2e année - 5e session - 30e séance
M 2232-A
Débat
Le président. A présent, c'est le tour de la M 2232-A. Le rapport est de M. Christian Frey, qui peut s'installer à la table des rapporteurs... (Un instant s'écoule. Commentaires.) ...et ne prend apparemment pas la parole, laquelle revient alors à M. le député Marc Falquet.
M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, si cette proposition de motion ainsi que la résolution suivante ont été déposées, c'est à cause d'une certaine frustration...
Des voix. Plus fort !
M. Marc Falquet. Pardon, ce n'est pas assez fort ? (L'orateur parle davantage dans le micro.) Voilà, c'est bon. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Si cette proposition de motion ainsi que la résolution suivante ont été déposées, c'est à cause d'une certaine frustration vis-à-vis du système LAMal, frustration que l'on peut d'ailleurs relever dans la résolution du Conseil d'Etat. Le système LAMal a été mis en place avant tout pour faire fonctionner économiquement les assurances; s'attaquer au système fédéral de santé sans le réformer totalement reviendrait à proposer exactement la même chose sur le plan cantonal. En acceptant de développer une caisse maladie cantonale ou régionale sans refonte en profondeur du système LAMal, nous courons le risque d'avoir exactement les mêmes problèmes qu'au niveau fédéral, c'est-à-dire qu'on va plomber encore plus les caisses de l'Etat puisqu'on ne saura pas comment freiner les coûts. En effet, ce sont les coûts non pas de la santé, mais de la maladie, qui font augmenter les prix, et pas seulement le système opaque des assurances-maladie.
Si on veut réformer le système, il faudrait non seulement s'attaquer aux assureurs mais également s'interroger sur les honoraires des médecins... (Exclamations.) Oui, il faut le dire ! (L'orateur rit.) Le coût de la maladie est en grande partie dû aux honoraires de la médecine - même si c'est une médecine de pointe - je suis désolé de le dire ! On a bien essayé de faire diminuer les coûts de la santé en réduisant les frais liés aux médicaments, mais jamais on ne se pose la question des honoraires des médecins; certains d'entre eux gagnent 50 000 F par mois, ce qui est assez scandaleux, même s'ils sont tout à fait compétents. Je pense qu'il y a, là aussi, des économies à faire. Peut-être vaudrait-il également la peine de simplifier certaines approches de la maladie et de mettre en place un meilleur coaching de la santé. Si on veut pouvoir effectuer une bonne prévention de la santé et ne pas attendre que les gens soient complètement malades pour les soigner, il devrait en effet y avoir des coachs de santé.
Sans réforme profonde et sans réflexion quant à une approche globale de la santé, je pense qu'une assurance cantonale ou régionale nous amènera exactement les mêmes problèmes et risque d'avoir de graves conséquences financières pour l'Etat si celui-ci doit prendre en charge des frais qui vont sans cesse en augmentant. Merci beaucoup.
Mme Sarah Klopmann (Ve). Les Genevois ont voté en faveur de la caisse publique pour plusieurs raisons, d'abord parce que le système de remboursement des soins à Genève est déplorable et fait que les primes augmentent beaucoup plus que les coûts de la santé; ce n'est donc pas uniquement une question de coûts de la santé, mais aussi de gens qui s'enrichissent sur notre dos. Ensuite, je pense qu'ils ont également voté en faveur de cette caisse publique parce qu'ils se sont fait avoir en payant beaucoup trop sous prétexte d'une pseudo-solidarité qui ne fonctionne que dans un sens - celui où nous raquons pour les autres - et jamais dans l'autre, ce qui est un problème.
Deux textes nous sont présentés ici: d'une part, cette motion socialiste qui demande une caisse publique cantonale ou régionale, comme cela a été voté par le peuple genevois, d'autre part - nous en parlerons au point suivant - une résolution du Conseil d'Etat qui demande à Berne de permettre aux cantons ou aux régions, si plusieurs cantons se réunissent, de créer une caisse unique. Certes, c'est bien; l'ennui, c'est que le texte ne précise pas, et le magistrat d'ailleurs non plus, si cette caisse unique devrait être publique. Or, si une caisse unique non pas publique mais privée réduirait assurément l'un des gros désagréments actuels, c'est-à-dire la chasse aux bons risques à laquelle se livrent les assureurs, elle donnerait en revanche le monopole à un privé, qui pourrait continuer à augmenter les primes à tout va et à se remplir les poches aux dépens des assurés. Il faudrait que le Conseil d'Etat y soit très attentif et que la loi soit bien faite afin d'empêcher cela.
Je comprends que le Conseil d'Etat craigne un peu qu'on se retrouve avec la permission de mettre sur pied une caisse publique qui n'aurait pas le monopole car, comme cela a été noté avant, ce serait assez difficile à gérer. La solution, c'est en fait de renvoyer ces deux textes qui sont très complémentaires et demandent, pour l'un, une caisse unique, pour l'autre, une caisse publique. Les Verts sont ravis que ces deux objets aient passé la rampe de la commission et espèrent qu'un accueil favorable leur sera réservé à Berne.
M. Charles Selleger (PLR), député suppléant. J'aimerais simplement répondre à quelques propos de mon honorable collègue Falquet et surtout savoir d'où il tire ses renseignements au sujet des honoraires des médecins. Rappelons que ceux-ci, entre l'époque où je me suis installé, c'est-à-dire en 1988, voire quelques années avant, et l'introduction de TARMED en 2004, n'ont subi aucune réévaluation. Lorsque TARMED a été introduit, il était prévu qu'il le soit avec ce qu'on a appelé la neutralité des coûts, laquelle n'a pas été respectée après dénonciation de la convention par santésuisse et même irrespect du calcul du point tarifaire. Actuellement, nous sommes en butte à des attaques constantes sur la valeur du point tarifaire et les honoraires des médecins, qui sont pourtant inférieurs au salaire moyen de la fonction publique. Je ne vois donc pas pourquoi on attaque les médecins dans cet hémicycle s'agissant de cet objet parlementaire.
M. Bertrand Buchs (PDC). Cette motion va dans le sens de tous les autres textes déposés devant ce parlement. Je suis très content, et le parti démocrate-chrétien avec moi, que le Grand Conseil genevois, probablement le seul en Suisse, se préoccupe de la situation des assurés, qui ont de plus en plus de peine à payer leurs primes d'assurance-maladie, et propose une vision cohérente de la gestion des caisses maladie et des dépenses publiques liées à la santé. Je crois que l'ensemble de ces objets va dans le bon sens, même si on ne nous entendra probablement pas beaucoup à Berne. Mais je pense qu'il faut continuer dans cette voie; un jour, on gagnera, parce qu'on a raison. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). Nous avons à plusieurs reprises dénoncé la dictature des caisses maladie et la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons actuellement ainsi que les assurés face à la sélection des risques et aux primes qui deviennent ingérables pour de nombreux budgets. Il est certain qu'il faut faire le maximum, et ce texte parlementaire peut nous aider à aller dans la bonne direction; hélas, il est certain également qu'une bonne partie de la solution se trouve au niveau fédéral. Nous devons malgré tout résister, faire des propositions et agir, agir vite. Je vous remercie.
Mme Magali Orsini (EAG). Contrairement au représentant de l'UDC, nous pensons que la mise sur pied d'une caisse publique cantonale sera exemplaire pour les autres cantons et la Confédération, comme cela a par exemple été fait dans le passé pour l'assurance-maternité. On voit qu'on peut parfaitement créer une organisation cantonale qui donne le ton et soit suivie dans un second temps. Merci, Monsieur le président.
M. Christian Frey (S), rapporteur. Si je n'ai pas voulu prendre la parole auparavant, c'est parce que cette motion avait été acceptée à l'unanimité moins trois abstentions; je pensais donc qu'elle faisait l'objet d'un certain consensus. J'aimerais simplement dire au député Falquet - vous lui transmettrez, Monsieur le président - que ses déclarations sont hors de propos: c'est une question tout à fait différente, et s'il veut intervenir sur les sujets qui lui sont chers, il faut qu'il le fasse autrement, par des objets parlementaires spécifiques.
Ce que demande cette motion, c'est que le Conseil d'Etat agisse rapidement pour s'engager pour une caisse publique d'assurance-maladie cantonale ou régionale. Nous avons à dessein déposé cette motion le plus rapidement possible après la votation sur les caisses maladie parce qu'il nous semblait qu'avec la majorité qui s'était dégagée lors de cette votation à Genève et parmi les cantons romands - il s'agissait presque de la majorité de la population de Suisse romande - il fallait agir rapidement. Nous sommes très satisfaits - et nous allons tout de suite en parler - quant au fait que par la voie... (Brouhaha.) On ne m'écoute pas vraiment, Monsieur le président ! ...de la résolution 781, le Conseil d'Etat ait répondu, et rapidement, à cette motion - merci beaucoup ! Dans ce sens-là, je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de l'accepter largement, si possible à l'unanimité, afin de poursuivre dans l'esprit qui a prévalu lors des discussions à la commission de la santé.
Monsieur le président, encore une dernière remarque: la clef pour une solution se trouve dans une révision de la LAMal qui, bien sûr, va être discutée sur le plan fédéral. Il s'agit ainsi de faire un peu de lobbying auprès de nos collègues suisses allemands, puisque nous sommes majoritaires au niveau de la Suisse romande, afin que les Chambres fédérales acceptent de modifier la LAMal et permettent aux cantons, aux groupes de cantons ou aux régions qui le souhaiteraient d'organiser la question de la caisse maladie, que la motion qualifie de publique, dans les meilleurs délais possibles.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. Nous allons nous exprimer sur la prise en considération de cette motion.
Mise aux voix, la motion 2232 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 53 oui contre 16 non et 6 abstentions.